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Le Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas, Tome 2, 44-1. La vendetta

44-1. La vendetta

La vendetta.

«D'où monsieur le comte désire-t-il que je reprenne les choses? demanda Bertuccio.

—Mais d'où vous voudrez, dit Monte-Cristo puisque je ne sais absolument rien.

—Je croyais cependant que M. l'abbé Busoni avait dit à Votre Excellence....

—Oui, quelques détails sans doute, mais sept ou huit ans ont passé là-dessus, et j'ai oublié tout cela.

—Alors je puis donc, sans crainte d'ennuyer Votre Excellence....

—Allez, monsieur Bertuccio, allez, vous me tiendrez lieu de journal du soir.

—Les choses remontent à 1815.

—Ah! ah! fit Monte-Cristo, ce n'est pas hier, 1815.

—Non, monsieur, et cependant les moindres détails me sont aussi présents à la mémoire que si nous étions seulement au lendemain. J'avais un frère, un frère aîné, qui était au service de l'empereur. Il était devenu lieutenant dans un régiment composé entièrement de Corses. Ce frère était mon unique ami; nous étions restés orphelins, moi à cinq ans, lui à dix-huit, il m'avait élevé comme si j'eusse été son fils. En 1814, sous les Bourbons, il s'était marié; l'Empereur revint de l'île d'Elbe, mon frère reprit aussitôt du service, et, blessé légèrement à Waterloo, il se retira avec l'armée derrière la Loire.

—Mais c'est l'histoire des Cent-Jours que vous me faites là, monsieur Bertuccio, dit le comte, et elle est déjà faite, si je ne me trompe.

—Excusez-moi, Excellence, mais ces premiers détails sont nécessaires, et vous m'avez promis d'être patient.

—Allez! allez! je n'ai qu'une parole.

—Un jour, nous reçûmes une lettre, il faut vous dire que nous habitions le petit village de Rogliano, à l'extrémité du cap Corse: cette lettre était de mon frère; il nous disait que l'armée était licenciée et qu'il revenait par Châteauroux, Clermont-Ferrand, le Puy et Nîmes; si j'avais quelque argent, il me priait de le lui faire tenir à Nîmes, chez un aubergiste de notre connaissance, avec lequel j'avais quelques relations.

—De contrebande, reprit Monte-Cristo.

—Eh! mon Dieu! monsieur le comte, il faut bien.

—Certainement, continuez donc.

—J'aimais tendrement mon frère, je vous l'ai dit, Excellence; aussi je résolus non pas de lui envoyer l'argent, mais de le lui porter moi-même. Je possédais un millier de francs, j'en laissai cinq cents à Assunta, c'était ma belle-sœur; je pris les cinq cents autres, et je me mis en route pour Nîmes. C'était chose facile, j'avais ma barque, un chargement à faire en mer; tout secondait mon projet. Mais le chargement fait, le vent devint contraire, de sorte que nous fûmes quatre ou cinq jours sans pouvoir entrer dans le Rhône. Enfin nous y parvînmes; nous remontâmes jusqu'à Arles; je laissai la barque entre Bellegarde et Beaucaire, et je pris le chemin de Nîmes.

—Nous arrivons, n'est-ce pas?

—Oui, monsieur: excusez-moi, mais, comme Votre Excellence le verra, je ne lui dis que les choses absolument nécessaires. Or, c'était le moment où avaient lieu les fameux massacres du Midi. Il y avait là deux ou trois brigands que l'on appelait Trestaillon, Truphemy et Graffan, qui égorgeaient dans les rues tous ceux qu'on soupçonnait de bonapartisme. Sans doute, monsieur le comte a entendu parler de ces assassinats?

—Vaguement, j'étais fort loin de la France à cette époque. Continuez.

—En entrant à Nîmes, on marchait littéralement dans le sang; à chaque pas on rencontrait des cadavres: les assassins, organisés par bandes, tuaient, pillaient et brûlaient.

«À la vue de ce carnage, un frisson me prit, non pas pour moi; moi, simple pêcheur corse, je n'avais pas grand-chose à craindre; au contraire, ce temps-là, c'était notre bon temps, à nous autres contrebandiers, mais pour mon frère, pour mon frère soldat de l'Empire, revenant de l'armée de la Loire avec son uniforme et ses épaulettes, et qui par conséquent, avait tout à craindre.

«Je courus chez notre aubergiste. Mes pressentiments ne m'avaient pas trompé: mon frère était arrivé la veille à Nîmes, et à la porte même de celui à qui il venait demander l'hospitalité, il avait été assassiné.

«Je fis tout au monde pour connaître les meurtriers; mais personne n'osa me dire leurs noms, tant ils étaient redoutés. Je songeai alors à cette justice française, dont on m'avait tant parlé, qui ne redoute rien, elle, et je me présentai chez le procureur du roi.

—Et ce procureur du roi se nommait Villefort? demanda négligemment Monte-Cristo.

—Oui, Excellence: il venait de Marseille, où il avait été substitut. Son zèle lui avait valu de l'avancement. Il était un des premiers, disait-on, qui eussent annoncé au gouvernement le débarquement de l'île d'Elbe.

—Donc, reprit Monte-Cristo, vous vous présentâtes chez lui.

«—Monsieur, lui dis-je, mon frère a été assassiné hier dans les rues de Nîmes, je ne sais point par qui, mais c'est votre mission de le savoir. Vous êtes ici chef de la justice, et c'est à la justice de venger ceux qu'elle n'a pas su défendre.

«—Et qu'était votre frère? demanda le procureur du roi....

«—Lieutenant au bataillon corse.

«—Un soldat de l'usurpateur, alors?

«—Un soldat des armées françaises.

«—Eh bien, répliqua-t-il, il s'est servi et il a péri par l'épée.

«—Vous vous trompez, monsieur; il a péri par le poignard.

«—Que voulez-vous que j'y fasse? répondit le magistrat.

«—Mais je vous l'ai dit: je veux que vous le vengiez.

«—Et de qui?

«—De ses assassins.

«—Est-ce que je les connais, moi?

«—Faites-les chercher.

«—Pour quoi faire? Votre frère aura eu quelque querelle et se sera battu en duel. Tous ces anciens soldats se portent à des excès qui leur réussissaient sous l'Empire, mais qui tournent mal pour eux maintenant; or, nos gens du Midi n'aiment ni les soldats, ni les excès.

«—Monsieur, repris-je, ce n'est pas pour moi que je vous prie. Moi, je pleurerai ou je me vengerai voilà tout; mais mon pauvre frère avait une femme. S'il m'arrivait malheur à mon tour, cette pauvre créature mourrait de faim, car le travail seul de mon frère la faisait vivre. Obtenez pour elle une petite pension du gouvernement.

«—Chaque révolution a ses catastrophes, répondit M. de Villefort; votre frère a été victime de celle-ci, c'est un malheur, et le gouvernement ne doit rien à votre famille pour cela. Si nous avions à juger toutes les vengeances que les partisans de l'usurpateur ont exercées sur les partisans du roi quand à leur tour ils disposaient du pouvoir, votre frère serait peut-être aujourd'hui condamné à mort. Ce qui s'accomplit est chose toute naturelle, car c'est la loi des représailles.

«—Eh quoi! monsieur, m'écriai-je, il est possible que vous me parliez ainsi, vous, un magistrat!...

«—Tous ces Corses sont fous, ma parole d'honneur! répondit M. de Villefort, et ils croient encore que leur compatriote est empereur. Vous vous trompez de temps, mon cher; il fallait venir me dire cela il y a deux mois. Aujourd'hui il est trop tard; allez-vous-en donc, et si vous ne vous en allez pas, moi, je vais vous faire reconduire.

«Je le regardai un instant pour voir si par une nouvelle supplication il y avait quelque chose à espérer. Cet homme était de pierre. Je m'approchai de lui:

«—Eh bien, lui dis-je à demi-voix, puisque vous connaissez les Corses, vous devez savoir comment ils tiennent leur parole. Vous trouvez qu'on a bien fait de tuer mon frère qui était bonapartiste, parce que vous êtes royaliste, vous; eh bien, moi, qui suis bonapartiste aussi, je vous déclare une chose: c'est que je vous tuerai, vous. À partir de ce moment je vous déclare la vendetta; ainsi, tenez-vous bien, et gardez-vous de votre mieux, car la première fois que nous nous trouverons face à face, c'est que votre dernière heure sera venue.

«Et là-dessus, avant qu'il fût revenu de sa surprise, j'ouvris la porte et je m'enfuis.

—Ah! ah! dit Monte-Cristo, avec votre honnête figure, vous faites de ces choses-là, monsieur Bertuccio, et à un procureur du roi, encore! Fi donc! et savait-il au moins ce que cela voulait dire ce mot vendetta ?

—Il le savait si bien qu'à partir de ce moment il ne sortit plus seul et se calfeutra chez lui, me faisant chercher partout. Heureusement j'étais si bien caché qu'il ne put me trouver. Alors la peur le prit, il trembla de rester plus longtemps à Nîmes; il sollicita son changement de résidence, et, comme c'était en effet un homme influent, il fut nommé à Versailles; mais, vous le savez, il n'y a pas de distance pour un Corse qui a juré de se venger de son ennemi, et sa voiture, si bien menée qu'elle fût, n'a jamais eu plus d'une demi-journée d'avance sur moi, qui cependant la suivis à pied.

«L'important n'était pas de le tuer, cent fois j'en avais trouvé l'occasion; mais il fallait le tuer sans être découvert et surtout sans être arrêté. Désormais je ne m'appartenais plus: j'avais à protéger et à nourrir ma belle-sœur. Pendant trois mois je guettai M. de Villefort; pendant trois mois il ne fit pas un pas, une démarche, une promenade, que mon regard ne le suivît là où il allait. Enfin, je découvris qu'il venait mystérieusement à Auteuil: je le suivis encore et je le vis entrer dans cette maison où nous sommes, seulement, au lieu d'entrer comme tout le monde par la grande porte de la rue, il venait soit à cheval, soit en voiture, laissait voiture ou cheval à l'auberge, et entrait par cette petite porte que vous voyez là.»

Monte-Cristo fit de la tête un signe qui prouvait qu'au milieu de l'obscurité il distinguait en effet l'entrée indiquée par Bertuccio.

«Je n'avais plus besoin de rester à Versailles, je me fixai à Auteuil et je m'informai. Si je voulais le prendre, c'était évidemment là qu'il me fallait tendre mon piège.

«La maison appartenait, comme le concierge l'a dit à Votre Excellence, à M. de Saint-Méran, beau-père de Villefort. M. de Saint-Méran habitait Marseille; par conséquent, cette campagne lui était inutile; aussi disait-on qu'il venait de la louer à une jeune veuve que l'on ne connaissait que sous le nom de la baronne.

«En effet, un soir, en regardant par-dessus le mur, je vis une femme jeune et belle qui se promenait seule dans ce jardin, que nulle fenêtre étrangère ne dominait; elle regardait fréquemment du côté de la petite porte, et je compris que ce soir-là elle attendait M. de Villefort. Lorsqu'elle fut assez près de moi pour que malgré l'obscurité je pusse distinguer ses traits, je vis une belle jeune femme de dix-huit à dix-neuf ans, grande et blonde. Comme elle était en simple peignoir et que rien ne gênait sa taille, je pus remarquer qu'elle était enceinte et que sa grossesse même paraissait avancée.

«Quelques moments après, on ouvrit la petite porte; un homme entra; la jeune femme courut le plus vite qu'elle put à sa rencontre, ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre, s'embrassèrent tendrement et regagnèrent ensemble la maison.

«Cet homme, c'était M. de Villefort. Je jugeai qu'en sortant, surtout s'il sortait la nuit, il devait traverser seul le jardin dans toute sa longueur.

—Et demanda le comte, avez-vous su depuis le nom de cette femme?

—Non, Excellence, répondit Bertuccio; vous allez voir que je n'eus pas le temps de l'apprendre.

—Continuez.

—Ce soir-là, reprit Bertuccio, j'aurais pu tuer peut-être le procureur du roi; mais je ne connaissais pas encore assez le jardin dans tous ses détails. Je craignis de ne pas le tuer raide, et, si quelqu'un accourait à ses cris, de ne pouvoir fuir. Je remis la partie au prochain rendez-vous, et, pour que rien ne m'échappât, je pris une petite chambre donnant sur la rue que longeait le mur du jardin.

«Trois jours après, vers sept heures du soir, je vis sortir de la maison un domestique à cheval qui prit au galop le chemin qui conduisait à la route de Sèvres; je présumai qu'il allait à Versailles. Je ne me trompais pas. Trois heures après, l'homme revint tout couvert de poussière; son message était terminé.

«Dix minutes après, un autre homme à pied, enveloppé d'un manteau, ouvrit la petite porte du jardin, qui se referma sur lui.

«Je descendis rapidement. Quoique je n'eusse pas vu le visage de Villefort, je le reconnus au battement de mon cœur: je traversai la rue, je gagnai une borne placée à l'angle du mur et à l'aide de laquelle j'avais regardé une première fois dans le jardin.

«Cette fois je ne me contentai pas de regarder, je tirai mon couteau de ma poche, je m'assurai que la pointe était bien affilée, et je sautai par-dessus le mur.

«Mon premier soin fut de courir à la porte; il avait laissé la clef en dedans, en prenant la simple précaution de donner un double tour à la serrure.

Rien n'entravait donc ma fuite de ce côté-là. Je me mis à étudier les localités. Le jardin formait un carré long, une pelouse de fin gazon anglais s'étendait au milieu, aux angles de cette pelouse étaient des massifs d'arbres au feuillage touffu et tout entremêlé de fleurs d'automne.

«Pour se rendre de la maison à la petite porte, ou de la petite porte à la maison, soit qu'il entrât, soit qu'il sortît, M. de Villefort était obligé de passer près d'un de ces massifs.

«On était à la fin de septembre; le vent soufflait avec force; un peu de lune pâle, et voilée à chaque instant par de gros nuages qui glissaient rapidement au ciel, blanchissait le sable des allées qui conduisaient à la maison, mais ne pouvait percer l'obscurité de ces massifs touffus dans lesquels un homme pouvait demeurer caché sans qu'il y eût crainte qu'on ne l'aperçût.

«Je me cachai dans celui le plus près duquel devait passer Villefort; à peine y étais-je, qu'au milieu des bouffées de vent qui courbaient les arbres au-dessus de mon front, je crus distinguer comme des gémissements. Mais vous savez, ou plutôt vous ne savez pas, monsieur le comte, que celui qui attend le moment, de commettre un assassinat croit toujours entendre pousser des cris sourds dans l'air. Deux heures s'écoulèrent pendant lesquelles, à plusieurs reprises, je crus entendre les mêmes gémissements. Minuit sonna.

«Comme le dernier son vibrait encore lugubre et retentissant, j'aperçus une lueur illuminant les fenêtres de l'escalier dérobé par lequel nous sommes descendus tout à l'heure.

«La porte s'ouvrit, et l'homme au manteau reparut. C'était le moment terrible; mais depuis si longtemps je m'étais préparé à ce moment, que rien en moi ne faiblit: je tirai mon couteau, je l'ouvris et je me tins prêt.

«L'homme au manteau vint droit à moi, mais à mesure qu'il avançait dans l'espace découvert, je croyais remarquer qu'il tenait une arme de la main droite: j'eus peur, non pas d'une lutte, mais d'un insuccès. Lorsqu'il fut à quelques pas de moi seulement, je reconnus que ce que j'avais pris pour une arme n'était rien autre chose qu'une bêche.

«Je n'avais pas encore pu deviner dans quel but M. de Villefort tenait une bêche à la main, lorsqu'il s'arrêta sur la lisière du massif, jeta un regard autour de lui, et se mit à creuser un trou dans la terre. Ce fut alors que je m'aperçus qu'il y avait quelque chose dans son manteau, qu'il venait de déposer sur la pelouse pour être plus libre de ses mouvements.

«Alors, je l'avoue, un peu de curiosité se glissa dans ma haine: je voulus voir ce que venait faire là Villefort; je restai immobile, sans haleine, j'attendis.

«Puis une idée m'était venue, qui se confirma en voyant le procureur du roi tirer de son manteau un petit coffre long de deux pieds et large de six à huit pouces.

«Je le laissai déposer le coffre dans le trou, sur lequel il repoussa la terre; puis, sur cette terre fraîche, il appuya ses pieds pour faire disparaître la trace de l'œuvre nocturne. Je m'élançai alors sur lui et je lui enfonçai mon couteau dans la poitrine en lui disant:

«—Je suis Giovanni Bertuccio! ta mort pour mon frère, ton trésor pour sa veuve: tu vois bien que ma vengeance est plus complète que je ne l'espérais.

«Je ne sais s'il entendit ces paroles; je ne le crois pas, car il tomba sans pousser un cri; je sentis les flots de son sang rejaillir brûlants sur mes mains et sur mon visage; mais j'étais ivre, j'étais en délire; ce sang me rafraîchissait au lieu de me brûler. En une seconde, j'eus déterré le coffret à l'aide de la bêche; puis, pour qu'on ne vît pas que je l'avais enlevé, je comblai à mon tour le trou, je jetai la bêche par-dessus le mur, je m'élançai par la porte, que je fermai à double tour en dehors et dont j'emportai la clef.

—Bon! dit Monte-Cristo, c'était, à ce que je vois, un petit assassinat doublé de vol.

—Non, Excellence, répondit Bertuccio, c'était une vendetta suivie de restitution.

—Et la somme était ronde, au moins?

—Ce n'était pas de l'argent.

—Ah! oui, je me rappelle, dit Monte-Cristo n'avez-vous pas parlé d'un enfant?

—Justement, Excellence. Je courus jusqu'à la rivière, je m'assis sur le talus, et, pressé de savoir ce que contenait le coffre, je fis sauter la serrure avec mon couteau.

«Dans un lange de fine batiste était enveloppé un enfant qui venait de naître; son visage empourpré, ses mains violettes annonçaient qu'il avait dû succomber à une asphyxie causée par des ligaments naturels roulés autour de son cou; cependant, comme il n'était pas froid encore, j'hésitai à le jeter dans cette eau qui coulait à mes pieds. En effet, au bout d'un instant je crus sentir un léger battement vers la région du cœur; je dégageai son cou du cordon qui l'enveloppait, et, comme j'avais été infirmier à l'hôpital de Bastia, je fis ce qu'aurait pu faire un médecin en pareille circonstance c'est-à-dire que je lui insufflai courageusement de l'air dans les poumons, qu'après un quart d'heure d'efforts inouïs je le vis respirer, et j'entendis un cri s'échapper de sa poitrine.

«À mon tour, je jetai un cri, mais un cri de joie. Dieu ne me maudit donc pas, me dis-je, puisqu'il permet que je rende la vie à une créature humaine en échange de la vie que j'ai ôtée à une autre!

—Et que fîtes-vous donc de cet enfant? demanda Monte-Cristo; c'était un bagage assez embarrassant pour un homme qui avait besoin de fuir.

—Aussi n'eus-je point un instant l'idée de le garder. Mais je savais qu'il existait à Paris un hospice où on reçoit ces pauvres créatures. En passant à la barrière, je déclarai avoir trouvé cet enfant sur la route et je m'informai. Le coffre était là qui faisait foi; les langes de batiste indiquaient que l'enfant appartenait à des parents riches; le sang dont j'étais couvert pouvait aussi bien appartenir à l'enfant qu'à tout autre individu. On ne me fit aucune objection; on m'indiqua l'hospice, qui était situé tout au bout de la rue d'Enfer, et, après avoir pris la précaution de couper le lange en deux, de manière qu'une des deux lettres qui le marquaient continuât d'envelopper le corps de l'enfant, je déposai mon fardeau dans le tour, je sonnai et je m'enfuis à toutes jambes. Quinze jours après, j'étais de retour à Rogliano, et je disais à Assunta:

«—Console-toi, ma sœur; Israël est mort, mais je l'ai vengé.

