×

Wir verwenden Cookies, um LingQ zu verbessern. Mit dem Besuch der Seite erklärst du dich einverstanden mit unseren Cookie-Richtlinien.


image

Histoire d'Europe et du monde: "Nota Bene", La face sombre de la résistance française : l'épuration

La face sombre de la résistance française : l'épuration

Cet épisode est sponsorisé par les éditions 10*18 qui sortent un nouveau roman historique à suspens,

“la sacrifiée du Vercors” On va pouvoir y suivre l'enquête du commissaire Georges Duroy, un ancien

résistant, qui est envoyé dans le Vercors en 1944, une région qui a beaucoup souffert de la 2nd

guerre mondiale, pour élucider le meurtre d'une femme, Marie. Problème, personne ne veut parler,

ni son entourage, ni les gens du village. Et pour cause, l'action se déroule en plein cœur de ce

qu'on appelle l'Épuration, une période sombre de l'histoire de France que l'on va aujourd'hui

aborder dans cet épisode. Vous pouvez retrouver le lien du livre en description et je vous en

dis plus en fin de vidéo ! Bon visionnage ! Mes chers camarades, bien le bonjour ! J'espère

vraiment qu'il est bon parce qu'aujourd'hui ça va pas être très drôle ! non...

Si la Libération de la France durant la Seconde Guerre mondiale est considérée comme l'une des

grandes pages de l'histoire de notre pays, elle a aussi, vous ne l'ignorez pas, son côté

sombre. Et celui-ci porte un nom : l'épuration. Pour mieux comprendre, on va revenir en 1944.

Cette année-là, et depuis le débarquement de Normandie du 6 juin, les forces alliées

avancent en France, libérant l'une après l'autre les villes dont elles chassent les

allemands. Le débarquement de Provence, le 15 août 1944, accélère encore le processus,

et jour après jour, c'est un peu plus du territoire français qui est libéré.

Oui mais voilà : le départ des allemands, ces ennemis de l'extérieur,

ouvre un nouveau front : celui contre l'ennemi de l'intérieur, le collaborateur.

C'est ça qu'on appelle l'épuration et c'est souvent tragique.

Elle commence sous une forme dite “sauvage” ou tout du moins “extra-judiciaire”. Comprenez

par là que celles et ceux qui veulent faire justice eux-mêmes ne se privent

pas. Dans les premières heures qui suivent la libération d'un territoire,

l'euphorie de la foule laisse aussi éclater des manifestations de colère. En effet,

après avoir passé quatre années sous le joug de l'ennemi et la loi des collaborateurs,

nombre de français estiment qu'ils peuvent - et se doivent - de régler leurs comptes.

Les premières cibles sont d'abord bien évidemment les collaborateurs les plus “visibles”, ceux qui,

jusqu'alors inatteignables, ont perdu leur protection avec la chute du Régime de Vichy.

Un exemple parlant est celui du milicien : durant l'occupation, c'était un collaborateur

très officiel et presque intouchable, qui devient une cible toute désignée pour la foule en colère.

Dans le meilleur des cas, il sera arrêté, et ainsi protégé de la vindicte populaire en attendant son

procès. Dans le pire… il sera exécuté sans autre forme de procès. Nombreux sont ainsi ceux qui ne

verront jamais un tribunal, fusillés par des résistants ou parfois tués par des héros de la

dernière heure qui veulent ainsi s'acheter une légitimité aux yeux des libérateurs.

Impossible, bien sûr, d'oublier le sort fait aux femmes. Des Françaises

sont traînées dans la rue pour être tondues,

tatouées ou encore battues pour le crime d'avoir eu des relations avec des Allemands.

Et puis… tout comme il y a les profiteurs de guerre, il y a des “profiteurs de la Libération”.

Des gens qui vont accuser un concurrent de collaboration pour s'en débarrasser, confisquer

ses biens, ou bénéficier de sa chute d'une manière ou d'une autre. Il y a aussi des crimes qui sont

commis sous le couvert de la colère déchaînée, et parfois, ça sera assez difficile de démêler

le vrai du faux dans les accusations de collaboration derrière des meurtres.

S'il est difficile de chiffrer exactement combien de victimes ont fait ces épurations,

c'est parce que la guerre fait encore rage à ce sujet. On estime généralement qu'environ

20 000 femmes ont été tondues, et 10 000 personnes exécutées hors de tout cadre légal.

Pourtant, contrairement à une légende tenace, cette période d'explosion de

la colère populaire est plus courte que ce qu'on imagine. Pour une simple

et bonne raison : la France Libre s'y était préparée, et ça, bien avant le débarquement.

