La Commune de Paris - 1871 (3)
comme l'école des beaux arts pour libérer les artistes de la tutelle gouvernementale.
La fédération milite également pour que l'art aie sa place dans l'enseignement.
Par ailleurs, alors que la ville est assiégée par Versailles,
la vie culturelle continue et de nombreux concerts et spectacles sont organisés au
profit des veuves et des blessés de guerre. Plusieurs concerts publics sont même
donnés dans le palais des Tuileries, ancienne résidence de Napoléon III.
La Commune, c'est aussi une affaire de symboles, et l'un des actes symboliques les
plus importants réalisés est sans doute la destruction de la colonne Vendôme.
Cette colonne de bronze de 44 mètres de haut, inspirée par la célèbre colonne Trajane de Rome,
a été construite en 1810 par ordre de Napoléon Ier, pour rendre hommage à la
Grande Armée mais aussi... à Napoléon lui-même puisqu'une statue de lui surplombe la colonne.
Et oui on est jamais mieux servis que par soi-même hein.
On pourrait donc voir sa destruction comme la simple destruction d'un monument à la gloire d'un
régime autoritaire, comme les révolutionnaires de 1792 se sont attaqués à des symboles royaux,
mais en réalité, cela va plus loin. Le décret qui ordonne cette destruction dit ceci :
“ La Commune de Paris, considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument
de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une affirmation du militarisme,
une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus,
un attentat perpétuel à l'un des trois grands principes de la République française: Liberté,
égalité, fraternité. La Commune décrète : article unique - La colonne Vendôme sera démolie”
Ce n'est donc pas seulement l'Empire que la Commune dénonce par ce geste,
mais surtout le militarisme, le fait de faire des guerres de conquête. Les
communards (ou communeux) situent leur geste dans un cadre international. D'ailleurs,
si l'essentiel des communards sont très patriotes car la France est le pays de la Révolution, ils
sont aussi partisans d'une république universelle, qui verrait la coopération entre les peuples.
On a par exemple Léo Frankel, un hongrois installé à Paris depuis 1867 qui est élu à la Commune.
D'ailleurs dans le journal Communard le Vengeur du 17 mai, on prophétise la chute d'autres colonnes
du même genre, au nom des Etats-Unis d'Europe, une idée qui a été popularisée par Victor Hugo : “La
colonne est tombée comme une victime due aux Etats-Unis de l'Europe. Elle entraînera tôt ou
tard dans sa chute la colonne Trafalgar à Londres, celle de Blücher à Berlin [..] tous les vestiges
de guerre et de haine, de race et de caste. Elle est tombée pour toujours de cette place qui
s'appellera désormais la place Internationale.” Cette destruction est tout ce qu'il y a de plus
officie : après avoir été votée la destruction est confiée par contrat à une entreprise locale
et on fait de l'événement une grande fête à laquelle près de 20 000 parisiens assistent.
Une fois la colonne abattue on vient se faire photographier à côté pour le souvenir.
Et les actes symboliques dans ce genre peuvent aussi être improvisés par des communards,
ainsi le 6 avril, des gardes nationaux brûlent une guillotine sur le boulevard Voltaire.
Dans son journal pro communard Le mot d'ordre, le journaliste Henri Rochefort se félicite de
cet acte mais prévient qu'il est inutile si on ne supprime pas la peine de mort “Mais à
quoi bon je le demande, cet autodafé accompli sur les bois de justice, si,
en détruisant l'échafaud, nous conservons la peine capitale,
avec cette seule nuance que la guillotine est remplacée par le [fusil] chassepot ?”
Pas mal d'autres projets ont été envisagés par la Commune mais clairement il était difficile
d'en faire plus avec la situation militaire qui se montrait de plus en plus pressante.
Du côté du gouvernement de Thiers, on s'organise. Déjà, il faut s'occuper des autres Communes qui se
sont déclarées dans d'autres villes de province après le 18 mars 1871 comme à Lyon, Marseille,
Saint Etienne ou Toulouse. Ces insurrections rapidement réprimées, le gouvernement tourne de
nouveau son attention sur Paris. Ses intentions sont très clairement exprimées par le ministre
des affaires étrangères, Jules Favre : “ Il n'y a pas à pactiser avec l'émeute. Il faut la dompter,
il faut châtier Paris”. Mais après la débâcle des canons de Montmartre, Thiers est prudent,
il ne veut pas prendre le risque que l'armée fraternise une nouvelle fois avec le peuple.