«Alors elle me demanda l'explication de ces paroles, et je lui racontai tout ce qui s'était passé.

«—Giovanni, me dit Assunta, tu aurais dû rapporter cet enfant, nous lui eussions tenu lieu des parents qu'il a perdus, nous l'eussions appelé Benedetto, et en faveur de cette bonne action Dieu nous eût bénis effectivement.

«Pour toute réponse je lui donnai la moitié de lange que j'avais conservée, afin de faire réclamer l'enfant si nous étions plus riches.

—Et de quelles lettres était marqué ce lange? demanda Monte-Cristo.

—D'un H et d'un N surmontés d'un tortil de baron.

—Je crois, Dieu me pardonne! que vous vous servez de termes de blason, monsieur Bertuccio! Où diable avez-vous fait vos études héraldiques?

—À votre service, monsieur le comte, où l'on apprend toutes choses.

—Continuez, je suis curieux de savoir deux choses.

—Lesquelles, monseigneur?

—Ce que devint ce petit garçon; ne m'avez-vous pas dit que c'était un petit garçon, monsieur Bertuccio?

—Non, Excellence; je ne me rappelle pas avoir parlé de cela.

—Ah! je croyais avoir entendu, je me serai trompé.

—Non, vous ne vous êtes pas trompé, car c'était effectivement un petit garçon; mais Votre Excellence désirait, disait-elle, savoir deux choses: quelle est la seconde?

—La seconde était le crime dont vous étiez accusé quand vous demandâtes un confesseur, et que l'abbé Busoni alla vous trouver sur cette demande dans la prison de Nîmes.

—Peut-être ce récit sera-t-il bien long, Excellence.

—Qu'importe? il est dix heures à peine, vous savez que je ne dors pas, et je suppose que de votre côté vous n'avez pas grande envie de dormir.»

Bertoccio s'inclina et reprit sa narration.

«Moitié pour chasser les souvenirs qui m'assiégeaient, moitié pour subvenir aux besoins de la pauvre veuve, je me remis avec ardeur à ce métier de contrebandier, devenu plus facile par le relâchement des lois qui suit toujours les révolutions. Les côtes du Midi, surtout, étaient mal gardées, à cause des émeutes éternelles qui avaient lieu, tantôt à Avignon, tantôt à Nîmes, tantôt à Uzès. Nous profitâmes de cette espèce de trêve qui nous était accordée par le gouvernement pour lier des relations avec tout le littoral. Depuis l'assassinat de mon frère dans les rues de Nîmes, je n'avais pas voulu rentrer dans cette ville. Il en résulta que l'aubergiste avec lequel nous faisions des affaires, voyant que nous ne voulions plus venir à lui, était venu à nous et avait fondé une succursale de son auberge sur la route de Bellegarde à Beaucaire, à l'enseigne du Pont du Gard . Nous avions ainsi, soit du côté d'Aigues-Mortes, soit aux Martigues, soit à Bouc, une douzaine d'entrepôts où nous déposions nos marchandises et où, au besoin, nous trouvions un refuge contre les douaniers et les gendarmes. C'est un métier qui rapporte beaucoup que celui de contrebandier, lorsqu'on y applique une certaine intelligence secondée par quelque vigueur; quant à moi, je vivais dans les montagnes ayant maintenant une double raison de craindre gendarmes et douaniers, attendu que toute comparution devant les juges pouvait amener une enquête, que cette enquête est toujours une excursion dans le passé, et que dans mon passé, à moi, on pouvait rencontrer maintenant quelque chose plus grave que des cigares entrés en contrebande ou des barils d'eau-de-vie circulant sans laissez-passer. Aussi, préférant mille fois la mort à une arrestation, j'accomplissais des choses étonnantes, et qui, plus d'une fois, me donnèrent cette preuve, que le trop grand soin que nous prenons de notre corps est à peu près le seul obstacle à la réussite de ceux de nos projets qui ont besoin d'une décision rapide et d'une exécution vigoureuse et déterminée. En effet une fois qu'on a fait le sacrifice de sa vie, on n'est plus l'égal des autres hommes, ou plutôt les autres hommes ne sont plus vos égaux, et quiconque a pris cette résolution sent, à l'instant même, décupler ses forces et s'agrandir son horizon.

—De la philosophie, monsieur Bertuccio! interrompit le comte; mais vous avez donc fait un peu de tout dans votre vie?

—Oh! pardon, Excellence!

—Non! non! c'est que la philosophie à dix heures et demie du soir, c'est un peu tard. Mais je n'ai pas d'autre observation à faire, attendu que je la trouve exacte, ce qu'on ne peut pas dire de toutes les philosophies.

—Mes courses devinrent donc de plus en plus étendues, de plus en plus fructueuses. Assunta était ménagère, et notre petite fortune s'arrondissait. Un jour que je partais pour une course:

«—Va, dit-elle, et à ton retour je te ménage une surprise.

«Je l'interrogeais inutilement: elle ne voulut rien me dire et je partis.

«La course dura près de six semaines; nous avions été à Lucques charger de l'huile, et à Livourne prendre des cotons anglais; notre débarquement se fit sans événement contraire, nous réalisâmes nos bénéfices et nous revînmes tout joyeux.

«En rentrant dans la maison, la première chose que je vis à l'endroit le plus apparent de la chambre d'Assunta dans un berceau somptueux relativement au reste de l'appartement, fut un enfant de sept à huit mois. Je jetai un cri de joie. Les seuls moments de tristesse que j'eusse éprouvés depuis l'assassinat du procureur du roi m'avaient été causés par l'abandon de cet enfant. Il va sans dire que de remords de l'assassinat lui-même je n'en avais point eu.

«La pauvre Assunta avait tout deviné: elle avait profité de mon absence, et, munie de la moitié du lange, ayant inscrit, pour ne point l'oublier, le jour et l'heure précis où l'enfant avait été déposé à l'hospice, elle était partie pour Paris et avait été elle-même le réclamer. Aucune objection ne lui avait été faite, et l'enfant lui avait été remis.

«Ah! j'avoue, monsieur le comte, qu'en voyant cette pauvre créature dormant dans son berceau, ma poitrine se gonfla, et que des larmes sortirent de mes yeux.

«—En vérité, Assunta, m'écriai-je, tu es une digne femme, et la Providence te bénira.

—Ceci, dit Monte-Cristo, est moins exact que votre philosophie; il est vrai que ce n'est que la foi.

—Hélas! Excellence, reprit Bertuccio, vous avez bien raison, et ce fut cet enfant lui-même que Dieu chargea de ma punition. Jamais nature plus perverse ne se déclara plus prématurément, et cependant on ne dira pas qu'il fut mal élevé, car ma sœur le traitait comme le fils d'un prince; c'était un garçon d'une figure charmante, avec des yeux d'un bleu clair comme ces tons de faïences chinoises qui s'harmonisent si bien avec le blanc laiteux du ton général; seulement ses cheveux d'un blond trop vif donnaient à sa figure un caractère étrange, qui doublait la vivacité de son regard et la malice de son sourire. Malheureusement il y a un proverbe qui dit que le roux est tout bon ou tout mauvais; le proverbe ne mentit pas pour Benedetto, et dès sa jeunesse il se montra tout mauvais. Il est vrai aussi que la douceur de sa mère encouragea ses premiers penchants; l'enfant, pour qui ma pauvre sœur allait au marché de la ville, située à quatre ou cinq lieues de là, acheter les premiers fruits et les sucreries les plus délicates, préférait aux oranges de Palma et aux conserves de Gênes les châtaignes volées au voisin en franchissant les haies, ou les pommes séchées dans son grenier, tandis qu'il avait à sa disposition les châtaignes et les pommes de notre verger.

«Un jour, Benedetto pouvait avoir cinq ou six ans, le voisin Wasilio, qui, selon les habitudes de notre pays, n'enfermait ni sa bourse ni ses bijoux, car, monsieur le comte le sait aussi bien que personne, en Corse il n'y a pas de voleurs, le voisin Wasilio se plaignit à nous qu'un louis avait disparu de sa bourse; on crut qu'il avait mal compté, mais lui prétendait être sûr de son fait. Ce jour-là Benedetto avait quitté la maison dès le matin, et c'était une grande inquiétude chez nous, lorsque le soir nous le vîmes revenir traînant un singe qu'il avait trouvé, disait-il, tout enchaîné au pied d'un arbre.

«Depuis un mois la passion du méchant enfant, qui ne savait quelle chose s'imaginer, était d'avoir un singe. Un bateleur qui était passé à Rogliano, et qui avait plusieurs de ces animaux dont les exercices l'avaient fort réjoui, lui avait inspiré sans doute cette malheureuse fantaisie.

«—On ne trouve pas de singe dans nos bois, lui dis-je, et surtout de singe enchaîné; avoue-moi donc comment tu t'es procuré celui-ci.

«Benedetto soutint son mensonge, et l'accompagna de détails qui faisaient plus d'honneur à son imagination qu'à sa véracité; je m'irritai, il se mit à rire; je le menaçai, il fit deux pas en arrière.

«—Tu ne peux pas me battre, dit-il, tu n'en as pas le droit, tu n'es pas mon père.

«Nous ignorâmes toujours qui lui avait révélé ce fatal secret, que nous lui avions caché cependant avec tant de soin; quoi qu'il en soit, cette réponse, dans laquelle l'enfant se révéla tout entier, m'épouvanta presque, mon bras levé retomba effectivement sans toucher le coupable; l'enfant triompha, et cette victoire lui donna une telle audace qu'à partir de ce moment tout l'argent d'Assunta, dont l'amour semblait augmenter pour lui à mesure qu'il en était moins digne, passa en caprices qu'elle ne savait pas combattre, en folies qu'elle n'avait pas le courage d'empêcher. Quand j'étais à Rogliano, les choses marchaient encore assez convenablement; mais dès que j'étais parti, c'était Benedetto qui était devenu le maître de la maison, et tout tournait à mal. Âgé de onze ans à peine, tous ses camarades étaient choisis parmi des jeunes gens de dix-huit ou vingt ans, les plus mauvais sujets de Bastia et de Corte, et déjà, pour quelques espiègleries qui méritaient un nom plus sérieux, la justice nous avait donné des avertissements.

«Je fus effrayé; toute information pouvait avoir des suites funestes: j'allais justement être forcé de m'éloigner de la Corse pour une expédition importante. Je réfléchis longtemps, et, dans le pressentiment d'éviter quelque malheur, je me décidai à emmener Benedetto avec moi. J'espérais que la vie active et rude de contrebandier, la discipline sévère du bord, changeraient ce caractère prêt à se corrompre, s'il n'était pas déjà affreusement corrompu.

«Je tirai donc Benedetto à part et lui fis la proposition de me suivre, en entourant cette proposition de toutes les promesses qui peuvent séduire un enfant de douze ans.

«Il me laissa aller jusqu'au bout, et lorsque j'eus finis, éclatant de rire:

«—Êtes-vous fou, mon oncle? dit-il (il m'appelait ainsi quand il était de belle humeur); moi changer la vie que je mène contre celle que vous menez, ma bonne et excellente paresse contre l'horrible travail que vous vous êtes imposé! passer la nuit au froid, le jour au chaud; se cacher sans cesse; quand on se montre recevoir des coups de fusil, et tout cela pour gagner un peu d'argent! L'argent, j'en ai tant que j'en veux! mère Assunta m'en donne quand je lui en demande. Vous voyez donc bien que je serais un imbécile si j'acceptais ce que vous me proposez.

«J'étais stupéfait de cette audace et de ce raisonnement. Benedetto retourna jouer avec ses camarades, et je le vis de loin me montrant à eux comme un idiot.

—Charmant enfant! murmura Monte-Cristo.

—Oh! s'il eût été à moi, répondit Bertuccio, s'il eût été mon fils, ou tout au moins mon neveu, je l'eusse bien ramené au droit sentier, car la conscience donne la force. Mais l'idée que j'allais battre un enfant dont j'avais tué le père me rendait toute correction impossible. Je donnai de bons conseils à ma sœur, qui, dans nos discussions, prenait sans cesse la défense du petit malheureux, et comme elle m'avoua que plusieurs fois des sommes assez considérables lui avaient manqué, je lui indiquai un endroit où elle pouvait cacher notre petit trésor. Quant à moi, ma résolution était prise. Benedetto savait parfaitement lire, écrire et compter, car lorsqu'il voulait s'adonner par hasard au travail, il apprenait en un jour ce que les autres apprenaient en une semaine. Ma résolution, dis-je, était prise; je devais l'engager comme secrétaire sur quelque navire au long cours, et, sans le prévenir de rien, le faire prendre un beau matin et le faire transporter à bord; de cette façon, et en le recommandant au capitaine, tout son avenir dépendait de lui. Ce plan arrêté, je partis pour la France.

«Toutes nos opérations devaient cette fois s'exécuter dans le golfe du Lion, et ces opérations devenaient de plus en plus difficiles, car nous étions en 1829. La tranquillité était parfaitement rétablie, et par conséquent le service des côtes était redevenu plus régulier et plus sévère que jamais. Cette surveillance était encore augmentée momentanément par la foire de Beaucaire, qui venait de s'ouvrir.

«Les commencements de notre expédition s'exécutèrent sans encombre. Nous amarrâmes notre barque, qui avait un double fond dans lequel nous cachions nos marchandises de contrebande, au milieu d'une quantité de bateaux qui bordaient les deux rives du Rhône, depuis Beaucaire jusqu'à Arles. Arrivés là, nous commençâmes à décharger nuitamment nos marchandises prohibées, et à les faire passer dans la ville par l'intermédiaire des gens qui étaient en relations avec nous, ou des aubergistes chez lesquels nous faisions des dépôts. Soit que la réussite nous eût rendus imprudents, soit que nous ayons été trahis, un soir, vers les cinq heures de l'après-midi, comme nous allions nous mettre à goûter, notre petit mousse accourut tout effaré en disant qu'il avait vu une escouade de douaniers se diriger de notre côté. Ce n'était pas précisément l'escouade qui nous effrayait: à chaque instant, surtout dans ce moment-là, des compagnies entières rôdaient sur les bords du Rhône; mais c'étaient les précautions qu'au dire de l'enfant cette escouade prenait pour ne pas être vue. En un instant nous fûmes sur pied, mais il était déjà trop tard; notre barque, évidemment l'objet des recherches, était entourée. Parmi les douaniers, je remarquai quelques gendarmes; et, aussi timide à la vue de ceux-ci que j'étais brave ordinairement à la vue de tout autre corps militaire, je descendis dans la cale, et, me glissant par un sabord, je me laissai couler dans le fleuve, puis je nageai entre deux eaux, ne respirant qu'à de longs intervalles, si bien que je gagnai sans être vu une tranchée que l'on venait de faire, et qui communiquait du Rhône au canal qui se rend de Beaucaire à Aigues-Mortes. Une fois arrivé là, j'étais sauvé, car je pouvais suivre sans être vu cette tranchée. Je gagnai donc le canal sans accident. Ce n'était pas par hasard et sans préméditation que j'avais suivi ce chemin; j'ai déjà parlé à Votre Excellence d'un aubergiste de Nîmes qui avait établi sur la route de Bellegarde à Beaucaire une petite hôtellerie.

—Oui, dit Monte-Cristo, je me souviens parfaitement. Ce digne homme, si je ne me trompe, était même votre associé.

—C'est cela, répondit Bertoccio; mais depuis sept ou huit ans, il avait cédé son établissement à un ancien tailleur de Marseille qui, après s'être ruiné dans son état, avait voulu essayer de faire sa fortune dans un autre. Il va sans dire que les petits arrangements que nous avions faits avec le premier propriétaire furent maintenus avec le second; c'était donc à cet homme que je comptais demander asile.

—Et comment se nommait cet homme? demanda le comte, qui paraissait commencer à reprendre quelque intérêt au récit de Bertuccio.

—Il s'appelait Gaspard Caderousse, il était marié à une femme du village de la Carconte, et que nous ne connaissions pas sous un autre nom que celui de son village; c'était une pauvre femme atteinte de la fièvre des marais, qui s'en allait mourant de langueur. Quant à l'homme, c'était un robuste gaillard de quarante à quarante-cinq ans, qui plus d'une fois nous avait, dans des circonstances difficiles, donné des preuves de sa présence d'esprit et de son courage.

—Et vous dites, demanda Monte-Cristo, que ces choses se passaient vers l'année....

—1829, monsieur le comte.

—En quel mois?

—Au mois de juin.

—Au commencement ou à la fin.

—C'était le 3 au soir.

—Ah! fit Monte-Cristo, le 3 juin 1829... Bien, continuez.

—C'était donc à Caderousse que je comptais demander asile; mais, comme d'habitude, et même dans les circonstances ordinaires, nous n'entrions pas chez lui par la porte qui donnait sur la route, je résolus de ne pas déroger à cette coutume, j'enjambai la haie du jardin, je me glissai en rampant à travers les oliviers rabougris et les figuiers sauvages, et je gagnai, dans la crainte que Caderousse n'eût quelque voyageur dans son auberge, une espèce de soupente dans laquelle plus d'une fois j'avais passé la nuit aussi bien que dans le meilleur lit. Cette soupente n'était séparée de la salle commune du rez-de-chaussée de l'auberge que par une cloison en planches dans laquelle des jours avaient été ménagés à notre intention, afin que de là nous pussions guetter le moment opportun de faire reconnaître que nous étions dans le voisinage. Je comptais, si Caderousse était seul, le prévenir de mon arrivée, achever chez lui le repas interrompu par l'apparition des douaniers, et profiter de l'orage qui se préparait pour regagner les bords du Rhône et m'assurer de ce qu'étaient devenus la barque et ceux qui la montaient. Je me glissai donc dans la soupente et bien m'en prit, car à ce moment même Caderousse rentrait chez lui avec un inconnu.

«Je me tins coi et j'attendis, non point dans l'intention de surprendre les secrets de mon hôte, mais parce que je ne pouvais faire autrement; d'ailleurs, dix fois même chose était déjà arrivée.

«L'homme qui accompagnait Caderousse était évidemment étranger au Midi de la France: c'était un de ces négociants forains qui viennent vendre des bijoux à la foire de Beaucaire et qui, pendant un mois que dure cette foire, où affluent des marchands et des acquéreurs de toutes les parties de l'Europe, font quelquefois pour cent ou cent cinquante mille francs d'affaires.

«Caderousse entra vivement et le premier. Puis voyant la salle d'en bas vide comme d'habitude et simplement gardée par son chien, il appela sa femme.

«—Hé! la Carconte, dit-il, ce digne homme de prêtre ne nous avait pas trompés; le diamant était bon.

«Une exclamation joyeuse se fit entendre, et presque aussitôt l'escalier craqua sous un pas alourdi par la faiblesse et la maladie.

«—Qu'est-ce que tu dis? demanda la femme plus pâle qu'une morte.

«—Je dis que le diamant était bon, que voilà monsieur, un des premiers bijoutiers de Paris, qui est prêt à nous en donner cinquante mille francs. Seulement, pour être sûr que le diamant est bien à nous, il demande que tu lui racontes, comme je l'ai déjà fait, de quelle façon miraculeuse le diamant est tombé entre nos mains. En attendant, monsieur, asseyez-vous, s'il vous plaît, et comme le temps est lourd, je vais aller chercher de quoi vous rafraîchir.

«Le bijoutier examinait avec attention l'intérieur de l'auberge et la pauvreté bien visible de ceux qui allaient lui vendre un diamant qui semblait sortir de l'écrin d'un prince.

«—Racontez, madame, dit-il, voulant sans doute profiter de l'absence du mari pour qu'aucun signe de la part de celui-ci n'influençât la femme, et pour voir si les deux récits cadreraient bien l'un avec l'autre.

