×

Wir verwenden Cookies, um LingQ zu verbessern. Mit dem Besuch der Seite erklärst du dich einverstanden mit unseren Cookie-Richtlinien.


image

Élysée, Discours au site-mémorial du Camp des Milles (1)

Discours au site-mémorial du Camp des Milles (1)

Mesdames et Messieurs, un grand projet a besoin de grands instigateurs, une grande cause de grands militants.

Il y a quarante ans, trois grandes voix se sont fait entendre, avec d'autres résistants et déportés, déjà leurs héritiers, pour initier un projet dénié, celui de dévoiler l'existence, entre 1939 et 1942, d'un camp d'internement et de déportation, ici-même, à Aix-les Milles.

Parce que l'histoire a besoin de repères et que le Site-Mémorial est un repère en pierre, la fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation, est très heureuse et très fière que Monsieur le Président de la République ait accepté d'honorer ces grands anciens, résistants et déportés, que sont Denise Toros-Marter, qui est présente avec nous ce soir, Louis Monguilan et Sidney Chouraqui.

En apposant leurs noms sur trois de ces bâtiments éducatifs et mémoriels, ils sont ces grands instigateurs, ces grands militants, qui se sont investis inlassablement pour que naissent et se développent ces hauts lieux de mémoire et d'éducation aujourd'hui internationalement reconnus.

Parce que l'éducation est notamment affaire de transmission, nous avons demandé aux jeunes ici présents de lire une très courte biographie de chacun et de chacune de ces grands anciens.

Yvan Rousseau, élève au lycée Dumont d'Urville de Toulon, va nous lire un texte sur Denise Toros-Marter.

Denise Toros-Marter est née le 16 avril 1928 à Marseille.

Elle est issue de trois générations de Juifs provençaux, implantés à Marseille.

Du côté maternel, les Tubiana, fuyant l'antisémitisme en Algérie, et du côté paternel, les Marter, originaires d'Alsace.

Optant en 1870 pour la France, la famille Marter est arrêtée le 13 avril 1944 à Marseille par la police française.

Livrée à la Gestapo et internée successivement à la prison des Baumettes et au camp de Drancy, puis déportée le 20 mai 1944 à Auschwitz.

Denise et André seront les seuls survivants de cette déportation, ainsi que leur frère cadet René, qui rejoint le maquis et combat les nazis.

Convaincue, à son retour d'Auschwitz, de la nécessité du témoignage auprès des jeunes, Denise en a fait le but principal de sa vie.

Elle est présidente de l'Amicale des déportés d'Auschwitz, région Marseille-Provence, depuis 1985.

Co-fondatrice en 1992 de l'Association du wagon-Souvenir et du Site-Mémorial du Camp des Milles, et membre du conseil d'administration de la Fondation Camp des Milles-Mémoires et Éducation, Denise est Commandeur de la Légion d'honneur.

Milo Barthe-Raso, arrière-petit-fils de Louis Monguilan va nous lire un texte sur Louis Monguilan.

Louis Monguilan, 1926-2017, résistant déporté à Mauthausen.

Né le 16 avril 1926, d'origine protestante, il est résistant à 17 ans et est chargé de relever les défenses allemandes entre Le Grau-du-Roi et les Saintes-Maries-de-la-Mer.

Dénoncé par l'un de ses voisins, il est arrêté par la Gestapo puis déporté au camp de Mauthausen, où il découvre et subit l'horreur concentrationnaire.

Louis Monguilan fait une carrière militaire qui le mène au grade de lieutenant-colonel.

Il sert comme parachutiste, notamment en Indochine puis en Algérie.

Dès qu'il apprend l'existence du camp d'internement et de déportation des Milles, il s'engage à le faire connaître, agit dans ce sens auprès des associations d'anciens résistants, internés et déportés, et il devient, en 1992, cofondateur de l'association du wagon-Souvenir et du Site-Mémorial des Milles.