Le gouvernement provisoire fait ainsi rapidement coller des affiches dans les villes libérées

expliquant que si la colère est compréhensible.. “Des représailles individuelles ne contribueraient

qu'à créer le désordre et le marasme. Le commandement vous les interdit formellement.”

Et si c'est interdit, c'est que la France Libre a prévu son propre arsenal judiciaire

pour punir les collaborateurs. Le programme du Conseil National de la Résistance,

adopté le 15 mars 1944, prévoit ainsi de châtier toute personne ayant collaboré entre le 16 juin

1940 et la libération. D'ailleurs, la définition d'un collaborateur est assez large : cela va de

l'engagement politique très officiel aux côtés du Régime de Vichy jusqu'au très officieux marché

noir. Quiconque a profité de la situation encourt les foudres de la nouvelle justice !

Et cette justice, on la souhaite rapide. D'abord,

pour montrer que le nouveau gouvernement comprend la colère populaire, mais aussi,

pour rétablir l'ordre au plus vite et ainsi éviter ce que beaucoup craignent : une guerre civile.

Si vous ne visualisez pas bien pourquoi le terrain est propice à une guerre civile,

petit rappel : nous parlons d'un pays en guerre, dont le gouvernement vient de tomber,

et où les tensions sont fortes entre anciens pétainistes, gaullistes,

communistes, et autres groupes aussi politisés… qui sont bien souvent armés !

Rajoutez à cela que le pays est toujours en guerre en 1944,

et qu'il est donc d'autant plus urgent de chasser les espions potentiels du territoire.

La France, qui a libéré les prisonniers des camps d'internements où se trouvaient Juifs,

tziganes et autres ennemis tout désignés par l'ancienne administration,

utilise ces camps pour y interner les collaborateurs les plus dangereux,

qui goûtent ainsi aux barbelés qu'ils avaient contribué à ériger.

Le camp de Drancy lui-même sert à interner des suspects de collaboration : Sacha Guitry,

ainsi soupçonné, y sera enfermé avec d'autres intellectuels,

et racontera son expérience dans son livre, 60 jours de prison.

Dès le 26 août 1944, soit à peine Paris libérée, la France officialise par ordonnance

les structures juridiques qui vont permettre de poursuivre et juger les collaborateurs

au travers de structures légales. En attendant que ces nouveaux tribunaux se mettent en place,

cours martiales et tribunaux improvisés tenus par des représentants de la Résistance et de la

France Libre servent à “officialiser” la justice pour la retirer des mains des foules en colère.

Le gouvernement provisoire crée par ailleurs une nouvelle peine : l'indignité nationale.

Quiconque y est condamné perd bon nombre de ses droits, et n'est plus désormais qu'un citoyen

de seconde zone, qui ne peut prétendre aux mêmes choses qu'un autre Français.

Par exemple, le condamné ne peut plus travailler dans l'administration.

Peut-être que vous ne trouvez pas ça assez sévère ? Après tout, travailler

dans l'administration ce n'est peut-être pas votre rêve ! Mais c'est parce qu'il faut voir

le côté pratique : ces condamnations permettent de retirer rapidement et efficacement tous les

collaborateurs des postes publics où ils avaient de l'influence. Du coup,

on peut garantir la reconstruction de l'administration sur des bases plus saines.

Ce qui ne veut pas dire que des collaborateurs ne vont pas passer au travers des mailles du filet…

On pense au cas de Maurice Papon, qui bien qu'arrêté,

sera relâché et fera toute sa carrière dans la haute fonction publique jusqu'à devenir… ministre.

Mais tout le monde ne peut pas échapper à la justice de l'époque

de la même manière. Près de 30 000 personnes vont ainsi être écartées

de leurs postes. Quant aux anciens cadres de l'administration vichyste,

ils sont rapidement remplacés par des représentants du nouveau gouvernement

afin de s'assurer que le nouveau régime est bien en place sur le territoire fraîchement libéré.

L'épuration s'arrête aussi sur d'autres organes essentiels… à commencer par les médias.

Car la guerre passe aussi par là. Aussi stratégiques pour la propagande que

symboliques dans l'opinion, les médias ont leur lot de figures collaborationnistes. Des cibles

privilégiées pour les Français Libres, qui n'ont pas attendu la Libération pour s'y attaquer. C'est

par exemple le cas de Philippe Henriot, célèbre orateur à Radio-Paris engagé avec tant de force

aux côtés du Régime Vichy qu'il en devient, sur la fin, secrétaire d'état à l'information. Mais

jusqu'au bout, il est surtout connu pour ses chroniques antisémites et collaborationnistes.

