×

Χρησιμοποιούμε cookies για να βελτιώσουμε τη λειτουργία του LingQ. Επισκέπτοντας τον ιστότοπο, συμφωνείς στην πολιτική για τα cookies.

image

Le bouchon de cristal, Maurice Leblanc, IX. — Dans les ténèbres (1)

IX. — Dans les ténèbres (1)

Une chambre d'hôtel, à Amiens… Pour la première fois, Arsène Lupin reprend un peu conscience. Clarisse est à son chevet, ainsi que Le Ballu.

Tous deux, ils causent, et Lupin, sans ouvrir les yeux, écoute. Il apprend que l'on a craint pour ses jours, mais que tout péril est écarté. Ensuite, au cours de la conversation, il saisit certaines paroles qui lui révèlent ce qui s'est passé dans la nuit tragique de Mortepierre, la descente de Daubrecq, l'effarement des complices qui ne reconnaissent pas le patron, puis la lutte brève, Clarisse qui se jette sur Daubrecq et qui est blessée d'une balle à l'épaule, Daubrecq qui bondit sur la rive, Grognard qui tire deux coups de revolver et qui s'élance à sa poursuite, Le Ballu qui grimpe l'échelle et qui trouve le patron évanoui. — Et vrai ! explique Le Ballu, je me demande encore comment il n'a pas roulé. Il y avait bien un creux à cet endroit, mais un creux en pente, et il fallait que, même à moitié mort, il s'accroche de ses dix doigts. Nom d'un chien, il était temps ! Lupin écoute, écoute désespérément. Il rassemble ses forces pour recueillir et comprendre les mots. Mais soudain une phrase terrible est prononcée : Clarisse, en pleurant, parle des dix-huit jours qui viennent de s'écouler, dix-huit jours nouveaux perdus pour le salut de Gilbert. Dix-huit jours ! Ce chiffre épouvante Lupin. Il pense que tout est fini, que jamais il ne pourra se rétablir et continuer la lutte, et que Gilbert et Vaucheray mourront… Son cerveau lui échappe. C'est encore la fièvre, encore le délire. Et d'autres jours vinrent. Peut-être est-ce l'époque de sa vie dont Lupin parle avec le plus d'effroi. Il gardait suffisamment de conscience, et il avait des minutes assez lucides pour se rendre un compte exact de la situation. Mais il ne pouvait coordonner ses idées, suivre un raisonnement, et indiquer à ses amis, ou leur défendre, telle ligne de conduite.

Quand il sortait de sa torpeur, il se trouvait souvent la main dans la main de Clarisse, et, en cet état de demi-sommeil où la fièvre vous maintient, il lui jetait des paroles étranges, des paroles de tendresse et de passion, l'implorant et la remerciant, et la bénissant de tout ce qu'elle apportait, dans les ténèbres, de lumière et de joie. Puis, plus calme, et sans bien comprendre ce qu'il avait dit, il s'efforçait de plaisanter : — J'ai eu le délire, n'est-ce pas ? Ce que j'ai dû raconter de bêtises ! Mais au silence de Clarisse, Lupin sentait qu'il pouvait dire toutes les bêtises que la fièvre lui inspirait. Elle ne les entendait pas. Les soins qu'elle prodiguait au malade, son dévouement, sa vigilance, son inquiétude à la moindre rechute, tout cela ne s'adressait pas à lui-même, mais au sauveur possible de Gilbert. Elle épiait anxieusement les progrès de la convalescence. Quand serait-il capable de se remettre en campagne ? N'était-ce pas une folie que de s'attarder auprès de lui alors que chaque jour emportait un peu d'espoir ? Lupin ne cessait de se répéter, avec la croyance intime qu'il pouvait, par là, influer sur son mal : — Je veux guérir… je veux guérir…

Et il ne bougeait pas durant des journées entières pour ne pas déranger son pansement, ou accroître, si peu que ce fût, la surexcitation de ses nerfs.

Il s'efforçait aussi de ne plus penser à Daubrecq. Mais l'image de son formidable adversaire le hantait, et il reconstituait les phases de l'évasion, la descente de la falaise… Un jour, frappé par un souvenir terrible, il s'écria : — La liste ! la liste des vingt-sept ! Daubrecq a dû la reprendre… ou bien d'Albufex… Elle était sur la table ! Clarisse le rassura :

— Personne n'a pu la reprendre, affirma-t-elle. Le jour même, Grognard était à Paris avec un mot de moi pour Prasville, l'adjurant de redoubler de surveillance autour de la maison du square Lamartine, afin que personne n'y pût entrer, surtout d'Albufex… — Mais Daubrecq ?