Alors il fait venir des renforts de province et négocie avec Bismarck pour récupérer une
partie des prisonniers de guerre. D'ailleurs, si l'armée allemande reste en dehors de tout ça,
elle est toujours présente juste à l'Est de Paris, de manière très menaçante pour les communards.
Résultat de ces efforts pour récupérer des renforts, les effectifs de l'armée
versaillaise vont progressivement augmenter, jusqu'à compter 130 000 hommes à la fin du
conflit. Et puis pour bien les motiver il fait circuler parmi les troupes de la
propagande qui décrit les communards comme des assassins, des brigands, des barbares…
Du côté de Paris, après le 18 mars 1871 c'est le comité de la garde nationale qui est aux
manettes et sa priorité c'est l'organisation d'une élection afin d'installer un pouvoir
légitime. Une fois la Commune élue et proclamée elle reste sur la défensive et
ne cherche pas le combat contre Versailles, bien que certains réclament une attaque préventive.
Le 2 avril, des premiers accrochages ont lieu dans la banlieue Ouest,
5 gardes nationaux capturés sont fusillés. La Commune s'indigne dans une proclamation : “Les
conspirateurs royalistes ont attaqué ! Malgré la modération de notre attitude ils ont attaqué ! Ne
pouvant plus compter sur l'armée française ils ont attaqué avec les zouaves pontificaux et
la police impériale [...] Avec les chouans de Charette et les vendéens de Cathelineau[...]”
Une nouvelle fois on utilise des références révolutionnaires pour qualifier ses ennemis,
ça permet de renforcer la foi en la victoire des communards, en rappelant que malgré ses
multiples adversaires la première république avait su leur résister et les vaincre.
Mais cela montre aussi qu'on s'inquiète car l'armée qui avait été passive le 18 mars
a cette fois vraiment combattu, signe d'un changement qui n'est pas un très bon signe.
Les communards organisent une sortie vers Versailles le 3 avril mais le
manque de préparation, l'inexpérience des troupes,
la mauvaise organisation et la mauvaise communication font de cette offensive un échec.
Au début du conflit, la Commune dispose à peu près du même nombre de gardes nationaux (ou fédérés),
que les versaillais ont de troupes à leur dispositions. Bien sûr, tous ces hommes ne
sont pas des révolutionnaires convaincus, mais il y a un important phénomène de solidarité entre
eux. Les bataillons étant organisés localement ces gens se connaissent et passent beaucoup
de temps ensemble parfois depuis le début du siège de Paris. On constate une grande
camaraderie dans les bataillons, beaucoup se sont fait photographier ensemble, ont adopté
un surnom ou une petite variation d'uniforme… Cette garde nationale est aussi une force
démocratique qui élit ses officiers et qui discute parfois les ordres quand ils ne lui semblent pas
bons. Évidemment ça pose parfois des problèmes d'insubordination ou d'officiers incompétents.
La garde nationale souffrait d'indiscipline (notamment car l'alcool ne manquait pas) et
la chaîne de commandement était parfois confuse ce qui l'empêchait généralement
de prendre l'initiative, elle ne pouvait que réagir aux actions de l'armée versaillaise.
Mais des initiatives sont prises au début du conflit pour améliorer la situation.
Les bataillons politiquement douteux sont dissous et leurs hommes réintégrés dans des
bataillons plus sûrs. On instaure plus de discipline avec un rythme de vie imposé.
Mais la Commune refuse toutefois les sanctions graves et il n'y a pas d'exécutions de fédérés.
Alors on va plutôt essayer de les contrôler en privant les réfractaires de leurs rations,
de leur solde voir des deux. On encourage aussi la promotion aux grades plus élevés
d'officiers qui ont de l'expérience militaire. L'approvisionnement en munitions et en nourriture
est lui bien organisé et les bataillons en première ligne sont relevés régulièrement.
