JEANNE D'ARC épisode 2 : La Mission (2)
Le royaume ne regarde pas le Dauphin, mais il regarde mon Seigneur.
Cependant mon Seigneur veut que le Dauphin devienne roi
et qu'il tienne ce royaume en commande.
Il sera roi malgré ses ennemis, et moi je le conduirai à son sacre.
Beaudricourt : qui est ton Seigneur ?
Jehanne : c'est le Roi du ciel."
Mais Beaudricourt ne prend pas Jehanne au sérieux,
pensant qu'il s'agit d'une illuminée comme il y a en beaucoup en ces temps troublés.
Et comme prévu, il refuse la demande de la jeune fille et la fait reconduire immédiatement.
Durand Laxart raccompagne donc Jehanne à Domremy,
elle est probablement déçue de cette rencontre, mais elle reste tout de même déterminée.
Cependant plusieurs événements vont empêcher Jehanne de retourner voir Robert de Baudricourt.
Vaucouleurs est assiégé à partir du 22 juin par Antoine de Vergy, le gouverneur de Champagne,
qui avec environ 2500 combattants, a été envoyé par le lieutenant général des armées anglaises,
le prince Jean de Lancastre, duc de Bedford.
Vaucouleurs n'est donc plus accessible pour l'instant.
A Domrémy il est possible que sa première rencontre avec le capitaine Beaudricourt
ou que son désir de partir fut ébruité et Jehanne
semble peut-être laisser quelques indices sur son départ à ces amis.
A l'un d'entre eux Michel elle aurait dit à la veille de la Saint-Jean-Baptiste :
Jeanne : "une pucelle, entre Coussey et Vaucouleurs,
avant un an fera sacrer le roi de France."
Ainsi la rumeur a pu enfler jusqu'aux oreilles de ces parents
qui ont probablement pressenti qu'il se passait quelque chose.
Jehanne : "quand j'étais encore avec mes père et mère il me fut dit plusieurs fois
par ma mère que mon père disait avoir rêvé que je m'en irais avec des gens d'armes.
Mon père et ma mère avaient grand soin de bien me garder.
Moi, je leur obéissais en toute chose.
Ma mère me disait encore avoir entendu mon père dire à mes frères :
« s'il arrivait la chose que j'ai songé d'elle,
noyez-la, et si vous ne le faites pas, je la noierais moi-même ».
Il y avait plus de deux ans que j'avais entendu mes Voix, quand mon père parla comme ceci."
Les parents de Jeanne sont inquiets et sentent donc probablement qu'ils doivent surveiller
Jehanne plus que d'accoutumée et puisqu'elle est en âge de se marier, ils ont accepté la demande
en mariage d'un jeune homme de Domremy que Jehanne devait chastement côtoyer.
Mais Jehanne refuse la demande du jeune homme et celui-ci, déçu,
dépose alors plainte auprès de l'officialité de Toul.
Pendant ce temps le siège de Vaucouleurs se poursuit,
mais le capitaine Beaudricourt n'est pas près de se rendre.
La ville résiste bien avec sa garnison et ses imposantes fortifications, mais aux alentours
les Anglos-bourguignons continuent leurs méfaits.
Les récoltes sont brûlées et beaucoup des habitants
sont forcés de se rassembler à Neufchâteau qui est la ville fortifiée la plus proche.
Un jour de juillet 1428, les Bourguignons font un raid sur le secteur de Domremy,
ils brulent le village et l'église.
Les habitants de Domremy se réfugient durant deux semaines à Neufchâteau.
Jehanne et sa famille loge à l'hôtel, chez une dame appelée La Rousse.
A Neufchâteau Jehanne se confesse 2 ou 3 fois bien qu'elle n'y reste que 5 jours.
En effet Jeanne redouble d'effort dans sa pratique religieuse.
Finalement le siège des Anglos-bourguignons est un échec et Vaucouleurs obtient l'autorisation
de rester libre à une condition, comme le demande les Anglais,
que Robert de Baudricourt ne tente aucune action militaire contre les ennemies de Charles VII.
Cet arrangement permet au moins à Vaucouleurs de rester fidèle au dauphin.
C'est probablement peu après ces événements que Jehanne a été défendre
sa cause à Toul avec ses parents, afin de faire annuler son mariage.
Il est évident qu'elle ne pouvait s'engager dans un mariage si elle voulait accomplir sa mission,
elle devait donc d'abord régler ses problèmes procéduriers.