«—Eh! mon Dieu! dit la femme avec volubilité, c'est une bénédiction du ciel à laquelle nous étions loin de nous attendre. Imaginez-vous, mon cher monsieur, que mon mari a été lié en 1814 ou 1815 avec un marin nommé Edmond Dantès: ce pauvre garçon, que Caderousse avait complètement oublié ne l'a pas oublié, lui, et lui a laissé en mourant le diamant que vous venez de voir.

«—Mais comment était-il devenu possesseur de ce diamant? demanda le bijoutier.

Il l'avait donc avant d'entrer en prison?

«—Non, monsieur, répondit la femme, mais en prison il a fait, à ce qu'il paraît, la connaissance d'un Anglais très riche; et comme en prison son compagnon de chambre est tombé malade, et que Dantès en prit les mêmes soins que si c'était son frère, l'Anglais, en sortant de captivité, laissa au pauvre Dantès, qui, moins heureux que lui, est mort en prison, ce diamant qu'il nous a légué à son tour en mourant, et qu'il a chargé le digne abbé qui est venu ce matin de nous remettre.

«—C'est bien la même chose, murmura le bijoutier, et, au bout du compte l'histoire peut être vraie, tout invraisemblable qu'elle paraisse au premier abord. Il n'y a donc que le prix sur lequel nous ne sommes pas d'accord.

«—Comment! pas d'accord, dit Caderousse; je croyais que vous aviez consenti au prix que j'en demandais.

«—C'est-à-dire, reprit le bijoutier, que j'en ai offert quarante mille francs.

«—Quarante mille! s'écria la Carconte; nous ne le donnerons certainement pas pour ce prix-là. L'abbé nous a dit qu'il valait cinquante mille francs, et sans la monture encore.

«—Et comment se nommait cet abbé? demanda l'infatigable questionneur.

«—L'abbé Busoni, répondit la femme.

«—C'était donc un étranger?

«—C'était un Italien des environs de Mantoue, je crois.

«—Montrez-moi ce diamant, reprit le bijoutier, que je le revoie une seconde fois; souvent on juge mal les pierres à une première vue.»

«Caderousse tira de sa poche un petit étui de chagrin noir, l'ouvrit et le passa au bijoutier. À la vue du diamant, qui était gros comme une petite noisette, je me le rappelle comme si je le voyais encore, les yeux de la Carconte étincelèrent de cupidité.

—Et que pensiez-vous de tout cela, monsieur l'écouteur aux portes? demanda Monte-Cristo; ajoutiez-vous foi à cette belle fable?

—Oui, Excellence; je ne regardais pas Caderousse comme un méchant homme, et je le croyais incapable d'avoir commis un crime ou même un vol.

—Cela fait plus honneur à votre cœur qu'à votre expérience, monsieur Bertuccio. Aviez-vous connu cet Edmond Dantès dont il était question?

—Non, Excellence, je n'en avais jamais entendu parler jusqu'alors, et je n'en ai jamais entendu reparler depuis qu'une seule fois par l'abbé Busoni lui-même, quand je le vis dans les prisons de Nîmes.

—Bien! continuez.

—Le bijoutier prit la bague des mains de Caderousse, et tira de sa poche une petite pince en acier et une petite paire de balances de cuivre; puis, écartant les crampons d'or qui retenaient la pierre dans la bague, il fit sortir le diamant de son alvéole, et le pesa minutieusement dans les balances.

«—J'irai jusqu'à quarante-cinq mille francs, dit-il, mais je ne donnerai pas un sou avec; d'ailleurs, comme c'était ce que valait le diamant, j'ai pris juste cette somme sur moi.

«—Oh! qu'à cela ne tienne, dit Caderousse, je retournerai avec vous à Beaucaire pour chercher les cinq autres mille francs.

«—Non, dit le bijoutier en rendant l'anneau et le diamant à Caderousse; non, cela ne vaut pas davantage, et encore je suis fâché d'avoir offert cette somme, attendu qu'il y a dans la pierre un défaut que je n'avais pas vu d'abord; mais n'importe, je n'ai qu'une parole, j'ai dit quarante-cinq mille francs, je ne m'en dédis pas.

«—Au moins remettez le diamant dans la bague», dit aigrement la Carconte.

«—C'est juste, dit le bijoutier.

«Et il replaça la pierre dans le chaton.

«—Bon, bon, bon, dit Caderousse remettant l'étui dans sa poche, on le vendra à un autre.

«—Oui, reprit le bijoutier, mais un autre ne sera pas si facile que moi; un autre ne se contentera pas des renseignements que vous m'avez donnés; il n'est pas naturel qu'un homme comme vous possède un diamant de cinquante mille francs; il ira prévenir les magistrats, il faudra retrouver l'abbé Busoni, et les abbés qui donnent des diamants de deux mille louis sont rares; la justice commencera par mettre la main dessus, on vous enverra en prison, et si vous êtes reconnu innocent, qu'on vous mette dehors après trois ou quatre mois de captivité, la bague se sera égarée au greffe, ou l'on vous donnera une pierre fausse qui vaudra trois francs au lieu d'un diamant qui en vaut cinquante mille, cinquante-cinq mille peut-être, mais que, vous en conviendrez, mon brave homme, on court certains risques à acheter.»

«Caderousse et sa femme s'interrogèrent du regard.

«—Non, dit Caderousse, nous ne sommes pas assez riches pour perdre cinq mille francs.

«—Comme vous voudrez, mon cher ami, dit le bijoutier; j'avais cependant, comme vous le voyez, apporté de la belle monnaie.

«Et il tira d'une de ses poches une poignée d'or qu'il fit briller aux yeux éblouis de l'aubergiste, et, de l'autre, un paquet de billets de banque.

«Un rude combat se livrait visiblement dans l'esprit de Caderousse: il était évident que ce petit étui de chagrin qu'il tournait et retournait dans sa main ne lui paraissait pas correspondre comme valeur à la somme énorme qui fascinait ses yeux. Il se retourna vers sa femme.

«—Qu'en dis-tu? lui demanda-t-il tout bas.

«—Donne, donne, dit-elle; s'il retourne à Beaucaire sans le diamant, il nous dénoncera! et, comme il le dit, qui sait si nous pourrons jamais remettre la main sur l'abbé Busoni.

«—Eh bien, soit, dit Caderousse, prenez donc le diamant pour quarante-cinq mille francs; mais ma femme veut une chaîne d'or, et moi une paire de boucles d'argent.

«Le bijoutier tira de sa poche une boîte longue et plate qui contenait plusieurs échantillons des objets demandés.

«—Tenez, dit-il, je suis rond en affaires; choisissez.

«La femme choisit une chaîne d'or qui pouvait valoir cinq louis, et le mari une paire de boucles qui pouvait valoir quinze francs.

«—J'espère que vous ne vous plaindrez pas, dit le bijoutier.

«—L'abbé avait dit qu'il valait cinquante mille francs, murmura Caderousse.

«—Allons, allons, donnez donc! Quel homme terrible! reprit le bijoutier en lui tirant des mains le diamant, je lui compte quarante-cinq mille francs, deux mille cinq cents livres de rente, c'est-à-dire une fortune comme je voudrais bien en avoir une, moi, et il n'est pas encore content.

«—Et les quarante-cinq mille francs, demanda Caderousse d'une voix rauque; voyons, où sont-ils?

«—Les voilà, dit le bijoutier.

«Et il compta sur la table quinze mille francs en or et trente mille francs en billets de banque.

«—Attendez que j'allume la lampe, dit la Carconte, il n'y fait plus clair, et on pourrait se tromper.

«En effet, la nuit était venue pendant cette discussion, et, avec la nuit, l'orage qui menaçait depuis une demi-heure. On entendait gronder sourdement le tonnerre dans le lointain; mais ni le bijoutier, ni Caderousse, ni la Carconte, ne paraissaient s'en occuper, possédés qu'ils étaient tous les trois du démon du gain. Moi-même, j'éprouvais une étrange fascination à la vue de tout cet or et de tous ces billets. Il me semblait que je faisais un rêve, et, comme il arrive dans un rêve, je me sentais enchaîné à ma place.

«Caderousse compta et recompta l'or et les billets, puis il les passa à sa femme, qui les compta et recompta à son tour.

«Pendant ce temps, le bijoutier faisait miroiter le diamant sous les rayons de la lampe, et le diamant jetait des éclairs qui lui faisaient oublier ceux qui, précurseurs de l'orage, commençaient à enflammer les fenêtres.

«—Eh bien, le compte y est-il? demanda le bijoutier.

«—Oui, dit Caderousse; donne le portefeuille et cherche un sac, Carconte.

«La Carconte alla à une armoire et revint apportant un vieux portefeuille de cuir, duquel on tira quelques lettres graisseuses à la place desquelles on remit les billets, et un sac dans lequel étaient enfermés deux ou trois écus de six livres, qui composaient probablement toute la fortune du misérable ménage.

«—Là, dit Caderousse, quoique vous nous ayez soulevé une dizaine de mille francs peut-être, voulez-vous souper avec nous? c'est de bon cœur.

«—Merci, dit le bijoutier, il doit se faire tard, et il faut que je retourne à Beaucaire; ma femme serait inquiète»; il tira sa montre. «Morbleu! s'écria-t-il, neuf heures bientôt, je ne serai pas à Beaucaire avant minuit. Adieu, mes petits enfants; s'il vous revient par hasard des abbés Busoni, pensez à moi.

«—Dans huit jours, vous ne serez plus à Beaucaire, dit Caderousse, puisque la foire finit la semaine prochaine.

«—Non, mais cela ne fait rien; écrivez-moi à Paris, à M. Joannès, au Palais-Royal, galerie de Pierre, n° 45, je ferai le voyage exprès si cela en vaut la peine.

«Un coup de tonnerre retentit, accompagné d'un éclair si violent qu'il effaça presque la clarté de la lampe.

«—Oh! oh! dit Caderousse, vous allez partir par ce temps-là?

«—Oh! je n'ai pas peur du tonnerre, dit le bijoutier.

«—Et des voleurs? demanda la Carconte. La route n'est jamais bien sûre pendant la foire.

«—Oh! quant aux voleurs, dit Joannès, voilà pour eux.

«Et il tira de sa poche une paire de petits pistolets chargés jusqu'à la gueule.

«—Voilà, dit-il, des chiens qui aboient et mordent en même temps: c'est pour les deux premiers qui auraient envie de votre diamant, père Caderousse.

«Caderousse et sa femme échangèrent un regard sombre. Il paraît qu'ils avaient en même temps quelque terrible pensée.

«—Alors, bon voyage! dit Caderousse.

«—Merci!» dit le bijoutier.

«Il prit sa canne qu'il avait posée contre un vieux bahut, et sortit. Au moment où il ouvrit la porte, une telle bouffée de vent entra qu'elle faillit éteindre la lampe.

«—Oh! dit-il, il va faire un joli temps, et deux lieues de pays à faire avec ce temps-là!

«—Restez, dit Caderousse, vous coucherez ici.

«—Oui, restez, dit la Carconte d'une voix tremblante, nous aurons bien soin de vous.

«—Non pas, il faut que j'aille coucher à Beaucaire. Adieu.»

«Caderousse alla lentement jusqu'au seuil.

«—Il ne fait ni ciel ni terre, dit le bijoutier déjà hors de la maison. Faut-il prendre à droite ou à gauche?

«—À droite, dit Caderousse; il n'y a pas à s'y tromper, la route est bordée d'arbres de chaque côté.

«—Bon, j'y suis, dit la voix presque perdue dans le lointain.

«—Ferme donc la porte, dit la Carconte, je n'aime pas les portes ouvertes quand il tonne.

«—Et quand il y a de l'argent dans la maison, n'est-ce pas?» dit Caderousse en donnant un double tour à la serrure.

«Il rentra, alla à l'armoire, retira le sac et le portefeuille, et tous deux se mirent à recompter pour la troisième fois leur or et leurs billets. Je n'ai jamais vu expression pareille à ces deux visages dont cette maigre lampe éclairait la cupidité. La femme surtout était hideuse; le tremblement fiévreux qui l'animait habituellement avait redoublé. Son visage de pâle était devenu livide; ses yeux caves flamboyaient.

«—Pourquoi donc, demanda-t-elle d'une voix sourde, lui avais-tu offert de coucher ici?

«—Mais, répondit Caderousse en tressaillant, pour... pour qu'il n'eût pas la peine de retourner à Beaucaire.

«—Ah! dit la femme avec une expression impossible à rendre, je croyais que c'était pour autre chose, moi.

«—Femme!

femme! s'écria Caderousse, pourquoi as-tu de pareilles idées, et pourquoi les ayant ne les gardes-tu pas pour toi?

«—C'est égal, dit la Carconte après un instant de silence, tu n'es pas un homme.

«—Comment cela? fit Caderousse.

«—Si tu avais été un homme, il ne serait pas sorti.

«—Femme!

«—Ou bien il n'arriverait pas à Beaucaire.

«—Femme!

«—La route fait un coude et il est obligé de suivre la route, tandis qu'il y a le long du canal un chemin qui raccourcit.

«—Femme, tu offenses le Bon Dieu. Tiens, écoute....

«En effet, on entendit un effroyable coup de tonnerre en même temps qu'un éclair bleuâtre enflammait toute la salle, et la foudre, décroissant lentement, sembla s'éloigner comme à regret de la maison maudite.

«—Jésus! dit la Carconte en se signant.

«Au même instant, et au milieu de ce silence de terreur qui suit ordinairement les coups de tonnerre, on entendit frapper à la porte.

«Caderousse et sa femme tressaillirent et se regardèrent épouvantés.

«—Qui va là? s'écria Caderousse en se levant et en réunissant en un seul tas l'or et les billets épars sur la table et qu'il couvrit de ses deux mains.

«—Moi! dit une voix.

«—Qui, vous?

«—Et pardieu! Joannès le bijoutier.

«—Eh bien, que disais-tu donc, reprit la Carconte avec un effroyable sourire, que j'offensais le Bon Dieu!... Voilà le Bon Dieu qui nous le renvoie.

«Caderousse retomba pâle et haletant sur sa chaise. La Carconte, au contraire, se leva, et alla d'un pas ferme à la porte qu'elle ouvrit.

«—Entrez donc, cher monsieur Joannès, dit-elle.

«—Ma foi, dit le bijoutier ruisselant de pluie, il paraît que le diable ne veut pas que je retourne à Beaucaire ce soir. Les plus courtes folies sont les meilleures, mon cher monsieur Caderousse; vous m'avez offert l'hospitalité, je l'accepte et je reviens coucher chez vous.»

Caderousse balbutia quelques mots en essuyant la sueur qui coulait sur son front. La Carconte referma la porte à double tour derrière le bijoutier.

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44-1. La vendetta 44-1. die Fehde 44-1. The vendetta 44-1. la vendetta 44-1. A vingança

La vendetta.

«D’où monsieur le comte désire-t-il que je reprenne les choses? |||||||||reclaim|| "Where does the count want me to take things? demanda Bertuccio.

—Mais d’où vous voudrez, dit Monte-Cristo puisque je ne sais absolument rien. |||||||||||absolutely| "But whence you will," said Monte Cristo, since I know absolutely nothing.

—Je croyais cependant que M. l’abbé Busoni avait dit à Votre Excellence.... -I thought, however, that Father Busoni had said to your Excellency ....

—Oui, quelques détails sans doute, mais sept ou huit ans ont passé là-dessus, et j’ai oublié tout cela. -Yes, some details, no doubt, but seven or eight years have passed on that, and I forgot all that.

—Alors je puis donc, sans crainte d’ennuyer Votre Excellence.... |||||fear|bore|| "Then I can, without fear of annoying your Excellency.

—Allez, monsieur Bertuccio, allez, vous me tiendrez lieu de journal du soir. ||||||will keep||||| "Come on, Monsieur Bertuccio, go, you will hold me a place for an evening paper."

—Les choses remontent à 1815. ||trace| -The things go back to 1815.

—Ah! ah! fit Monte-Cristo, ce n’est pas hier, 1815. ||||||yesterday said Monte Cristo, it is not yesterday, 1815.

—Non, monsieur, et cependant les moindres détails me sont aussi présents à la mémoire que si nous étions seulement au lendemain. |||||least||||||||||||||| "No, sir, and yet the smallest details are as much present to me as if we were only in the morning. J’avais un frère, un frère aîné, qui était au service de l’empereur. |||||elder|||||| I had a brother, an elder brother, who was in the Emperor's service. Il était devenu lieutenant dans un régiment composé entièrement de Corses. |||lieutenant||||||| Ce frère était mon unique ami; nous étions restés orphelins, moi à cinq ans, lui à dix-huit, il m’avait élevé comme si j’eusse été son fils. ||||||||||||||him|||||||||had||| This brother was my only friend; we had remained orphans, I at five, he at eighteen, he had raised me as if I had been his son. En 1814, sous les Bourbons, il s’était marié; l’Empereur revint de l’île d’Elbe, mon frère reprit aussitôt du service, et, blessé légèrement à Waterloo, il se retira avec l’armée derrière la Loire. ||||||||||||||rejoined|immediately||||wounded||||||||||| In 1814, under the Bourbons, he was married; the Emperor returned from the Isle of Elba, my brother immediately resumed his service, and, wounded slightly at Waterloo, retired with the army behind the Loire.

—Mais c’est l’histoire des Cent-Jours que vous me faites là, monsieur Bertuccio, dit le comte, et elle est déjà faite, si je ne me trompe. "But that's the story of the Hundred Days that you make me there, Monsieur Bertuccio," said the count, "and it is already done, if I am not mistaken.

—Excusez-moi, Excellence, mais ces premiers détails sont nécessaires, et vous m’avez promis d’être patient.

—Allez! allez! je n’ai qu’une parole. |||word I have only one word.

—Un jour, nous reçûmes une lettre, il faut vous dire que nous habitions le petit village de Rogliano, à l’extrémité du cap Corse: cette lettre était de mon frère; il nous disait que l’armée était licenciée et qu’il revenait par Châteauroux, Clermont-Ferrand, le Puy et Nîmes; si j’avais quelque argent, il me priait de le lui faire tenir à Nîmes, chez un aubergiste de notre connaissance, avec lequel j’avais quelques relations. |||received||||must|||||lived|||||Rogliano||||||||||||||||||licensed|||||Châteauroux|Clermont|Ferrand||Puy|||||||||prayed|||||||||||||||||| One day we received a letter. We must tell you that we lived in the little village of Rogliano at the end of Cape Corsica: this letter was from my brother; he told us that the army was dismissed and that he was returning by Chateauroux, Clermont-Ferrand, Le Puy, and Nimes; if I had any money, he begged me to send it to Nimes, to an innkeeper of our acquaintance, with whom I had some relations.

—De contrebande, reprit Monte-Cristo. “Contraband,” continued Monte Cristo.

—Eh! mon Dieu! monsieur le comte, il faut bien. Monsieur le Comte, you have to.

—Certainement, continuez donc.

—J’aimais tendrement mon frère, je vous l’ai dit, Excellence; aussi je résolus non pas de lui envoyer l’argent, mais de le lui porter moi-même. |tenderly|||||did|||||resolved|||||||but|||||| “I loved my brother dearly, I told you, Excellency; so I resolved not to send him the money, but to take it to him myself. Je possédais un millier de francs, j’en laissai cinq cents à Assunta, c’était ma belle-sœur; je pris les cinq cents autres, et je me mis en route pour Nîmes. |had||thousand||||left||||Assunta|||||||||||||||||| I had a thousand francs, I left five hundred in Assunta, she was my sister-in-law; I took the other five hundred and set off for Nîmes. C’était chose facile, j’avais ma barque, un chargement à faire en mer; tout secondait mon projet. ||||||||||||all|seconded|| It was easy, I had my boat, a load to do at sea; everything supported my project. Mais le chargement fait, le vent devint contraire, de sorte que nous fûmes quatre ou cinq jours sans pouvoir entrer dans le Rhône. ||||||||||||were|||||||||| But the loading made, the wind became contrary, so that we were four or five days without being able to enter the Rhone. Enfin nous y parvînmes; nous remontâmes jusqu’à Arles; je laissai la barque entre Bellegarde et Beaucaire, et je pris le chemin de Nîmes. |||succeeded||went|||||||||||||||||

—Nous arrivons, n’est-ce pas? |arrive||| -We're coming, aren't we?

