FRONT 2009-07-06
Front républicain, collectif républicain, arc républicain. On a entendu un peu toutes ces formules avant le deuxième tour de l'élection municipale partielle qui s'est déroulée hier à Hénin-Beaumont, dans le nord de la France. Pourquoi toutes ces dénominations ? Pour montrer qu'une union s'était constituée dans cette municipalité pour s'opposer à un autre front, national celui-là, arrivé en tête à l'issue du premier tour du scrutin. Le mot « front » donne bien cette idée d'opposition. C'est un mot qui évoque un contact violent entre deux personnes, deux organisations ou deux collectifs. Et bien sûr, il évoque d'abord le vocabulaire de la guerre. Au sens propre, le front est, bien entendu, la partie du visage située au-dessus des yeux.
Et « faire front », c'est bien regarder en face. Pour quoi faire ? Peut-être pour lutter, en tout cas pour ne pas se détourner. On se souviendra que les animaux à cornes s'affrontent entre eux avec leurs cornes, c'est-à-dire le front en avant. Accepter ou susciter ce qu'on appelle un « affrontement », lutter, ne pas se détourner, c'est ce que l'on entend dans l'expression « faire front ». Alors le mot « front », dans le vocabulaire politique, renvoie à un mouvement de protestation. Il peut être situé à peu près n'importe où sur l'échiquier politique, mais il faut bien dire que depuis 25 ans, le mot a été monopolisé par l'extrême droite, à tel point qu'on parle parfois des frontistes pour parler des militants du Front national. C'est donc probablement pour rétablir une manière d'équilibre qu'on a parlé de « front républicain » pour désigner ce rempart contre le Front national. « Collectif républicain » est plus banal, mais on parle aussi d'un « arc républicain ». Que vient donc faire ici cette figure arquée ? L'arc est un peu l'équivalent de la gamme. Le mot indique que toutes les sensibilités sont impliquées dans cette union, à l'exception bien sûr de celle contre laquelle on s'unit. Mais cela n'explique pas cette image de la courbure qu'on a lorsque l'on parle d'un arc. Elle provient probablement du souvenir de l'hémicycle. L'Assemblée nationale, lorsqu'elle est réunie, s'installe dans un genre de demi-cercle – c'est bien ce qu'on appelle l'hémicycle – situé à la Chambre des députés. Il va donc d'un extrême à l'autre, en traversant toutes les tendances. Le mot donne donc une impression de continuité à cette alliance.
Et ce mot d'alliance, d'ailleurs, appelle l'image de l'arc. On se souvient que l'image symbolique de l'alliance entre dieu et les hommes, c'est l'arche d'alliance. Ce qui renvoie à un autre système de représentation de l'Antiquité. Chez les Grecs, la messagère des dieux est représentée par l'accessoire qui symbolise sa fonction, l'arc-en-ciel, l'écharpe d'Iris. Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/