C'était de mon devoir de témoigner pour rappeler ce que nous avons vécu.

Louis Monguilan est Commandeur de la Légion d'honneur.

Nina Chouraqui, arrière-petite-fille de Sidney Chouraqui et petite-fille d'Alain Chouraqui, va nous lire un texte sur Sidney Chouraqui.

Sidney Chouraqui fut engagé volontaire dans les Forces françaises libres du général de Gaulle.

Né le 13 octobre 1914 en Algérie, Sidney Chouraqui est confronté très tôt à l'antisémitisme.

Il devient avocat à Casablanca, puis il est mobilisé en 1939.

Refusant la capitulation, il crée, dès 1940, un groupe de résistants juifs au Maroc, en contact avec Londres.

Victime du statut des Juifs de Pétain, il est radié de l'Ordre des avocats.

Volontaire pour le Front de Tunisie, il s'échappe du camp pour Juifs de Bedeau et rejoint en Libye le Général Leclerc.

Il fait ensuite partie du petit nombre de Juifs autorisés à réintégrer le barreau, mais il refuse, en écrivant au bâtonnier, qu'il ne voulait pas de justice dans l'injustice.

Puis, il participe à la création de la deuxième division blindée, à ses combats en Normandie, à la libération de Paris et de Strasbourg, mais aussi dans des camps de Dachau.

Il occupe enfin le Nid d'aigle d'Hitler, à Berchtesgaden, le 8 mai 1945.

Il est titulaire de nombreuses décorations, à titre militaire, y compris la Légion d'honneur.

Après la guerre, il reprend son métier d'avocat à Casablanca, puis en 1966 à Aix-en-Provence.

Il y est l'un des fondateurs de la LICRA et du Centre culturel juif, et il est l'un des principaux initiateurs, dès 1982, du projet mémoriel au Camp des Milles.

Il décède le 3 février 2018, dans sa 104? année.

Prise de parole de Monsieur Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation.

Monsieur le Président de la République, Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Ambassadrices et Consuls, Mesdames et Messieurs les Élus et personnalités civiles, militaires et religieuses, Mesdames, Messieurs, chers amis.

Monsieur le Président, votre visite donnerait-elle raison à Elie Wiesel, qui déclara, dès l'origine de notre site mémorial et à notre grande surprise, que le camp des Milles serait, je cite, "un lieu important, très important pour les siècles à venir" Notre étonnement fut grand, car nous étions encore au milieu de la longue aventure trentenaire de notre projet, heureusement encouragés par notre merveilleuse Simone Veil, par Robert Badinter, Jorge Semprun, et bien entendu par l'engagement décisif de Serge Klarsfeld, par l'implication admirable des équipes successives de la Fondation, par la diversité féconde de nos partenariats.

Votre visite est en effet essentielle parce qu'elle marque d'abord la reconnaissance historique de la mémoire de cette zone dite libre, qui fut surtout libre de voir Pétain interner de soi-disant indésirables, puis déporter les Juifs vers Auschwitz, y compris des Juifs français.

Du camp des Milles seulement, des dizaines d'enfants à partir de un an furent livrés aux nazis qui ne les demandaient pas.

Dans ce lieu de souffrance de Vichy, le respect élémentaire dû à ces vies fauchées et au courage des justes nous interdit aujourd'hui toute indulgence envers les idées et les héritiers de Pétain.

Votre présence est aussi, à nos yeux, la reconnaissance d'un modèle original de mémoire, référence pour le présent, s'appuyant sur une approche de la Shoah comme paradigme universaliste, confirmé par l'histoire des génocides arménien et rwandais, et construisant une solide convergence des mémoires de continents et de peuples pourtant très différents.

Ce rapport particulier du passé au présent veut être un trait d'union vers un monde meilleur, parce que mieux éclairé par le décryptage rigoureux de l'expérience humaine. Il est vrai que c'est un pari, celui que l'homme peut apprendre de son passé, mais un pari nécessaire pour éviter la mort de la démocratie et de terribles recommencements.