—Oui, monsieur: excusez-moi, mais, comme Votre Excellence le verra, je ne lui dis que les choses absolument nécessaires. |||||||||will see||||||||| "Yes, sir: excuse me, but, as your Excellency will see, I only tell him things absolutely necessary. Or, c’était le moment où avaient lieu les fameux massacres du Midi. |||||||||massacres|| Now it was the moment when the famous massacres of the South were taking place. Il y avait là deux ou trois brigands que l’on appelait Trestaillon, Truphemy et Graffan, qui égorgeaient dans les rues tous ceux qu’on soupçonnait de bonapartisme. |||||||||||Trestaillon|Truphemy||Graffan||butchered|||||those||suspected|| There were two or three brigands there called Trestaillon, Truphemy and Graffan, who slaughtered in the streets all those suspected of Bonapartism. Sans doute, monsieur le comte a entendu parler de ces assassinats? Doubtless, Monsieur le Comte has heard of these assassinations?

—Vaguement, j’étais fort loin de la France à cette époque. Continuez.

—En entrant à Nîmes, on marchait littéralement dans le sang; à chaque pas on rencontrait des cadavres: les assassins, organisés par bandes, tuaient, pillaient et brûlaient. |||||||in||||||||some|bodies||assassins|||bands|killed|pillaged||burned “On entering Nîmes, we were literally walking in blood; at every step we met corpses: the assassins, organized in bands, killed, looted and burned.

«À la vue de ce carnage, un frisson me prit, non pas pour moi; moi, simple pêcheur corse, je n’avais pas grand-chose à craindre; au contraire, ce temps-là, c’était notre bon temps, à nous autres contrebandiers, mais pour mon frère, pour mon frère soldat de l’Empire, revenant de l’armée de la Loire avec son uniforme et ses épaulettes, et qui par conséquent, avait tout à craindre. |||||carnage|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| "At the sight of this carnage, a shiver took hold of me, not for me; I, a simple Corsican fisherman, did not have much to fear; on the contrary, it was our good time, we smugglers, but for my brother, for my brother soldier of the Empire, returning from the army of the Loire with his uniform and his epaulets, and which, therefore, had everything to fear.

«Je courus chez notre aubergiste. “I ran to our innkeeper. Mes pressentiments ne m’avaient pas trompé: mon frère était arrivé la veille à Nîmes, et à la porte même de celui à qui il venait demander l’hospitalité, il avait été assassiné. |premonitions||||||||||||||||||||||||||||| My presentiments had not deceived me: my brother had arrived the day before at Nimes, and at the very door of the man to whom he had come to ask for hospitality, he had been assassinated.

«Je fis tout au monde pour connaître les meurtriers; mais personne n’osa me dire leurs noms, tant ils étaient redoutés. ||||||||murderers|||||||||||feared "I did everything in the world to know the murderers; but no one dared to tell me their names, so much were they dreaded. Je songeai alors à cette justice française, dont on m’avait tant parlé, qui ne redoute rien, elle, et je me présentai chez le procureur du roi. |thought|||||||||||||fears||||||presented||||| I thought then of that French justice, of which I had been so much spoken, who feared nothing, and I presented myself at the King's Attorney.

—Et ce procureur du roi se nommait Villefort? demanda négligemment Monte-Cristo.

—Oui, Excellence: il venait de Marseille, où il avait été substitut. “Yes, Excellency: he came from Marseilles, where he had been a substitute. Son zèle lui avait valu de l’avancement. |zeal|||||the advancement His zeal had earned him advancement. Il était un des premiers, disait-on, qui eussent annoncé au gouvernement le débarquement de l’île d’Elbe. ||||||||had|||||||| He was one of the first, it was said, who had announced to the government the landing of the island of Elba.

—Donc, reprit Monte-Cristo, vous vous présentâtes chez lui. ||||||presented|| “So,” continued Monte-Cristo, “you came to his house.

«—Monsieur, lui dis-je, mon frère a été assassiné hier dans les rues de Nîmes, je ne sais point par qui, mais c’est votre mission de le savoir. |||||brother|||||||||||||||||||||| “'Monsieur,' I said to him, 'my brother was murdered yesterday in the streets of Nîmes, I don't know by whom, but it is your mission to find out. Vous êtes ici chef de la justice, et c’est à la justice de venger ceux qu’elle n’a pas su défendre. ||here||||||||||||those||||| You are here head of justice, and it is up to justice to avenge those whom it has not been able to defend.

«—Et qu’était votre frère? demanda le procureur du roi....

«—Lieutenant au bataillon corse. Lieutenant||battalion|

«—Un soldat de l’usurpateur, alors?

«—Un soldat des armées françaises.

«—Eh bien, répliqua-t-il, il s’est servi et il a péri par l’épée. |||||||||||perished||the sword 'Well,' he replied, 'he used and perished by the sword.

«—Vous vous trompez, monsieur; il a péri par le poignard. |||||||||dagger

«—Que voulez-vous que j’y fasse? "What do you want me to do? répondit le magistrat.

«—Mais je vous l’ai dit: je veux que vous le vengiez. ||||||want||||avenge

«—Et de qui? "'And from whom?

«—De ses assassins.

«—Est-ce que je les connais, moi? "Do I know them?

«—Faites-les chercher. Have|| "-Make them look for them.

«—Pour quoi faire? "-To do what? Votre frère aura eu quelque querelle et se sera battu en duel. |||||||||fought|| Your brother will have had some quarrel and will have fought a duel. Tous ces anciens soldats se portent à des excès qui leur réussissaient sous l’Empire, mais qui tournent mal pour eux maintenant; or, nos gens du Midi n’aiment ni les soldats, ni les excès. |||||carry|||excess|||succeeded||||||||them|||||||don't like|||||| All these old soldiers are carried to excesses which succeeded to them under the Empire, but which turn bad for them now; but our people of the South do not like soldiers or excesses.

«—Monsieur, repris-je, ce n’est pas pour moi que je vous prie. "'Sir,' I continued, 'it is not for me that I beg you. Moi, je pleurerai ou je me vengerai voilà tout; mais mon pauvre frère avait une femme. ||will cry||||will avenge||||||||| Me, I will cry or I will avenge myself that is all; but my poor brother had a wife. S’il m’arrivait malheur à mon tour, cette pauvre créature mourrait de faim, car le travail seul de mon frère la faisait vivre. |would happen|||||||||||||||||||| If my misfortune should happen to me, this poor creature would die of hunger, for the work of my brother alone made her live. Obtenez pour elle une petite pension du gouvernement. |||||pension|| Get a small government pension for her.

«—Chaque révolution a ses catastrophes, répondit M. de Villefort; votre frère a été victime de celle-ci, c’est un malheur, et le gouvernement ne doit rien à votre famille pour cela. ||||catastrophes|||||||||||that|this|||misfortune|||||must|||||| "Every revolution has its catastrophes," replied M. de Villefort; your brother has been a victim of it, it is a misfortune, and the government owes nothing to your family for that. Si nous avions à juger toutes les vengeances que les partisans de l’usurpateur ont exercées sur les partisans du roi quand à leur tour ils disposaient du pouvoir, votre frère serait peut-être aujourd’hui condamné à mort. |||||||revenges|||partisans||||exercised|||partisans||||||||had|of|||||||||| If we had to judge all the vengeance that the partisans of the usurper exercised on the partisans of the king when in their turn they had the power, your brother would perhaps be condemned today to death. Ce qui s’accomplit est chose toute naturelle, car c’est la loi des représailles. ||accomplishes||||||||||retribution What is accomplished is very natural, for it is the law of reprisals.

«—Eh quoi! monsieur, m’écriai-je, il est possible que vous me parliez ainsi, vous, un magistrat!... |exclaimed|||||||||||| sir, "I exclaimed," it is possible that you speak to me thus, you, a magistrate!

«—Tous ces Corses sont fous, ma parole d’honneur! “'All these Corsicans are mad, my word of honor! répondit M. de Villefort, et ils croient encore que leur compatriote est empereur. replied M. de Villefort, and they still believe that their compatriot is emperor. Vous vous trompez de temps, mon cher; il fallait venir me dire cela il y a deux mois. You are mistaken, my dear fellow; I had to come and tell me that two months ago. Aujourd’hui il est trop tard; allez-vous-en donc, et si vous ne vous en allez pas, moi, je vais vous faire reconduire. |it|||||||||||||||||||||reconduce Today it is too late; Go away, then, and if you do not go away, I will send you back.

«Je le regardai un instant pour voir si par une nouvelle supplication il y avait quelque chose à espérer. ||looked|||||||||||||||| "I looked at him for a moment to see if by a new supplication there was something to hope for. Cet homme était de pierre. ||||stone This man was of stone. Je m’approchai de lui: |approached|| I approached him:

«—Eh bien, lui dis-je à demi-voix, puisque vous connaissez les Corses, vous devez savoir comment ils tiennent leur parole. ||||||||||||||||||keep|| "Well," said I, in a low voice, "since you know the Corsicans, you must know how they keep their word. Vous trouvez qu’on a bien fait de tuer mon frère qui était bonapartiste, parce que vous êtes royaliste, vous; eh bien, moi, qui suis bonapartiste aussi, je vous déclare une chose: c’est que je vous tuerai, vous. |||||||||||||||||||||||||||||||||||will kill| You think that it was well done to kill my brother, who was a Bonapartist, because you are a royalist; Well, I, who am a Bonapartist too, declare to you one thing: I will kill you. À partir de ce moment je vous déclare la vendetta; ainsi, tenez-vous bien, et gardez-vous de votre mieux, car la première fois que nous nous trouverons face à face, c’est que votre dernière heure sera venue. |||||||||||||||||||||||||||will find|||||||||| From that moment I declare you the vendetta; so be well, and keep your best, for the first time we meet face to face is that your last hour will come.

«Et là-dessus, avant qu’il fût revenu de sa surprise, j’ouvris la porte et je m’enfuis. ||||||||||opened|||||fled "And on that, before he came back from his surprise, I opened the door and fled.

—Ah! ah! dit Monte-Cristo, avec votre honnête figure, vous faites de ces choses-là, monsieur Bertuccio, et à un procureur du roi, encore! said Monte Cristo, with your honest countenance, "you are doing these things, Monsieur Bertuccio, and to a procureur du roi, again! Fi donc! Go| Fi so! et savait-il au moins ce que cela voulait dire ce mot  vendetta ? ||it|||||||||| and did he at least know what that meant by the word vendetta?

—Il le savait si bien qu’à partir de ce moment il ne sortit plus seul et se calfeutra chez lui, me faisant chercher partout. |||||||||||||||||sealed|||||| -He knew it so well that from that moment he did not go out alone and cuddled at home, making me look everywhere. Heureusement j’étais si bien caché qu’il ne put me trouver. ||||hidden||||| Fortunately I was so well hidden that he could not find me. Alors la peur le prit, il trembla de rester plus longtemps à Nîmes; il sollicita son changement de résidence, et, comme c’était en effet un homme influent, il fut nommé à Versailles; mais, vous le savez, il n’y a pas de distance pour un Corse qui a juré de se venger de son ennemi, et sa voiture, si bien menée qu’elle fût, n’a jamais eu plus d’une demi-journée d’avance sur moi, qui cependant la suivis à pied. ||fear||||trembled|||||||||||||||||||man|influential|||||||||||||||||||||||||||||||||led|that it|||||||half|||||||||| Then the fear took him, he trembled to stay longer in Nimes; he solicited his change of residence, and as he was indeed an influential man, he was appointed to Versailles; but, you know, there is no distance for a Corsican who has vowed to avenge his enemy, and his car, so well led as it was, has never had more than half a day ahead of me, who, however, followed her on foot.

«L’important n’était pas de le tuer, cent fois j’en avais trouvé l’occasion; mais il fallait le tuer sans être découvert et surtout sans être arrêté. "The important thing was not to kill him, a hundred times I had found the opportunity; but it was necessary to kill him without being discovered, and especially without being arrested. Désormais je ne m’appartenais plus: j’avais à protéger et à nourrir ma belle-sœur. From now on|||belonged|||||||nourish||| From now on I did not belong to myself anymore: I had to protect and feed my sister-in-law. Pendant trois mois je guettai M. de Villefort; pendant trois mois il ne fit pas un pas, une démarche, une promenade, que mon regard ne le suivît là où il allait. ||||watched||||||||||||||step|||||||||||| For three months I watched M. de Villefort; for three months he did not take a step, a step, a walk, that my eyes followed him where he went. Enfin, je découvris qu’il venait mystérieusement à Auteuil: je le suivis encore et je le vis entrer dans cette maison où nous sommes, seulement, au lieu d’entrer comme tout le monde par la grande porte de la rue, il venait soit à cheval, soit en voiture, laissait voiture ou cheval à l’auberge, et entrait par cette petite porte que vous voyez là.» ||discovered|||mysteriously||||||||||saw|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Finally, I discovered that he came mysteriously to Auteuil: I followed him again and I saw him enter this house where we are, only, instead of entering like everyone by the big street door, he came either on horseback, either by car, left car or horse at the inn, and entered by that little door which you see there. "

Monte-Cristo fit de la tête un signe qui prouvait qu’au milieu de l’obscurité il distinguait en effet l’entrée indiquée par Bertuccio. ||||||||||that in||||||||||| Monte Cristo made a sign of the head which proved that in the midst of the darkness he could indeed distinguish the entrance indicated by Bertuccio.

«Je n’avais plus besoin de rester à Versailles, je me fixai à Auteuil et je m’informai. ||||||||||fixed|||||informed "I no longer needed to stay at Versailles, I settled at Auteuil and inquired. Si je voulais le prendre, c’était évidemment là qu’il me fallait tendre mon piège. |||||||||||||trap If I wanted to take it, it was obviously there that I had to lay my trap.

«La maison appartenait, comme le concierge l’a dit à Votre Excellence, à M. de Saint-Méran, beau-père de Villefort. ||belonged||||||||||||||||| “The house belonged, as the concierge told Your Excellency, to M. de Saint-Méran, Villefort's father-in-law. M. de Saint-Méran habitait Marseille; par conséquent, cette campagne lui était inutile; aussi disait-on qu’il venait de la louer à une jeune veuve que l’on ne connaissait que sous le nom de la baronne. ||||||||||||useless||||||||rent||||||||||||||| M. de Saint-Meran lived in Marseilles; consequently, this campaign was useless; It was said that he had just rented it to a young widow known only under the name of the baroness.

«En effet, un soir, en regardant par-dessus le mur, je vis une femme jeune et belle qui se promenait seule dans ce jardin, que nulle fenêtre étrangère ne dominait; elle regardait fréquemment du côté de la petite porte, et je compris que ce soir-là elle attendait M. de Villefort. |||||||over||||||||||||||||||no|||||||frequently|||||||||||||||||| “Indeed, one evening, looking over the wall, I saw a young and beautiful woman walking alone in this garden, which no foreign window overlooked; she frequently looked towards the little door, and I understood that that evening she was expecting M. de Villefort. Lorsqu’elle fut assez près de moi pour que malgré l’obscurité je pusse distinguer ses traits, je vis une belle jeune femme de dix-huit à dix-neuf ans, grande et blonde. ||enough|||||||||could||||||||||||||||||| When she was near enough so that despite the darkness I could see her features, I saw a beautiful young woman of eighteen to nineteen, tall and fair. Comme elle était en simple peignoir et que rien ne gênait sa taille, je pus remarquer qu’elle était enceinte et que sa grossesse même paraissait avancée. |||||robe|||||hindered||||||||pregnant||||pregnancy|||advanced Since she was wearing a simple bathrobe and nothing was bothering her, I noticed she was pregnant and her pregnancy seemed advanced.

«Quelques moments après, on ouvrit la petite porte; un homme entra; la jeune femme courut le plus vite qu’elle put à sa rencontre, ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre, s’embrassèrent tendrement et regagnèrent ensemble la maison. |||||||||||||woman||||||||||||threw|||||||embraced|tenderly||rejoined||| "A few moments later, we opened the little door; a man entered; the young woman ran as fast as she could to meet him, they threw themselves into each other's arms, kissed tenderly and went back together the house.

«Cet homme, c’était M. de Villefort. “This man was M. de Villefort. Je jugeai qu’en sortant, surtout s’il sortait la nuit, il devait traverser seul le jardin dans toute sa longueur. |judged||||||||||||||||| I judged that when he went out, especially if he went out at night, he had to cross the garden alone in all its length.

—Et demanda le comte, avez-vous su depuis le nom de cette femme? "And," said the count, "have you known since the name of this woman?

—Non, Excellence, répondit Bertuccio; vous allez voir que je n’eus pas le temps de l’apprendre. |||||||||had|||||

—Continuez.

—Ce soir-là, reprit Bertuccio, j’aurais pu tuer peut-être le procureur du roi; mais je ne connaissais pas encore assez le jardin dans tous ses détails. |||||||||||prosecutor||||||||||||in||| "That evening," said Bertuccio, "I could have killed perhaps the king's attorney; but I did not know enough about the garden in all its details. Je craignis de ne pas le tuer raide, et, si quelqu’un accourait à ses cris, de ne pouvoir fuir. |feared||not||||stiff||||would come|||cries|||| I feared that I would not kill him stiffly, and if someone ran to his cries, he could not run away. Je remis la partie au prochain rendez-vous, et, pour que rien ne m’échappât, je pris une petite chambre donnant sur la rue que longeait le mur du jardin. I|submitted||||||||||||escaped||||||||||||||| I put the party back at the next meeting, and, so that nothing escaped me, I took a small room overlooking the street that ran along the wall of the garden.

«Trois jours après, vers sept heures du soir, je vis sortir de la maison un domestique à cheval qui prit au galop le chemin qui conduisait à la route de Sèvres; je présumai qu’il allait à Versailles. ||||||||||||||||||||||||||||||Sèvres||presumed|||| "Three days later, towards seven o'clock in the evening, I saw a servant on horseback coming out of the house, who galloped the road which led to the road to Sevres; I presumed he was going to Versailles. Je ne me trompais pas. I was not mistaken. Trois heures après, l’homme revint tout couvert de poussière; son message était terminé. ||||||||dust|||| Three hours later, the man returned covered with dust; his message was over.

«Dix minutes après, un autre homme à pied, enveloppé d’un manteau, ouvrit la petite porte du jardin, qui se referma sur lui. ||||||||||coat||||||||||| "Ten minutes later, another man on foot, wrapped in a cloak, opened the little garden door, which closed on him.

«Je descendis rapidement. Quoique je n’eusse pas vu le visage de Villefort, je le reconnus au battement de mon cœur: je traversai la rue, je gagnai une borne placée à l’angle du mur et à l’aide de laquelle j’avais regardé une première fois dans le jardin. ||had||||||||||||||||crossed||||gained||post|||||||||||||||||| Although I had not seen Villefort's face, I recognized it at the beating of my heart: I crossed the street, I went to a post placed at the corner of the wall and with which I had watched a first times in the garden.

«Cette fois je ne me contentai pas de regarder, je tirai mon couteau de ma poche, je m’assurai que la pointe était bien affilée, et je sautai par-dessus le mur. |||||contented|||||pulled||knife|||||ensured||||||sharpened|||jumped||over|| "This time I did not just look, I pulled my knife out of my pocket, I made sure the point was sharp, and I jumped over the wall.

«Mon premier soin fut de courir à la porte; il avait laissé la clef en dedans, en prenant la simple précaution de donner un double tour à la serrure. ||care|||||||||||||inside||taking||||||||||| "My first care was to run to the door; he had left the key inside, taking the simple precaution of giving a double turn to the lock.