Il le paie de sa vie le 28 juin 1944, lorsqu'il est abattu par un groupe de

résistants. Cela donnera justement lieu à une ultime campagne de propagande allemande,

intitulée “Il disait la vérité, ils l'ont tué”.

Et s'il y a guerre dans les médias… il y a aussi libération, et donc, épuration.

La presse, l'édition et la radio voient ainsi nombre de procès tomber, mais c'est aussi le

monde du spectacle qui voit acteurs et metteurs en scène être arrêtés, à tort ou à raison. Il suffit

d'avoir joué une pièce durant la guerre pour que certains y voient un acte de collaboration ! Il

faut alors trier ceux qui ont joué des œuvres clairement en faveur de la collaboration des

autres. Des comités d'épuration sont chargés d'identifier qui a véritablement collaboré ou non.

Certains sont interdits de jouer ou d'organiser quelque représentation que ce soit. D'autres sont

bien plus lourdement condamnés. Et dans tous les cas, la plupart des professionnels refusent d'être

associés à d'anciens collaborateurs, ce qui stoppe net les carrières de certains acteurs.

Les journaux sont parmi les cibles les plus visibles de l'épuration. Tous ceux nés sous

l'occupation ou ayant contribué à relayer la propagande ennemie sont

purement et simplement interdits. Des journaux historiques tombés

dans la collaboration disparaissent pour laisser place à une nouvelle génération,

comme Le Parisien Libéré, qui deviendra Le Parisien, La Charente Libre, et d'autres

titres qui annoncent ouvertement la couleur : ce sont des journaux nés de la Libération.

Mais plus que les journaux en eux-mêmes, ce sont les journalistes et directeurs

de publication que l'on cherche à épurer. Et pas dans la douceur ! Albert Lejeune,

homme d'affaires qui se servait des journaux qu'il possédait pour

s'en prendre à la Résistance et profitait des spoliations des sociétés juives pour

s'enrichir, est ainsi condamné à mort à l'issue de son procès, et fusillé.

Ah je vous avais prévenu, ils y vont pas avec le dos de la cuillère...

Les publications sont épluchées : qui a écrit quoi ? Qui a publié un collaborateur ? Le débat

fait rage dans les milieux intellectuels, pour savoir à qui il faut attribuer quelle

part de responsabilité. Mais pendant que les discussions durent, les procès, eux,

ils vont bon train ! Et là encore, tout le monde évite de s'associer professionnellement

avec quelqu'un accusé de collaboration, ce qui arrête indirectement la carrière de bien des

auteurs. L'objectif de ces épurations est de faire taire ce qui reste de la

propagande de Vichy une bonne fois pour toutes, jusque dans le monde du livre.

Les membres des radios de Vichy, comme Radio Paris déjà évoquée ou la radio Ici la France

qui étaient engagées dans une lutte constante contre Radio Londres et la France Libre,

se retrouvent sur le banc des accusés. Les condamnations tombent… y compris à mort.

Et si l'épuration des milieux médiatiques fait beaucoup parler,

une autre a lieu dans un endroit plus stratégique encore : la Grande Muette. L'armée.

Je vous le disais plus tôt, n'oublions pas qu'en 1944, la France est toujours en

guerre ! Et c'est difficile de combattre avec, dans ses rangs, des cadres plutôt ouverts aux

idées de l'ennemi… ou ayant carrément commandé des troupes face aux Forces Françaises Libres !

Des procès ont lieu, et visent principalement les généraux et officiers supérieurs ayant

obéi à Vichy. Nombre d'entre eux sont condamnés à la prison pour avoir obéi

au gouvernement collaborationniste. Des officiers de moindre rang sont poursuivis,

avec ou sans condamnation selon leur implication dans la collaboration. Il

faut aussi dire que la France a encore une armée fragile, et a besoin d'intégrer au

maximum les structures et officiers récupérés lors de la Libération. On ferme donc parfois

les yeux…au nom du besoin d'hommes pour continuer le combat contre l'Allemagne nazie.

Évidemment, plus des hommes se sont ouvertement rangés du côté de Vichy, moins la justice est

clémente avec eux. Pour les anciens miliciens, et autres policiers et gendarmes ayant fait du zèle

contre les Juifs et les Résistants, il n'y a pas vraiment d'échappatoire…tout comme pour les chefs

d'entreprise qui ont soutenu l'effort de guerre allemand. On pense par exemple aux usines Renault,

mais aussi à ceux qui se sont enrichis grâce à l'occupation de manière générale.