Cette mémoire et ces leçons ont pu déjà être présentées ici à plus de 800.000 personnes, dont 600.000 jeunes, scolaires ou non, quels qu'ils soient.

Même éloignés de cette histoire, la curiosité de ces jeunes, leur ouverture et leur écoute sont impressionnantes et confortent notre conviction qu'en même temps que les faits historiques, il convient de mettre en avant les ressorts humains fondamentaux, qu'ils comprennent bien, ces jeunes, comme l'effet de groupe...

mettre en avant aussi la dangerosité de ces ressorts, mais aussi leur résistibilité.

Nos formateurs ont pu travailler avec des dizaines de milliers d'adultes, en responsabilité, élus, magistrats, enseignants, militaires, policiers, syndicalistes, sportifs, prisonniers, et tant d'autres, partout dans le pays.

Notre approche scientifique et citoyenne, aujourd'hui saluée et reprise en France et à l'international, depuis l'UNESCO jusqu'à Kiel ou à Auschwitz, prolonge évidemment l'intention de nos grands anciens et me conduit, en ce dixième anniversaire, à consacrer le coeur de mon propos à citer l'appel, toujours d'actualité, qu'ils ont lancé ensemble il y a quelques années : "Nous, anciens résistants et déportés, nous avons appris durement à reconnaître les visages et les masques de l'exclusion et de la haine, comme nous reconnaissons les petits calculs ou les aveuglements qui permettent le pire.

Aujourd'hui, malheureusement, par-delà les mots et les faux-semblants, nous les reconnaissons dans notre pays.

Nous avons connu, subi et combattu le régime de Vichy et sa politique d'extrême-droite autoritaire, nationaliste, xénophobe et antisémite.

Aujourd'hui, en France et en Europe, nous voyons monter à nouveau cette idéologie extrémiste, avec ses menaces contre la paix civile entre Français.

Nous le savons bien, [INAUDIBLE] mais ce ne fut-ce pas le cas aussi pour beaucoup de Français ou d'Allemands, séduits un moment par Pétain ou Hitler, dont ils n'imaginaient pas les horreurs futures ?

[INAUDIBLE] serait un détournement bien connu de la démocratie, qui n'est pas seulement une élection, mais aussi des principes qui font le rayonnement de la France.

Elle insulterait les combats et les souffrances des résistants, des déportés, des justes, de tous les combattants pour la République.

Les menaces contre celle-ci sont certes multiples, et le terrorisme islamiste en est l'expression la plus violente, mais c'est aujourd'hui l'extrémisme nationaliste qui peut conquérir le pouvoir et qui présente donc le danger le plus immédiat pour nos libertés et pour l'unité de notre peuple, tout en faisant le jeu des terroristes.

Peu importe que l'on nous accuse de diabolisation, car nous avons bien connu les diables ordinaires qui peuvent préparer l'enfer.

Nous connaissons la dynamique meurtrière de l'intolérance au pouvoir.

Elle enclenche des engrenages d'action-réaction qui échappent souvent même à leurs initiateurs.

Pour notre pays, pour les valeurs de la République, pour nos enfants et petits-enfants, ce risque mortel ne peut pas être pris." Fin de citation.

En fidélité à cet appel, nous devons amplifier nos actions d'éducation, à partir de ce lieu témoin qui prend le relais des témoins, car nous avons besoin désormais, plus que d'un devoir de mémoire ou d'un travail de mémoire, d'un véritable courage de mémoire.

Pour cela, nos analyses décrivent les étapes d'un engrenage certes résistible, mais que pour l'essentiel, nous revivons aujourd'hui, nourris à nouveau par des extrémismes identitaires.

Le souci de l'identité est légitime.

L'obsession identitaire assassine.

Nos analyses scientifiques montrent que l'état principal du processus qui a conduit, historiquement, à la fin de l'état de droit est caractérisé par de fortes crispations identitaires et racistes, des radicalisations en miroir, des institutions attaquées, un rejet des élites, une perte de repères et une montée des violences, en particulier antisémites.