— Il est blessé. Il n'a pu rentrer chez lui. — Ah ! bien, fit-il… c'est bien… Mais vous aussi, vous avez été blessée… — Une simple égratignure, à l'épaule. Lupin fut plus tranquille après ces révélations. Cependant des idées tenaces, qu'il ne pouvait ni chasser de son cerveau, ni exprimer en phrases, le poursuivaient. Surtout il pensait inlassablement à ce nom de « Marie » que la souffrance avait arraché à Daubrecq. À quoi se rapportait ce nom ? Était-ce le titre d'un des livres de la bibliothèque, ou une partie de ce titre ? Et le livre désigné fournirait-il la clef de ce mystère ? Était-ce mot d'un coffre-fort ? Était-ce un assemblage de lettres inscrites quelque part, sur un mur, sur un papier, sur un panneau de bois, sur le cartouche d'un tableau, sur une facture ? Questions obsédantes, auxquelles il lui était impossible de donner de réponse, et qui l'épuisaient… Un matin, Arsène Lupin se réveilla plus dispos. La plaie était fermée, la température presque normale. Un docteur de ses amis, qui venait quotidiennement de Paris, lui promit qu'il pourrait se lever le surlendemain. Et, dès ce jour-là, en l'absence de ses complices et de Mme Mergy, tous trois partis l'avant-veille en quête de renseignements, il se fit approcher de la fenêtre ouverte. Il sentait la vie rentrer en lui, avec la clarté du soleil, avec un air plus tiède qui annonçait l'approche du printemps. Il retrouvait l'enchaînement de ses idées, et les faits se rangeaient dans son cerveau selon leur ordre logique et selon leurs rapports secrets. Le soir, il reçut de Clarisse un télégramme lui annonçant que les choses allaient mal et qu'elle restait à Paris ainsi que Grognard et Le Ballu. Très tourmenté par cette dépêche, il passa une nuit moins bonne. Quelles pouvaient être les nouvelles qui avaient motivé la dépêche de Clarisse ?

Mais, le lendemain, elle arriva dans sa chambre, toute pâle, les yeux rougis de larmes, et elle tomba, à bout de forces.

— Le pourvoi en cassation est rejeté, balbutia-t-elle.

Il se domina et dit, d'une voix étonnée : — Vous comptiez donc là-dessus ?

— Non, non, fit-elle, mais tout de même… on espère… malgré soi…

— C'est hier qu'il a été rejeté ? — Il y a huit jours. Le Ballu me l'a caché, et moi, je n'osais pas lire les journaux. Lupin insinua :

— Reste la grâce…

— La grâce ? Croyez-vous qu'on graciera les complices d'Arsène Lupin ? Elle lança ces mots avec un emportement et une amertume dont il ne parut pas s'apercevoir, et il prononça : — Vaucheray, non, peut-être… Mais on aura pitié de Gilbert, de sa jeunesse…

— On n'aura pas pitié de lui. — Qu'en savez-vous ? — J'ai vu son avocat. — Vous avez vu son avocat ! Et vous lui avez dit…

— Je lui ai dit que j'étais la mère de Gilbert, et je lui ai demandé si, en proclamant l'identité de mon fils, cela ne pourrait pas influer sur le dénouement… ou tout au moins le retarder. — Vous feriez cela ? murmura-t-il. Vous avoueriez…

— La vie de Gilbert avant tout. Que m'importe mon nom ? Que m'importe le nom de mon mari ! — Et celui de votre petit Jacques ? objecta Lupin. Avez-vous le droit de perdre Jacques et de faire de lui le frère d'un condamné à mort ? Elle baissa la tête. Et il reprit :

— Que vous a répondu l'avocat ? — Il m'a répondu qu'un pareil acte ne pouvait servir en rien Gilbert. Et, malgré toutes ses protestations, j'ai bien vu que, pour lui, il ne se faisait aucune illusion et que la commission des grâces conclurait à l'exécution. — La commission, soit. Mais le Président de la République ?

— Le Président se conforme toujours à l'avis de la commission. — Il ne s'y conformera pas cette fois. — Et pourquoi ?

— Parce qu'on agira sur lui. — Comment ?

— Par la remise conditionnelle du papier des vingt-sept.

— Vous l'avez donc ? — Non.

— Alors ?

— Je l'aurai. Sa certitude n'avait pas fléchi. Il affirmait avec autant de calme et avec autant de foi dans la puissance infinie de sa volonté.

Elle haussa légèrement les épaules, moins confiante en lui.

— Si d'Albufex ne lui a pas dérobé la liste, un seul homme pourrait agir, un seul, Daubrecq. Elle dit ces mots d'une voix basse et distraite qui le fit tressaillir. Pensait-elle donc encore, comme souvent il avait cru le sentir, à revoir Daubrecq et à lui payer le salut de Gilbert ?