Et pourtant…Pourtant... avec la fin de la guerre, va venir le temps du pardon. Et c'est important de

le préciser aussi. La France est exsangue, elle peine à se redresser après ces années de guerre,

d'occupation et de destruction. Et si l'on a su pardonner à des militaires

pour qu'ils participent à l'effort de guerre, vient le temps d'amnistier des

civils pour qu'ils participent à l'effort industriel pour remettre le pays sur pied.

En 1947, 1951 et 1953, plusieurs lois d'amnistie vont permettre de lever des condamnations,

de mettre fin à des poursuites, d'amoindrir des sanctions, et de manière générale,

la France rentre dans sa période où elle souhaite “tourner la page”.

Ce qui ne se fait pas sans débats, vous l'imaginez bien !

Ces lois d'amnisties font couler beaucoup d'encre, tant la colère est encore grande et

les crimes loin d'être oubliés. Mais c'est aussi, justement, pour apaiser cette colère que ces lois

interviennent. Il s'agit pour la France de ne pas tomber dans une chasse aux sorcières permanente,

plus encore à une époque où le pays doit aller de l'avant pour se redresser,

et où le spectre de la guerre civile dans une Europe ruinée est bien présent.

Mais pardonner, ça ne veut pas dire oublier, clairement. Plus tôt dans cette vidéo,

j'ai mentionné le cas de Maurice Papon, rattrapé par son passé dans les années 80,

puisque poursuivi non pas simplement en tant qu'ancien collaborateur… mais

pour crimes contre l'humanité. Et ces crimes, on ne peut pas les effacer,

peu importe le temps écoulé, la justice peut toujours s'en mêler !

C'est aussi le cas de Paul Touvier, ancien chef de la milice lyonnaise,

condamné à mort avant d'être gracié en 1971 après des années de cavale. Hélas pour lui,

de nouvelles plaintes pour crimes contre l'humanité sont déposées,

et sa grâce ne le protège pas contre de nouvelles accusations. Il s'enfuit donc

à nouveau, avant d'être arrêté en 1994, et il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

À cette occasion, la presse rappelle que si l'ancien milicien a pu courir aussi longtemps,

c'est aussi grâce à l'assistance d'anciens collaborateurs de Vichy encore en vie. La

page est tournée depuis un demi-siècle, et le silence tombé, mais les acteurs

de cette triste époque n'ont pour autant pas tous abandonné leurs vieilles idées.

Voilà, voilà, c'était fun hein ? On s'amuse ! Mais c'est aussi ça l'Histoire,

c'est pas que du fun et des paillettes, des morts absurdes, des jobs à la con...C'est

aussi des sujets aussi sérieux et grave que l'épuration et il ne faut surtout pas l'oublier.

Je vous l'ai précisé au début de la vidéo, les éditions 10*18 sortent un livre de François

Médéline, “La sacrifiée du Vercors”. Un roman noir qui se déroule dans le contexte de l'Epuration,

à la fin de la seconde guerre mondiale. Marie, une jeune femme est retrouvé égorgée et personne

ne veut parler à l'enquêteur, le commissaire Georges Duroy. Est ce que c'est les miliciens

qui se sont vengés en tuant la jeune fille, issue d'une famille de résistant ? Est ce

qu'elle a couché avec un allemand ce qui de facto faisait d'elle une collaboratrice ? Que

faire des coupables s'ils se révèlent être des résistants héroïques que l'on glorifie sur la

fin du conflit ? Autant de questionnement qui vont permettre à l'auteur d'aborder plein de

thématiques comme la résistance dans le Vercors mais aussi le rôle très ambigu de certains

résistants, la collaboration, les rivalités entre gaullistes et communistes...Bref, un contexte bien

particulier qui se prête carrément au roman noir et qui permet, vous savez que j'aime bien ça,

de casser le manichéisme de la guerre : les bons d'un côté, les méchants de l'autre ! Je vous

mets plus d'informations dans la description si vous voulez acheter l'ouvrage,je sais que

certains d'entre vous ont craqué quand j'avais recommandé un de leur bouquins sur les Cathares

et j'avais eu de bons retours alors il n'y a pas de raisons que vous ne kiffiez pas celui

là ! Merci à Julien Hervieux de la chaîne l'odieux Connard pour la préparation de cette émission.

A très vite sur Nota Bene pour de nouveau épisodes. Ciao !