Parle-t-on ici seulement du passé ?

Aujourd'hui, l'histoire alerte durement le présent et la démocratie.

Ne saurait-on pas alors intégrer dans nos programmes scolaires les enseignements précis et puissants de l'expérience terrible des antivaleurs ?

Avec le recul du temps et des sciences de l'homme, la Shoah ne peut-elle être un événement monstrueux mais aussi refondateur, qui, paradoxalement, puisse nourrir l'espoir que ce que nous savons maintenant, jusqu'où et surtout comment les peuples dits civilisés peuvent basculer dans l'horreur, et que nous savons aussi que chacun peut résister, chacun à sa manière, par des actes justes, d'une grande diversité.

Monsieur le Président, prévenir aujourd'hui la récurrence du mal par la transmission, l'alerte et l'engagement, à nos yeux, c'est cela le courage de mémoire.

Comme nous le disait un grand préfet ici-même : "ici, on enseigne l'avenir".

Oui, pour permettre à chacune et chacun de vivre libre et d'aimer demain.

Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Madame la Maire d'Aix-en-Provence, Monsieur le Maire de Marseille, Madame la Présidente du Conseil Départemental, Mesdames et Messieurs les Élus, Mesdames et Messieurs les Préfets, Monsieur le Recteur, Messieurs les Officiers généraux, Madame l'Ambassadrice, Monsieur le Président du Consistoire, Monsieur le Président du CRIF, Monsieur le Président de la Fondation du Camp des Milles, cher Alain, Madame et Monsieur Klarsfeld, chers Serge et Beate, Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités, chers amis.

Ce lieu, maintenant préservé, nous le savons dans de bonnes mains.

Discours au site-mémorial du Camp des Milles (1) Speech at the Camp des Milles memorial site (1) Camp des Milles anma alanında yapılan konuşma (1)

Mesdames et Messieurs, un grand projet a besoin de grands instigateurs, une grande cause de grands militants.

Il y a quarante ans, trois grandes voix se sont fait entendre, avec d'autres résistants et déportés, déjà leurs héritiers, pour initier un projet dénié, celui de dévoiler l'existence, entre 1939 et 1942, d'un camp d'internement et de déportation, ici-même, à Aix-les Milles.

Parce que l'histoire a besoin de repères et que le Site-Mémorial est un repère en pierre, la fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation, est très heureuse et très fière que Monsieur le Président de la République ait accepté d'honorer ces grands anciens, résistants et déportés, que sont Denise Toros-Marter, qui est présente avec nous ce soir, Louis Monguilan et Sidney Chouraqui.

En apposant leurs noms sur trois de ces bâtiments éducatifs et mémoriels, ils sont ces grands instigateurs, ces grands militants, qui se sont investis inlassablement pour que naissent et se développent ces hauts lieux de mémoire et d'éducation aujourd'hui internationalement reconnus.

Parce que l'éducation est notamment affaire de transmission, nous avons demandé aux jeunes ici présents de lire une très courte biographie de chacun et de chacune de ces grands anciens.

Yvan Rousseau, élève au lycée Dumont d'Urville de Toulon, va nous lire un texte sur Denise Toros-Marter.

Denise Toros-Marter est née le 16 avril 1928 à Marseille.

Elle est issue de trois générations de Juifs provençaux, implantés à Marseille.

Du côté maternel, les Tubiana, fuyant l'antisémitisme en Algérie, et du côté paternel, les Marter, originaires d'Alsace.

Optant en 1870 pour la France, la famille Marter est arrêtée le 13 avril 1944 à Marseille par la police française.

Livrée à la Gestapo et internée successivement à la prison des Baumettes et au camp de Drancy, puis déportée le 20 mai 1944 à Auschwitz.

Denise et André seront les seuls survivants de cette déportation, ainsi que leur frère cadet René, qui rejoint le maquis et combat les nazis.

