×

Χρησιμοποιούμε cookies για να βελτιώσουμε τη λειτουργία του LingQ. Επισκέπτοντας τον ιστότοπο, συμφωνείς στην cookie policy.


image

innerFrench Podcast - Episodes #97 Onward, #0 - La guerre vue par les Ukrainiens (2)

#0 - La guerre vue par les Ukrainiens (2)

[00:13:37] Hugo : Malheureusement, s'abriter dans les stations de métro et les sous-sols ne suffit pas toujours. Après cette première semaine de conflit, le gouvernement ukrainien a indiqué que 2000 civils ont été tués. De plus en plus d'Ukrainiens considèrent que les attaques de l'armée russe sont en réalité des attentats, comme le dit Daria :

[00:13:57] Daria : Ce qui se passe maintenant, je peux le dire, ce sont des attentats, parce qu'ils attaquent les orphelinats, les écoles maternelles. Il y a des enfants, des petits enfants qui sont morts, c'est horrible. Je peux dire que ce sont des attentats, même pas la guerre.

[00:14:14] Hugo : Et depuis quelques jours, on parle même d'un risque nucléaire parce que l'armée russe essaye de prendre le contrôle des centrales nucléaires du pays. Dans la nuit du 3 au 4 mars, elle a provoqué un incendie dans la centrale d'Enerhodar, une centrale qui a six réacteurs nucléaires alors qu'à titre de comparaison, la centrale de Tchernobyle n'en avait qu'un. De nombreux experts internationaux ont sonné l'alarme pour dire à quel point cette situation est dangereuse.

[00:14:58] Hugo : En voyant tout ça, on se demande pourquoi il n'y a pas plus d'Ukrainiens qui ont fui leur pays. À l'heure où j'enregistre cet épisode, le samedi 5 mars, 1,3 millions de personnes ont quitté l'Ukraine, sur 44 millions d'habitants, soit environ 3%.

Bien sûr, comme je vous l'ai dit, c'est très difficile de quitter le pays en ce moment. Déjà, parce que les hommes qui sont en âge de se battre ont l'obligation de rester. C'est pour ça que Lana et sa mère ne sont pas parties.

[00:15:29] Lana : On a lu que c'est déjà la mobilisation totale, donc les hommes ne peuvent pas traverser les frontières. Et ma mère, ma soeur et moi, qui ne sommes pas des hommes, on ne veut pas vraiment les laisser ici. Parce que je n'imagine pas, tu sais. Je n'imagine pas laisser mon père, mon partenaire.

[00:16:05] Hugo : Mais ce n'est pas toujours à cause des hommes. Pour Yuliana, une étudiante de 23 ans, c'est sa mère qu'elle ne veut pas abandonner. Et pour Alina, une professeur qui vit près de la capitale, ce sont ses animaux qui rendent le voyage un peu difficile.

[00:16:21] Hugo : Et pourquoi tu as décidé de rester ?

[00:16:25] Yuliana : Parce que ma maison est ici, ma maman est ici aussi. Elle ne voulait pas quitter notre pays et moi je ne veux pas aller quelque part et laisser ma maman.

[00:16:38] Alina : J'ai décidé de rester là parce que c'est très difficile d'aller à la frontière. C'est très très difficile. Et j'ai les animaux. Je ne peux pas quitter mes animaux, c'est impossible.

[00:16:59] Hugo : Mais si autant d'Ukrainiens et d'Ukrainiennes ont décidé de rester, ce n'est pas seulement à cause de problèmes logistiques ni pour rester avec leur famille.

Il me semble vous avoir déjà dit dans un épisode que pendant mes cours d'histoire à l'école, je me demandais souvent pourquoi les gens ne quittaient pas leur pays à l'approche d'une guerre, dans un réflexe de survie. Il y a toujours des signes annonciateurs, des choses qui peuvent nous laisser penser qu'une guerre est imminente. Alors pourquoi ne pas fuir avant que ça n'arrive ?