En plus la Commune dispose d'un système défensif important hérité du siège avec
notamment des remparts, Paris étant la dernière capitale européenne encore ceinturée à l'époque,
et d'une artillerie lourde qui force les versaillais à creuser
des kilomètres de tranchées et à avancer lentement, la nuit.
Il est difficile de savoir si les communards avaient vraiment conscience
de la situation militaire d'autant que la presse communarde avait tendance à relayer
surtout des victoires. Toujours est-il que courant mai les versaillais commencent à
bombarder la ville. Et si les communards réagissent symboliquement en ordonnant la
destruction de la maison parisienne de Thiers, le nombre d'hommes combattants effectivement
dans la garde nationale commence à chuter tandis que les versaillais se renforcent.
Le 21 mai, après un mois et demi de combats, les Versaillais parviennent
à prendre la porte du point du jour dans le Sud Ouest de Paris qui n'était pas gardée à
ce moment-là. C'est le début de ce que l'on va appeler la semaine sanglante.
D'Ouest en Est l'armée versaillaise progresse dans la capitale. Près de 900 barricades ont
été dressées, certaines sont extrêmement impressionnantes, mais seules une centaine
seront vraiment défendues. Beaucoup de ces barricades se révèlent en effet inefficaces,
car les versaillais n'hésitent pas à les bombarder de loin mais aussi à s'infiltrer
dans les bâtiments alentour pour tirer sur les barricades depuis les fenêtres. On note d'ailleurs
que les grandes barricades professionnelles installées par le pouvoir sont généralement
défendues avec assez peu d'ardeur contrairement à celles improvisées par les habitants.
Si vous voulez en savoir plus sur les barricades, je vous invite à aller voir
la vidéo de la chaîne “Sur le Champ” dédiée aux barricades, dans la 2ème partie il parle
justement de celles de la Commune ! Je vous mets le lien en description.
La progression des versaillais sera bien plus difficile à l'Est de Paris qui concentre les
fédérés les plus motivés et qui ont eu le plus de temps pour organiser
leur défense. Les dégâts dans la ville sont très importants et de grands incendies se
déclarent. Certains sont déclenchés par des bombardements versaillais d'autres
par des communards désespérés pour ralentir l'avancée de l'ennemi. Certains communards
mettent également le feu à des bâtiments symboliques comme le palais des tuileries.
Mais la semaine sanglante c'est surtout une terrible répression. Les responsables
de l'armée versaillaise déclarent “vouloir purger notre pays de toute la racaille qui
sème le deuil et la misère partout”. D'ailleurs ils ne se privent pas pour
qualifier les communards de lie de la population et de vermine.
Des ordres informels sont donnés pour fusiller sur le champ tout combattant pris les armes à la main,
donc tous ceux qui combattent sur les barricades y compris les blessés. Ces
violences sont renforcées par les rumeurs propagées par la presse notamment. Ainsi
le mythe des pétroleuses des femmes décrites comme des furies arrosant les bâtiments de
pétrole pour mettre le feu à tout Paris ajoute des cibles potentielles pour les soldats.
En plus de ces exécutions sommaires, 20 cours martiales sont créées de manière
douteuse pour juger les cas litigieux, les condamnés à mort sont exécutés sur le champ.
Au total il est très difficile de chiffrer le nombre de communards tués par les versaillais
pendant la semaine sanglante et les historiens ne sont pas d'accord sur les chiffres mais les
estimations oscillent entre 6000 pour Robert Tombs et 30 000 personnes pour Jacques Rougerie.
Si ces chiffres pourraient encore évoluer dans les années qui viennent car des historiens travaillent
encore sur les archives de l'époque, tous sont d'accord pour souligner l'ampleur du massacre
commis. Si des correspondants étrangers comme celui du Times, voir même certains ministres
versaillais comme Jules Ferry sont choqués par cette terrible répression, les conservateurs
comme Edmond de Goncourt l'applaudissent : “ Il est bon qu'il n'y ait eu aucune
conciliation ni négociation [..] une telle purge, en tuant la partie combative
de la population reporte la prochaine révolution pour toute une génération”.
Et oui c'est bien le gars à l'origine du prix Goncourt, sympa hein ?
En représaille aux premières exécutions versaillaises au début du conflit,
la Commune avait bien voté le décret des otages, qui prévoyait d'exécuter 3 otages pro