Convaincue, à son retour d'Auschwitz, de la nécessité du témoignage auprès des jeunes, Denise en a fait le but principal de sa vie.

Elle est présidente de l'Amicale des déportés d'Auschwitz, région Marseille-Provence, depuis 1985.

Co-fondatrice en 1992 de l'Association du wagon-Souvenir et du Site-Mémorial du Camp des Milles, et membre du conseil d'administration de la Fondation Camp des Milles-Mémoires et Éducation, Denise est Commandeur de la Légion d'honneur.

Milo Barthe-Raso, arrière-petit-fils de Louis Monguilan va nous lire un texte sur Louis Monguilan.

Louis Monguilan, 1926-2017, résistant déporté à Mauthausen.

Né le 16 avril 1926, d'origine protestante, il est résistant à 17 ans et est chargé de relever les défenses allemandes entre Le Grau-du-Roi et les Saintes-Maries-de-la-Mer.

Dénoncé par l'un de ses voisins, il est arrêté par la Gestapo puis déporté au camp de Mauthausen, où il découvre et subit l'horreur concentrationnaire.

Louis Monguilan fait une carrière militaire qui le mène au grade de lieutenant-colonel.

Il sert comme parachutiste, notamment en Indochine puis en Algérie.

Dès qu'il apprend l'existence du camp d'internement et de déportation des Milles, il s'engage à le faire connaître, agit dans ce sens auprès des associations d'anciens résistants, internés et déportés, et il devient, en 1992, cofondateur de l'association du wagon-Souvenir et du Site-Mémorial des Milles.

C'était de mon devoir de témoigner pour rappeler ce que nous avons vécu.

Louis Monguilan est Commandeur de la Légion d'honneur.

Nina Chouraqui, arrière-petite-fille de Sidney Chouraqui et petite-fille d'Alain Chouraqui, va nous lire un texte sur Sidney Chouraqui.

Sidney Chouraqui fut engagé volontaire dans les Forces françaises libres du général de Gaulle.

Né le 13 octobre 1914 en Algérie, Sidney Chouraqui est confronté très tôt à l'antisémitisme.

Il devient avocat à Casablanca, puis il est mobilisé en 1939.

Refusant la capitulation, il crée, dès 1940, un groupe de résistants juifs au Maroc, en contact avec Londres.

Victime du statut des Juifs de Pétain, il est radié de l'Ordre des avocats.

Volontaire pour le Front de Tunisie, il s'échappe du camp pour Juifs de Bedeau et rejoint en Libye le Général Leclerc.

Il fait ensuite partie du petit nombre de Juifs autorisés à réintégrer le barreau, mais il refuse, en écrivant au bâtonnier, qu'il ne voulait pas de justice dans l'injustice.

Puis, il participe à la création de la deuxième division blindée, à ses combats en Normandie, à la libération de Paris et de Strasbourg, mais aussi dans des camps de Dachau.

Il occupe enfin le Nid d'aigle d'Hitler, à Berchtesgaden, le 8 mai 1945.

Il est titulaire de nombreuses décorations, à titre militaire, y compris la Légion d'honneur.

Après la guerre, il reprend son métier d'avocat à Casablanca, puis en 1966 à Aix-en-Provence.

Il y est l'un des fondateurs de la LICRA et du Centre culturel juif, et il est l'un des principaux initiateurs, dès 1982, du projet mémoriel au Camp des Milles.

Il décède le 3 février 2018, dans sa 104? année.

Prise de parole de Monsieur Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation.

Monsieur le Président de la République, Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Ambassadrices et Consuls, Mesdames et Messieurs les Élus et personnalités civiles, militaires et religieuses, Mesdames, Messieurs, chers amis.