[00:17:28] Je ne sais pas si c'est juste moi ou un réflexe français. C'est vrai que depuis la 2ème guerre mondiale, on est connus pour sortir le drapeau blanc assez vite. Mais peut-être que si la France était attaquée, je réagirais différemment, peut-être que j'aurais envie de prendre les armes pour la défendre. C'est ce que font les Ukrainiens. Ils ont décidé de rester pour se battre pour leur pays, comme me l'a dit Frédéric, un jeune prof d'anglais fan de Victor Hugo.

[00:17:57] Frédéric : Ma première réaction était de partir, juste partir de l'Ukraine parce que… Mais après, j'ai pensé que non. Non, je reste ici. Je reste ici. Je pouvais, et encore, je peux envoyer ma femme, mais elle m'a dit qu'elle reste avec moi. Donc peut-être qu'on va rester. Je ne veux pas partir parce qu'il y a beaucoup de gens qui défendent l'Ukraine, et moi je veux être parmi eux parce que c'est ma terre. Pourquoi je dois partir ?

[00:18:47] Hugo : Mais pourquoi Vladimir Poutine a-t-il décidé d'envahir l'Ukraine ? Selon lui, il ne s'agit pas d'une guerre mais, je cite, d'une « opération militaire spéciale pour démilitariser et dénazifier l'Ukraine ». Le président russe considère que le gouvernement ukrainien est composé de nationalistes qu'il compare à des nazis.

Pour comprendre son raisonnement, il faut connaître un peu l'histoire et la géographie de l'Ukraine. Pour faire simple, la partie est de l'Ukraine est proche de la Russie et une grande partie de ses habitants ont le russe comme langue maternelle, alors qu'à l'ouest, les gens parlent plutôt l'ukrainien. Et Poutine dit que les Ukrainiens russophones sont persécutés par les nationalistes. Donc j'ai demandé à Daria si les Ukrainiens de l'est sont vraiment différents de ceux de l'ouest.

[00:19:43] Daria : Oui, c'est vrai qu'il y a une différence entre nous, je ne veux pas le nier. Parce qu'historiquement, oui si on plonge dans l'Histoire, notre pays était divisé, déchiré, entre les États différents. Il y avait une partie de l'Ukraine qui était sous la Pologne, sous la Roumanie, sous l'Empire russe, etc, etc. Mais moi je viens de l'Ukraine de l'Est, c'est Soumy, c'est la ville qui se trouve vraiment pas loin de la frontière avec la Russie. Et jamais personne de ma vie ne voulait être membre de la Russie. Parce que nous connaissons très bien notre Histoire, vraiment très bien. Nous savons que nous sommes Ukrainiens. Nous connaissons très bien notre langue. Même si c'est vrai qu'à Soumy, c'est la ville où on parle russe, c'est vrai. Mais tout le monde connaît l'ukrainien. Tout le monde sait l'utiliser. Je veux dire, si nous parlons des institutions formelles, les documents, tout ça c'est en ukrainien. Tout le monde sait l'utiliser. Mais en même temps personne n'était jamais discriminé par « tu parles russe, comment ça ? ». Non, si tu veux tu parles russe. J'ai des amis qui parlent ukrainien vivant à Soumy, ils n'avaient jamais aucun problème.

[00:21:18] Donc pour nous, oui, nous acceptons le fait que nous parlons beaucoup de langues : par exemple, à l'Ouest de l'Ukraine il y a des gens qui parlent roumain, c'est vrai, même s'ils sont Ukrainiens, ils habitent en Ukraine. Mais ils parlent roumain parce qu'historiquement ils habitent à la frontière avec la Roumanie, et leurs grands-pères parlaient roumain, eux ils parlent roumain. En même temps, ils connaissent bien l'ukrainien, ils l'utilisent un peu partout si nous parlons des trucs officiels. Mais historiquement, c'est comme ça.

[00:21:50] Donc le fait qu'à l'est il y a des gens qui parlent russe, ça ne veut pas dire qu'ils ne comprennent pas qu'ils sont ukrainiens et qui veulent vivre en Ukraine, en Ukraine indépendante, en Ukraine souveraine. Et personne n'attendait jamais Poutine qui devrait les sauver ou je ne sais pas quoi.