La face sombre de la résistance française : l'épuration Die dunkle Seite des französischen Widerstands: die Säuberung The dark side of the French Resistance: the purge De donkere kant van het Franse verzet: de zuivering O lado negro da Resistência Francesa: a purga

Cet épisode est sponsorisé par les éditions 10*18  qui sortent un nouveau roman historique à suspens,

“la sacrifiée du Vercors” On va pouvoir y suivre  l'enquête du commissaire Georges Duroy, un ancien

résistant, qui est envoyé dans le Vercors en  1944, une région qui a beaucoup souffert de la 2nd

guerre mondiale, pour élucider le meurtre d'une  femme, Marie. Problème, personne ne veut parler,

ni son entourage, ni les gens du village. Et pour  cause, l'action se déroule en plein cœur de ce

qu'on appelle l'Épuration, une période sombre  de l'histoire de France que l'on va aujourd'hui

aborder dans cet épisode. Vous pouvez retrouver  le lien du livre en description et je vous en

dis plus en fin de vidéo ! Bon visionnage ! Mes chers camarades, bien le bonjour ! J'espère

vraiment qu'il est bon parce qu'aujourd'hui  ça va pas être très drôle ! non...

Si la Libération de la France durant la Seconde  Guerre mondiale est considérée comme l'une des

grandes pages de l'histoire de notre pays,  elle a aussi, vous ne l'ignorez pas, son côté

sombre. Et celui-ci porte un nom : l'épuration.  Pour mieux comprendre, on va revenir en 1944.

Cette année-là, et depuis le débarquement  de Normandie du 6 juin, les forces alliées

avancent en France, libérant l'une après  l'autre les villes dont elles chassent les

allemands. Le débarquement de Provence, le  15 août 1944, accélère encore le processus,

et jour après jour, c'est un peu plus  du territoire français qui est libéré.

Oui mais voilà : le départ des  allemands, ces ennemis de l'extérieur,

ouvre un nouveau front : celui contre  l'ennemi de l'intérieur, le collaborateur.

C'est ça qu'on appelle l'épuration  et c'est souvent tragique.

Elle commence sous une forme dite “sauvage”  ou tout du moins “extra-judiciaire”. Comprenez

par là que celles et ceux qui veulent  faire justice eux-mêmes ne se privent

pas. Dans les premières heures qui  suivent la libération d'un territoire,

l'euphorie de la foule laisse aussi éclater  des manifestations de colère. En effet,

après avoir passé quatre années sous le joug  de l'ennemi et la loi des collaborateurs,

nombre de français estiment qu'ils peuvent  - et se doivent - de régler leurs comptes.

Les premières cibles sont d'abord bien évidemment  les collaborateurs les plus “visibles”, ceux qui,

jusqu'alors inatteignables, ont perdu leur  protection avec la chute du Régime de Vichy.

Un exemple parlant est celui du milicien :  durant l'occupation, c'était un collaborateur

très officiel et presque intouchable, qui devient  une cible toute désignée pour la foule en colère.

Dans le meilleur des cas, il sera arrêté, et ainsi  protégé de la vindicte populaire en attendant son

procès. Dans le pire… il sera exécuté sans autre  forme de procès. Nombreux sont ainsi ceux qui ne

verront jamais un tribunal, fusillés par des  résistants ou parfois tués par des héros de la

dernière heure qui veulent ainsi s'acheter  une légitimité aux yeux des libérateurs.

Impossible, bien sûr, d'oublier le  sort fait aux femmes. Des Françaises

sont traînées dans la rue pour être tondues,

tatouées ou encore battues pour le crime  d'avoir eu des relations avec des Allemands.

Et puis… tout comme il y a les profiteurs de  guerre, il y a des “profiteurs de la Libération”.

Des gens qui vont accuser un concurrent de  collaboration pour s'en débarrasser, confisquer

ses biens, ou bénéficier de sa chute d'une manière  ou d'une autre. Il y a aussi des crimes qui sont

commis sous le couvert de la colère déchaînée,  et parfois, ça sera assez difficile de démêler

le vrai du faux dans les accusations  de collaboration derrière des meurtres.

S'il est difficile de chiffrer exactement  combien de victimes ont fait ces épurations,

c'est parce que la guerre fait encore rage à  ce sujet. On estime généralement qu'environ

20 000 femmes ont été tondues, et 10 000  personnes exécutées hors de tout cadre légal.

Pourtant, contrairement à une légende  tenace, cette période d'explosion de

la colère populaire est plus courte  que ce qu'on imagine. Pour une simple

et bonne raison : la France Libre s'y était  préparée, et ça, bien avant le débarquement.

Le gouvernement provisoire fait ainsi rapidement  coller des affiches dans les villes libérées

expliquant que si la colère est compréhensible..  “Des représailles individuelles ne contribueraient

qu'à créer le désordre et le marasme. Le  commandement vous les interdit formellement.”

