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Poésie du XVIème siècle, Pierre de Ronsard : Elégie, XXIV (Contre les bûcherons de la forêt de Gastine), Pierre de Ronsard

Pierre de Ronsard : Elégie, XXIV (Contre les bûcherons de la forêt de Gastine), Pierre de Ronsard

Ecoute, bûcheron, arrête un peu le bras ! Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas : Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force, Des Nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?

Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur Pour piller un butin de bien peu de valeur, Combien de feux, de fers, de morts et de détresses Mérites-tu, méchant, pour tuer les déesses ?

Forêt, haute maison des oiseaux bocagers, Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière Plus du soleil d'été ne rompra la lumière.

Plus l'amoureux pasteur, sur un tronc adossé, Enflant son flageolet à quatre trous percé, Son mâtin à ses pieds, à son flanc la houlette, Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette.

Tout deviendra muet, Echo sera sans voix, Tu deviendras campagne et, en lieu de tes bois, Dont l'ombrage incertain lentement se remue, Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue.

Tu perdras ton silence et, haletant d'effroi, Ni Satyres ni Pans ne viendront plus chez toi. Adieu, vieille forêt, le jouet de Zéphyre, Où premier j'accordai les langues de ma lyre, Où premier j'entendis les flèches résonner D'Apollon, qui me vint tout le cœur étonner, Où premier admirant la belle Calliope, Je devins amoureux de sa neuvaine trope, Quand sa main sur le front cent roses me jeta, Et de son propre lait Euterpe m'allaita.

Adieu, vieille forêt, adieu, têtes sacrées, De tableaux et de fleurs autrefois honorées, Maintenant le dédain des passants altérés, Qui, brûlés en été des rayons éthérés, Sans plus trouver le frais de tes douces verdures, Accusent vos meurtriers et leur disent injures.

Adieu, chênes, couronne aux vaillants citoyens, Arbres de Jupiter, germes Dodonéens, Qui premiers aux humains donnâtes à repaître, Peuples vraiment ingrats, qui n'ont su reconnaître Les biens reçus de vous, peuples vraiment grossiers, De massacrer ainsi nos pères nourriciers !

Que l'homme est malheureux qui au monde se fie !

O Dieux, que véritable est la philosophie, Qui dit que toute chose à la fin périra, Et qu'en changeant de forme une autre vêtira !

De Tempe la vallée un jour sera montagne, Et la cime d'Athos une large campagne, Neptune quelquefois de blé sera couvert. La matière demeure et la forme se perd.

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Ecoute, bûcheron, arrête un peu le bras ! Listen, lumberjack, stop your arm a bit! Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas : Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoutte à force, Des Nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ? It is not wood that you throw down: Can't you see the blood, which drips with force, Nymphs who lived under the hard bark?

Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur Pour piller un butin de bien peu de valeur, Combien de feux, de fers, de morts et de détresses Mérites-tu, méchant, pour tuer les déesses ? Murderous sacrilege, if we hang a thief To plunder a booty of very little value, How many fires, irons, deaths and distress Do you deserve, wicked, to kill the goddesses?

Forêt, haute maison des oiseaux bocagers, Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière Plus du soleil d'été ne rompra la lumière. Forest, high house of the bocage birds, No more the solitary deer and the light deer Will graze under your shade, and your green mane No more summer sun will break the light.

Plus l'amoureux pasteur, sur un tronc adossé, Enflant son flageolet à quatre trous percé, Son mâtin à ses pieds, à son flanc la houlette, Ne dira plus l'ardeur de sa belle Janette. No longer the loving pastor, on a leaned trunk, Swelling his flageolet with four pierced holes, His mastiff at his feet, at his side the crook, Will no longer speak of the ardor of his beautiful Janette.

Tout deviendra muet, Echo sera sans voix, Tu deviendras campagne et, en lieu de tes bois, Dont l'ombrage incertain lentement se remue, Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue. Everything will become silent, Echo will be speechless, You will become country and, instead of your woods, Whose uncertain shade slowly stirs, You will feel the ploughshare, the coulter and the plow.

Tu perdras ton silence et, haletant d'effroi, Ni Satyres ni Pans ne viendront plus chez toi. You will lose your silence and, panting with fear, Neither Satyrs nor Panes will come to you any more. Adieu, vieille forêt, le jouet de Zéphyre, Où premier j'accordai les langues de ma lyre, Où premier j'entendis les flèches résonner D'Apollon, qui me vint tout le cœur étonner, Où premier admirant la belle Calliope, Je devins amoureux de sa neuvaine trope, Quand sa main sur le front cent roses me jeta, Et de son propre lait Euterpe m'allaita. Farewell, old forest, Zéphyre's toy, Where first I tuned the tongues of my lyre, Where first I heard the arrows ringing With Apollo, who came to me with all my heart astonishing, Where first admiring the beautiful Calliope, I became in love with his novena trope, When his hand on the forehead a hundred roses threw me, And his own milk Euterpe suckled me.

Adieu, vieille forêt, adieu, têtes sacrées, De tableaux et de fleurs autrefois honorées, Maintenant le dédain des passants altérés, Qui, brûlés en été des rayons éthérés, Sans plus trouver le frais de tes douces verdures, Accusent vos meurtriers et leur disent injures. Farewell, old forest, farewell, sacred heads, Of paintings and flowers once honored, Now the disdain of thirsty passers-by, Who, burned in summer by ethereal rays, Without finding the freshest of your sweet greenery, Blame your murderers and tell them insults.

Adieu, chênes, couronne aux vaillants citoyens, Arbres de Jupiter, germes Dodonéens, Qui premiers aux humains donnâtes à repaître, Peuples vraiment ingrats, qui n'ont su reconnaître Les biens reçus de vous, peuples vraiment grossiers, De massacrer ainsi nos pères nourriciers ! Farewell, oaks, crown to valiant citizens, Trees of Jupiter, Dodonean germs, Who first gave to humans to tepaitre, Truly ungrateful peoples, who did not know how to recognize the goods received from you, truly rude peoples, To massacre our foster fathers in this way !

Que l'homme est malheureux qui au monde se fie ! How wretched is man who trusts in the world!

O Dieux, que véritable est la philosophie, Qui dit que toute chose à la fin périra, Et qu'en changeant de forme une autre vêtira !

De Tempe la vallée un jour sera montagne, Et la cime d'Athos une large campagne, Neptune quelquefois de blé sera couvert. From Tempe the valley will one day be a mountain, And the top of Athos a wide field, Neptune sometimes with wheat will be covered. La matière demeure et la forme se perd. The matter remains and the form is lost.