Essuyer les plâtres
Subir les désagréments d'une situation nouvelle, expérimentale, où tout n'est pas encore rodé
Si certaines métaphores nous viennent indubitablement de la marine, en voilà une qui nous vient clairement du bâtiment.
Dans une maison récemment terminée, où le plâtre des murs n'est pas encore complètement sec, outre l'humidité et l'odeur particulière qu'il dégage, il ne fait pas bon s'y frotter ou "l'essuyer" avec ses vêtements sous peine d'y obtenir de belles traces blanches. Bien entendu "les plâtres" désigne les différents murs recouverts de ce matériau. Si cette locution existe depuis la fin du XVIIe siècle avec son sens propre, le figuré nous vient de 1835.
Le passage d'un sens à l'autre, par extension, est parfaitement compréhensible, la maison neuve et son plâtre fraîchement étalé symbolisant la situation nouvelle où tous les problèmes potentiels ne sont pas encore connus. Mais Claude Duneton donne une explication complémentaire sur les désagréments de la fraîcheur du vrai plâtre.
Il cite en effet un certain Louis-Sébastien Mercier qui dans "Tableau de Paris", en 1783, évoque les nombreux inconvénients attribués alors au plâtre frais comme "des influences meurtrières, des paralysies et autres maladies" ; au point d'ailleurs que les maisons neuves étaient d'abord occupées par des filles publiques (car on se moquait bien de ce qu'elle pouvaient attraper, en plus des maladies vénériennes), dont Théophile Gautier rappelle qu'on les surnommait aussi des "essuyeuses de plâtres".