[00:22:10] Même les gens du Donetsk et Louhansk, ce territoire du Donbass, on dit qu'ils attendaient Poutine et tout ça, mais en fait c'est pas vrai. C'est juste que le temps était instable. C'était juste après la Révolution en Ukraine. Et vous comprenez ce que c'est la Révolution, les gens étaient choqués, ils ne savaient pas quoi faire. Ils ne comprenaient pas qui fait quoi. Et pendant ce temps instable, Poutine a profité de cette situation et il a envahi ce territoire. Mais je sais, ma tante vient du Donetsk, j'ai beaucoup d'amis qui habitent à Kyiv mais qui sont réfugiés. Ils ne voulaient pas vivre sous ce régime parce que pendant ces huit ans là-bas, vraiment c'est une calamité : il n'y a pas de règles, il n'y a pas de normes, les gens peuvent être agressés, violés dans la rue, par le régime russe. Et beaucoup de gens, ils sont maintenant réfugiés partout en Ukraine, à Kyiv, à Lviv, à Odessa, à Soumy, il y a beaucoup de réfugiés du Donbass. Et personne n'attendait Poutine. Et c'est juste la propagande russe qui le dit. Et maintenant, d'ailleurs, vous pouvez le voir, il n'y a aucune ville, aucune ville où on rencontre Poutine, l'armée russe, avec des fleurs ou des trucs comme ça. Personne ne l'attend. Tout le monde résiste. Chaque ville. Même la toute petite ville, dans ma région, Soumy je ne sais pas si vous avez entendu, il y a Okhtyrka et Konotop. Ce sont des petites petites villes, vraiment très petites, mais elles résistent comme des lions. Ils ne laissent pas l'armée russe entrer sur leur territoire. Toute la population sort dans la rue, arrête des tanks, sans avoir des armes, juste comme ça. Personne ne l'attend, personne ne veut qu'ils entrent sur notre territoire.

[00:24:18] Hugo : Parmi les Ukrainiens et les Ukrainiennes que j'ai interviewés, plusieurs étaient russophones. Donc je leur ai demandé à eux aussi ce qu'ils pensaient de l'argument de Poutine. Voilà ce qu'ils m'ont répondu.

[00:24:30] Mykyta : La raison pour laquelle Poutine essaye de prendre le contrôle de l'Ukraine, c'est de protéger la population russophone. C'est-à-dire protéger la population russophone ? Mais je peux dire que j'ai parlé russe toute ma vie et personne n'a jamais porté atteinte à mes droits russophones. Donc je pense que c'est juste un prétexte pour Poutine d'envahir l'Ukraine.

[00:25:07] Oleksandra : Historiquement, il y a la partie de l'Ukraine qui parle russe. Moi aussi parce que je suis née dans la région du Donbass, où le conflit a commencé en 2014. Mais tous on apprend l'ukrainien à l'école. Je peux parler russe dans la rue, personne ne viole mes droits. Mais l'ukrainien, ça reste toujours la langue officielle. Donc il n'y a aucun trait de nazisme ici en Ukraine. C'est tout à fait faux.

[00:25:44] Hugo : Là, vous venez d'entendre Mykyta, un étudiant de Kyiv et Oleksandra, une autre prof de français. Selon eux, et tous les Ukrainiens à qui j'ai parlé, l'argument de Poutine concernant la persécution des russophones n'était qu'un prétexte. C'était seulement un prétexte. De nombreux experts internationaux pensent la même chose. Ils disent que Poutine a décidé d'attaquer l'Ukraine pour des raisons géostratégiques, notamment pour prendre possession des ressources naturelles du pays.

Le point positif dans tout ça, c'est que Poutine a réussi à unir toute l'Ukraine contre lui. Toutes les personnes que j'ai interviewées m'ont dit que la solidarité entre les Ukrainiens est plus forte que jamais.

[00:26:29] Beaucoup d'habitants des régions de l'est se sont réfugiés à l'ouest, et ils ont été accueillis à bras ouverts. «Accueillir quelqu'un à bras ouverts», c'est une expression pour dire «accueillir quelqu'un chaleureusement, avec bienveillance», «montrer à cette personne qu'elle est la bienvenue». C'est ce que nous explique Julia, une Ukrainienne qui vient de Marioupol, une ville de l'est du pays.