— Vous m'avez fait un serment, dit-il. Je vous le rappelle. Il fut convenu que la lutte contre Daubrecq serait dirigée par moi, sans qu'il y ait jamais possibilité d'accord entre vous et lui. Elle répliqua :

— Je ne sais même pas où il est. Si je le savais, ne le sauriez-vous pas ?

La réponse était évasive. Mais il n'insista pas, se promettant de la surveiller au moment opportun, et il lui demanda — car bien des détails encore ne lui avaient pas été racontés : — Alors, on ignore ce qu'est devenu Daubrecq ? — On l'ignore. Évidemment, l'une des balles de Grognard l'atteignit, car le lendemain de son évasion nous avons recueilli dans un fourré un mouchoir plein de sang. En outre, on vit, paraît-il, à la station d'Aumale, un homme qui semblait très las et qui marchait avec beaucoup de peine. Il prit un billet pour Paris, monta dans le premier train qui passa… et c'est tout ce que nous savons… — Il doit être blessé grièvement, prononça Lupin, et il se soigne dans une retraite sûre. Peut-être aussi juge-t-il prudent de se soustraire, durant quelques semaines, aux pièges possibles de la police, de d'Albufex, de vous, de moi, de tous ses ennemis. Il réfléchit et continua :

— À Mortepierre, que s'est-il passé depuis l'évasion ? On n'a parlé de rien dans le pays ? — Non.

Dès l'aube, la corde était retirée, ce qui prouve que Sébastiani et ses fils se sont aperçus, la nuit même, de la fuite de Daubrecq. Toute cette journée-là, Sébastiani fut absent.

— Oui, il aura prévenu le marquis. Et celui-ci, où est-il ?

— Chez lui. Et, d'après l'enquête de Grognard, là non plus, il n'y a rien de suspect. — Est-on certain qu'il n'a pas pénétré dans l'hôtel du square Lamartine ? — Aussi certain qu'on peut l'être. — Daubrecq non plus ?

— Daubrecq non plus.

— Vous avez vu Prasville ?

— Prasville est en congé. Il voyage. Mais l'inspecteur principal Blanchon qu'il a chargé de cette affaire et les agents qui gardent l'hôtel affirment que, conformément aux ordres de Prasville, leur surveillance ne se relâche pas un instant, même la nuit ; que, à tour de rôle, l'un d'eux reste de faction dans le bureau, et, par conséquent, que personne n'a pu s'introduire. — Donc, en principe, conclut Arsène Lupin, le bouchon de cristal se trouverait encore dans le bureau de Daubrecq ?

— S'il s'y trouvait avant la disparition de Daubrecq, il doit se trouver encore dans ce bureau. — Et sur la table de travail…

— Sur sa table de travail ? Pourquoi dites-vous cela ?

— Parce que je le sais, dit Lupin, qui n'avait pas oublié la phrase de Sébastiani. — Mais vous ne savez pas l'objet où le bouchon est dissimulé ? — Non.

Mais une table de travail, c'est un espace restreint. En vingt minutes on l'explore. En dix minutes s'il le faut, on la démolit. La conversation avait un peu fatigué Arsène Lupin. Comme il ne voulait commettre aucune imprudence, il dit à Clarisse :

— Écoutez, je vous demande encore deux ou trois jours. Nous sommes aujourd'hui le lundi 4 mars. Après-demain mercredi, jeudi au plus tard, je serai sur pied. Et soyez certaine que nous réussirons.

— D'ici là ?… — D'ici là, retournez à Paris. Installez-vous avec Grognard et Le Ballu à l'hôtel Franklin, près du Trocadéro, et surveillez la maison de Daubrecq. Vous y avez vos entrées libres. Stimulez le zèle des agents.

— Si Daubrecq revient ?

— S'il revient, tant mieux, nous le tenons. — Et s'il ne fait que passer ? — En ce cas, Grognard et Le Ballu doivent le suivre.

— Et s'ils perdent sa trace ? Lupin ne répondit pas.

Learn languages from TV shows, movies, news, articles and more! Try LingQ for FREE

IX. — Dans les ténèbres (1) IX. - In the darkness (1)

Une chambre d'hôtel, à Amiens… Pour la première fois, Arsène Lupin reprend un peu conscience. A hotel room in Amiens... Arsène Lupin regains consciousness for the first time. Clarisse est à son chevet, ainsi que Le Ballu. ||||cabecera de cama|||| Clarisse is at his bedside, as well as Le Ballu.