Rien n’entravait donc ma fuite de ce côté-là. |didn't hinder||||||| Nothing hindered my escape on that side. Je me mis à étudier les localités. ||||||localities I began to study the localities. Le jardin formait un carré long, une pelouse de fin gazon anglais s’étendait au milieu, aux angles de cette pelouse étaient des massifs d’arbres au feuillage touffu et tout entremêlé de fleurs d’automne. ||||square|||lawn|||lawn|||||||||lawn||||||foliage|bushy|||intertwined||flowers|of autumn The garden formed a long square, a lawn of fine English lawn lay in the middle, at the corners of this lawn were masses of trees with bushy foliage and intertwined with autumn flowers.

«Pour se rendre de la maison à la petite porte, ou de la petite porte à la maison, soit qu’il entrât, soit qu’il sortît, M. de Villefort était obligé de passer près d’un de ces massifs. ||||||||||||||||||||entered|||went||||||||||||massifs "To go from the house to the little door, or from the little door to the house, whether he entered or went out, M. de Villefort was obliged to pass near one of these massifs.

«On était à la fin de septembre; le vent soufflait avec force; un peu de lune pâle, et voilée à chaque instant par de gros nuages qui glissaient rapidement au ciel, blanchissait le sable des allées qui conduisaient à la maison, mais ne pouvait percer l’obscurité de ces massifs touffus dans lesquels un homme pouvait demeurer caché sans qu’il y eût crainte qu’on ne l’aperçût. ||||||September|||was blowing|||||||pale||veiled|||||||||slid||||whitened||sand||paths|||||||||pierce|||||dense||||||remain|hidden|without|||||||saw "It was the end of September; the wind blew with force; a little pale moon, veiled at every moment by large clouds that glided rapidly to the sky, whitened the sand of the paths that led to the house, but could not pierce the darkness of these thick masses in which a man could remain hidden without fear of being seen.

«Je me cachai dans celui le plus près duquel devait passer Villefort; à peine y étais-je, qu’au milieu des bouffées de vent qui courbaient les arbres au-dessus de mon front, je crus distinguer comme des gémissements. ||hid|||||||||||barely|||||||puffs||||bent|||||||||believed||||groans "I hid in the one nearest Villefort; scarcely were I there, than in the midst of the gusts of wind which bent the trees above my forehead, I thought I could distinguish like moans. Mais vous savez, ou plutôt vous ne savez pas, monsieur le comte, que celui qui attend le moment, de commettre un assassinat croit toujours entendre pousser des cris sourds dans l’air. |||||||||||||||||||commit|||believes||hear|push|some|||| But you know, or rather you do not know, Monsieur le Comte, that the one who is waiting for the moment to commit an assassination always thinks he hears loud cries in the air. Deux heures s’écoulèrent pendant lesquelles, à plusieurs reprises, je crus entendre les mêmes gémissements. ||elapsed||||||||||| Two hours passed during which, several times, I thought I heard the same moans. Minuit sonna. Midnight rang.

«Comme le dernier son vibrait encore lugubre et retentissant, j’aperçus une lueur illuminant les fenêtres de l’escalier dérobé par lequel nous sommes descendus tout à l’heure. ||||||||reverberating|saw|||illuminating|||||hidden|||||||| "As the last sound vibrated again, mournful and resounding, I perceived a glow illuminating the windows of the stolen staircase by which we descended just now.

«La porte s’ouvrit, et l’homme au manteau reparut. ||||||coat| "The door opened, and the man with the coat reappeared. C’était le moment terrible; mais depuis si longtemps je m’étais préparé à ce moment, que rien en moi ne faiblit: je tirai mon couteau, je l’ouvris et je me tins prêt. |||||||||||||||||||weaken||pulled||||opened||||stood| It was the terrible moment; but for so long I had been preparing myself for that moment, that nothing in me would fade: I pulled out my knife, opened it, and stood ready.

«L’homme au manteau vint droit à moi, mais à mesure qu’il avançait dans l’espace découvert, je croyais remarquer qu’il tenait une arme de la main droite: j’eus peur, non pas d’une lutte, mais d’un insuccès. ||coat|||||||||||||||||||weapon||||||||||||| "The man in the coat came straight to me, but as he walked through the open space I thought he was holding a weapon with his right hand: I was afraid, not of a fight, but of a failure. Lorsqu’il fut à quelques pas de moi seulement, je reconnus que ce que j’avais pris pour une arme n’était rien autre chose qu’une bêche. |was||||||||recognized||||||||||||||spade When he was only a few steps away from me, I recognized that what I had taken for a weapon was nothing more than a spade.

«Je n’avais pas encore pu deviner dans quel but M. de Villefort tenait une bêche à la main, lorsqu’il s’arrêta sur la lisière du massif, jeta un regard autour de lui, et se mit à creuser un trou dans la terre. ||||||||||||||||||||||edge|||||||||||||dig||||| "I had not yet been able to guess why Mr. de Villefort was holding a spade in his hand, when he stopped on the edge of the massif, looked around him, and began to dig a hole in Earth. Ce fut alors que je m’aperçus qu’il y avait quelque chose dans son manteau, qu’il venait de déposer sur la pelouse pour être plus libre de ses mouvements. |||||noticed|||||||||||||||lawn||||||| It was then that I noticed that there was something in his coat, which he had deposited on the lawn to be more free of his movements.

«Alors, je l’avoue, un peu de curiosité se glissa dans ma haine: je voulus voir ce que venait faire là Villefort; je restai immobile, sans haleine, j’attendis. ||||a little||||slipped|||||||||||||||||breath|waited "Then, I confess, a little curiosity crept into my hatred: I wanted to see what Villefort was doing there; I remained motionless, without breath, I waited.

«Puis une idée m’était venue, qui se confirma en voyant le procureur du roi tirer de son manteau un petit coffre long de deux pieds et large de six à huit pouces. |||||||||||||||||coat||||||||||||||inches "Then an idea had come to me, which was confirmed by seeing the procureur du roi draw from his cloak a little chest two feet long and six or eight inches wide.

«Je le laissai déposer le coffre dans le trou, sur lequel il repoussa la terre; puis, sur cette terre fraîche, il appuya ses pieds pour faire disparaître la trace de l’œuvre nocturne. ||let||||||hole||||pushed|||||||fresh|||||||||||| "I let him put the chest in the hole, on which he pushed back the earth; then, on this cool ground, he pressed his feet to remove the trace of the nocturnal work. Je m’élançai alors sur lui et je lui enfonçai mon couteau dans la poitrine en lui disant: |leaped|||||||plunged|||||||| I then jumped on him and I thrust my knife into his chest, saying:

«—Je suis Giovanni Bertuccio! ta mort pour mon frère, ton trésor pour sa veuve: tu vois bien que ma vengeance est plus complète que je ne l’espérais. |||||your||||widow|||||||||||||hoped your death for my brother, your treasure for his widow: you see that my vengeance is more complete than I expected.

«Je ne sais s’il entendit ces paroles; je ne le crois pas, car il tomba sans pousser un cri; je sentis les flots de son sang rejaillir brûlants sur mes mains et sur mon visage; mais j’étais ivre, j’étais en délire; ce sang me rafraîchissait au lieu de me brûler. ||||||||||||||||pushing||||felt||||||recoil|burning|||||||||I was|drunk|||||||refreshed||||| "I do not know whether he heard these words; I do not believe it, for he fell without uttering a cry; I felt the waves of his blood pouring hot on my hands and on my face; but I was drunk, I was delirious; this blood refreshed me instead of burning me. En une seconde, j’eus déterré le coffret à l’aide de la bêche; puis, pour qu’on ne vît pas que je l’avais enlevé, je comblai à mon tour le trou, je jetai la bêche par-dessus le mur, je m’élançai par la porte, que je fermai à double tour en dehors et dont j’emportai la clef. ||||dug||box||the help|||shovel||||||||||||filled|||||hole||||||||||||||||closed|||||outside|||I took|| In a second I had dug up the box with the spade; then, in order not to see that I had removed it, I filled the hole in my turn, I threw the spade over the wall, I threw myself by the door, which I closed with a double turn outside and I took away the key.

—Bon! dit Monte-Cristo, c’était, à ce que je vois, un petit assassinat doublé de vol. said Monte Cristo, as I see it, a small assassination doubled with theft.

—Non, Excellence, répondit Bertuccio, c’était une vendetta suivie de restitution. ||||||vendetta|||restitution "No, Excellency," replied Bertuccio, "it was a vendetta followed by restitution.

—Et la somme était ronde, au moins? ||||round|| -And the sum was round, at least?

—Ce n’était pas de l’argent. “It wasn't money.

—Ah! oui, je me rappelle, dit Monte-Cristo n’avez-vous pas parlé d’un enfant? yes, I remember, said Monte Cristo, have you not spoken of a child?

—Justement, Excellence. Je courus jusqu’à la rivière, je m’assis sur le talus, et, pressé de savoir ce que contenait le coffre, je fis sauter la serrure avec mon couteau. ||||river||sat|on||bank|||||||||||did|||lock||| I ran to the river, sat on the embankment, and, in a hurry to find out what was in the trunk, threw the lock with my knife.

«Dans un lange de fine batiste était enveloppé un enfant qui venait de naître; son visage empourpré, ses mains violettes annonçaient qu’il avait dû succomber à une asphyxie causée par des ligaments naturels roulés autour de son cou; cependant, comme il n’était pas froid encore, j’hésitai à le jeter dans cette eau qui coulait à mes pieds. In||cloth|||batiste||||||||be born|||purplish||||announced|||had|succumb|||asphyxia||||ligaments|natural|rolled||||cord||||||||hesitated||||||water||was flowing||| "In a fine batiste was wrapped a child who had just been born; his purple face, his purple hands announced that he must have succumbed to asphyxiation caused by natural ligaments rolled around his neck; however, as it was not yet cold, I hesitated to throw it into the water that flowed at my feet. En effet, au bout d’un instant je crus sentir un léger battement vers la région du cœur; je dégageai son cou du cordon qui l’enveloppait, et, comme j’avais été infirmier à l’hôpital de Bastia, je fis ce qu’aurait pu faire un médecin en pareille circonstance c’est-à-dire que je lui insufflai courageusement de l’air dans les poumons, qu’après un quart d’heure d’efforts inouïs je le vis respirer, et j’entendis un cri s’échapper de sa poitrine. |||||||believed|||light||||||||uncovered||neck||cord||wrapped|||||nurse||||||||||||||||||||||insufflated||||||lungs||||||incredible|||saw|||I heard|||||| Indeed, after a moment I thought I felt a slight beating towards the region of the heart; I freed his neck from the cord which enveloped him, and, as I had been a nurse at the hospital of Bastia, I did what a doctor could have done in such a circumstance, that is, I breathed him in. courageously air in my lungs, that after fifteen minutes of unheard-of effort I saw him breathe, and I heard a cry escaping from his breast.

«À mon tour, je jetai un cri, mais un cri de joie. ||||threw||||||| “In my turn, I uttered a cry, but a cry of joy. Dieu ne me maudit donc pas, me dis-je, puisqu’il permet que je rende la vie à une créature humaine en échange de la vie que j’ai ôtée à une autre! |||||||||||||render||||||||exchange||||||taken||| God does not curse me then, I say to myself, since it allows me to give life to a human creature in exchange for the life I took away from another!

—Et que fîtes-vous donc de cet enfant? "And what do you do with this child? demanda Monte-Cristo; c’était un bagage assez embarrassant pour un homme qui avait besoin de fuir. |||||baggage||embarrassing||||||||flee asked Monte Cristo; it was an embarrassing bag for a man who needed to flee.

—Aussi n’eus-je point un instant l’idée de le garder. ||||an||||| -Also I did not for a moment have the idea of ​​keeping it. Mais je savais qu’il existait à Paris un hospice où on reçoit ces pauvres créatures. ||||||||hospice|||receives|||creatures But I knew that there was a hospice in Paris where we receive these poor creatures. En passant à la barrière, je déclarai avoir trouvé cet enfant sur la route et je m’informai. ||||||declared|||||||||| As I passed the gate, I declared that I had found this child on the road and inquired. Le coffre était là qui faisait foi; les langes de batiste indiquaient que l’enfant appartenait à des parents riches; le sang dont j’étais couvert pouvait aussi bien appartenir à l’enfant qu’à tout autre individu. ||||||||diapers||batiste||||||||||||||||||||||| The safe was there; batiste's nappies indicated that the child belonged to wealthy parents; the blood I covered could belong to the child as well as to any other individual. On ne me fit aucune objection; on m’indiqua l’hospice, qui était situé tout au bout de la rue d’Enfer, et, après avoir pris la précaution de couper le lange en deux, de manière qu’une des deux lettres qui le marquaient continuât d’envelopper le corps de l’enfant, je déposai mon fardeau dans le tour, je sonnai et je m’enfuis à toutes jambes. |||||||indicated|the hospice|||||||||||||||||||||||||||||||marked|continued|to wrap||||||deposited||burden|||tour||sounded|||||| No one objected to me; I was informed of the hospice, which was situated at the end of the Rue d'Enfer, and, after having taken the precaution of cutting the linen in two, so that one of the two letters which marked it continued to envelop him. the body of the child, I put my burden in the tower, I rang and I fled at full speed. Quinze jours après, j’étais de retour à Rogliano, et je disais à Assunta: Fifteen days later, I was back in Rogliano, and I said to Assunta:

«—Console-toi, ma sœur; Israël est mort, mais je l’ai vengé. "Sit down, sister; Israel died, but I avenged him.

«Alors elle me demanda l’explication de ces paroles, et je lui racontai tout ce qui s’était passé. |||||||||||told|||||

«—Giovanni, me dit Assunta, tu aurais dû rapporter cet enfant, nous lui eussions tenu lieu des parents qu’il a perdus, nous l’eussions appelé Benedetto, et en faveur de cette bonne action Dieu nous eût bénis effectivement. |||||||report|||||would|||||||||would||Benedict|||||||||||| "Giovanni," said Assunta to me, "you should have brought back this child, we would have taken the place of the parents he lost, we would have called him Benedetto, and in favor of this good deed, God would have blessed us indeed."

«Pour toute réponse je lui donnai la moitié de lange que j’avais conservée, afin de faire réclamer l’enfant si nous étions plus riches. ||||||||||||kept|||||||||| "For any answer I gave him half the mixture that I had kept, to make claim the child if we were richer.

—Et de quelles lettres était marqué ce lange? And what letters was this lange marked? demanda Monte-Cristo. asked Monte-Cristo.

—D’un H et d’un N surmontés d’un tortil de baron. |||||overcome||twist|| -On H and N surmounted by a baron's tortil.

—Je crois, Dieu me pardonne! “I believe, God forgive me! que vous vous servez de termes de blason, monsieur Bertuccio! |||use||terms||blazon|| that you use terms of coat of arms, Mr. Bertuccio! Où diable avez-vous fait vos études héraldiques? |||||||heraldic Where the hell did you do your heraldic studies?

—À votre service, monsieur le comte, où l’on apprend toutes choses. |||||||one||| "At your service, Monsieur le Comte, where we learn all things."

—Continuez, je suis curieux de savoir deux choses.

—Lesquelles, monseigneur?

—Ce que devint ce petit garçon; ne m’avez-vous pas dit que c’était un petit garçon, monsieur Bertuccio? ||became||||||||||||||| What did this little boy become? did not you tell me it was a little boy, Monsieur Bertuccio?

—Non, Excellence; je ne me rappelle pas avoir parlé de cela. "No, Excellency; I do not remember talking about that.

—Ah! je croyais avoir entendu, je me serai trompé. I thought I had heard, I would have been wrong.

—Non, vous ne vous êtes pas trompé, car c’était effectivement un petit garçon; mais Votre Excellence désirait, disait-elle, savoir deux choses: quelle est la seconde? “No, you are not mistaken, for he was indeed a little boy; but Your Excellency wanted, she said, to know two things: what is the second?

—La seconde était le crime dont vous étiez accusé quand vous demandâtes un confesseur, et que l’abbé Busoni alla vous trouver sur cette demande dans la prison de Nîmes. |||||||||||asked||||||||||||||||| The second was the crime of which you were accused when you asked for a confessor, and that Abbe Busoni went to find you on this request in the prison of Nimes.

—Peut-être ce récit sera-t-il bien long, Excellence. "Perhaps this story will be very long, Excellency.

—Qu’importe? -Qu'importe? il est dix heures à peine, vous savez que je ne dors pas, et je suppose que de votre côté vous n’avez pas grande envie de dormir.» |||||||||||sleep||||||||||||||| it's only ten o'clock, you know I'm not sleeping, and I suppose you do not want to sleep on your side. "

Bertoccio s’inclina et reprit sa narration. Bertoccio bowed and resumed his narration.

«Moitié pour chasser les souvenirs qui m’assiégeaient, moitié pour subvenir aux besoins de la pauvre veuve, je me remis avec ardeur à ce métier de contrebandier, devenu plus facile par le relâchement des lois qui suit toujours les révolutions. ||||||besieged|||provide||||||widow||||||||profession|||||||||||||||revolutions “Half to chase away the memories that besieged me, half to provide for the poor widow's needs, I resumed with ardor this trade of smuggler, made easier by the loosening of the laws which always follows revolutions. Les côtes du Midi, surtout, étaient mal gardées, à cause des émeutes éternelles qui avaient lieu, tantôt à Avignon, tantôt à Nîmes, tantôt à Uzès. |||||||||||riots|||||||||||||Uzès The coasts of the South, especially, were badly guarded, because of the eternal riots which took place, sometimes in Avignon, sometimes in Nîmes, sometimes in Uzès. Nous profitâmes de cette espèce de trêve qui nous était accordée par le gouvernement pour lier des relations avec tout le littoral. ||||||||||granted||||||||||| We took advantage of this kind of truce which was granted to us by the government to establish relations with the whole coast. Depuis l’assassinat de mon frère dans les rues de Nîmes, je n’avais pas voulu rentrer dans cette ville. Since the assassination of my brother in the streets of Nîmes, I had not wanted to return to this city. Il en résulta que l’aubergiste avec lequel nous faisions des affaires, voyant que nous ne voulions plus venir à lui, était venu à nous et avait fondé une succursale de son auberge sur la route de Bellegarde à Beaucaire, à l’enseigne du  Pont du Gard . ||||||||were|||||||wanted|||||||||||||branch||||||||||||the sign|||| As a result, the innkeeper with whom we were doing business, seeing that we no longer wanted to come to him, had come to us and had founded a branch of his inn on the road from Bellegarde to Beaucaire, at the sign of Pont of the Gard. Nous avions ainsi, soit du côté d’Aigues-Mortes, soit aux Martigues, soit à Bouc, une douzaine d’entrepôts où nous déposions nos marchandises et où, au besoin, nous trouvions un refuge contre les douaniers et les gendarmes. |had|||||||||Martigues|||Bouc|||of warehouses|||deposited||||||||found|||||customs||| We thus had, either on the Aigues-Mortes side, or in Martigues, or in Bouc, a dozen warehouses where we left our goods and where, if necessary, we found a refuge against the customs officers and the gendarmes. C’est un métier qui rapporte beaucoup que celui de contrebandier, lorsqu’on y applique une certaine intelligence secondée par quelque vigueur; quant à moi, je vivais dans les montagnes ayant maintenant une double raison de craindre gendarmes et douaniers, attendu que toute comparution devant les juges pouvait amener une enquête, que cette enquête est toujours une excursion dans le passé, et que dans mon passé, à moi, on pouvait rencontrer maintenant quelque chose plus grave que des cigares entrés en contrebande ou des barils d’eau-de-vie circulant sans laissez-passer. ||profession||brings||||||when one||applies||||aided||||||||lived||||having|||||||||customs||||appearance|||||bring||||||||||||||||||||||||||||||||||||barrels||||circulating||| It is a profession which pays much that that of smuggler, when one applies to it a certain intelligence seconded by some vigor; As for me, I lived in the mountains now having a double reason to fear gendarmes and customs officers, given that any appearance before the judges could lead to an investigation, that this investigation is always an excursion into the past, and that in my past, to me, you could now encounter something more serious than smuggled cigars or barrels of brandy circulating without a pass. Aussi, préférant mille fois la mort à une arrestation, j’accomplissais des choses étonnantes, et qui, plus d’une fois, me donnèrent cette preuve, que le trop grand soin que nous prenons de notre corps est à peu près le seul obstacle à la réussite de ceux de nos projets qui ont besoin d’une décision rapide et d’une exécution vigoureuse et déterminée. |preferring||||||||accomplished|||astonishing|||||||gave|this|||||||||take|||||||||||||success||those||||||||||||||| So, preferring death a thousand times over arrest, I accomplished amazing things, and which, more than once, gave me this proof, that the too great care we take of our body is about the only obstacle. to the success of those of our projects which need a quick decision and a vigorous and determined execution. En effet une fois qu’on a fait le sacrifice de sa vie, on n’est plus l’égal des autres hommes, ou plutôt les autres hommes ne sont plus vos égaux, et quiconque a pris cette résolution sent, à l’instant même, décupler ses forces et s’agrandir son horizon. |||||||||||||||the equal|||||||||||||equals||anyone|||||||||decuple||||enlarge||horizon In fact, once you have made the sacrifice of your life, you are no longer the equal of other men, or rather other men are no longer your equals, and whoever has taken this resolution feels, at the moment even, to multiply its forces and expand its horizon.

