E.T., l'extra-terrestre de Steven Spielberg : l'analyse de M. Bobine (1)
Adeptes de la Grande Toile, bonjour !
Pour finir l'année en beauté
on va tenter de relever un bon gros défi des familles,
à savoir essayer de vous apprendre deux trois trucs sur un des films les plus vus
les plus aimés et les plus commentés de l'histoire du cinéma.
Un film qui a ému aux larmes la planète entière depuis sa sortie en 1982,
mais qui semble avoir été conçu en priorité
pour une catégorie très précise de la population.
Alors, enfourchez vos BMX et préparez vos mouchoirs,
parce qu'on va causer de E.T. l'extraterrestre !
E.T. l'extraterrestre fait partie pour moi d'un cercle très fermé de films
que je qualifierais volontiers de « parfaits ».
Ce club VIP regroupe des trucs aussi différents que Bambi, le premier Star Wars,
Halloween, Stand by Me, Mon voisin Totoro,
Un jour sans fin, ou encore Gravity.
Par « parfait », je n'entends pas qu'il s'agit des meilleurs films du monde
ou qu'ils sont totalement dépourvus de défauts.
Mais il se dégage de ces œuvres une impression de pureté et de limpidité
qui me semble vraiment rarissime, car très difficile à atteindre.
Ben oui, pour arriver à un tel niveau d'évidence,
il va sans dire que ça nécessite un sacré travail de dégraissage.
Dans le cas de E.T., il aura fallu pas moins de 5 ans d'efforts à Spielberg
pour accoucher de cette histoire à priori toute simple
entre un gamin de 10 ans et un gentil extraterrestre.
Le projet commence à prendre forme en 1977,
dans la foulée de Rencontres du troisième type.
En découvrant le résultat final,
François Truffaut est très impressionné par la performance
que Spielberg est parvenu à tirer du petit Cary Guffey.
Il encourage alors le jeune cinéaste à réaliser un film
mettant en scène principalement des enfants.
Séduit par l'idée,
Spielberg commence à plancher sur un scénario intitulé Growing Up,
qu'il voit comme sa version à lui des 400 coups.
A l'instar du Antoine Doinel de Truffaut,
le héros est un décalque complet du réalisateur enfant :
un garçon chétif et solitaire qui se réfugie dans l'imaginaire
pour faire face au divorce de ses parents.
Parallèlement, Spielberg se met à travailler
sur une simili-suite de Rencontres du troisième type.
La grosse différence, c'est qu'il est question cette fois de méchants aliens
qui terrorisent une famille de fermiers américains.
Il recrute le scénariste John Sayles pour mettre au propre ses idées.
L'une d'entre elles prévoit que le seul extraterrestre sympa de la bande
se lie d'amitié avec un gamin autiste qui l'affuble du surnom « buddee ».
Le chef des aliens, quant à lui, est doté d'un long doigt au bout lumineux
avec lequel il … zigouille instantanément tout ce qu'il touche !
Sur le plateau des Aventuriers de l'arche perdue,
Spielberg réalise qu'il n'a pas du tout envie d'enchaîner avec un autre film dark et violent,
mais qu'il préfère revenir à quelque chose de plus humaniste et spirituel.
Pour avoir un avis extérieur,
il fait lire le scénario de Night Skies à la jeune scénariste Melissa Mathison,
qui est venu rendre visite à son petit ami, un certain Harrison Ford.
Celle-ci flashe tout de suite sur la sous-intrigue
entre le gosse et le gentil extraterrestre
et convainc Spielberg que le cœur émotionnel du film se trouve là.
Le réalisateur va alors décider de fusionner cet élément de l'histoire
avec son autre projet en cours de développement, Growing up.
Toute la partie horrifique de Night Skies sera recyclée dans un autre film
produit (et en grande partie réalisé) par Spielberg la même année que E.T. :
Poltergeist.
On en trouve aussi des restes dans l'une des plus célèbres productions Amblin : Gremlins
avec les affiches de A Boy's Life et Watch the Skies
qui sont les titres de travail de E.T. et Night Skies.
Puis plus tard dans Critters
ou encore Signes de M. Night Shyamalan, film « spielbergien » s'il en est.