Tous deux, ils causent, et Lupin, sans ouvrir les yeux, écoute. |||causan||||||| Both of them are talking, and Lupin is listening without opening his eyes. Il apprend que l'on a craint pour ses jours, mais que tout péril est écarté. ||||||||||||||descartado He learns that his life was feared for, but that all danger has been averted. Ensuite, au cours de la conversation, il saisit certaines paroles qui lui révèlent ce qui s'est passé dans la nuit tragique de Mortepierre, la descente de Daubrecq, l'effarement des complices qui ne reconnaissent pas le patron, puis la lutte brève, Clarisse qui se jette sur Daubrecq et qui est blessée d'une balle à l'épaule, Daubrecq qui bondit sur la rive, Grognard qui tire deux coups de revolver et qui s'élance à sa poursuite, Le Ballu qui grimpe l'échelle et qui trouve le patron évanoui. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||springt||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||El desconcierto|||||||||||||||||||||||||||||salta|||orilla|||||||||||||||||sube por||||||| Then, in the course of the conversation, he picks up on certain words that reveal what happened on that tragic night at Mortepierre, Daubrecq's descent, the dismay of the accomplices who don't recognize the boss, and then the brief struggle, Clarisse throws herself at Daubrecq and is shot in the shoulder, Daubrecq leaps to the shore, Grognard fires two shots from his revolver and rushes after him, Le Ballu climbs the ladder to find the boss unconscious. — Et vrai ! explique Le Ballu, je me demande encore comment il n'a pas roulé. erklärt Le Ballu, ich frage mich immer noch, wie er nicht weggerollt ist. explains Le Ballu, I'm still wondering how it didn't roll. Il y avait bien un creux à cet endroit, mais un creux en pente, et il fallait que, même à moitié mort, il s'accroche de ses dix doigts. ||||||||||a||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||se agarrara|||| Es gab zwar eine Vertiefung an dieser Stelle, aber eine schräge Vertiefung, und er musste sich, selbst wenn er halbtot war, mit seinen zehn Fingern festhalten. There was a hollow there, but a sloping one, and even half-dead he had to hold on with all ten fingers. Nom d'un chien, il était temps ! Heiliger Strohsack, das wurde aber auch Zeit! It's about time! Lupin écoute, écoute désespérément. Lupin listens, listens desperately. Il rassemble ses forces pour recueillir et comprendre les mots. He gathers his strength to gather and understand the words. Mais soudain une phrase terrible est prononcée : Clarisse, en pleurant, parle des dix-huit jours qui viennent de s'écouler, dix-huit jours nouveaux perdus pour le salut de Gilbert. But suddenly a terrible sentence is uttered: Clarisse, crying, talks about the eighteen days that have just passed, eighteen new days lost for Gilbert's salvation. Dix-huit jours ! Ce chiffre épouvante Lupin. This number terrifies Lupin. Il pense que tout est fini, que jamais il ne pourra se rétablir et continuer la lutte, et que Gilbert et Vaucheray mourront… Son cerveau lui échappe. He thinks that it's all over, that he will never be able to recover and continue the fight, and that Gilbert and Vaucheray will die... His mind is slipping away from him. C'est encore la fièvre, encore le délire. It's still the fever, still the delirium. Et d'autres jours vinrent. And other days came. Peut-être est-ce l'époque de sa vie dont Lupin parle avec le plus d'effroi. Perhaps it is the period of his life that Lupin speaks of with the most dread. Il gardait suffisamment de conscience, et il avait des minutes assez lucides pour se rendre un compte exact de la situation. He retained enough consciousness, and he had moments clear enough to make an accurate assessment of the situation. Mais il ne pouvait coordonner ses idées, suivre un raisonnement, et indiquer à ses amis, ou leur défendre, telle ligne de conduite. But he couldn't coordinate his ideas, follow a line of reasoning, and indicate to his friends, or defend to them, a particular course of action.