—De la philosophie, monsieur Bertuccio! "Philosophy, Monsieur Bertuccio!" interrompit le comte; mais vous avez donc fait un peu de tout dans votre vie? interrupted the count; but have you done a bit of everything in your life?

—Oh! pardon, Excellence!

—Non! non! c’est que la philosophie à dix heures et demie du soir, c’est un peu tard. it's that philosophy at half past ten in the evening is a little late. Mais je n’ai pas d’autre observation à faire, attendu que je la trouve exacte, ce qu’on ne peut pas dire de toutes les philosophies. |||||||||||||||||||||||philosophies But I have no other observation to make, since I find it correct, which cannot be said of all philosophies.

—Mes courses devinrent donc de plus en plus étendues, de plus en plus fructueuses. |courses|||||||extended|||||fruitful “So my races became more and more extensive, more and more fruitful. Assunta était ménagère, et notre petite fortune s’arrondissait. Assunta||housekeeper|||||was rounding Assunta was a housewife, and our little fortune was increasing. Un jour que je partais pour une course: ||||was leaving||| One day when I was going for a race:

«—Va, dit-elle, et à ton retour je te ménage une surprise. "'Go,' she said, 'and when you come back I'll give you a surprise.

«Je l’interrogeais inutilement: elle ne voulut rien me dire et je partis. |interrogated|||||||||| "I questioned her unnecessarily: she wouldn't tell me anything and I left.

«La course dura près de six semaines; nous avions été à Lucques charger de l’huile, et à Livourne prendre des cotons anglais; notre débarquement se fit sans événement contraire, nous réalisâmes nos bénéfices et nous revînmes tout joyeux. ||||||||||||||the oil|||Livorno||||||||||event|||realized|||||returned|| “The race lasted almost six weeks; we had been to Lucca to load oil, and to Leghorn to collect English cottons; our disembarkation took place without any contrary event, we realized our profits and we returned very happy.

«En rentrant dans la maison, la première chose que je vis à l’endroit le plus apparent de la chambre d’Assunta dans un berceau somptueux relativement au reste de l’appartement, fut un enfant de sept à huit mois. |returning||||||||||||||||||of Assunta|||cradle|sumptuous||||||||||||| “Upon entering the house, the first thing I saw in the most apparent part of Assunta's room in a plush crib relative to the rest of the apartment was a child of seven to eight months. Je jetai un cri de joie. Les seuls moments de tristesse que j’eusse éprouvés depuis l’assassinat du procureur du roi m’avaient été causés par l’abandon de cet enfant. The only moments of sadness I had experienced since the assassination of the king's attorney had been caused to me by the abandonment of this child. Il va sans dire que de remords de l’assassinat lui-même je n’en avais point eu. It goes without saying that I had no remorse for the assassination itself.

«La pauvre Assunta avait tout deviné: elle avait profité de mon absence, et, munie de la moitié du lange, ayant inscrit, pour ne point l’oublier, le jour et l’heure précis où l’enfant avait été déposé à l’hospice, elle était partie pour Paris et avait été elle-même le réclamer. |||||guessed||||||||equipped||||||||||||||||||||||||||||||||||| "Poor Assunta had guessed everything: she had taken advantage of my absence, and, provided with half of the diaper, having written down, so as not to forget it, the precise day and hour when the child had been dropped off. hospice, she had left for Paris and had been to claim it herself. Aucune objection ne lui avait été faite, et l’enfant lui avait été remis. No objection had been made to him, and the child had been returned to him.

«Ah! j’avoue, monsieur le comte, qu’en voyant cette pauvre créature dormant dans son berceau, ma poitrine se gonfla, et que des larmes sortirent de mes yeux. |||||||||sleeping|||||||swelled|||||||| I admit, Monsieur le Comte, that when I saw this poor creature sleeping in her cradle, my chest swelled, and tears came out of my eyes.

«—En vérité, Assunta, m’écriai-je, tu es une digne femme, et la Providence te bénira. |||exclaimed|||||||||||will bless

—Ceci, dit Monte-Cristo, est moins exact que votre philosophie; il est vrai que ce n’est que la foi. This||||||||||||||||||faith “This,” said Monte-Cristo, “is less exact than your philosophy; it is true that it is only faith.

—Hélas! Excellence, reprit Bertuccio, vous avez bien raison, et ce fut cet enfant lui-même que Dieu chargea de ma punition. |||||||||||||||||||punishment Excellency, replied Bertuccio, you are quite right, and it was this child himself that God charged with my punishment. Jamais nature plus perverse ne se déclara plus prématurément, et cependant on ne dira pas qu’il fut mal élevé, car ma sœur le traitait comme le fils d’un prince; c’était un garçon d’une figure charmante, avec des yeux d’un bleu clair comme ces tons de faïences chinoises qui s’harmonisent si bien avec le blanc laiteux du ton général; seulement ses cheveux d’un blond trop vif donnaient à sa figure un caractère étrange, qui doublait la vivacité de son regard et la malice de son sourire. |||perverse|||||||||||||||||||||||||||||||||||of a||||||||||harmonize||||||milky|||||||||||||||||||||||||||||| Never was a more perverse nature declared more prematurely, and yet it will not be said that he was badly brought up, for my sister treated him like the son of a prince; he was a boy of a charming face, with eyes of a light blue like those tones of Chinese earthenware which harmonize so well with the milky white of the general tone; only her too bright blond hair gave her face a strange character, which doubled the liveliness of her gaze and the mischievousness of her smile. Malheureusement il y a un proverbe qui dit que le roux est tout bon ou tout mauvais; le proverbe ne mentit pas pour Benedetto, et dès sa jeunesse il se montra tout mauvais. |||||proverb|||||red||||||||||lied|||||||||||| Unfortunately there is a proverb which says that red is all good or all bad; the proverb did not lie for Benedetto, and from his youth he showed himself to be quite bad. Il est vrai aussi que la douceur de sa mère encouragea ses premiers penchants; l’enfant, pour qui ma pauvre sœur allait au marché de la ville, située à quatre ou cinq lieues de là, acheter les premiers fruits et les sucreries les plus délicates, préférait aux oranges de Palma et aux conserves de Gênes les châtaignes volées au voisin en franchissant les haies, ou les pommes séchées dans son grenier, tandis qu’il avait à sa disposition les châtaignes et les pommes de notre verger. ||||||||||encouraged|||tendencies||||||sister|||market||||||||||||||||||sweets|||delicate|preferred||oranges|||||conserves||||chestnuts|stolen||||crossing||hedges|||apples|dried|||attic||||||||chestnuts||||||orchard It is also true that the gentleness of his mother encouraged his first inclinations; the child, for whom my poor sister used to go to the town market, four or five leagues away, to buy the first fruits and the most delicate sweets, preferred to oranges from Palma and preserves from Genoa the chestnuts stolen from the neighbor by crossing the hedges, or the dried apples in his attic, while he had at his disposal the chestnuts and apples from our orchard.

«Un jour, Benedetto pouvait avoir cinq ou six ans, le voisin Wasilio, qui, selon les habitudes de notre pays, n’enfermait ni sa bourse ni ses bijoux, car, monsieur le comte le sait aussi bien que personne, en Corse il n’y a pas de voleurs, le voisin Wasilio se plaignit à nous qu’un louis avait disparu de sa bourse; on crut qu’il avait mal compté, mais lui prétendait être sûr de son fait. |||||||||||Wasilio||||habits||||didn't lock||his|purse||||because||||||||||||||||||||||complained||||||||||||||||||||||| “One day, Benedetto could be five or six years old, the neighbor Wasilio, who, according to the habits of our country, did not lock up his purse or his jewels, because, Monsieur le Comte knows it as well as anyone, in Corsica he there are no thieves, the neighbor Wasilio complained to us that a louis had disappeared from his purse; it was believed that he had counted badly, but he pretended to be sure of his fact. Ce jour-là Benedetto avait quitté la maison dès le matin, et c’était une grande inquiétude chez nous, lorsque le soir nous le vîmes revenir traînant un singe qu’il avait trouvé, disait-il, tout enchaîné au pied d’un arbre. |||||||||||||||||||||||saw||dragging||monkey|||||||chained|||| That day Benedetto had left the house early in the morning, and it was a great concern with us, when in the evening we saw him come back dragging a monkey that he had found, he said, all chained up at the foot of a tree. tree.

«Depuis un mois la passion du méchant enfant, qui ne savait quelle chose s’imaginer, était d’avoir un singe. ||||passion||naughty|||||||imagine||||monkey “For a month the passion of the wicked child, who did not know what to imagine, had been to have a monkey. Un bateleur qui était passé à Rogliano, et qui avait plusieurs de ces animaux dont les exercices l’avaient fort réjoui, lui avait inspiré sans doute cette malheureuse fantaisie. |juggler||||||||||||||||||rejoiced|||inspired||||unfortunate| A juggler who had passed to Rogliano, and who had several of these animals whose exercises had greatly delighted him, had doubtless inspired him with this unfortunate fancy.

«—On ne trouve pas de singe dans nos bois, lui dis-je, et surtout de singe enchaîné; avoue-moi donc comment tu t’es procuré celui-ci. "'You don't find a monkey in our woods,' I said to him, 'and especially a chained monkey; So tell me how you got this one.

«Benedetto soutint son mensonge, et l’accompagna de détails qui faisaient plus d’honneur à son imagination qu’à sa véracité; je m’irritai, il se mit à rire; je le menaçai, il fit deux pas en arrière. |sustained||lie||||||||||||||||got irritated||||||||threatened||||||back “Benedetto supported his lie, and accompanied it with details which did more honor to his imagination than to his veracity; I got angry, he laughed; I threatened him, he took two steps back.

«—Tu ne peux pas me battre, dit-il, tu n’en as pas le droit, tu n’es pas mon père. “You can't beat me,” he said, “you don't have the right to, you're not my father.

«Nous ignorâmes toujours qui lui avait révélé ce fatal secret, que nous lui avions caché cependant avec tant de soin; quoi qu’il en soit, cette réponse, dans laquelle l’enfant se révéla tout entier, m’épouvanta presque, mon bras levé retomba effectivement sans toucher le coupable; l’enfant triompha, et cette victoire lui donna une telle audace qu’à partir de ce moment tout l’argent d’Assunta, dont l’amour semblait augmenter pour lui à mesure qu’il en était moins digne, passa en caprices qu’elle ne savait pas combattre, en folies qu’elle n’avait pas le courage d’empêcher. |ignored|||||revealed|||||||||||||care|||||||||||revealed|||terrified||||||||||||triumphed|||||||such|audacity|that|||||||||love||||||||||||||caprices|||||||||||||of preventing “We still did not know who had revealed this fatal secret to him, which we had nevertheless concealed from him with so much care; however that may be, this answer, in which the child revealed himself entirely, almost terrified me, my raised arm did indeed fall without touching the culprit; the child triumphed, and this victory gave him such audacity that from that moment all the money of Assunta, whose love seemed to increase for him as he was less worthy of it, passed into whims that 'she did not know how to fight, in follies which she did not have the courage to prevent. Quand j’étais à Rogliano, les choses marchaient encore assez convenablement; mais dès que j’étais parti, c’était Benedetto qui était devenu le maître de la maison, et tout tournait à mal. ||||||were|||properly||||||||||become|||||||||| When I was in Rogliano, things were still going quite well; but as soon as I was gone, it was Benedetto who had become the master of the house, and everything was going badly. Âgé de onze ans à peine, tous ses camarades étaient choisis parmi des jeunes gens de dix-huit ou vingt ans, les plus mauvais sujets de Bastia et de Corte, et déjà, pour quelques espiègleries qui méritaient un nom plus sérieux, la justice nous avait donné des avertissements. |||||||||were|||||||||||||||||||of||||||mischiefs|||||||||||||warnings Barely eleven years old, all his comrades were chosen from among young people of eighteen or twenty, the worst subjects of Bastia and Corte, and already, for some mischief that deserved a more serious name, justice had given warnings.

«Je fus effrayé; toute information pouvait avoir des suites funestes: j’allais justement être forcé de m’éloigner de la Corse pour une expédition importante. ||scared||||||suites|funereal||||||move away||||||| “I was scared; any information could have disastrous consequences: I was just going to be forced to move away from Corsica for an important expedition. Je réfléchis longtemps, et, dans le pressentiment d’éviter quelque malheur, je me décidai à emmener Benedetto avec moi. ||||||||||||decided||take||| I reflected for a long time, and, with a presentiment of avoiding some misfortune, I decided to take Benedetto with me. J’espérais que la vie active et rude de contrebandier, la discipline sévère du bord, changeraient ce caractère prêt à se corrompre, s’il n’était pas déjà affreusement corrompu. |||||||||||||deck|would change||||||corrupt|||||| I hoped that the active and rough life of a smuggler, the severe discipline on board, would change this character ready to be corrupted, if it was not already horribly corrupt.

«Je tirai donc Benedetto à part et lui fis la proposition de me suivre, en entourant cette proposition de toutes les promesses qui peuvent séduire un enfant de douze ans. |||||||||||||||surrounding||||||||||||||

«Il me laissa aller jusqu’au bout, et lorsque j’eus finis, éclatant de rire: |||||||||finished|burst|| "He let me go all the way, and when I was done, bursting out laughing:

«—Êtes-vous fou, mon oncle? "'Are you crazy, uncle? dit-il (il m’appelait ainsi quand il était de belle humeur); moi changer la vie que je mène contre celle que vous menez, ma bonne et excellente paresse contre l’horrible travail que vous vous êtes imposé! |||called|||||||||||||||||||lead|||||laziness||the horrible|||||| he said (he called me that when he was in a good mood); me change the life I lead against the one you lead, my good and excellent laziness against the horrible work you have imposed on yourself! passer la nuit au froid, le jour au chaud; se cacher sans cesse; quand on se montre recevoir des coups de fusil, et tout cela pour gagner un peu d’argent! spend the night in the cold, the day in the heat; to hide constantly; when you show yourself receiving gunshots, and all this to earn a little money! L’argent, j’en ai tant que j’en veux! Money, I have as much as I want! mère Assunta m’en donne quand je lui en demande. Mother Assunta gives it to me when I ask for it. Vous voyez donc bien que je serais un imbécile si j’acceptais ce que vous me proposez. ||||||||||would accept||||| So you can see that I would be a fool if I accepted what you are offering me.

«J’étais stupéfait de cette audace et de ce raisonnement. ||||audacity|||| “I was amazed at this audacity and this reasoning. Benedetto retourna jouer avec ses camarades, et je le vis de loin me montrant à eux comme un idiot. |||with|||||||||||||||idiot Benedetto went back to playing with his comrades, and I saw him from afar showing me to them as an idiot.

—Charmant enfant! Charming| murmura Monte-Cristo.

—Oh! s’il eût été à moi, répondit Bertuccio, s’il eût été mon fils, ou tout au moins mon neveu, je l’eusse bien ramené au droit sentier, car la conscience donne la force. |would||||||||||||||||nephew||||brought||||||||| if he had been mine, replied Bertuccio, if he had been my son, or at least my nephew, I would have brought him back to the right path, for conscience gives strength. Mais l’idée que j’allais battre un enfant dont j’avais tué le père me rendait toute correction impossible. But the idea that I was going to beat a child whose father I had killed made correction impossible. Je donnai de bons conseils à ma sœur, qui, dans nos discussions, prenait sans cesse la défense du petit malheureux, et comme elle m’avoua que plusieurs fois des sommes assez considérables lui avaient manqué, je lui indiquai un endroit où elle pouvait cacher notre petit trésor. |||||||||||||||||||||||confessed|||||||considerable|||missed|||indicated||||||||| I gave good advice to my sister, who in our discussions constantly defended the unfortunate child, and as she confessed to me that several times she had missed quite considerable sums, I pointed out to her a place where she could hide. our little treasure. Quant à moi, ma résolution était prise. ||||||taken As for me, my resolution was taken. Benedetto savait parfaitement lire, écrire et compter, car lorsqu’il voulait s’adonner par hasard au travail, il apprenait en un jour ce que les autres apprenaient en une semaine. ||perfectly||||||||indulge||chance||||learned||||||||learned||| Benedetto knew how to read, write and count perfectly, because when he wanted to indulge by chance at work, he learned in one day what others learned in a week. Ma résolution, dis-je, était prise; je devais l’engager comme secrétaire sur quelque navire au long cours, et, sans le prévenir de rien, le faire prendre un beau matin et le faire transporter à bord; de cette façon, et en le recommandant au capitaine, tout son avenir dépendait de lui. ||||||||engage|||||||||||||||||||||||||||||||||recommending|||||||| My resolution, I said, was taken; I was to hire him as secretary on some ocean-going vessel, and, without telling him anything, have him picked up one fine morning and transported on board; in this way, and in recommending him to the captain, his whole future depended on him. Ce plan arrêté, je partis pour la France. This plan stopped, I left for France.

«Toutes nos opérations devaient cette fois s’exécuter dans le golfe du Lion, et ces opérations devenaient de plus en plus difficiles, car nous étions en 1829. |||||||||gulf||||||||||||||| “All of our operations this time had to be in the Gulf of Lions, and these operations were getting more and more difficult because it was 1829. La tranquillité était parfaitement rétablie, et par conséquent le service des côtes était redevenu plus régulier et plus sévère que jamais. ||||restored|||||||||reverted||||||| Tranquility was perfectly restored, and consequently coast service became more regular and more severe than ever. Cette surveillance était encore augmentée momentanément par la foire de Beaucaire, qui venait de s’ouvrir. |surveillance|||increased||||fair|||||| This surveillance was momentarily increased by the Beaucaire fair, which had just opened.