Ainsi, après s'être recueillie à la cathédrale Saint-Etienne de Toul,
Jehanne se rend aux autorités compétentes pour exposer son point de vue.
Jehanne : « devant le juge, je jurai de dire la vérité,
et, finalement que je ne lui avais fait aucune promesse.
La première fois que j'entendis ma voix, j'étais en l'âge de treize ans ou environ, je fis voeux de
virginité tant qu'il plairait à Dieu ; mes voix m'avaient assuré que je gagnerais mon procès ».
En secret Jeanne avait donc gardé un voeu de virginité, elle a préféré un mariage mystique,
que l'église a d'ailleurs reconnu plus tard valide.
Jehanne possédait un anneau mais un second lui avait été offert par son Père et il est
probable qu'elle le portait à l'index de sa main gauche, comme alliance de son voeu.
Jehanne : "je ne sais pas bien s'il est d'or, il n'est pas d'or fin ; je ne sais si c'est
or ou laiton : je pense qu'il doit avoir trois croix et pas d'autres signe que JHESUS-MARIA."
Jehanne aimait regarder cet anneau qui lui donnait
du courage et lui rappelait ces parents et son alliance avec les puissances célestes.
Jehanne : "par plaisance et par honneur pour mon père et pour ma mère, et parce
qu'ayant cet anneau en ma main et en mon doigt j'ai touché Sainte Catherine qui m'apparait."
Maintenant que Jeanne a gagné gain de cause en faisant annuler son mariage,
elle peut accomplir librement sa mission divine.
Tout ce qui lui importe est de respecter la volonté de Dieu que ses voix lui font
connaitre et celle-ci se font alors de plus en plus pressantes et répétitives.
Jehanne : "deux ou trois fois par semaine elle m'exhortait à partir pour la France.
La voix me pressait toujours mais je ne pouvais plus durer où j'étais.
Elle me disait que je ferais lever le siège d'Orléans.
Elle me disait d'aller trouver Robert de Baudricourt, capitaine, et qu'il me donnerait des
gens pour cheminer avec moi ; car j'étais pauvre fille, ne sachant ni chevaucher, ni mener guerre.
Depuis le moment où j'ai appris que je devais venir en France,
je pris peu de part aux jeux et promenades, le moins que je pus."
Par obéissance aux voix et apparitions, Jehanne décide à nouveau de quitter Domremy,
elle dit seulement « adieu » à Mengiette, l'une de ces amies.
Jehanne est obéissante et soumise à l'autorité de son père et de sa mère
qu'elle aime et respecte, mais elle préfère ne rien dire à ces parents.
Jehanne : "puisque Dieu le commandait,
si j'eusse eu cent pères et mères et que j'eusse été fille de roi, encore serais-je partie."
En janvier 1429, Jehanne retourne à Burey-le-Petit chez Durand Laxart l'époux de sa cousine.
Elle demande à Durand qu'il l'accompagne de nouveau à
Vaucouleurs pour rencontrer encore le capitaine Robert de Baudricourt.
Il ramène alors Jehanne à Vaucouleurs une seconde fois.
Sur place elle est hébergée par Henri Le Royer et sa femme,
des proches de l'un des parrains de Jehanne.
Henri le Royer : "elle logea chez moi, c'était une bonne fille, à ce qu'il m'a semblé.
Elle filait en compagnie de ma femme, elle allait à l'église, où ma femme l'accompagnait souvent.
J'ai entendu Jehanne dire qu'il lui fallait aller auprès du noble Dauphin, car son Seigneur,
le Roy du Ciel voulait qu'elle y aille, et elle était mandé par le Roy du ciel."
Avec Durand Laxart, Jehanne va sans plus attendre à la rencontre du
capitaine Robert de Baudricourt et lui fait encore part de sa mission.
Jehanne : "capitaine Messire, sachez que Dieu, m'a plusieurs fois fait savoir et commandé que
j'aille vers le gentil Dauphin, qui doit être et est le vrai roi de France, afin
qu'il m'accorde des gens d'armes et que je lève le siège d'Orléans et le mène sacrer à Reims."
Mais Robert de Beaudricourt ne croit toujours pas Jehanne, il demeure une nouvelle fois de marbre
face aux demandes de la jeune fille, irrité, il s'adresse à Durand Laxart.
Baudricourt : "cette fille déraisonne. Ce que vous
devez faire, c'est de la ramener à son père et lui donner de bonnes gifles !"