Quand il sortait de sa torpeur, il se trouvait souvent la main dans la main de Clarisse, et, en cet état de demi-sommeil où la fièvre vous maintient, il lui jetait des paroles étranges, des paroles de tendresse et de passion, l'implorant et la remerciant, et la bénissant de tout ce qu'elle apportait, dans les ténèbres, de lumière et de joie. |||||Betäubung|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||Letargo|||||||||||||||||||||||||||||||||||||suplicándole||||||bendiciéndola||||||||||||| When he came out of his torpor, he often found himself with his hand in Clarisse's, and, in that state of half-sleep in which fever keeps you, he threw strange words at her, words of tenderness and passion, imploring and thanking her, and blessing her for all the light and joy she brought to the darkness. Puis, plus calme, et sans bien comprendre ce qu'il avait dit, il s'efforçait de plaisanter : ||||||||||||||bromear Then, calmer, and without really understanding what he had said, he tried to joke: — J'ai eu le délire, n'est-ce pas ? I must have been delirious, right? Ce que j'ai dû raconter de bêtises ! I must have said some nonsense! Mais au silence de Clarisse, Lupin sentait qu'il pouvait dire toutes les bêtises que la fièvre lui inspirait. ||||||||||||tonterías||||| But from Clarisse's silence, Lupin felt that he could say all the nonsense that the fever inspired him. Elle ne les entendait pas. She did not hear them. Les soins qu'elle prodiguait au malade, son dévouement, sa vigilance, son inquiétude à la moindre rechute, tout cela ne s'adressait pas à lui-même, mais au sauveur possible de Gilbert. The care she provided to the patient, her dedication, her vigilance, her concern at the slightest relapse, all of this was not directed at him, but at the possible savior of Gilbert. Elle épiait anxieusement les progrès de la convalescence. She anxiously watched the progress of the recovery. Quand serait-il capable de se remettre en campagne ? When would he be able to campaign again? N'était-ce pas une folie que de s'attarder auprès de lui alors que chaque jour emportait un peu d'espoir ? Wasn't it foolish to linger by his side when each day took away a little bit of hope? Lupin ne cessait de se répéter, avec la croyance intime qu'il pouvait, par là, influer sur son mal : Lupin kept repeating to himself, with the intimate belief that he could, by doing so, influence his condition: — Je veux guérir… je veux guérir… ||curar||| I want to heal... I want to heal...

Et il ne bougeait pas durant des journées entières pour ne pas déranger son pansement, ou accroître, si peu que ce fût, la surexcitation de ses nerfs. ||||||||||||||Verband|||||||||||| ||||||||||||||bandage||increase|||||||||| |||se movía|||||||||molestar||vendaje||aumentar|||||||||| And he did not move for days on end to avoid disturbing his bandage, or increase, however little it may be, the overexcitement of his nerves.

Il s'efforçait aussi de ne plus penser à Daubrecq. He also tried not to think about Daubrecq. Mais l'image de son formidable adversaire le hantait, et il reconstituait les phases de l'évasion, la descente de la falaise… Un jour, frappé par un souvenir terrible, il s'écria : |||||||atormentaba|||reconstruía|||||||||||||||||| But the image of his formidable adversary haunted him, and he reconstructed the phases of the escape, the descent of the cliff... One day, struck by a terrible memory, he exclaimed: — La liste ! la liste des vingt-sept ! Daubrecq a dû la reprendre… ou bien d'Albufex… Elle était sur la table ! Daubrecq must have taken it back... or d'Albufex... It was on the table! Clarisse le rassura : Clarisse reassured her:

— Personne n'a pu la reprendre, affirma-t-elle. — No one was able to take her back, she affirmed. Le jour même, Grognard était à Paris avec un mot de moi pour Prasville, l'adjurant de redoubler de surveillance autour de la maison du square Lamartine, afin que personne n'y pût entrer, surtout d'Albufex… ||||||||||||||suplicándole que redoble||||||||||||||||||| The very same day, Grognard was in Paris with a note from me for Prasville, urging him to increase surveillance around the house on Square Lamartine, so that no one could enter, especially d'Albufex… — Mais Daubrecq ?

