Comme par magie. Vivre sa créativité sans la craindre. Elizabeth Gilbert. Livre audio (2)
après révolution
vous voudrez bien noter que mon ami ne
démissionna pas de son travail ne vendit
pas sa maison ni ne rompit toutes ses
relations pour aller s'installer à
Toronto et patiner 70 heures par semaine
sous la férule implacable d'un
entraîneur olympique
et cette histoire ne se termine pas non
plus par la moindre médaille d'or ce
n'est pas nécessaire en fait cette
histoire ne se termine pas du tout car
Suzanne continue de patiner plusieurs
matins par semaine simplement parce que
c'est toujours la meilleure manière pour
elle de laisser s'épanouir dans sa vie
une forme de beauté et de transcendance
qu'elle met apparemment pas en mesure
d'atteindre d'aucune autre manière
et elle aimerait passer le plus de temps
possible dans cet état de transcendance
pendant qu'elle est encore de ce monde
c'est tout voilà ce que j'appelle une
existence créative et même si
l'itinéraire et l'aboutissement d'une
vie créative varie considérablement
selon les individus je peux vous
garantir une chose une existence
créative est une existence magnifique
plus heureuse plus vaste et sacrément
plus intéressantes vivre de cette
manière en donnant obstinément et
inlassablement le jour aux pépites
cachées en vous est véritablement un art
en soi car c'est dans l'existence
créative que demeurera toujours la
grande magie
très très peur
parlons du courage à présent
si vous avez déjà le courage de donner
le jour aux pépites enfouies en vous
génial vous faites probablement déjà des
choses vraiment intéressantes dans votre
vie et vous n'avez pas besoin de ce
livre continuer sur votre lancée mais si
vous ne l'avez pas essayons de vous en
donner un peu car l'existence créative
elle la voit des braves nous le savons
tous tout comme nous savons que lorsque
le courage se tarie la créativité
s'éteinte avec lui
la peur est un cimetière où nos rêves
vont mourir et se dessécher sous un
soleil de plomb c'est un fait connu de
tous parfois nous ne savons tout
bonnement pas comment réagir
laissez-moi dresser la liste des
innombrables raisons d'avoir peur de
mener une existence créative
vous avez peur de n'avoir aucun talent
vous avez peur d'être rejeté critiquer
ridiculiser incompris ou et c'est le
pire
ignorer vous avez peur qu'il n'y ait
aucun marché pour votre créativité et
qu'il soit donc inutile de la cultiver
vous avez peur qu'un autre est déjà fait
la même chose que vous en mieux vous
avez peur que tous les autres aient déjà
fait la même chose que vous en mieux
vous avez peur que quelqu'un vole vos
idées et vous préférez donc les garder
éternellement caché de tous
vous avez peur de ne pas être pris au
sérieux vous avez peur que votre oeuvre
ne soit pas assez importante
politiquement émotionnellement ou
artistiquement pour changer la vie de
quiconque vous avez peur que vos rêves
soient ridicules vous avez peur de
considérer rétrospectivement un jour vos
tentatives créatives communes et stupide
perte de temps d'énergie et d'argent
vous avez peur de ne pas avoir la
discipline nécessaire
vous avez peur de ne pas avoir l'espace
de travail convenable la liberté
financière ou le temps de vous
concentrer sur l'invention ou
l'exploration vous avez peur de ne pas
avoir la formation ou les diplômes
voulus vous avez peur d'être trop gros
je ne sais pas au juste quel est le
rapport avec la créativité mais comme
l'expérience m'a enseigné que la plupart
d'entre nous avons peur d'être trop gros
permettez-moi d'ajouter cette peur à ma
liste pour faire bonne mesure
vous avez peur d'être dénoncé comme un
écrivain ou un imbécile ou accusé de
dilettantisme ou de narcissisme vous
avez peur de contrarier votre famille
avec ce que vous pourriez révéler vous
avez peur de ce que diront votre
entourage ou vos confrères si vous
exprimez à haute voix votre vérité
intime vous avez peur de libérer vos