«Les commencements de notre expédition s’exécutèrent sans encombre. |||||executed||without hindrance “The beginnings of our expedition went smoothly. Nous amarrâmes notre barque, qui avait un double fond dans lequel nous cachions nos marchandises de contrebande, au milieu d’une quantité de bateaux qui bordaient les deux rives du Rhône, depuis Beaucaire jusqu’à Arles. |moored|||||||bottom||||were hiding||||||||||boats||bordered|||banks|||||| We moored our boat, which had a double bottom in which we hid our contraband goods, in the middle of a number of boats which bordered the two banks of the Rhone, from Beaucaire to Arles. Arrivés là, nous commençâmes à décharger nuitamment nos marchandises prohibées, et à les faire passer dans la ville par l’intermédiaire des gens qui étaient en relations avec nous, ou des aubergistes chez lesquels nous faisions des dépôts. |||began|||night|||prohibited|||||||||||||||||||||||||||deposits Arrived there, we began to unload our prohibited goods at night, and to pass them in the city through the intermediary of the people who were in contact with us, or of the innkeepers with whom we made deposits. Soit que la réussite nous eût rendus imprudents, soit que nous ayons été trahis, un soir, vers les cinq heures de l’après-midi, comme nous allions nous mettre à goûter, notre petit mousse accourut tout effaré en disant qu’il avait vu une escouade de douaniers se diriger de notre côté. |||succeed||||imprudent||||||betrayed||||||||the afternoon||||||||taste|||mousse|rushed||startled|||||||squad||customs||||| Either that success had made us imprudent, or that we had been betrayed, one evening, around five in the afternoon, when we were about to start tasting, our little boy came running up in terror, saying that he had saw a squad of customs officers heading our side. Ce n’était pas précisément l’escouade qui nous effrayait: à chaque instant, surtout dans ce moment-là, des compagnies entières rôdaient sur les bords du Rhône; mais c’étaient les précautions qu’au dire de l’enfant cette escouade prenait pour ne pas être vue. ||||the squad|||||||||||||companies||were lurking|||||||||||||||squad|took||||| It was not precisely the squad that frightened us: at every moment, especially at this moment, entire companies were prowling on the banks of the Rhone; but these were the precautions that the child said this squad was taking so as not to be seen. En un instant nous fûmes sur pied, mais il était déjà trop tard; notre barque, évidemment l’objet des recherches, était entourée. ||||were||||||||||||||||surrounded In an instant we were on our feet, but it was already too late; our boat, obviously the object of the research, was surrounded. Parmi les douaniers, je remarquai quelques gendarmes; et, aussi timide à la vue de ceux-ci que j’étais brave ordinairement à la vue de tout autre corps militaire, je descendis dans la cale, et, me glissant par un sabord, je me laissai couler dans le fleuve, puis je nageai entre deux eaux, ne respirant qu’à de longs intervalles, si bien que je gagnai sans être vu une tranchée que l’on venait de faire, et qui communiquait du Rhône au canal qui se rend de Beaucaire à Aigues-Mortes. ||customs||noticed||||||||||||||||||||||||||||hold|||slipping|||hatch||||sink||||||swam|||waters||breathing|||||||||gained||||a|trench|||||||||||||||||||| Among the customs officers, I noticed a few gendarmes; and, as timid at the sight of these as I was ordinarily brave at the sight of any other military body, I descended into the hold, and, slipping through a port, I let myself sink into the river, then I swam between two waters, breathing only at long intervals, so that I reached without being seen a trench which had just been made, and which communicated from the Rhone to the canal which goes from Beaucaire to Aigues-Mortes. Une fois arrivé là, j’étais sauvé, car je pouvais suivre sans être vu cette tranchée. Once there, I was saved, because I could follow this trench without being seen. Je gagnai donc le canal sans accident. So I reached the canal without accident. Ce n’était pas par hasard et sans préméditation que j’avais suivi ce chemin; j’ai déjà parlé à Votre Excellence d’un aubergiste de Nîmes qui avait établi sur la route de Bellegarde à Beaucaire une petite hôtellerie. |||||||||||||||||||||||||||||||||||hospitality It was not by chance and without premeditation that I had followed this path; I have already spoken to Your Excellency about an innkeeper from Nîmes who had established a small inn on the road from Bellegarde to Beaucaire.

—Oui, dit Monte-Cristo, je me souviens parfaitement. “Yes,” said Monte-Cristo, “I remember perfectly. Ce digne homme, si je ne me trompe, était même votre associé. This worthy man, if I'm not mistaken, was even your partner.

—C’est cela, répondit Bertoccio; mais depuis sept ou huit ans, il avait cédé son établissement à un ancien tailleur de Marseille qui, après s’être ruiné dans son état, avait voulu essayer de faire sa fortune dans un autre. ||||||||||||||establishment||||tailor|||||||||||wanted|||||||| "That is it," replied Bertoccio; but for the past seven or eight years he had ceded his establishment to a former tailor from Marseilles who, after having ruined himself in his profession, had wanted to try to make his fortune in another. Il va sans dire que les petits arrangements que nous avions faits avec le premier propriétaire furent maintenus avec le second; c’était donc à cet homme que je comptais demander asile. ||||||||||||||||||||||||||||count|| It goes without saying that the small arrangements we made with the first owner were maintained with the second; It was therefore to this man that I intended to seek asylum.

—Et comment se nommait cet homme? demanda le comte, qui paraissait commencer à reprendre quelque intérêt au récit de Bertuccio. asked the count, who seemed to be beginning to regain some interest in Bertuccio's story.

—Il s’appelait Gaspard Caderousse, il était marié à une femme du village de la Carconte, et que nous ne connaissions pas sous un autre nom que celui de son village; c’était une pauvre femme atteinte de la fièvre des marais, qui s’en allait mourant de langueur. |||||||||||||||||||knew|||||||||||||||affected|||fever||||||||languor —His name was Gaspard Caderousse, he was married to a woman from the village of Carconte, and whom we did not know by any name other than that of her village; she was a poor woman suffering from swamp fever, who was going away dying of languor. Quant à l’homme, c’était un robuste gaillard de quarante à quarante-cinq ans, qui plus d’une fois nous avait, dans des circonstances difficiles, donné des preuves de sa présence d’esprit et de son courage. |||||robust|fellow||||||||||||||||||||||||||| As for the man, he was a sturdy fellow of forty to forty-five years old, who more than once, in difficult circumstances, had given us proof of his presence of mind and his courage.

—Et vous dites, demanda Monte-Cristo, que ces choses se passaient vers l’année.... ||||||||||||the year “And you say,” asked Monte-Cristo, “that these things happened around the year ....

—1829, monsieur le comte.

—En quel mois? -In which month?

—Au mois de juin.

—Au commencement ou à la fin. “At the beginning or at the end.

—C’était le 3 au soir. |||evening “It was the evening of the 3rd.

—Ah! fit Monte-Cristo, le 3 juin 1829... Bien, continuez.

—C’était donc à Caderousse que je comptais demander asile; mais, comme d’habitude, et même dans les circonstances ordinaires, nous n’entrions pas chez lui par la porte qui donnait sur la route, je résolus de ne pas déroger à cette coutume, j’enjambai la haie du jardin, je me glissai en rampant à travers les oliviers rabougris et les figuiers sauvages, et je gagnai, dans la crainte que Caderousse n’eût quelque voyageur dans son auberge, une espèce de soupente dans laquelle plus d’une fois j’avais passé la nuit aussi bien que dans le meilleur lit. |||||||||||usually||||||||didn't|||||||||||||resolved||||derogate||||I stepped||hedge|||||slipped||rampant|||||shrunk|||fig trees|||||||||||||||||||loft|||||||||||||||| “So it was in Caderousse that I intended to seek asylum; but, as usual, and even under ordinary circumstances, we did not enter his house by the door which opened onto the road, I resolved not to deviate from this custom, I stepped over the hedge in the garden, I slipped crawling through the stunted olive trees and the wild fig trees, and I gained, fearing that Caderousse might have some traveler in his inn, a sort of loft in which more than once I had spent the night as well only in the best bed. Cette soupente n’était séparée de la salle commune du rez-de-chaussée de l’auberge que par une cloison en planches dans laquelle des jours avaient été ménagés à notre intention, afin que de là nous pussions guetter le moment opportun de faire reconnaître que nous étions dans le voisinage. |||separated||||||||floor||||||partition|||||||||arranged|||||||||could|watch|||opportune|||recognize|||||| This loft was only separated from the common room on the ground floor of the inn by a plank partition in which openings had been left for us, so that from there we could watch for the opportune moment to have someone recognize it. that we were in the neighborhood. Je comptais, si Caderousse était seul, le prévenir de mon arrivée, achever chez lui le repas interrompu par l’apparition des douaniers, et profiter de l’orage qui se préparait pour regagner les bords du Rhône et m’assurer de ce qu’étaient devenus la barque et ceux qui la montaient. |count|||||the|||||finish|||||interrupted|||||||||||||regain|||||||||||||||||would climb I counted, if Caderousse was alone, to warn him of my arrival, to finish at his place the meal interrupted by the appearance of the customs officers, and to take advantage of the storm which was brewing to regain the banks of the Rhône and make sure that had become the boat and those who rode it. Je me glissai donc dans la soupente et bien m’en prit, car à ce moment même Caderousse rentrait chez lui avec un inconnu. ||||||loft|||||||||||||||| So I slipped into the loft and took it well, because at that very moment Caderousse was returning home with a stranger.

«Je me tins coi et j’attendis, non point dans l’intention de surprendre les secrets de mon hôte, mais parce que je ne pouvais faire autrement; d’ailleurs, dix fois même chose était déjà arrivée. |||still||||||||||||||||that||||||||||||| “I kept quiet and waited, not with the intention of uncovering my host's secrets, but because I could not help; moreover, ten times the same thing had already happened.

«L’homme qui accompagnait Caderousse était évidemment étranger au Midi de la France: c’était un de ces négociants forains qui viennent vendre des bijoux à la foire de Beaucaire et qui, pendant un mois que dure cette foire, où affluent des marchands et des acquéreurs de toutes les parties de l’Europe, font quelquefois pour cent ou cent cinquante mille francs d’affaires. ||||||||||||||||traders|itinerant||||||||fair|||||||month||||||affluent||merchants|||acquirers||||||||||||||||of business “The man who accompanied Caderousse was obviously a foreigner in the South of France: he was one of those fairground merchants who come to sell jewelry at the Beaucaire fair and who, during the month that this fair lasts, where merchants and merchants flock. buyers from all parts of Europe sometimes make a hundred or a hundred and fifty thousand francs in business.

«Caderousse entra vivement et le premier. Caderousse entered quickly and was the first. Puis voyant la salle d’en bas vide comme d’habitude et simplement gardée par son chien, il appela sa femme. Then seeing the downstairs room empty as usual and simply guarded by his dog, he called his wife.

«—Hé! la Carconte, dit-il, ce digne homme de prêtre ne nous avait pas trompés; le diamant était bon. Carconte, he said, this worthy priest had not deceived us; the diamond was good.

«Une exclamation joyeuse se fit entendre, et presque aussitôt l’escalier craqua sous un pas alourdi par la faiblesse et la maladie. ||||||||||creaked||||weighted|||weakness||| "A joyful exclamation was heard, and almost immediately the staircase creaked under a step heavy with weakness and sickness.

«—Qu’est-ce que tu dis? "-What are you saying? demanda la femme plus pâle qu’une morte.

«—Je dis que le diamant était bon, que voilà monsieur, un des premiers bijoutiers de Paris, qui est prêt à nous en donner cinquante mille francs. |||||||||||||jewelers|||||||||||| "'I say that the diamond was good, that here is Monsieur, one of the first jewelers in Paris, who is ready to give us fifty thousand francs for it. Seulement, pour être sûr que le diamant est bien à nous, il demande que tu lui racontes, comme je l’ai déjà fait, de quelle façon miraculeuse le diamant est tombé entre nos mains. ||||||||||||||||tells|||||||||||||||| Only, to be sure that the diamond is really ours, he asks that you tell him, as I have already done, in what miraculous way the diamond fell into our hands. En attendant, monsieur, asseyez-vous, s’il vous plaît, et comme le temps est lourd, je vais aller chercher de quoi vous rafraîchir. |||sit||||||||||||||||||refresh In the meantime, sir, please sit down, and since the weather is heavy, I will go and get something to refresh you.

«Le bijoutier examinait avec attention l’intérieur de l’auberge et la pauvreté bien visible de ceux qui allaient lui vendre un diamant qui semblait sortir de l’écrin d’un prince. |jeweler|||||||||poverty||||those||were|||||||come||the box|| “The jeweler carefully examined the interior of the inn and the conspicuous poverty of those who would sell him a diamond that seemed to come from a prince's casket.

«—Racontez, madame, dit-il, voulant sans doute profiter de l’absence du mari pour qu’aucun signe de la part de celui-ci n’influençât la femme, et pour voir si les deux récits cadreraient bien l’un avec l’autre. |||||||||the absence||||||||||||would influence||||||||||would fit|||| "'Tell me, madame,' he said, no doubt wishing to take advantage of the husband's absence so that no sign from the latter would influence the wife, and to see if the two stories would fit in with the one. with the other.

«—Eh! mon Dieu! dit la femme avec volubilité, c’est une bénédiction du ciel à laquelle nous étions loin de nous attendre. ||||volubility|||blessing|||||||||| said the woman volubly, it's a blessing from heaven that we were far from expecting. Imaginez-vous, mon cher monsieur, que mon mari a été lié en 1814 ou 1815 avec un marin nommé Edmond Dantès: ce pauvre garçon, que Caderousse avait complètement oublié ne l’a pas oublié, lui, et lui a laissé en mourant le diamant que vous venez de voir. Imagine, my dear sir, that my husband was linked in 1814 or 1815 with a sailor named Edmond Dantès: this poor boy, whom Caderousse had completely forgotten, did not forget him, and left him when he died. diamond you just saw.

«—Mais comment était-il devenu possesseur de ce diamant? demanda le bijoutier.

Il l’avait donc avant d’entrer en prison? So he had it before he entered prison?

«—Non, monsieur, répondit la femme, mais en prison il a fait, à ce qu’il paraît, la connaissance d’un Anglais très riche; et comme en prison son compagnon de chambre est tombé malade, et que Dantès en prit les mêmes soins que si c’était son frère, l’Anglais, en sortant de captivité, laissa au pauvre Dantès, qui, moins heureux que lui, est mort en prison, ce diamant qu’il nous a légué à son tour en mourant, et qu’il a chargé le digne abbé qui est venu ce matin de nous remettre. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||bequeathed|||||||||||||||||||| 'No, sir,' replied the woman, 'but in prison he apparently made the acquaintance of a very rich Englishman; and as in prison his roommate fell ill, and that Dantès took the same care of him as if it were his brother, the Englishman, on coming out of captivity, left poor Dantes, who, less fortunate than he, is dead in prison, this diamond which he in turn bequeathed to us when he died, and which he instructed the worthy abbot who came this morning to give us back.

«—C’est bien la même chose, murmura le bijoutier, et, au bout du compte l’histoire peut être vraie, tout invraisemblable qu’elle paraisse au premier abord. |||||murmured|||||||||||||invincible|||||approach 'It's the same thing,' the jeweler whispered, 'and in the end the story may be true, implausible as it seems at first glance. Il n’y a donc que le prix sur lequel nous ne sommes pas d’accord. So there is only the price on which we do not agree.

«—Comment! pas d’accord, dit Caderousse; je croyais que vous aviez consenti au prix que j’en demandais. ||||||||||||||was asking not agree, said Caderousse; I thought you agreed to the price I was asking for.

«—C’est-à-dire, reprit le bijoutier, que j’en ai offert quarante mille francs. 'That is to say,' replied the jeweler, 'that I offered forty thousand francs.

«—Quarante mille! s’écria la Carconte; nous ne le donnerons certainement pas pour ce prix-là. ||||||will give|||||| cried Carconte; we certainly won't give it away for that price. L’abbé nous a dit qu’il valait cinquante mille francs, et sans la monture encore. ||||||||||||mount| The abbot told us that it was worth fifty thousand francs, and without the mount as well.

«—Et comment se nommait cet abbé? "'And what was the abbot's name? demanda l’infatigable questionneur. asked the indefatigable questioner.

«—L’abbé Busoni, répondit la femme.

«—C’était donc un étranger?

«—C’était un Italien des environs de Mantoue, je crois. ||||||Mantua||

«—Montrez-moi ce diamant, reprit le bijoutier, que je le revoie une seconde fois; souvent on juge mal les pierres à une première vue.» ||||||||||see||||||||||||| 'Show me this diamond,' replied the jeweler, 'let me see it a second time; stones are often misjudged at first sight. "

«Caderousse tira de sa poche un petit étui de chagrin noir, l’ouvrit et le passa au bijoutier. |||||||case||||||||| Caderousse took from his pocket a small case of black chagrin, opened it and passed it to the jeweler. À la vue du diamant, qui était gros comme une petite noisette, je me le rappelle comme si je le voyais encore, les yeux de la Carconte étincelèrent de cupidité. |||||||||||||||||||||||||||sparkled||greed At the sight of the diamond, which was as big as a small nut, I remember it as if I could still see it, Carconte's eyes sparkled with greed.

—Et que pensiez-vous de tout cela, monsieur l’écouteur aux portes? ||||||||the listener|| "And what did you think of all that, Mr. Listener at the Doors?" demanda Monte-Cristo; ajoutiez-vous foi à cette belle fable? |||added|||||| asked Monte-Cristo; did you have faith in this beautiful fable?

—Oui, Excellence; je ne regardais pas Caderousse comme un méchant homme, et je le croyais incapable d’avoir commis un crime ou même un vol. ||||was looking|||||wicked||||||||committed|||||| —Yes, Excellency; I did not regard Caderousse as a wicked man, and I believed him incapable of having committed a crime or even a theft.

—Cela fait plus honneur à votre cœur qu’à votre expérience, monsieur Bertuccio. “It does your heart more honor than your experience, Mr. Bertuccio. Aviez-vous connu cet Edmond Dantès dont il était question? Did you know this Edmond Dantès in question?

—Non, Excellence, je n’en avais jamais entendu parler jusqu’alors, et je n’en ai jamais entendu reparler depuis qu’une seule fois par l’abbé Busoni lui-même, quand je le vis dans les prisons de Nîmes. |||||||||||||||remention|||||||||||||||||| - No, Excellency, I had never heard of it before, and I have never heard it mentioned again since once by Father Busoni himself, when I saw him in the prisons of Nîmes. .

—Bien! continuez.

—Le bijoutier prit la bague des mains de Caderousse, et tira de sa poche une petite pince en acier et une petite paire de balances de cuivre; puis, écartant les crampons d’or qui retenaient la pierre dans la bague, il fit sortir le diamant de son alvéole, et le pesa minutieusement dans les balances. ||||ring||||||||||||||steel||||||balances||copper||excluding||clamps|||held|||||ring||||||||||||||| The jeweler took the ring from Caderousse's hands, and drew from his pocket a small steel pliers and a small pair of copper scales; then, pushing aside the gold spikes which held the stone in the ring, he brought the diamond out of its socket, and weighed it minutely in the scales.

«—J’irai jusqu’à quarante-cinq mille francs, dit-il, mais je ne donnerai pas un sou avec; d’ailleurs, comme c’était ce que valait le diamant, j’ai pris juste cette somme sur moi. ||||||||||||||||||||||||I|||||| “'I will go up to forty-five thousand francs,' he said, 'but I won't give a penny with it; besides, since that was what the diamond was worth, I just took that amount on myself.

«—Oh! qu’à cela ne tienne, dit Caderousse, je retournerai avec vous à Beaucaire pour chercher les cinq autres mille francs. |||||||will return||||||||||| Never mind, said Caderousse, I'll go back to Beaucaire with you to get the other five thousand francs.

«—Non, dit le bijoutier en rendant l’anneau et le diamant à Caderousse; non, cela ne vaut pas davantage, et encore je suis fâché d’avoir offert cette somme, attendu qu’il y a dans la pierre un défaut que je n’avais pas vu d’abord; mais n’importe, je n’ai qu’une parole, j’ai dit quarante-cinq mille francs, je ne m’en dédis pas. ||||||the ring|||||||||||||||||||||||||||||defect||||||||||||||||||||||dedicates| "'No,' said the jeweler, returning the ring and the diamond to Caderousse; no, it is not worth more, and again I am sorry to have offered this sum, since there is a defect in the stone which I had not seen at first; but no matter what, I have only one word, I said forty-five thousand francs, I am not going back.