[00:26:54] Julia : Oui, il y a une division entre Est et Ouest, oui c'est vrai parce que dans l'Est nous parlons russe et dans l'Ouest tout le monde parle ukrainien. Ici, dans l'Est il y a beaucoup de personnes qui ont de la famille en Russie, par exemple, et des choses comme ça. Beaucoup de connexions avec la Russie, je peux le dire comme ça. Et dans l'Ouest, ce n'est pas le cas. Tout le monde a de la famille en Pologne, par exemple. Et c'est pour ça qu'il y a cette division. Mais je pense que maintenant ce n'est pas le cas, tout le monde est super uni. Ce n'est pas important si on parle russe ou ukrainien ou…

[00:27:47] Hugo : Comme vous l'avez entendu un peu plus tôt, beaucoup d'Ukrainiens ont de la famille et des amis en Russie. Donc pour arrêter cette invasion, ils essayent de les informer de ce qui se passe réellement en Ukraine, ils essayent de démentir la propagande de Poutine. Parce qu'en Russie, les médias donnent une image totalement différente de ce conflit, comme le dit Frédéric.

[00:28:09] Frédéric : Beaucoup de gens russes ne comprennent pas la situation. Quelquefois, j'essaye de les comprendre. J'essaye de comprendre que ce n'est pas eux mais c'est la télé. C'est le gouvernement. C'est les médias. Beaucoup de mes amis de Russie m'ont écrit et m'on dit : « Nous sommes très désolés. Pardonnez-nous pour notre Président ». Etc. Donc, je ne sais pas si c'est la majorité, mais il y a beaucoup de Russes qui veulent faire quelque chose. Comme peut-être eux-même sortent de chez eux, mais la police est…


#0 - La guerre vue par les Ukrainiens (2) #0 - The war as seen by Ukrainians (2) #0 - La guerra vista por los ucranianos (2)

[00:13:37] Hugo : Malheureusement, s'abriter dans les stations de métro et les sous-sols ne suffit pas toujours. Après cette première semaine de conflit, le gouvernement ukrainien a indiqué que 2000 civils ont été tués. De plus en plus d'Ukrainiens considèrent que les attaques de l'armée russe sont en réalité des **attentats**, comme le dit Daria : More and more Ukrainians consider that the attacks of the Russian army are actually attacks, as Daria says:

[00:13:57] Daria : Ce qui se passe maintenant, je peux le dire, ce sont des attentats, parce qu'ils attaquent **les** **orphelinats**, **les écoles maternelles**. [00:13:57] Daria: What's happening now, I can say, are attacks, because they're attacking orphanages, kindergartens. Il y a des enfants, des petits enfants qui sont morts, c'est horrible. Je peux dire que ce sont des attentats, même pas la guerre. I can say that these are attacks, not even war.

[00:14:14] Hugo : Et depuis quelques jours, on parle même d'un risque nucléaire parce que l'armée russe essaye de prendre le contrôle des centrales nucléaires du pays. Dans la nuit du 3 au 4 mars, elle a provoqué **un incendie** dans la centrale d'Enerhodar, une centrale qui a six réacteurs nucléaires alors qu'à titre de comparaison, la centrale de Tchernobyle **n'en avait qu'un**. On the night of March 3 to 4, it caused a fire in the Enerhodar power plant, a plant that has six nuclear reactors while, by comparison, the Chernobyl plant had only one. De nombreux experts internationaux ont sonné l'alarme pour dire à quel point cette situation est dangereuse.

[00:14:58] Hugo : En voyant tout ça, on se demande pourquoi il n'y a pas plus d'Ukrainiens qui **ont fui** leur pays. À l'heure où j'enregistre cet épisode, le samedi 5 mars, 1,3 millions de personnes ont quitté l'Ukraine, sur 44 millions d'habitants, soit environ 3%.

Bien sûr, comme je vous l'ai dit, c'est très difficile de quitter le pays en ce moment. Déjà, parce que les hommes qui sont en âge de **se battre** ont l'obligation de rester. C'est pour ça que Lana et sa mère ne sont pas parties.