démons intérieurs et vous ne voulez
vraiment pas vous retrouver nez année
avec eux vous avez peur que le meilleur
de votre oeuvre soit derrière vous
vous avez peur de n'avoir pas de
meilleur de votre oeuvre du tout
vous avez peur d'avoir négligé votre
créativité pendant tellement longtemps
que vous ne pouvez désormais plus la
retrouver
vous avez peur d'être trop vieux pour
vous y mettre vous avez peur d'être trop
jeune pour vous y mettre
vous avez peur que rien de bien ne
puisse arriver de nouveau puisque c'est
arrivé une fois déjà dans votre vie
vous avez peur parce que rien ne s'est
jamais bien passé dans votre vie et que
ce n'est donc pas la peine de vous
fatiguer à essayer vous avez peur de
n'être qu'un prodige sans lendemain vous
avez peur de ne pas être un produit du
tout
écouter comme je n'ai pas toute la
journée je ne vais pas continuer cette
liste de peur elle est sans fin de toute
façon et elle est déprimante je vais
juste la résumer ainsi ça fait très très
peur tout fait horriblement peur
défendre sa faiblesse
comprenez bien si je parle de la peur
avec autant d'autorité c'est que je la
connais est très intimement je connais
tout de la peur de fond en comble je
suis effrayé depuis toujours je suis né
terrifié je n'exagère pas vous pouvez
interroger n'importe qui dans ma famille
et on vous confirmera que j'étais
effectivement une enfant
exceptionnellement timoré mes premiers
souvenirs sont faits de peur comme à peu
près tous ceux qui ont suivi petite
j'avais peur non seulement de tous les
dangers courants et légitimes de
l'enfance le noir les Inconnus le côté
où on a papier à la piscine mais j'avais
aussi une peur irraisonnée d'une longue
liste de choses totalement inoffensive
la neige les baby-sitters tout à fait
adorables les voitures les aires de jeux
les escaliers rue Sésame le téléphone
les jeux de société
l'épicerie les brins d'herbe coupant
n'importe quelle situation nouvelle tout
ce qui osait bouger etc
j'étais une enfant sensible et
facilement traumatisée qui sombrer dans
des crises de larmes à la moindre
perturbation de son champ de force
et exaspéré mon père me surnommait sa
pauvre petite biche un été quand j'avais
8 ans nous allâmes sur la côte du
délawar et l'océan me mis dans un tel
état que j'essayais de convaincre mes
parents d'empêcher tous les gens sur la
plage d'aller dans l'eau je me serais
senti à infiniment mieux si tout le
monde était prudemment resté sur sa
serviette à lire tranquillement et test
trop demander si je n'avais plus décidé
j'aurais passé toutes ces vacances et à
vrai dire toute mon enfance cloîtré
blottis sur les genoux de ma mère dans
la pénombre et si possible avec un linge
frais et humide sur le front
c'est horrible à dire mais je vais le
faire j'aurais probablement adoré avoir
une mère affligée de cet abominable
syndrome de münchenzen par procuration
qui aurait été de mèches avec moi et au
réagit comme si j'étais éternellement
malade affaiblit et mourante si on m'en
avait donné l'occasion j'aurais
totalement coopéré avec ce genre de mer
en devenant une enfant complètement
assisté seulement ma mère n'était pas de
ce genre là mais alors loin de là elle
ne l'entendait pas de cette oreille pour
elle il n'était pas question de
supporter la moindre de mes simagrée et
ce fut probablement une grande chance
pour moi
elle avait grandi dans une ferme du
Minnesota fière rejeton de robuste
immigrants scandinaves et il n'était pas
question quelle est une gamine faite en
sucre plutôt lui marcher sur le corps
elle déploya pour venir à bout de Makou
hardy's une stratégie qui était presque
comique est tellement tel était directe
elle me faisait faire et exactement ce
dont j'avais peur à chaque fois tu as
peur de l'océan plonge dedans tu as peur
de la neige c'est l'heure d'aller
déneiger
tu ne peux pas répondre au téléphone tu
es désormais officiellement chargé de
décrocher le téléphone dans cette maison