— Il est blessé. Il n'a pu rentrer chez lui. — Ah ! bien, fit-il… c'est bien… Mais vous aussi, vous avez été blessée… well, he said... that's good... But you too, you were injured... — Une simple égratignure, à l'épaule. ||Kratzer|| ||scratch|| ||— Un simple rasguño, en el hombro.|| - Just a scratch, on the shoulder. Lupin fut plus tranquille après ces révélations. Lupin was more calm after these revelations. Cependant des idées tenaces, qu'il ne pouvait ni chasser de son cerveau, ni exprimer en phrases, le poursuivaient. |||persistentes|||||||||||||| However, persistent ideas, which he could neither expel from his brain nor express in sentences, pursued him. Surtout il pensait inlassablement à ce nom de « Marie » que la souffrance avait arraché à Daubrecq. Above all, he constantly thought about this name of 'Marie' that suffering had forced out of Daubrecq. À quoi se rapportait ce nom ? |||se refería a|| What did this name refer to? Était-ce le titre d'un des livres de la bibliothèque, ou une partie de ce titre ? Was it the title of one of the books in the library, or a part of this title? Et le livre désigné fournirait-il la clef de ce mystère ? And would the designated book provide the key to this mystery? Était-ce mot d'un coffre-fort ? Was it a word from a safe? Était-ce un assemblage de lettres inscrites quelque part, sur un mur, sur un papier, sur un panneau de bois, sur le cartouche d'un tableau, sur une facture ? Was it a combination of letters written somewhere, on a wall, on a paper, on a wooden panel, on a picture's cartouche, on an invoice? Questions obsédantes, auxquelles il lui était impossible de donner de réponse, et qui l'épuisaient… |Obsesivas||||||||||||lo agotaban Obsessive questions, to which it was impossible to give an answer, and which exhausted him... Un matin, Arsène Lupin se réveilla plus dispos. One morning, Arsène Lupin woke up feeling better. La plaie était fermée, la température presque normale. The wound was closed, the temperature almost normal. Un docteur de ses amis, qui venait quotidiennement de Paris, lui promit qu'il pourrait se lever le surlendemain. A doctor friend from Paris, who came daily, promised him that he could get up the day after tomorrow. Et, dès ce jour-là, en l'absence de ses complices et de Mme Mergy, tous trois partis l'avant-veille en quête de renseignements, il se fit approcher de la fenêtre ouverte. And that very day, in the absence of his accomplices and Madame Mergy, all three of whom had left the day before in search of information, he made himself approach the open window. Il sentait la vie rentrer en lui, avec la clarté du soleil, avec un air plus tiède qui annonçait l'approche du printemps. He felt life returning to him, with the clarity of the sun, with a milder air that announced the approach of spring. Il retrouvait l'enchaînement de ses idées, et les faits se rangeaient dans son cerveau selon leur ordre logique et selon leurs rapports secrets. ||||||||||se ordenaban|||||||||||| He regained the sequence of his ideas, and the facts aligned themselves in his brain according to their logical order and their secret relationships. Le soir, il reçut de Clarisse un télégramme lui annonçant que les choses allaient mal et qu'elle restait à Paris ainsi que Grognard et Le Ballu. In the evening, he received a telegram from Clarisse informing him that things were going wrong and that she was staying in Paris with Grognard and Le Ballu. Très tourmenté par cette dépêche, il passa une nuit moins bonne. ||||mensaje urgente|||||| Very troubled by this telegram, he had a less restful night. Quelles pouvaient être les nouvelles qui avaient motivé la dépêche de Clarisse ? What could be the news that had prompted Clarisse's telegram?

Mais, le lendemain, elle arriva dans sa chambre, toute pâle, les yeux rougis de larmes, et elle tomba, à bout de forces. But the next day, she arrived in his room, very pale, her eyes red from tears, and she collapsed, out of strength.

— Le pourvoi en cassation est rejeté, balbutia-t-elle. |Rechtsmittel||||||| The|||||||| |recurso de casación||||||| — The appeal to the Court of Cassation is rejected, she stammered.

Il se domina et dit, d'une voix étonnée : He controlled himself and said, in a surprised voice: — Vous comptiez donc là-dessus ? |contaban||| — So you were counting on that?

— Non, non, fit-elle, mais tout de même… on espère… malgré soi… - No, no," she said, "but all the same... one hopes... in spite of oneself...

— C'est hier qu'il a été rejeté ? — Was it rejected yesterday? — Il y a huit jours. — Eight days ago. Le Ballu me l'a caché, et moi, je n'osais pas lire les journaux. Le Ballu kept it from me, and I was too afraid to read the newspapers. Lupin insinua : Lupin insinuated:

— Reste la grâce… - Only the grace...

— La grâce ? - Grace? Croyez-vous qu'on graciera les complices d'Arsène Lupin ? |||indultará|||| Do you believe that Arsène Lupin's accomplices will be pardoned? Elle lança ces mots avec un emportement et une amertume dont il ne parut pas s'apercevoir, et il prononça : ||||||arrebato|||amargura||||||||| She uttered these words with a fierceness and bitterness that he did not seem to notice, and he said: — Vaucheray, non, peut-être… Mais on aura pitié de Gilbert, de sa jeunesse… - Vaucheray, no, maybe... But Gilbert, because of his youth, will be shown mercy.

— On n'aura pas pitié de lui. — Qu'en savez-vous ? — J'ai vu son avocat. - I saw his lawyer. — Vous avez vu son avocat ! Et vous lui avez dit…

— Je lui ai dit que j'étais la mère de Gilbert, et je lui ai demandé si, en proclamant l'identité de mon fils, cela ne pourrait pas influer sur le dénouement… ou tout au moins le retarder. |||||||||||||||||proclamando||||||||||||desenlace|||||| — I told him that I was Gilbert's mother, and I asked him if, by proclaiming my son's identity, it might not influence the outcome... or at least delay it. — Vous feriez cela ? — Would you do that? murmura-t-il. he murmured. Vous avoueriez… |würden gestehen |Confesarían... You would confess…