[00:15:29] Lana : On a lu que c'est déjà la mobilisation totale, donc les hommes ne peuvent pas **traverser les frontières**. Et ma mère, ma soeur et moi, qui ne sommes pas des hommes, on ne veut pas vraiment les laisser ici. Parce que je n'imagine pas, tu sais. Je n'imagine pas laisser mon père, mon partenaire.

[00:16:05] Hugo : Mais ce n'est pas toujours à cause des hommes. Pour Yuliana, une étudiante de 23 ans, c'est sa mère qu'elle ne veut pas abandonner. Et pour Alina, une professeur qui vit près de la capitale, ce sont ses animaux qui rendent le voyage un peu difficile.

[00:16:21] Hugo : Et pourquoi tu as décidé de rester ?

[00:16:25] Yuliana : Parce que ma maison est ici, ma maman est ici aussi. Elle ne voulait pas quitter notre pays et moi je ne veux pas aller quelque part et laisser ma maman.

[00:16:38] Alina : J'ai décidé de rester là parce que c'est très difficile d'aller à la frontière. C'est très très difficile. Et j'ai les animaux. Je ne peux pas quitter mes animaux, c'est impossible.

[00:16:59] Hugo : Mais si autant d'Ukrainiens et d'Ukrainiennes ont décidé de rester, ce n'est pas seulement à cause de problèmes logistiques ni pour rester avec leur famille.

Il me semble vous avoir déjà dit dans un épisode que pendant mes cours d'histoire à l'école, je me demandais souvent pourquoi les gens ne quittaient pas leur pays à l'approche d'une guerre, dans un réflexe de survie. It seems to me that I have already told you in an episode that during my history lessons at school, I often wondered why people did not leave their country at the approach of a war, in a reflex of survival. Il y a toujours des signes annonciateurs, des choses qui peuvent nous laisser penser qu'une guerre est imminente. There are always warning signs, things that can tell us that a war is imminent. Alors pourquoi ne pas fuir avant que ça n'arrive ?

[00:17:28] Je ne sais pas si c'est juste moi ou un réflexe français. C'est vrai que depuis la 2ème guerre mondiale, on est connus pour **sortir le drapeau blanc** assez vite. Mais peut-être que si la France était attaquée, je réagirais différemment, peut-être que  j'aurais envie de prendre les armes pour la défendre. C'est ce que font les Ukrainiens. Ils ont décidé de rester pour se battre pour leur pays, comme me l'a dit Frédéric, un jeune prof d'anglais fan de Victor Hugo.

[00:17:57] Frédéric : Ma première réaction était de partir, juste partir de l'Ukraine parce que… Mais après, j'ai pensé que non. Non, je reste ici. Je reste ici. Je pouvais, et encore, je peux envoyer ma femme, mais elle m'a dit qu'elle reste avec moi. Donc peut-être qu'on va rester. Je ne veux pas partir parce qu'il y a beaucoup de gens qui défendent l'Ukraine, et moi je veux être parmi eux parce que c'est ma **terre**. Pourquoi je dois partir ?

[00:18:47] Hugo : Mais pourquoi Vladimir Poutine a-t-il décidé d'**envahir** l'Ukraine ? Selon lui, il ne s'agit pas d'une guerre mais, je cite, d'une « opération militaire spéciale pour démilitariser et dénazifier l'Ukraine ». Le président russe considère que le gouvernement ukrainien est composé de nationalistes qu'il compare à des nazis.

Pour comprendre son raisonnement, il faut connaître un peu l'histoire et la géographie de l'Ukraine. Pour faire simple, la partie est de l'Ukraine est proche de la Russie et une grande partie de ses habitants ont le russe comme langue maternelle, alors qu'à l'ouest, les gens parlent plutôt l'ukrainien. Et Poutine dit que les Ukrainiens russophones sont persécutés par les nationalistes. Donc j'ai demandé à Daria si les Ukrainiens de l'est sont vraiment différents de ceux de l'ouest.