Monsieur le Président, votre visite donnerait-elle raison à Elie Wiesel, qui déclara, dès l'origine de notre site mémorial et à notre grande surprise, que le camp des Milles serait, je cite, "un lieu important, très important pour les siècles à venir" Notre étonnement fut grand, car nous étions encore au milieu de la longue aventure trentenaire de notre projet, heureusement encouragés par notre merveilleuse Simone Veil, par Robert Badinter, Jorge Semprun, et bien entendu par l'engagement décisif de Serge Klarsfeld, par l'implication admirable des équipes successives de la Fondation, par la diversité féconde de nos partenariats.

Votre visite est en effet essentielle parce qu'elle marque d'abord la reconnaissance historique de la mémoire de cette zone dite libre, qui fut surtout libre de voir Pétain interner de soi-disant indésirables, puis déporter les Juifs vers Auschwitz, y compris des Juifs français.

Du camp des Milles seulement, des dizaines d'enfants à partir de un an furent livrés aux nazis qui ne les demandaient pas.

Dans ce lieu de souffrance de Vichy, le respect élémentaire dû à ces vies fauchées et au courage des justes nous interdit aujourd'hui toute indulgence envers les idées et les héritiers de Pétain.

Votre présence est aussi, à nos yeux, la reconnaissance d'un modèle original de mémoire, référence pour le présent, s'appuyant sur une approche de la Shoah comme paradigme universaliste, confirmé par l'histoire des génocides arménien et rwandais, et construisant une solide convergence des mémoires de continents et de peuples pourtant très différents.

Ce rapport particulier du passé au présent veut être un trait d'union vers un monde meilleur, parce que mieux éclairé par le décryptage rigoureux de l'expérience humaine. Il est vrai que c'est un pari, celui que l'homme peut apprendre de son passé, mais un pari nécessaire pour éviter la mort de la démocratie et de terribles recommencements.

Cette mémoire et ces leçons ont pu déjà être présentées ici à plus de 800.000 personnes, dont 600.000 jeunes, scolaires ou non, quels qu'ils soient.

Même éloignés de cette histoire, la curiosité de ces jeunes, leur ouverture et leur écoute sont impressionnantes et confortent notre conviction qu'en même temps que les faits historiques, il convient de mettre en avant les ressorts humains fondamentaux, qu'ils comprennent bien, ces jeunes, comme l'effet de groupe...

mettre en avant aussi la dangerosité de ces ressorts, mais aussi leur résistibilité.

Nos formateurs ont pu travailler avec des dizaines de milliers d'adultes, en responsabilité, élus, magistrats, enseignants, militaires, policiers, syndicalistes, sportifs, prisonniers, et tant d'autres, partout dans le pays.

Notre approche scientifique et citoyenne, aujourd'hui saluée et reprise en France et à l'international, depuis l'UNESCO jusqu'à Kiel ou à Auschwitz, prolonge évidemment l'intention de nos grands anciens et me conduit, en ce dixième anniversaire, à consacrer le coeur de mon propos à citer l'appel, toujours d'actualité, qu'ils ont lancé ensemble il y a quelques années : "Nous, anciens résistants et déportés, nous avons appris durement à reconnaître les visages et les masques de l'exclusion et de la haine, comme nous reconnaissons les petits calculs ou les aveuglements qui permettent le pire.

Aujourd'hui, malheureusement, par-delà les mots et les faux-semblants, nous les reconnaissons dans notre pays.

Nous avons connu, subi et combattu le régime de Vichy et sa politique d'extrême-droite autoritaire, nationaliste, xénophobe et antisémite.

Aujourd'hui, en France et en Europe, nous voyons monter à nouveau cette idéologie extrémiste, avec ses menaces contre la paix civile entre Français.

Nous le savons bien, [INAUDIBLE] mais ce ne fut-ce pas le cas aussi pour beaucoup de Français ou d'Allemands, séduits un moment par Pétain ou Hitler, dont ils n'imaginaient pas les horreurs futures ? We know it well, [INAUDIBLE] but was it not also the case for many French or Germans, seduced for a moment by Pétain or Hitler, whose future horrors they did not imagine?