Et si c'est interdit, c'est que la France  Libre a prévu son propre arsenal judiciaire

pour punir les collaborateurs. Le programme  du Conseil National de la Résistance,

adopté le 15 mars 1944, prévoit ainsi de châtier  toute personne ayant collaboré entre le 16 juin

1940 et la libération. D'ailleurs, la définition  d'un collaborateur est assez large : cela va de

l'engagement politique très officiel aux côtés  du Régime de Vichy jusqu'au très officieux marché

noir. Quiconque a profité de la situation  encourt les foudres de la nouvelle justice !

Et cette justice, on la souhaite rapide. D'abord,

pour montrer que le nouveau gouvernement  comprend la colère populaire, mais aussi,

pour rétablir l'ordre au plus vite et ainsi éviter  ce que beaucoup craignent : une guerre civile.

Si vous ne visualisez pas bien pourquoi le  terrain est propice à une guerre civile,

petit rappel : nous parlons d'un pays en  guerre, dont le gouvernement vient de tomber,

et où les tensions sont fortes entre  anciens pétainistes, gaullistes,

communistes, et autres groupes aussi  politisés… qui sont bien souvent armés !

Rajoutez à cela que le pays  est toujours en guerre en 1944,

et qu'il est donc d'autant plus urgent de  chasser les espions potentiels du territoire.

La France, qui a libéré les prisonniers des  camps d'internements où se trouvaient Juifs,

tziganes et autres ennemis tout  désignés par l'ancienne administration,

utilise ces camps pour y interner les  collaborateurs les plus dangereux,

qui goûtent ainsi aux barbelés  qu'ils avaient contribué à ériger.

Le camp de Drancy lui-même sert à interner  des suspects de collaboration : Sacha Guitry,

ainsi soupçonné, y sera enfermé  avec d'autres intellectuels,

et racontera son expérience dans  son livre, 60 jours de prison.

Dès le 26 août 1944, soit à peine Paris  libérée, la France officialise par ordonnance

les structures juridiques qui vont permettre  de poursuivre et juger les collaborateurs

au travers de structures légales. En attendant  que ces nouveaux tribunaux se mettent en place,

cours martiales et tribunaux improvisés tenus  par des représentants de la Résistance et de la

France Libre servent à “officialiser” la justice  pour la retirer des mains des foules en colère.

Le gouvernement provisoire crée par ailleurs  une nouvelle peine : l'indignité nationale.

Quiconque y est condamné perd bon nombre de ses  droits, et n'est plus désormais qu'un citoyen

de seconde zone, qui ne peut prétendre  aux mêmes choses qu'un autre Français.

Par exemple, le condamné ne peut plus  travailler dans l'administration.

Peut-être que vous ne trouvez pas ça  assez sévère ? Après tout, travailler

dans l'administration ce n'est peut-être pas  votre rêve ! Mais c'est parce qu'il faut voir

le côté pratique : ces condamnations permettent  de retirer rapidement et efficacement tous les

collaborateurs des postes publics où  ils avaient de l'influence. Du coup,

on peut garantir la reconstruction de  l'administration sur des bases plus saines.

Ce qui ne veut pas dire que des collaborateurs ne  vont pas passer au travers des mailles du filet… Which is not to say that some employees won't slip through the net...

On pense au cas de Maurice  Papon, qui bien qu'arrêté,

sera relâché et fera toute sa carrière dans la  haute fonction publique jusqu'à devenir… ministre.

Mais tout le monde ne peut pas  échapper à la justice de l'époque

de la même manière. Près de 30 000  personnes vont ainsi être écartées

de leurs postes. Quant aux anciens  cadres de l'administration vichyste,

ils sont rapidement remplacés par des  représentants du nouveau gouvernement

afin de s'assurer que le nouveau régime est bien  en place sur le territoire fraîchement libéré.

L'épuration s'arrête aussi sur d'autres  organes essentiels… à commencer par les médias.

Car la guerre passe aussi par là. Aussi  stratégiques pour la propagande que

symboliques dans l'opinion, les médias ont leur  lot de figures collaborationnistes. Des cibles

privilégiées pour les Français Libres, qui n'ont  pas attendu la Libération pour s'y attaquer. C'est

par exemple le cas de Philippe Henriot, célèbre  orateur à Radio-Paris engagé avec tant de force

aux côtés du Régime Vichy qu'il en devient, sur  la fin, secrétaire d'état à l'information. Mais

jusqu'au bout, il est surtout connu pour ses  chroniques antisémites et collaborationnistes.