ce n'était pas une stratégie très
sophistiquée mais elle était cohérente
croyez-moi je lui résistais je pleurais
Boudet échouait exprès je refusais de
m'épanouir je traînais les pieds en
boitillant et en tremblant je fis
presque tout pour prouver que j'étais
diminué autant émotionnellement que
physiquement
ce à quoi ma mère répondait absolument
pas
je passais des années à résister à la
fois inébranlable qu'avait ma mère dans
ma force et mes capacités puis un jour
quelque part durant l'adolescence je me
rendis enfin compte que c'était un
combat vraiment étrange que je menais
je défendais ma faiblesse et est-ce
vraiment la cause pour laquelle j'étais
prête à me sacrifier
comme on dit toujours si on est
convaincu d'être un incapable on le
reste pourquoi aurais-je voulu m'en
convaincre et le rester en réalité ce
n'était pas ce que je désirais et je ne
veux pas que vous vous en convainquiez
non plus
la peur et ses barbant
au cours des années je me suis souvent
demandé ce qui m'avait amené à arrêter
quasiment du jour au lendemain de jouer
le rôle de la pauvre petite biche
cette évolution avait certainement été
influencée par bon nombre de facteurs la
mère inflexible
l'adolescence mais je crois que c'était
surtout ceci je me suis enfin rendu
compte que ma peur était barbante
notez que ma peur avait toujours été
barbante pour tout le monde mais que
c'est seulement à la mi-adolescence
qu'elle le devint enfin aussi pour moi
elle finit par m'ennuyer je crois pour
la même raison que la célébrité avait
fini par Barber jakilbert parce que
c'était la même chose tous les jours aux
alentours de mes 15 ans je me rendis
compte que ma peur n'avait ni variété ni
profondeur ni substance ni texture je
remarquai qu'elle ne changeait jamais
qu'elle n'offrait jamais aucun plaisir
aucun rebondissement surprenant ni
conclusion inattendue ma peur était une
chanson qui ne possédait qu'une seule
note dont les paroles se bornaient à un
seul mot à vrai dire et ce mot était
arrête ma peur n'avait jamais rien de
plus intéressant ou subtil à proposer
que cette uniquement empathique répétée
indéfiniment à plein volume et en boucle
arrête arrête arrête arrête
en d'autres termes ma peur prenait
toujours les mêmes décisions prévisibles
et ennuyeuses comme un livre dont on
peut choisir soi-même la fin mais qui
n'en propose qu'une seule le néant je me
rendis également compte que ma peur
était barbante parce qu'elle était
identique à celle de tout le monde je
m'aperçu que la chanson de peur de tous
les autres possède exactement le même
mot morne en guise de parole arrête
arrête
certes le volume peut varier d'un
individu à un autre mais la chanson
elle-même ne change jamais
parce que nous autres être humain avant
tous reçu le même équipement de peur
pendant que nous nous construisions dans
le ventre de notre mère et pas seulement
les êtres humains si vous passez la main
au-dessus d'une coupelle qui contient un
têtard il tressaillera en percevant son
ombre cet état ne peut pas écrire de la
poésie il ne peut pas chanter il ne
connaîtra jamais amour jalousie ou
triomphe et il a un cerveau de la taille
d'une tête d'épingle mais il sait
sacrément bien avoir peur de l'inconnu
et bien moi aussi
comme nous tous mais ce n'est en rien
obligatoire vous voyez ce que je veux
dire vous ne serez pas spécialement
reconnu parce que vous êtes capable
d'avoir peur de l'inconnu en d'autres
termes la peur est un instinct ancestral
profondément enfoui qui a joui un rôle
vital dans révolution mais ce n'est pas
particulièrement un signe d'intelligence
pendant toute ma frileuse jeunesse
j'avais fait une fixation sur ma peur
comme si c'était ce qu'il y avait de
plus intéressant en moi alors que
c'était le plus banal
à vrai dire ma peur était probablement
ma seule caractéristique 100% ordinaire
j'avais en moi une créativité originale
une personnalité originale des rêves des