Durand Laxar : "quand la pucelle vit que Robert ne voulait pas la faire conduire au lieu où
était le dauphin, elle me tandis elle-même son manteau et me dit qu'elle voulait se retirer."
Jehanne s'impatiente particulièrement de ne pouvoir partir mais son entourage croit à
sa mission et on décide alors de l'emmener même sans l'aide de Robert de Baudricourt.
Catherine Le Royer : "le temps lui durait comme
une femme enceinte de ce qu'on la conduise chez le dauphin.
J'ai cru à ses paroles et avec moi beaucoup d'autres. Si bien que Jacques Alain et Durand
Laxart voulurent la conduire et ils la conduisirent jusqu'à Saint-Nicolas."
Il s'agit ici probablement de l'ermitage de Saint-Nicolas-de-Sept-Fonds proche
de Vaucouleurs mais qui n'existe plus maintenant.
Le crucifix en bois de cet ermitage est cependant toujours conservé.
D'après la tradition, après s'être recueillie devant ce
crucifix durant un certain moment, Jehanne se ravise.
Jehanne : "ce n'est pas ainsi qu'il convient que nous partions, retournons à Vaucouleurs."
En effet, elle sait qu'elle doit être patiente car la voix lui a bien dit que Beaudricourt
refuserait par deux fois et qu'à la troisième fois seulement il accepterait de l'aider.
Elle a donc malgré tout bon espoir.
De retour à Vaucouleurs Jehanne prend son mal en patience en allant fréquemment dans
une petite chapelle du château où elle trouve du réconfort,
en priant devant une statue de la Vierge de Notre-Dame-des-Voûtes.
Jean le Fulmeux : "j'ai vu souvent Jehanne la Pucelle venir à cette
église très pieusement ; elle y entendait la messe du matin et restait longtemps à prier.
Je l'ai vue sous la voûte de cette église se tenir agenouillée devant la Sainte- Vierge,
tantôt le visage baissé, tantôt le visage droit."
Pendant ce temps la réputation de la Pucelle s'accroit et tout
le monde n'est pas insensible à sa requête, certains se sont
en effet intéressés aux dires de la jeune fille, notamment un certain Jean de Metz.
Jean de Metz est un noble Français, homme d'armes auprès de Baudricourt.
Il a rencontré Jehanne et semble intéressé par ces étonnantes affirmations.
Jean de Metz : "mon amie que faites-vous ici ?
Ne faut-il pas que le roi soit chassé de son royaume et que nous devenions Anglais ?
Jehanne : je suis venue ici pour parler à Robert de Baudricourt afin qu'il veuille me conduire ou
faire conduire vers le vrai roi, même si je devais m'user les jambes jusqu'aux genoux,
car nul au monde, ni roi, ni duc, ni fille de roi d'Ecosse,
ni autre ne peuvent recouvrer le royaume de France, il n'est de secours que de moi.
Pourtant j'aimerais mieux filer auprès de ma pauvre mère, car ce n'est pas mon état,
mais il faut que je parte et que je fasse cela, parce que mon Seigneur le veut.
Jean de Metz : qu'elle est-ce seigneur ?
Jehanne : mais c'est Dieu !
Jean de Metz : je vous donne ma foi que Dieu aidant je vous
conduirai au roi. Quand voulez-vous partir ?
Jehanne : aujourd'hui plutôt que demain, demain plutôt qu'après ».
Entre temps la réputation d'une jeune pucelle prophétesse ayant pour mission divine de faire
couronner le roi à Reims s'est rapidement répandue à Vaucouleurs et aux alentours,
si bien qu'une partie de la population croit Jehanne.
La rumeur est même arrivée jusqu'aux oreilles de Charles II, le duc de Lorraine.
Celui-ci- souhaite la rencontrer à Nancy,
en effet il est malade et il espère que Jehanne en plus de prophétiser a également un charisme
de guérison et qu'elle pourrait ainsi le guérir miraculeusement par ses prières.
Au début du mois de février Jehanne se rend alors auprès du duc à Nancy.
Jean de Metz : "je lui ai demandé si elle voulait s'en aller avec ses vêtements.
Elle me répondit qu'elle préfèrerait avoir des vêtements d'homme.
Alors je lui aie donné vêtement et chausses de mes serviteurs pour qu'elle puisse les revêtir.
Et cela fait, des habitants de Vaucouleurs lui on fait faire des