Il le paie de sa vie le 28 juin 1944,  lorsqu'il est abattu par un groupe de

résistants. Cela donnera justement lieu à  une ultime campagne de propagande allemande,

intitulée “Il disait la vérité, ils l'ont tué”.

Et s'il y a guerre dans les médias… il y  a aussi libération, et donc, épuration.

La presse, l'édition et la radio voient ainsi  nombre de procès tomber, mais c'est aussi le

monde du spectacle qui voit acteurs et metteurs en  scène être arrêtés, à tort ou à raison. Il suffit

d'avoir joué une pièce durant la guerre pour que  certains y voient un acte de collaboration ! Il

faut alors trier ceux qui ont joué des œuvres  clairement en faveur de la collaboration des

autres. Des comités d'épuration sont chargés  d'identifier qui a véritablement collaboré ou non.

Certains sont interdits de jouer ou d'organiser  quelque représentation que ce soit. D'autres sont

bien plus lourdement condamnés. Et dans tous les  cas, la plupart des professionnels refusent d'être

associés à d'anciens collaborateurs, ce qui  stoppe net les carrières de certains acteurs.

Les journaux sont parmi les cibles les plus  visibles de l'épuration. Tous ceux nés sous

l'occupation ou ayant contribué à  relayer la propagande ennemie sont

purement et simplement interdits.  Des journaux historiques tombés

dans la collaboration disparaissent pour  laisser place à une nouvelle génération,

comme Le Parisien Libéré, qui deviendra Le  Parisien, La Charente Libre, et d'autres

titres qui annoncent ouvertement la couleur  : ce sont des journaux nés de la Libération.

Mais plus que les journaux en eux-mêmes,  ce sont les journalistes et directeurs

de publication que l'on cherche à épurer.  Et pas dans la douceur ! Albert Lejeune,

homme d'affaires qui se servait  des journaux qu'il possédait pour

s'en prendre à la Résistance et profitait  des spoliations des sociétés juives pour

s'enrichir, est ainsi condamné à mort  à l'issue de son procès, et fusillé.

Ah je vous avais prévenu, ils y vont  pas avec le dos de la cuillère...

Les publications sont épluchées : qui a écrit  quoi ? Qui a publié un collaborateur ? Le débat

fait rage dans les milieux intellectuels,  pour savoir à qui il faut attribuer quelle

part de responsabilité. Mais pendant que  les discussions durent, les procès, eux,

ils vont bon train ! Et là encore, tout le  monde évite de s'associer professionnellement

avec quelqu'un accusé de collaboration, ce qui  arrête indirectement la carrière de bien des

auteurs. L'objectif de ces épurations  est de faire taire ce qui reste de la

propagande de Vichy une bonne fois pour  toutes, jusque dans le monde du livre.

Les membres des radios de Vichy, comme Radio  Paris déjà évoquée ou la radio Ici la France

qui étaient engagées dans une lutte constante  contre Radio Londres et la France Libre,

se retrouvent sur le banc des accusés. Les  condamnations tombent… y compris à mort.

Et si l'épuration des milieux  médiatiques fait beaucoup parler,

une autre a lieu dans un endroit plus  stratégique encore : la Grande Muette. L'armée.

Je vous le disais plus tôt, n'oublions  pas qu'en 1944, la France est toujours en

guerre ! Et c'est difficile de combattre avec,  dans ses rangs, des cadres plutôt ouverts aux

idées de l'ennemi… ou ayant carrément commandé  des troupes face aux Forces Françaises Libres !

Des procès ont lieu, et visent principalement  les généraux et officiers supérieurs ayant

obéi à Vichy. Nombre d'entre eux sont  condamnés à la prison pour avoir obéi

au gouvernement collaborationniste. Des  officiers de moindre rang sont poursuivis,

avec ou sans condamnation selon leur  implication dans la collaboration. Il

faut aussi dire que la France a encore une  armée fragile, et a besoin d'intégrer au

maximum les structures et officiers récupérés  lors de la Libération. On ferme donc parfois

les yeux…au nom du besoin d'hommes pour  continuer le combat contre l'Allemagne nazie.

Évidemment, plus des hommes se sont ouvertement  rangés du côté de Vichy, moins la justice est

clémente avec eux. Pour les anciens miliciens, et  autres policiers et gendarmes ayant fait du zèle

contre les Juifs et les Résistants, il n'y a pas  vraiment d'échappatoire…tout comme pour les chefs

d'entreprise qui ont soutenu l'effort de guerre  allemand. On pense par exemple aux usines Renault,

mais aussi à ceux qui se sont enrichis  grâce à l'occupation de manière générale.