Mais tout ça c'est peau de zob à côté de la liste HALLUCINANTE de films
qui ont copié de près ou de loin E.T. l'extraterrestre au cours des années 80.
Si le film de Steven Spielberg a fait autant d'émules,
c'est parce qu'il a cartonné au box-office dans des proportions
qu'on ne mesure pas forcément très bien 36 ans après.
Si l'on prend en compte l'inflation du dollar,
sachez donc que E.T. l'extraterrestre est le quatrième plus gros succès de l'histoire
sur le territoire nord-américain,
juste après Autant en emporte le vent, le premier Star Wars et La mélodie du bonheur.
A l'échelle mondiale, il se positionne à la sixième place derrière les mêmes titres,
plus Titanic et Avatar.
Les "Réveil de la Force"
et autres Avengers Infinity War peuvent donc aller se rhabiller,
d'autant plus que E.T., contrairement à eux, n'a pas coûté des fortunes :
un peu plus de 10 millions de dollars de l'époque,
soit à peine 30 millions de dollars actuels.
Le film a donc rapporté sur sa seule exploitation en salles à peu près… 70 fois sa mise.
Pour vous donner une autre idée de l'ampleur du phénomène,
la Columbia, la première major en lice pour produire E.T. avait passé son tour,
parce que son visionnaire de patron n'y voyait
qu'une espèce de « niaiserie à la Walt Disney ».
Le studio a donc revendu le projet à Universal en échange d'1 million de dollar
et de 5% des profits nets.
as des recettes hein, des profits.
Malgré ce pourcentage maigrichon,
E.T. a quand même été le film le plus rentable pour la Columbia
en cette année 1982 !
Bref, E.T l'extraterrestre est un succès hors normes.
Le genre qu'on ne rencontre qu'une fois par décennie.
Du coup, moi la question qui me vient tout de suite en tête
c'est : « pourquoi ? ».
Qu'est-ce que fait que des millions de gens à travers le monde
sont allés voir le film en salles ?
Puis ont eu envie de le revoir. Et de le re-revoir.
Et de le montrer dès que possible à leurs rejetons.
Une des raisons qu'on a données à l'époque,
c'est que Spielberg s'est placé dans le créneau « film pour les enfants »,
qui a longtemps été l'apanage du seul Walt Disney.
Le truc, c'est qu'au début des années 80,
avant la reprise en main par le trio Michael Eisner Frank Wells Jeffrey Katzenberg,
le studio aux grandes oreilles n'est plus que l'ombre de lui-même.
Jetez un coup d'œil aux titres qui sont sortis sous la bannière Disney entre 1980 et 1982 :
Ça fait pas rêver, hein ?
Même du côté des dessins animés, c'est la grosse loose.
On est en plein dans la période Rox et Rouky / Taram et le chaudron magique
où la firme envisage carrément de fermer le département animation
qui a fait sa gloire.
Tu m'étonnes donc que les gens se soient jetés sur le film de Spielberg
comme des junkies en manque sur un fix d'héroïne…
Après, ce seul argument ne suffit pas à expliquer l'aura quasi intacte
que E.T. garde encore aujourd'hui.
Si son succès n'avait été que conjoncturel,
il ne continuerait pas de se transmettre de génération en génération
comme un objet de famille.
Et il ne figurerait sûrement pas en seconde position
des 50 films à voir avant ses 14 ans établie en 2005 par le British Film Institute.
Pour certains, cette pérennité de E.T. dans le temps est due en grande partie
au fait que le film signe l'acte de naissance du « style Amblin »,
qui reste l'un des trucs les plus emblématiques des années 80.
Plus que n'importe quelle autre,
cette décennie continue de susciter une profonde nostalgie
à la fois chez ceux qui l'ont connue… et ceux qui n'étaient même pas encore nés !
Il n'y qu'à voir l'énorme buzz autour de la série Stranger Things,
qui ne fonctionne QUE là-dessus…
et est principalement regardée par les Millenials.
Mais est-ce qu'on peut vraiment résumer E.T. l'extraterrestre à ça ?
Une espèce de capsule temporelle destinée à découvrir ou se rappeler
à quoi ressemblaient les années 80 ?
