Leçon 37 - Divertissements II
(Vendredi après-midi, deux heures moins le quart. Mireille attend depuis un quart d'heure à la terrasse de la Rotonde. À la table à côté est assis un monsieur d'une quarantaine d'années. Il a une moustache noire, les ongles noirs. Il est tout habillé de noir: chapeau noir, cravate noire, complet noir, imperméable noir, chaussures noires. Il a aussi une chaussette noire, mais l'autre est rouge. Il a posé une paire de lunettes noires à côté de sa tasse de café—noir, bien sûr. Il cligne d'un oeil, puis de l'autre, puis des deux. Ce tic agace prodigieusement Mireille, qui va se lever et partir, quand elle aperçoit Robert, assis à la terrasse du café d'en face.
Il regarde nerveusement autour de lui, à droite, à gauche. Il regarde sa montre. Puis il lève les yeux. Et, tout à coup, il semble découvrir qu'il y a un café en face. Il se lève comme un ressort, bondit, fait quelques pas en avant, s'arrête, revient en arrière, jette un billet sur la table, repart en courant, s'élance sur le boulevard, sans regarder ni à droite, ni à gauche. Un coup de frein strident, un juron retentissant, mais incompréhensible. Mireille a fermé les yeux. Quand elle les rouvre, Robert est assis à côté d'elle.)
Robert: Je ne suis pas en retard, non?
Mireille: Non, non. De toute façon, ça ne commence pas avant deux heures. Tu veux qu'on y aille?
Robert: D'accord, on y va.
Mireille: Allons-y!
(Et ils y vont. 13 heures 50, devant le cinéma.)
Robert: Deux places, s'il vous plaît.
Mireille: Attends! J'ai ma carte d'étudiante, moi. Une place étudiant, s'il vous plaît.
La caissière: Voilà. Alors, ça fait 64 francs. Mais il faut que vous attendiez un peu; ce n'est pas encore ouvert.
Mireille: C'est dommage que nous n'ayons pas pu venir lundi.
Robert: Pourquoi?
Mireille: Parce que c'est moins cher le lundi.
La caissière: Voilà, vous pouvez entrer.
Robert et Mireille: Merci!
(Une ouvreuse prend leurs tickets et leur indique des places.)
L'ouvreuse: Ici, ça ira?
Robert: Ce n'est pas un peu trop loin de l'écran?
L'ouvreuse: Ici, alors? . . . Merci!
Mireille: Tu as les tickets? Elle te les a rendus?
Robert: Oui, mais tu as entendu comme elle a dit “merci” ? Son ton n'était pas très aimable. D'ailleurs, pourquoi m'a-t-elle remercié? Je ne lui ai rien donné!
Mireille: Mais justement, c'est pour ça! Elle s'attendait à ce que nous lui donnions un pourboire!
Robert: Ah, bon, il faut donner un pourboire aux ouvreuses?
Mireille: Ben, oui, c'est l'habitude.
Robert: Je ne savais pas! Tu aurais dû me le dire! Pourquoi ne me l'as-tu pas dit? Comment voulais tu que je le sache? Je ne suis pas au courant, moi!
Mireille: Oh, ce n'est pas bien grave!
Robert: Quand est-ce que ça va commencer?
Mireille: Bientôt! Un peu de patience!
(Justement, les lumières s'éteignent. On passe d'abord de la publicité. Réclame pour du café, une planche à voile, un dentifrice, un rasoir, du cognac, de l'eau minérale, une machine à écrire électronique, et finalement des bonbons. À ce moment précis, les lumières se rallument, et les ouvreuses deviennent vendeuses: “Demandez dans la salle, bonbons, esquimaux.”)
Robert: Tout ça, c'est très bien, mais ce n'est pas pour ça que je suis venu, moi! Moi, je suis venu pour voir L'Amour l'après-midi!
Mireille: Mais oui! Ça va venir! Il faut que tu aies un peu de patience, voyons!
(En effet, les lumières s'éteignent.)
Robert: Ah, enfin! Je croyais que ça ne commencerait jamais. Dis, il faudra que tu m'expliques, si je ne comprends pas, hein? Promis?
Mireille: Oui, oui, je te ferai un petit dessin, mais tais-toi, maintenant!
Un voisin: Chut! Ils ne vont pas bientôt se taire, ces deux-là? Ce qu'il y a des gens mal élevés, quand même!
(Le film raconte l'histoire d'un monsieur d'une trentaine d'années, un jeune cadre dynamique, sympathique, marié. Il retrouve une jeune femme un peu bohème qu'il connaissait avant son mariage, et qui se met en tête de le séduire. Ils se rencontrent plusieurs fois, l'après-midi. Il est tenté, mais, au dernier moment, il s'échappe. Il retourne à l'amour de sa femme, l'après-midi, bien sûr.)
Robert: Eh bien, tout cela est très moral.
Mireille: Tout est bien qui finit bien, comme dit ma tante Georgette!