— La vie de Gilbert avant tout. - Gilbert's life above all. Que m'importe mon nom ? What does my name matter? Que m'importe le nom de mon mari ! — Et celui de votre petit Jacques ? objecta Lupin. Avez-vous le droit de perdre Jacques et de faire de lui le frère d'un condamné à mort ? Do you have the right to lose Jacques and make him the brother of someone condemned to death? Elle baissa la tête. Et il reprit :

— Que vous a répondu l'avocat ? — Il m'a répondu qu'un pareil acte ne pouvait servir en rien Gilbert. He replied to me that such an act could in no way help Gilbert. Et, malgré toutes ses protestations, j'ai bien vu que, pour lui, il ne se faisait aucune illusion et que la commission des grâces conclurait à l'exécution. |||||||||||||||||||||de las||concluiría con ejecución|| And, despite all his protests, I clearly saw that, for him, he had no illusions and that the clemency commission would conclude in favor of the execution. — La commission, soit. — The commission, then. Mais le Président de la République ?

— Le Président se conforme toujours à l'avis de la commission. - The Chairman always complies with the committee's opinion. — Il ne s'y conformera pas cette fois. |||se ajustará||| — He will not comply this time. — Et pourquoi ? — And why not?

— Parce qu'on agira sur lui. — Because we will act on him. — Comment ?

— Par la remise conditionnelle du papier des vingt-sept. |||condicional||||| — By the conditional delivery of the paper of the twenty-seven.

— Vous l'avez donc ? — So you have it? — Non. — No.

— Alors ?

— Je l'aurai. Sa certitude n'avait pas fléchi. ||||nachgelassen His certainty had not wavered. Il affirmait avec autant de calme et avec autant de foi dans la puissance infinie de sa volonté. He affirmed with as much calm and as much faith in the infinite power of his will.

Elle haussa légèrement les épaules, moins confiante en lui. She shrugged slightly, less confident in him.

— Si d'Albufex ne lui a pas dérobé la liste, un seul homme pourrait agir, un seul, Daubrecq. - If d'Albufex hadn't stolen the list from him, there was only one man who could take action, and that was Daubrecq. Elle dit ces mots d'une voix basse et distraite qui le fit tressaillir. ||||||||||||zusammenzucken She said these words in a low and distracted voice that made him jump. Pensait-elle donc encore, comme souvent il avait cru le sentir, à revoir Daubrecq et à lui payer le salut de Gilbert ? Did she still think, as he had often believed he sensed, about seeing Daubrecq again and paying him Gilbert's regards?

— Vous m'avez fait un serment, dit-il. ||||Eid|| 'You made me a promise,' he said. Je vous le rappelle. I remind you of it. Il fut convenu que la lutte contre Daubrecq serait dirigée par moi, sans qu'il y ait jamais possibilité d'accord entre vous et lui. It was agreed that the fight against Daubrecq would be led by me, with no possibility of agreement between you and him. Elle répliqua : She replied:

— Je ne sais même pas où il est. - I don't even know where he is. Si je le savais, ne le sauriez-vous pas ? If I knew it, wouldn't you know it?

La réponse était évasive. The answer was evasive. Mais il n'insista pas, se promettant de la surveiller au moment opportun, et il lui demanda — car bien des détails encore ne lui avaient pas été racontés : But he did not insist, promising himself to watch her at the right moment, and he asked her - because many details had not yet been told to him: — Alors, on ignore ce qu'est devenu Daubrecq ? - So we don't know what became of Daubrecq? — On l'ignore. Évidemment, l'une des balles de Grognard l'atteignit, car le lendemain de son évasion nous avons recueilli dans un fourré un mouchoir plein de sang. ||||||||||||||||||thicket||||| Obviously, one of the Grognard's bullets hit him, because the day after his escape we found a handkerchief full of blood in a thicket. En outre, on vit, paraît-il, à la station d'Aumale, un homme qui semblait très las et qui marchait avec beaucoup de peine. Furthermore, it seems that a very tired man was seen at the Aumale station, walking with great difficulty. Il prit un billet pour Paris, monta dans le premier train qui passa… et c'est tout ce que nous savons… He bought a ticket to Paris, got on the first passing train... and that's all we know... — Il doit être blessé grièvement, prononça Lupin, et il se soigne dans une retraite sûre. — He must be seriously injured, Lupin said, and he is healing in a safe retreat. Peut-être aussi juge-t-il prudent de se soustraire, durant quelques semaines, aux pièges possibles de la police, de d'Albufex, de vous, de moi, de tous ses ennemis. Perhaps he also considers it wise to avoid, for a few weeks, the possible traps of the police, of d'Albufex, of you, of me, of all his enemies. Il réfléchit et continua : He thought for a moment and then continued:

— À Mortepierre, que s'est-il passé depuis l'évasion ? — At Mortepierre, what has happened since the escape? On n'a parlé de rien dans le pays ? Has there been no talk in the country? — Non. — None.