[INAUDIBLE] serait un détournement bien connu de la démocratie, qui n'est pas seulement une élection, mais aussi des principes qui font le rayonnement de la France. [INAUDIBLE] would be a well-known diversion of democracy, which is not only an election, but also the principles that make France shine.

Elle insulterait les combats et les souffrances des résistants, des déportés, des justes, de tous les combattants pour la République. It would insult the fights and the sufferings of the resistance fighters, the deportees, the righteous, all the fighters for the Republic.

Les menaces contre celle-ci sont certes multiples, et le terrorisme islamiste en est l'expression la plus violente, mais c'est aujourd'hui l'extrémisme nationaliste qui peut conquérir le pouvoir et qui présente donc le danger le plus immédiat pour nos libertés et pour l'unité de notre peuple, tout en faisant le jeu des terroristes.

Peu importe que l'on nous accuse de diabolisation, car nous avons bien connu les diables ordinaires qui peuvent préparer l'enfer. It does not matter if we are accused of demonization, because we have known well the ordinary devils who can prepare hell.

Nous connaissons la dynamique meurtrière de l'intolérance au pouvoir. We know the murderous dynamic of intolerance of power.

Elle enclenche des engrenages d'action-réaction qui échappent souvent même à leurs initiateurs.

Pour notre pays, pour les valeurs de la République, pour nos enfants et petits-enfants, ce risque mortel ne peut pas être pris." Fin de citation.

En fidélité à cet appel, nous devons amplifier nos actions d'éducation, à partir de ce lieu témoin qui prend le relais des témoins, car nous avons besoin désormais, plus que d'un devoir de mémoire ou d'un travail de mémoire, d'un véritable courage de mémoire.

Pour cela, nos analyses décrivent les étapes d'un engrenage certes résistible, mais que pour l'essentiel, nous revivons aujourd'hui, nourris à nouveau par des extrémismes identitaires.

Le souci de l'identité est légitime.

L'obsession identitaire assassine.

Nos analyses scientifiques montrent que l'état principal du processus qui a conduit, historiquement, à la fin de l'état de droit est caractérisé par de fortes crispations identitaires et racistes, des radicalisations en miroir, des institutions attaquées, un rejet des élites, une perte de repères et une montée des violences, en particulier antisémites.

Parle-t-on ici seulement du passé ?

Aujourd'hui, l'histoire alerte durement le présent et la démocratie.

Ne saurait-on pas alors intégrer dans nos programmes scolaires les enseignements précis et puissants de l'expérience terrible des antivaleurs ?

Avec le recul du temps et des sciences de l'homme, la Shoah ne peut-elle être un événement monstrueux mais aussi refondateur, qui, paradoxalement, puisse nourrir l'espoir que ce que nous savons maintenant, jusqu'où et surtout comment les peuples dits civilisés peuvent basculer dans l'horreur, et que nous savons aussi que chacun peut résister, chacun à sa manière, par des actes justes, d'une grande diversité.

Monsieur le Président, prévenir aujourd'hui la récurrence du mal par la transmission, l'alerte et l'engagement, à nos yeux, c'est cela le courage de mémoire.

Comme nous le disait un grand préfet ici-même : "ici, on enseigne l'avenir".

Oui, pour permettre à chacune et chacun de vivre libre et d'aimer demain.

Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Madame la Maire d'Aix-en-Provence, Monsieur le Maire de Marseille, Madame la Présidente du Conseil Départemental, Mesdames et Messieurs les Élus, Mesdames et Messieurs les Préfets, Monsieur le Recteur, Messieurs les Officiers généraux, Madame l'Ambassadrice, Monsieur le Président du Consistoire, Monsieur le Président du CRIF, Monsieur le Président de la Fondation du Camp des Milles, cher Alain, Madame et Monsieur Klarsfeld, chers Serge et Beate, Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités, chers amis.

Ce lieu, maintenant préservé, nous le savons dans de bonnes mains.