Trente ans après Tchernobyl, le nucléaire divise toujours le monde
Alors que le trentième anniversaire de Tchernobyl fait douloureusement resurgir le spectre des grands accidents nucléaires, un regard sur les forces en présence s'impose. Autrement dit, qui est pour l'atome, et qui est contre. Dans la première catégorie, on distingue un duo constitué par la Chine et la Russie.
Pékin en particulier est très ambitieux: dans le cadre du XIIIe Plan, qui court sur la période 2016-2020, le pays prévoit de doubler sa capacité de production nucléaire. C'est dans ce cadre que doit bientôt entrer en service l'EPR de Taishan 1: signe du volontarisme chinois, ce réacteur de nouvelle génération sera mis en opération avec les EPR européens de Flamanville (Manche) et Olkiluoto 3, en Finlande, dont les chantiers sont respectivement pilotés par EDF et Areva. Les ambitions russes sont elles aussi affichées. Moscou dispose d'un fleuron, l'industriel Rosatom, une entreprise d'État présente sur toute la chaîne nucléaire et qui a récupéré l'ensemble des centrales de l'ex-Union soviétique. Rosatom revendique aujourd'hui un carnet de commandes supérieur à 100 milliards de dollars, avec le projet de construire une trentaine de réacteurs dans une douzaine de pays. Un autre géant fait part également de ses ambitions dans l'atome, guidée par une politique énergétique radicale: à l'horizon de 2030, l'Inde entend produire 40% d'électricité décarbonée. «Cet objectif implique nécessairement de s'appuyer sur le nucléaire», souligne l'expert Lionel Taccoen. Enfin, parmi les pays partisans de l'atome, il faut citer la Grande-Bretagne, dans l'attente d'une décision finale d'investissement sur la construction de deux centrales EPR à Hinkley Point, dans le sud-ouest du pays. Au rang des pays opposés au nucléaire, l'Allemagne a ancré sa position avec force. Après Fukushima, la chancelière Angela Merkel a décidé d'une sortie progressive et définitive de l'atome. Le modèle économique des deux énergéticiens E.ON et RWE a été secoué par cette décision: les deux industriels réclament d'être indemnisés. D'ici 2050, l'Allemagne veut produire 80% de son électricité grâce aux renouvelable. Et puis il y a tous les pays sceptiques, à l'instar des États-Unis et de l'Espagne, qui songent à se développer dans l'atome tout en reconnaissant plus ou moins explicitement qu'il ne s'agit pas d'une priorité. À la Société française d'énergie, Isabelle Jouette rappelle que pas moins d'une quarantaine de pays réfléchissent aujourd'hui à des projets nucléaires. Ceci atteste donc de la vitalité de la filière, même si les procédures sont longues. En effet, les «primo-accédants» doivent consentir un travail considérable en amont, qui commence par le fait de se doter d'une autorité de sûreté. À titre indicatif, près de 450 réacteurs tournent aujourd'hui dans le monde, dont 129 en Europe. Sur le Vieux Continent, le nucléaire emploie près de 900.000 personnes, ce qui en fait une industrie de référence.