«—Au moins remettez le diamant dans la bague», dit aigrement la Carconte. ||put||diamond|||||sharply|| "'At least put the diamond back in the ring,' said Carconte sourly.

«—C’est juste, dit le bijoutier. |just|||

«Et il replaça la pierre dans le chaton. |||||||socket "And he put the stone back in the kitten.

«—Bon, bon, bon, dit Caderousse remettant l’étui dans sa poche, on le vendra à un autre. ||||||the case||||||will sell||| "'Good, good, good,' said Caderousse, putting the case back in his pocket, 'we will sell it to someone else.

«—Oui, reprit le bijoutier, mais un autre ne sera pas si facile que moi; un autre ne se contentera pas des renseignements que vous m’avez donnés; il n’est pas naturel qu’un homme comme vous possède un diamant de cinquante mille francs; il ira prévenir les magistrats, il faudra retrouver l’abbé Busoni, et les abbés qui donnent des diamants de deux mille louis sont rares; la justice commencera par mettre la main dessus, on vous enverra en prison, et si vous êtes reconnu innocent, qu’on vous mette dehors après trois ou quatre mois de captivité, la bague se sera égarée au greffe, ou l’on vous donnera une pierre fausse qui vaudra trois francs au lieu d’un diamant qui en vaut cinquante mille, cinquante-cinq mille peut-être, mais que, vous en conviendrez, mon brave homme, on court certains risques à acheter.» ||||||||||||||||||will not be content|||information||||||||||||||||||||||||||||||||abbots|||||||||||||will begin||||||||will send|||||||recognized||that one|||outside|||||||||ring|||lost||graft||||||||||||||||||||||||||||||will agree||||||||| “'Yes,' said the jeweler, 'but another won't be as easy as me; another will not be satisfied with the information you have given me; it is not natural for a man like you to own a diamond worth fifty thousand francs; he will go to warn the magistrates, it will be necessary to find the Abbé Busoni, and the abbots who give diamonds of two thousand louis are rare; justice will start by getting their hands on it, you will be sent to prison, and if you are found innocent, if you are kicked out after three or four months in captivity, the ring will have gone astray at the registry, or you will be given a false stone which will be worth three francs instead of a diamond which is worth fifty thousand, fifty-five thousand perhaps, but which, you will agree, my good man, one runs certain risks to buy. "

«Caderousse et sa femme s’interrogèrent du regard. ||||wonder||look “Caderousse and his wife looked at each other with questions.

«—Non, dit Caderousse, nous ne sommes pas assez riches pour perdre cinq mille francs. 'No,' said Caderousse, 'we are not rich enough to lose five thousand francs.

«—Comme vous voudrez, mon cher ami, dit le bijoutier; j’avais cependant, comme vous le voyez, apporté de la belle monnaie. |||||||||||||||||||currency "'As you wish, my dear friend," said the jeweler; I had, however, as you can see, brought fine change.

«Et il tira d’une de ses poches une poignée d’or qu’il fit briller aux yeux éblouis de l’aubergiste, et, de l’autre, un paquet de billets de banque. ||||||||handful||||||||||||||package|||| "And he drew from one of his pockets a fistful of gold, which he made shine in the dazzled eyes of the innkeeper, and, in the other, a bundle of banknotes.

«Un rude combat se livrait visiblement dans l’esprit de Caderousse: il était évident que ce petit étui de chagrin qu’il tournait et retournait dans sa main ne lui paraissait pas correspondre comme valeur à la somme énorme qui fascinait ses yeux. ||||was waging||||||||||||||||||||||||||correspond||||||||fascinated|| “A tough fight was evidently taking place in Caderousse's mind: it was obvious that this little case of grief that he turned and turned over in his hand did not seem to him to correspond as a value to the enormous sum which fascinated his eyes. Il se retourna vers sa femme. He turned to his wife.

«—Qu’en dis-tu? lui demanda-t-il tout bas.

«—Donne, donne, dit-elle; s’il retourne à Beaucaire sans le diamant, il nous dénoncera! "'Give, give,' she said; if he returns to Beaucaire without the diamond, he will denounce us! et, comme il le dit, qui sait si nous pourrons jamais remettre la main sur l’abbé Busoni. and, as he says, who knows if we can ever get our hands back on Father Busoni.

«—Eh bien, soit, dit Caderousse, prenez donc le diamant pour quarante-cinq mille francs; mais ma femme veut une chaîne d’or, et moi une paire de boucles d’argent. “'Well, so be it,' said Caderousse, 'take the diamond for forty-five thousand francs; but my wife wants a gold chain, and I want a pair of silver buckles.

«Le bijoutier tira de sa poche une boîte longue et plate qui contenait plusieurs échantillons des objets demandés. ||||||||||||||samples||| “The jeweler took from his pocket a long, flat box which contained several samples of the requested items.

«—Tenez, dit-il, je suis rond en affaires; choisissez. ||||||||choose “'Here,' he said, 'I'm good at business; choose.

«La femme choisit une chaîne d’or qui pouvait valoir cinq louis, et le mari une paire de boucles qui pouvait valoir quinze francs. “The wife chose a gold chain which could be worth five louis, and the husband a pair of earrings which could be worth fifteen francs.

«—J’espère que vous ne vous plaindrez pas, dit le bijoutier. |||||will complain|||| "'I hope you don't complain,' said the jeweler.

«—L’abbé avait dit qu’il valait cinquante mille francs, murmura Caderousse. "'The abbe said it was worth fifty thousand francs,' murmured Caderousse.

«—Allons, allons, donnez donc! "-Let's go, let's go, give it here! Quel homme terrible! What a terrible man! reprit le bijoutier en lui tirant des mains le diamant, je lui compte quarante-cinq mille francs, deux mille cinq cents livres de rente, c’est-à-dire une fortune comme je voudrais bien en avoir une, moi, et il n’est pas encore content. resumed the jeweler, pulling the diamond from his hands, `` I count forty-five thousand francs, two thousand five hundred francs a year, that is to say a fortune as I would like to have one, me, and he does not. is not happy yet.

«—Et les quarante-cinq mille francs, demanda Caderousse d’une voix rauque; voyons, où sont-ils? "'And the forty-five thousand francs,' asked Caderousse in a hoarse voice; let's see, where are they?

«—Les voilà, dit le bijoutier. "'There they are,' said the jeweler.

«Et il compta sur la table quinze mille francs en or et trente mille francs en billets de banque. "And he counted on the table fifteen thousand francs in gold and thirty thousand francs in banknotes.

«—Attendez que j’allume la lampe, dit la Carconte, il n’y fait plus clair, et on pourrait se tromper. ||I turn on||||||||||||||| "'Wait till I light the lamp,' said La Carconte, 'it's not bright any more, and we could be wrong.

«En effet, la nuit était venue pendant cette discussion, et, avec la nuit, l’orage qui menaçait depuis une demi-heure. “In fact, night had come during this discussion, and, together with the night, the storm which had threatened for half an hour. On entendait gronder sourdement le tonnerre dans le lointain; mais ni le bijoutier, ni Caderousse, ni la Carconte, ne paraissaient s’en occuper, possédés qu’ils étaient tous les trois du démon du gain. ||rumble||||||||||||||||||||possessed|||||||demon||gain The thunder could be heard silently rumbling in the distance; but neither the jeweler, nor Caderousse, nor La Carconte, seemed to take care of it, possessed that they were all three of the demon of gain. Moi-même, j’éprouvais une étrange fascination à la vue de tout cet or et de tous ces billets. ||I felt|||||||||this|||||| I myself felt a strange fascination at the sight of all this gold and all these banknotes. Il me semblait que je faisais un rêve, et, comme il arrive dans un rêve, je me sentais enchaîné à ma place. ||||||||||||||||||chained||| It seemed to me that I was having a dream, and, as happens in a dream, I felt chained in my place.

«Caderousse compta et recompta l’or et les billets, puis il les passa à sa femme, qui les compta et recompta à son tour. |||recount||||||||||||||||||| “Caderousse counted and recounted the gold and the banknotes, then he passed them to his wife, who counted them and recounted them in her turn.

«Pendant ce temps, le bijoutier faisait miroiter le diamant sous les rayons de la lampe, et le diamant jetait des éclairs qui lui faisaient oublier ceux qui, précurseurs de l’orage, commençaient à enflammer les fenêtres. ||||jeweler||sparkle||||||||||||||flashes|||||those||precursors||the storm|||ignite|| “During this time, the jeweler made the diamond sparkle under the rays of the lamp, and the diamond threw lightning which made him forget those which, precursors of the storm, began to set the windows on fire.

«—Eh bien, le compte y est-il? "Well, is the account there?" demanda le bijoutier.

«—Oui, dit Caderousse; donne le portefeuille et cherche un sac, Carconte. |||||wallet||search||| "'Yes,' said Caderousse; give the wallet and look for a bag, Carconte.

«La Carconte alla à une armoire et revint apportant un vieux portefeuille de cuir, duquel on tira quelques lettres graisseuses à la place desquelles on remit les billets, et un sac dans lequel étaient enfermés deux ou trois écus de six livres, qui composaient probablement toute la fortune du misérable ménage. |||||cabinet||||||||leather||||||greasy||||||||||||||||||||||||composed|||||||house "La Carconte went to a cupboard and came back bringing an old leather wallet, from which they took out a few greasy letters in place of which they put the banknotes back, and a bag in which were locked two or three six-pound coins, which probably made up all of the money. the fortune of the miserable household.

«—Là, dit Caderousse, quoique vous nous ayez soulevé une dizaine de mille francs peut-être, voulez-vous souper avec nous? |||||||raised||dozen|||||||||| "'There,' said Caderousse, 'although you may have raised about ten thousand francs for us, would you like to dine with us? c’est de bon cœur. it is with a good heart.

«—Merci, dit le bijoutier, il doit se faire tard, et il faut que je retourne à Beaucaire; ma femme serait inquiète»; il tira sa montre. "'Thank you,' said the jeweler, 'it must be getting late, and I must return to Beaucaire; my wife would be worried ”; he pulled out his watch. «Morbleu! “Morbleu! s’écria-t-il, neuf heures bientôt, je ne serai pas à Beaucaire avant minuit. he cried, 'nine o'clock soon, I won't be at Beaucaire before midnight. Adieu, mes petits enfants; s’il vous revient par hasard des abbés Busoni, pensez à moi. ||||||returns|||||||| Farewell, my little children; if it happens to you from Abbots Busoni, think of me.

«—Dans huit jours, vous ne serez plus à Beaucaire, dit Caderousse, puisque la foire finit la semaine prochaine. "'In a week you will no longer be at Beaucaire,' said Caderousse, 'since the fair ends next week.

«—Non, mais cela ne fait rien; écrivez-moi à Paris, à M. Joannès, au Palais-Royal, galerie de Pierre, n° 45, je ferai le voyage exprès si cela en vaut la peine. ||||||||||||Joannès||||||||||||on purpose|||||| “No, but that doesn't matter; write to me in Paris, to M. Joannès, at the Palais-Royal, Galerie de Pierre, n ° 45, I will make the trip on purpose if it is worth it.

«Un coup de tonnerre retentit, accompagné d’un éclair si violent qu’il effaça presque la clarté de la lampe. |||thunder|resounds|||||||erased|||clarity||| "A thunderclap sounded, accompanied by a flash so violent that it almost erased the brightness of the lamp.

«—Oh! oh! dit Caderousse, vous allez partir par ce temps-là? said Caderousse, are you going to leave in this weather?

«—Oh! je n’ai pas peur du tonnerre, dit le bijoutier.

«—Et des voleurs? "'And thieves? demanda la Carconte. La route n’est jamais bien sûre pendant la foire. The road is never safe during the fair.

«—Oh! quant aux voleurs, dit Joannès, voilà pour eux. as for thieves, said Joannès, this is for them.

«Et il tira de sa poche une paire de petits pistolets chargés jusqu’à la gueule. ||||||||||||||muzzle

«—Voilà, dit-il, des chiens qui aboient et mordent en même temps: c’est pour les deux premiers qui auraient envie de votre diamant, père Caderousse. ||||||bark||bite|||||||||||||||| "'There are dogs barking and biting at the same time,' he said: it is for the first two who would want your diamond, Father Caderousse.

«Caderousse et sa femme échangèrent un regard sombre. “Caderousse and his wife exchanged a dark look. Il paraît qu’ils avaient en même temps quelque terrible pensée. It seems they had some terrible thought at the same time.

«—Alors, bon voyage! dit Caderousse.

«—Merci!» dit le bijoutier.

«Il prit sa canne qu’il avait posée contre un vieux bahut, et sortit. |||cane|||||||chest|| "He took his cane, which he had placed against an old chest, and went out. Au moment où il ouvrit la porte, une telle bouffée de vent entra qu’elle faillit éteindre la lampe. ||||||||such|||||||extinguish|| The moment he opened the door, such a gust of wind entered that she almost extinguished the lamp.

«—Oh! dit-il, il va faire un joli temps, et deux lieues de pays à faire avec ce temps-là! ||||||||||miles|||||||| "he said," the weather will be fine, and two leagues of land to do with that weather!

«—Restez, dit Caderousse, vous coucherez ici. ||||will sleep| "-Stay," said Caderousse, "you'll sleep here.

«—Oui, restez, dit la Carconte d’une voix tremblante, nous aurons bien soin de vous. |||||||||||care||

«—Non pas, il faut que j’aille coucher à Beaucaire. Adieu.»

«Caderousse alla lentement jusqu’au seuil.

«—Il ne fait ni ciel ni terre, dit le bijoutier déjà hors de la maison. "'He makes neither heaven nor earth,' said the jeweler already outside the house. Faut-il prendre à droite ou à gauche? Should you take a right or a left?

«—À droite, dit Caderousse; il n’y a pas à s’y tromper, la route est bordée d’arbres de chaque côté. ||||||||||||||bordered|||| "'To the right," said Caderousse; there is no mistaking it, the road is lined with trees on either side.

«—Bon, j’y suis, dit la voix presque perdue dans le lointain. ||||||||in||distant "Alright, here I am," said the voice almost lost in the distance.

«—Ferme donc la porte, dit la Carconte, je n’aime pas les portes ouvertes quand il tonne. |||||||||||||||thunders “'Close the door,' said Carconte, 'I don't like doors open when it thunders.

«—Et quand il y a de l’argent dans la maison, n’est-ce pas?» dit Caderousse en donnant un double tour à la serrure. "And when there's money in the house, isn't there?" said Caderousse, giving the lock a double turn.

«Il rentra, alla à l’armoire, retira le sac et le portefeuille, et tous deux se mirent à recompter pour la troisième fois leur or et leurs billets. |||||||||||||||put||recount||||||||| "He came in, went to the cupboard, took out the purse and wallet, and both began to recount their gold and their bills for the third time. Je n’ai jamais vu expression pareille à ces deux visages dont cette maigre lampe éclairait la cupidité. ||||||||||||||||greed I have never seen an expression like those two faces whose greed that thin lamp lit up. La femme surtout était hideuse; le tremblement fiévreux qui l’animait habituellement avait redoublé. ||||hideous|||feverish||animated|usually||doubled The woman especially was hideous; the feverish tremor which usually animated him had redoubled. Son visage de pâle était devenu livide; ses yeux caves flamboyaient. |||||become||||caves|flamed Her pale face had turned livid; his hollow eyes were blazing.

«—Pourquoi donc, demanda-t-elle d’une voix sourde, lui avais-tu offert de coucher ici? "'Why then,' she asked in a hollow voice, 'did you offer to sleep here?

«—Mais, répondit Caderousse en tressaillant, pour... pour qu’il n’eût pas la peine de retourner à Beaucaire. ||||trembling||||||||||| "'But,' replied Caderousse, with a start, so ... so that he would not have the trouble of returning to Beaucaire.

«—Ah! dit la femme avec une expression impossible à rendre, je croyais que c’était pour autre chose, moi. ||||||||render|||||||| the woman said with an expression impossible to render, I thought it was for something else, me.

«—Femme!

femme! s’écria Caderousse, pourquoi as-tu de pareilles idées, et pourquoi les ayant ne les gardes-tu pas pour toi? |||||||||||having||||||| cried Caderousse, why do you have such ideas, and why, having them, do you not keep them to yourself?

«—C’est égal, dit la Carconte après un instant de silence, tu n’es pas un homme. "-It doesn't matter," said the Carconte after a moment's silence, "you're not a man.

«—Comment cela? fit Caderousse.

«—Si tu avais été un homme, il ne serait pas sorti. "If you had been a man he wouldn't have come out."

«—Femme!

«—Ou bien il n’arriverait pas à Beaucaire.

«—Femme!

«—La route fait un coude et il est obligé de suivre la route, tandis qu’il y a le long du canal un chemin qui raccourcit. |route|||bend||||||||||||||||||||shortens "The road makes a bend and he has to follow the road, while there is a shortening path along the canal.

«—Femme, tu offenses le Bon Dieu. Tiens, écoute.... Here, listen ...

«En effet, on entendit un effroyable coup de tonnerre en même temps qu’un éclair bleuâtre enflammait toute la salle, et la foudre, décroissant lentement, sembla s’éloigner comme à regret de la maison maudite. |||||terrible|||||||||bluish|ignited||||||light|decreasing||||||regret|||| “Indeed, a terrible thunderclap was heard at the same time as a bluish lightning ignited the whole room, and the lightning, slowly decreasing, seemed to move away as reluctantly from the cursed house.

«—Jésus! dit la Carconte en se signant. |||||signing

«Au même instant, et au milieu de ce silence de terreur qui suit ordinairement les coups de tonnerre, on entendit frapper à la porte. ||||||||||||suits||||||||||| “At the same instant, and in the midst of that silence of terror which usually follows thunderclaps, a knock was heard at the door.

«Caderousse et sa femme tressaillirent et se regardèrent épouvantés. ||||trembled|||looked|terrified

«—Qui va là? s’écria Caderousse en se levant et en réunissant en un seul tas l’or et les billets épars sur la table et qu’il couvrit de ses deux mains. |||||||gathering||||pile|||||scattered|||||||||| cried Caderousse, getting up and gathering in a single heap the gold and the banknotes scattered on the table, which he covered with his two hands.

«—Moi! dit une voix.

«—Qui, vous?

«—Et pardieu! "'And pardieu! Joannès le bijoutier. ||jeweler Joannès the jeweler.

«—Eh bien, que disais-tu donc, reprit la Carconte avec un effroyable sourire, que j’offensais le Bon Dieu!... ||||||||||||||offended||| Voilà le Bon Dieu qui nous le renvoie. |||||||sends Here is the Good Lord who sends him back to us.

«Caderousse retomba pâle et haletant sur sa chaise. ||||gasping|||chair Caderousse fell back pale and panting in his chair. La Carconte, au contraire, se leva, et alla d’un pas ferme à la porte qu’elle ouvrit. La Carconte, on the contrary, got up and walked firmly to the door, which she opened.

«—Entrez donc, cher monsieur Joannès, dit-elle. "'Come in, dear Monsieur Joannès,' she said.

«—Ma foi, dit le bijoutier ruisselant de pluie, il paraît que le diable ne veut pas que je retourne à Beaucaire ce soir. |||||dripping||rain||||||||||||||| Les plus courtes folies sont les meilleures, mon cher monsieur Caderousse; vous m’avez offert l’hospitalité, je l’accepte et je reviens coucher chez vous.» ||||||||||||||||accept|||return||| The shortest follies are the best, my dear Monsieur Caderousse; you have offered me hospitality, I accept it and come back to sleep with you. "

Caderousse balbutia quelques mots en essuyant la sueur qui coulait sur son front. |||||wiping||||was running||| La Carconte referma la porte à double tour derrière le bijoutier. |||||||turn||| La Carconte closed the door with a double turn behind the jeweler.