Et pourtant…Pourtant... avec la fin de la guerre,  va venir le temps du pardon. Et c'est important de

le préciser aussi. La France est exsangue, elle  peine à se redresser après ces années de guerre,

d'occupation et de destruction. Et si  l'on a su pardonner à des militaires

pour qu'ils participent à l'effort de  guerre, vient le temps d'amnistier des

civils pour qu'ils participent à l'effort  industriel pour remettre le pays sur pied.

En 1947, 1951 et 1953, plusieurs lois d'amnistie  vont permettre de lever des condamnations,

de mettre fin à des poursuites, d'amoindrir  des sanctions, et de manière générale,

la France rentre dans sa période  où elle souhaite “tourner la page”.

Ce qui ne se fait pas sans  débats, vous l'imaginez bien !

Ces lois d'amnisties font couler beaucoup  d'encre, tant la colère est encore grande et

les crimes loin d'être oubliés. Mais c'est aussi,  justement, pour apaiser cette colère que ces lois

interviennent. Il s'agit pour la France de ne pas  tomber dans une chasse aux sorcières permanente,

plus encore à une époque où le pays  doit aller de l'avant pour se redresser,

et où le spectre de la guerre civile  dans une Europe ruinée est bien présent.

Mais pardonner, ça ne veut pas dire oublier,  clairement. Plus tôt dans cette vidéo,

j'ai mentionné le cas de Maurice Papon,  rattrapé par son passé dans les années 80,

puisque poursuivi non pas simplement  en tant qu'ancien collaborateur… mais

pour crimes contre l'humanité. Et ces  crimes, on ne peut pas les effacer,

peu importe le temps écoulé, la  justice peut toujours s'en mêler !

C'est aussi le cas de Paul Touvier,  ancien chef de la milice lyonnaise,

condamné à mort avant d'être gracié en 1971  après des années de cavale. Hélas pour lui,

de nouvelles plaintes pour crimes  contre l'humanité sont déposées,

et sa grâce ne le protège pas contre de  nouvelles accusations. Il s'enfuit donc

à nouveau, avant d'être arrêté en 1994, et il est  condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.

À cette occasion, la presse rappelle que si  l'ancien milicien a pu courir aussi longtemps,

c'est aussi grâce à l'assistance d'anciens  collaborateurs de Vichy encore en vie. La

page est tournée depuis un demi-siècle,  et le silence tombé, mais les acteurs

de cette triste époque n'ont pour autant  pas tous abandonné leurs vieilles idées.

Voilà, voilà, c'était fun hein ? On  s'amuse ! Mais c'est aussi ça l'Histoire,

c'est pas que du fun et des paillettes, des  morts absurdes, des jobs à la con...C'est

aussi des sujets aussi sérieux et grave que  l'épuration et il ne faut surtout pas l'oublier.

Je vous l'ai précisé au début de la vidéo, les  éditions 10*18 sortent un livre de François

Médéline, “La sacrifiée du Vercors”. Un roman noir  qui se déroule dans le contexte de l'Epuration,

à la fin de la seconde guerre mondiale. Marie,  une jeune femme est retrouvé égorgée et personne

ne veut parler à l'enquêteur, le commissaire  Georges Duroy. Est ce que c'est les miliciens

qui se sont vengés en tuant la jeune fille,  issue d'une famille de résistant ? Est ce

qu'elle a couché avec un allemand ce qui de  facto faisait d'elle une collaboratrice ? Que

faire des coupables s'ils se révèlent être des  résistants héroïques que l'on glorifie sur la

fin du conflit ? Autant de questionnement qui  vont permettre à l'auteur d'aborder plein de

thématiques comme la résistance dans le Vercors  mais aussi le rôle très ambigu de certains

résistants, la collaboration, les rivalités entre  gaullistes et communistes...Bref, un contexte bien

particulier qui se prête carrément au roman noir  et qui permet, vous savez que j'aime bien ça,

de casser le manichéisme de la guerre : les bons  d'un côté, les méchants de l'autre ! Je vous

mets plus d'informations dans la description  si vous voulez acheter l'ouvrage,je sais que

certains d'entre vous ont craqué quand j'avais  recommandé un de leur bouquins sur les Cathares

et j'avais eu de bons retours alors il n'y a  pas de raisons que vous ne kiffiez pas celui

là ! Merci à Julien Hervieux de la chaîne l'odieux  Connard pour la préparation de cette émission.

A très vite sur Nota Bene pour  de nouveau épisodes. Ciao !