[00:19:43] Daria : Oui, c'est vrai qu'il y a une différence entre nous, je ne veux pas le **nier**. Parce qu'historiquement, oui si **on plonge dans** l'Histoire, notre pays était divisé, **déchiré**, entre les États différents. Il y avait une partie de l'Ukraine qui était sous la Pologne, sous la Roumanie, sous l'Empire russe, etc, etc. Mais moi je viens de l'Ukraine de l'Est, c'est Soumy, c'est la ville qui se trouve vraiment pas loin de la frontière avec la Russie. Et jamais personne de ma vie ne voulait être membre de la Russie. Parce que nous connaissons très bien notre Histoire, vraiment très bien. Nous savons que nous sommes Ukrainiens. Nous connaissons très bien notre langue. Même si c'est vrai qu'à Soumy, c'est la ville où on parle russe, c'est vrai. Mais tout le monde connaît l'ukrainien. Tout le monde sait l'utiliser. Je veux dire, si nous parlons des institutions formelles, les documents, tout ça c'est en ukrainien. Tout le monde sait l'utiliser. Mais en même temps personne n'était jamais discriminé par « tu parles russe, comment ça ? ». Non, si tu veux tu parles russe. J'ai des amis qui parlent ukrainien vivant à Soumy, ils n'avaient jamais aucun problème.

[00:21:18] Donc pour nous, oui, nous acceptons le fait que nous parlons beaucoup de langues : par exemple, à l'Ouest de l'Ukraine il y a des gens qui parlent roumain, c'est vrai, même s'ils sont Ukrainiens, ils habitent en Ukraine. Mais ils parlent roumain parce qu'historiquement ils habitent à la frontière avec la Roumanie, et leurs grands-pères parlaient roumain, eux ils parlent roumain. En même temps, ils connaissent bien l'ukrainien, ils l'utilisent un peu partout si nous parlons des trucs officiels. Mais historiquement, c'est comme ça.

[00:21:50] Donc le fait qu'à l'est il y a des gens qui parlent russe, ça ne veut pas dire qu'ils ne comprennent pas qu'ils sont ukrainiens et qui veulent vivre en Ukraine, en Ukraine indépendante, en Ukraine souveraine. Et personne n'attendait jamais Poutine qui devrait les sauver ou je ne sais pas quoi. And nobody was ever waiting for Putin who should save them or whatever.

[00:22:10] Même les gens du Donetsk et Louhansk, ce territoire du Donbass, on dit qu'ils attendaient Poutine et tout ça, mais en fait c'est pas vrai. C'est juste que le temps était instable. It's just that the weather was unstable. C'était juste après la Révolution en Ukraine. Et vous comprenez ce que c'est la Révolution, les gens étaient choqués, ils ne savaient pas quoi faire. And you understand what the Revolution is, people were shocked, they didn't know what to do. Ils ne comprenaient pas qui fait quoi. Et pendant ce temps instable, Poutine a profité de cette situation et il a envahi ce territoire. Mais je sais, ma tante vient du Donetsk, j'ai beaucoup d'amis qui habitent à Kyiv mais qui sont réfugiés. Ils ne voulaient pas vivre sous ce régime parce que pendant ces huit ans là-bas, vraiment c'est **une calamité** : il n'y a pas de règles, il n'y a pas de  normes, les gens peuvent être agressés, **violés** dans la rue, par le régime russe. Et beaucoup de gens, ils sont maintenant réfugiés partout en Ukraine, à Kyiv, à Lviv, à Odessa, à Soumy, il y a beaucoup de réfugiés du Donbass. Et personne n'attendait Poutine. Et c'est juste la propagande russe qui le dit. Et maintenant, d'ailleurs, vous pouvez le voir, il n'y a aucune ville, aucune ville où on rencontre Poutine, l'armée russe, avec des fleurs ou des trucs comme ça. Personne ne l'attend. Tout le monde résiste. Chaque ville. Même la toute petite ville, dans ma région, Soumy je ne sais pas si vous avez entendu, il y a Okhtyrka et Konotop. Ce sont des petites petites villes, vraiment très petites, mais elles résistent comme des lions. Ils ne laissent pas l'armée russe entrer sur leur territoire. Toute la population sort dans la rue, arrête des tanks, sans avoir des armes, juste comme ça. Personne ne l'attend, personne ne veut qu'ils entrent sur notre territoire.

