CHAPITRE IX (2)
chose à faire en route; alors ils n'y manquent pas, crois-le bien.
Prends-les pour modèles, mon ami, prends-les pour modèles, ajouta
le juif, en donnant un coup de la pelle au feu sur le foyer pour
que ses paroles eussent plus de force; fais tout ce qu'ils te
diront, obéis-leur en tout, et surtout au Matois: ce sera un grand
homme, et il te formera si tu prends modèle sur lui. Est-ce que
mon mouchoir ne sort pas de ma poche, mon ami? dit-il en
s'arrêtant court.
- Si, monsieur, dit Olivier.
- Tâche de le prendre sans que je m'en aperçoive, comme ils
faisaient quand nous jouions ce matin.»
Olivier souleva d'une main le fond de la poche, comme il avait vu
faire au matois, et de l'autre tira légèrement le mouchoir.
«Est-ce fait? demanda le juif.
- Le voici, monsieur, dit Olivier en le lui montrant.
- Tu es un charmant garçon, mon ami, dit le plaisant vieillard en
passant sa main sur la tête d'Olivier en signe d'approbation. Je
n'ai jamais vu un garçon plus habile; tiens, voici un schelling
pour la peine; si tu continues de la sorte, tu deviendras le plus
grand homme de l'époque. Maintenant, viens que je t'apprenne à
démarquer les mouchoirs.»
Olivier se demandait avec étonnement quel rapport il y avait entre
escamoter, par plaisanterie, le mouchoir du vieillard, et la
chance de devenir un grand homme: mais il pensa que le juif, vu
son âge, devait le savoir mieux que lui; il s'approcha de la
table, et se livra avec ardeur à sa nouvelle étude.