Dès l'aube, la corde était retirée, ce qui prouve que Sébastiani et ses fils se sont aperçus, la nuit même, de la fuite de Daubrecq. By dawn, the rope had been removed, proving that Sébastiani and his sons had noticed Daubrecq's escape that very night. Toute cette journée-là, Sébastiani fut absent. Throughout that day, Sébastiani was absent.

— Oui, il aura prévenu le marquis. Yes, he must have informed the marquis. Et celui-ci, où est-il ? And where is the marquis?

— Chez lui. Et, d'après l'enquête de Grognard, là non plus, il n'y a rien de suspect. And, according to Grognard's investigation, there is nothing suspicious there either. — Est-on certain qu'il n'a pas pénétré dans l'hôtel du square Lamartine ? - Are we certain that he did not enter the hotel on Lamartine Square? — Aussi certain qu'on peut l'être. - As certain as one can be. — Daubrecq non plus ?

— Daubrecq non plus.

— Vous avez vu Prasville ?

— Prasville est en congé. Il voyage. Mais l'inspecteur principal Blanchon qu'il a chargé de cette affaire et les agents qui gardent l'hôtel affirment que, conformément aux ordres de Prasville, leur surveillance ne se relâche pas un instant, même la nuit ; que, à tour de rôle, l'un d'eux reste de faction dans le bureau, et, par conséquent, que personne n'a pu s'introduire. |||Blanchon|||||||||||||||de acuerdo con|||||||||||||||||||||||||||||||||||| But Senior Inspector Blanchon, whom he has put in charge of the case, and the guards guarding the hotel, confirm that, in accordance with Prasville's orders, their surveillance never slackens for a moment, even at night; that one of them takes it in turns to remain on duty in the office, and, as a result, no one has been able to break in. — Donc, en principe, conclut Arsène Lupin, le bouchon de cristal se trouverait encore dans le bureau de Daubrecq ? — So, in theory, concluded Arsène Lupin, the crystal stopper would still be in Daubrecq's office?

— S'il s'y trouvait avant la disparition de Daubrecq, il doit se trouver encore dans ce bureau. — If it was there before Daubrecq's disappearance, it must still be in that office. — Et sur la table de travail… — And on the work table...

— Sur sa table de travail ? Pourquoi dites-vous cela ?

— Parce que je le sais, dit Lupin, qui n'avait pas oublié la phrase de Sébastiani. — Because I know it, said Lupin, who had not forgotten Sébastiani's phrase. — Mais vous ne savez pas l'objet où le bouchon est dissimulé ? — But you don't know where the plug is hidden? — Non. — No.

Mais une table de travail, c'est un espace restreint. But a work table is a restricted space. En vingt minutes on l'explore. In twenty minutes it can be explored. En dix minutes s'il le faut, on la démolit. In ten minutes if necessary, it can be demolished. La conversation avait un peu fatigué Arsène Lupin. The conversation had tired Arsène Lupin a little. Comme il ne voulait commettre aucune imprudence, il dit à Clarisse : As he did not want to commit any imprudence, he said to Clarisse:

— Écoutez, je vous demande encore deux ou trois jours. "Listen, I ask you for two or three more days." Nous sommes aujourd'hui le lundi 4 mars. Today is Monday, March 4. Après-demain mercredi, jeudi au plus tard, je serai sur pied. The day after tomorrow, Wednesday at the latest, I will be on my feet. Et soyez certaine que nous réussirons. And rest assured that we will succeed.

— D'ici là ?… By then| - By then?... — D'ici là, retournez à Paris. — Until then, go back to Paris. Installez-vous avec Grognard et Le Ballu à l'hôtel Franklin, près du Trocadéro, et surveillez la maison de Daubrecq. Instálense||||||||||||Trocadero|||||| Settle in with Grognard and Le Ballu at the Franklin Hotel, near the Trocadéro, and keep an eye on Daubrecq's house. Vous y avez vos entrées libres. You have free access there. Stimulez le zèle des agents. Estimulen|||| Stimulate agent zeal.

— Si Daubrecq revient ?

— S'il revient, tant mieux, nous le tenons. — If he comes back, all the better, we have him. — Et s'il ne fait que passer ? — And if he just passes through? — En ce cas, Grognard et Le Ballu doivent le suivre. — In that case, Grognard and Le Ballu must follow him.

— Et s'ils perdent sa trace ? — And what if they lose his trail? Lupin ne répondit pas. Lupin did not answer.