[00:24:18] Hugo : Parmi les Ukrainiens et les Ukrainiennes que j'ai interviewés, plusieurs étaient russophones. Donc je leur ai demandé à eux aussi ce qu'ils pensaient de l'argument de Poutine. Voilà ce qu'ils m'ont répondu.

[00:24:30] Mykyta : La raison pour laquelle Poutine essaye de prendre le contrôle de l'Ukraine, c'est de protéger la population russophone. C'est-à-dire protéger la population russophone ? Mais je peux dire que j'ai parlé russe toute ma vie et **personne n'a jamais porté atteinte** à mes droits russophones. But I can say that I have spoken Russian all my life and no one has ever infringed on my Russian-speaking rights. Donc je pense que c'est juste un prétexte pour Poutine d'envahir l'Ukraine.

[00:25:07] Oleksandra : Historiquement, il y a la partie de l'Ukraine qui parle russe. Moi aussi parce que je suis née dans la région du Donbass, où le conflit a commencé en 2014. Mais tous on apprend l'ukrainien à l'école. Je peux parler russe dans la rue, personne ne **viole** mes droits. Mais l'ukrainien, ça reste toujours la langue officielle. Donc il n'y a aucun trait de nazisme ici en Ukraine. C'est tout à fait faux.

[00:25:44] Hugo : Là, vous venez d'entendre Mykyta, un étudiant de Kyiv et Oleksandra, une autre prof de français. Selon eux, et tous les Ukrainiens à qui j'ai parlé, l'argument de Poutine concernant la persécution des russophones n'était qu'un prétexte. C'était seulement un prétexte. De nombreux experts internationaux pensent la même chose. Ils disent que Poutine a décidé d'attaquer l'Ukraine pour des raisons géostratégiques, **notamment** pour prendre possession des ressources naturelles du pays.

Le point positif dans tout ça, c'est que Poutine a réussi à unir toute l'Ukraine contre lui. Toutes les personnes que j'ai interviewées m'ont dit que la solidarité entre les Ukrainiens est **plus forte que jamais**.

[00:26:29] Beaucoup d'habitants des régions de l'est se sont réfugiés à l'ouest, et ils ont été accueillis à bras ouverts. «**Accueillir quelqu'un à bras ouverts**», c'est une expression pour dire «accueillir quelqu'un **chaleureusement**, avec bienveillance», «montrer à cette personne qu'elle est **la bienvenue**». C'est ce que nous explique Julia, une Ukrainienne qui vient de Marioupol, une ville de l'est du pays.

[00:26:54] Julia : Oui, il y a une division entre Est et Ouest, oui c'est vrai parce que dans l'Est nous parlons russe et dans l'Ouest tout le monde parle ukrainien. Ici, dans l'Est il y a beaucoup de personnes qui ont de la famille en Russie, par exemple, et des choses comme ça. Beaucoup de connexions avec la Russie, je peux le dire comme ça. Et dans l'Ouest, ce n'est pas le cas. Tout le monde a de la famille en Pologne, par exemple. Et c'est pour ça qu'il y a cette division. Mais je pense que maintenant ce n'est pas le cas, tout le monde est super uni. Ce n'est pas important si on parle russe ou ukrainien ou…

[00:27:47] Hugo : Comme vous l'avez entendu un peu plus tôt, beaucoup d'Ukrainiens ont de la famille et des amis en Russie. Donc pour arrêter cette invasion, ils essayent de les informer de ce qui se passe réellement en Ukraine, ils essayent de **démentir** la propagande de Poutine. Parce qu'en Russie, les médias donnent une image totalement différente de ce conflit, comme le dit Frédéric.

[00:28:09] Frédéric : Beaucoup de gens russes ne comprennent pas la situation. Quelquefois, j'essaye de les comprendre. J'essaye de comprendre que ce n'est pas eux mais c'est la télé. C'est le gouvernement. C'est les médias. Beaucoup de mes amis de Russie m'ont écrit et m'on dit : « Nous sommes très désolés. Pardonnez-nous pour notre Président ». Etc. Donc, je ne sais pas si c'est la majorité, mais il y a beaucoup de Russes qui veulent faire quelque chose. Comme peut-être eux-même sortent de chez eux, mais la police est…