Perso, j'ai tendance à penser que si le film est resté
un classique absolu du cinéma pour enfants,
c'est pour des raisons plus profondes, plus intimes et plus universelles,
La première d'entre elles, c'est que E.T. parle merveilleusement bien
à la fois DES enfants et AUX enfants.
J'imagine que vous l'avez déjà remarqué,
mais les personnages de gamins réalistes dans le cinéma grand public américain,
ben y en a pas des masses.
Et je vous cause même pas du cinéma français...
Pour moi,
Elliot, Gertie, Michael et tous leurs copains de E.T., font partie des rares réussites.
Prenez le héros.
Ok, globalement c'est un gentil garçon,
mais, à l'occasion, il peut se montrer désobéissant,
irritable,
insensible, cruel,
manipulateur.
Et, contrairement au branleur de Maman j'ai raté l'avion,
il est profondément affecté par la dissolution de sa famille.
Bref, il se comporte comme un gosse normal quoi.
Dans le même genre,
je trouve que le personnage de la mère sonne aussi très juste.
Le portrait que nous dresse le film est celui pas du tout idéalisé
d'une mère célibataire débordée par ses responsabilités,
peinant vraiment à se faire obéir
et parfois à la limite de l'inconscience.
Mais ce soin apporté à la caractérisation des personnages
n'aurait probablement pas eu le même impact sur les spectateurs
si Spielberg n'avait pas sublimé le tout derrière.
Le monde entier a salué la performance des jeunes comédiens du film,
résultat d'un long travail de casting
mais aussi de l'astucieuse méthode de travail du réalisateur sur le plateau.
L'ami Steven, en effet, a choisi de se passer complètement de story-boards
une première pour lui
mais aussi de tourner toutes les scènes dans l'ordre
afin d'obtenir de ses interprètes un maximum de spontanéité.
Les images du tournage le montrent toujours accroupi
ou agenouillé pour discuter avec Henry Thomas ou Drew Barrymore,
leur donnant ainsi le sentiment de parler d'égal à égal.
De façon générale, le film entier semble être littéralement filmé avec les yeux d'un enfant.
Regardez comment TOUS les adultes – à une exception près –
sont cadrés jusqu'à la fin du deuxième acte.
Qu'il fasse jour ou qu'il fasse nuit,
qu'ils soient proches des héros ou à des dizaines de mètres,
le cinéaste se débrouille toujours pour cacher leurs visages.
Même Harrison Ford, devenu une superstar grâce au précédent film de Spielberg,
n'échappe pas à ce traitement dans cette célèbre scène coupée
où il joue le proviseur d'Elliott.
Très souvent, leur tête est évacuée du champ par le haut
comme dans un bon vieil épisode de Tom et Jerry,
ce qui implique que la caméra est placée, à hauteur d'enfant.
Spielberg ré-utilise aussi sur E.T. une technique de mise en scène
qui a fait des miracles sur Les dents de la mer.
Il s'agit d'une variation visuelle de la figure de style littéraire appelée « synecdoque »
qui consiste à désigner un tout par l'une de ses parties.
Genre l'expression « nos chères têtes blondes » pour signifier « les enfants ».
Dans Jaws, le requin de 7 mètres 3 tonnes bien pesées, reste invisible à l'image
pendant une bonne partie du film.
Tout au plus distingue-t-on un aileron
ou un bout de sa gueule.
Spielberg insiste surtout sur les signes de sa présence,
comme les objets qu'il entraîne dans son sillage ou les corps qu'il malmène.
Sans oublier le célèbre thème de John Williams
qui retentit à chaque fois que la bestiole rapplique.
Dans E.T., le réalisateur fait la même chose,
mais avec un personnage humain cette fois,
à savoir le scientifique joué par Peter Coyote.
On notera que l'objet qui le caractérise, et lui tient même lieu de nom,
est situé à peu de choses près au niveau des yeux d'un enfant.
Autrement dit, Spielberg se focalise sur ce détail précis
parce que c'est exactement ce qu'un gosse ferait !
La seule adulte filmée de façon naturelle dès sa présentation,
c'est bien évidemment la mère, Mary.
Pourquoi ? Eh bien à mon avis parce que c'est une mère justement.
L'être humain avec qui les héros de E.T. entretiennent le lien le plus fort,