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Anna Karénine de Léon Tolstoï, Anna Karénine - Partie I - Chapitre 3

Anna Karénine - Partie I - Chapitre 3

CHAPITRE III

Une fois habillé, Stépane Arcadiévitch se parfuma, arrangea ses manchettes, mit dans ses poches, suivant son habitude, ses cigarettes, son portefeuille, ses allumettes, sa montre avec une double chaîne et des breloques, chiffonna son mouchoir de poche et, malgré ses malheurs, se sentit frais, dispos, parfumé et physiquement heureux. Il se dirigea vers la salle à manger, où l'attendaient déjà son café, et près du café ses lettres et ses papiers.

Il parcourut les lettres. L'une d'elles était fort désagréable : c'était celle d'un marchand qui achetait du bois dans une terre de sa femme. Ce bois devait absolument être vendu ; mais, tant que la réconciliation n'aurait pas eu lieu, il ne pouvait être question de cette vente. C'eût été chose déplaisante que de mêler une affaire d'intérêt à l'affaire principale, celle de la réconciliation. Et la pensée qu'il pouvait être influencé par cette question d'argent lui sembla blessante. Après avoir lu ses lettres, Stépane Arcadiévitch attira vers lui ses papiers, feuilleta vivement deux dossiers, fit quelques notes avec un gros crayon et, repoussant ces paperasses, se mit enfin à déjeuner ; tout en prenant son café, il déplia son journal du matin, encore humide, et le parcourut.

Le journal que recevait Stépane Arcadiévitch était libéral, sans être trop avancé, et d'une tendance qui convenait à la majorité du public. Quoique Oblonsky ne s'intéressât guère ni à la science, ni aux arts, ni à la politique, il ne s'en tenait pas moins très fermement aux opinions de son journal sur toutes ces questions, et ne changeait de manière de voir que lorsque la majorité du public en changeait. Pour mieux dire, ses opinions le quittaient d'elles-mêmes après lui être venues sans qu'il prît la peine de les choisir ; il les adoptait comme les formes de ses chapeaux et de ses redingotes, parce que tout le monde les portait, et, vivant dans une société où une certaine activité intellectuelle devient obligatoire avec l'âge, les opinions lui étaient aussi nécessaires que les chapeaux. Si ses tendances étaient libérales plutôt que conservatrices, comme celles de bien des personnes de son monde, ce n'est pas qu'il trouvât les libéraux plus raisonnables, mais parce que leurs opinions cadraient mieux avec son genre de vie. Le parti libéral soutenait que tout allait mal en Russie, et c'était le cas pour Stépane Arcadiévitch, qui avait beaucoup de dettes et peu d'argent. Le parti libéral prétendait que le mariage est une institution vieillie qu'il est urgent de réformer, et pour Stépane Arcadiévitch la vie conjugale offrait effectivement peu d'agréments et l'obligeait à mentir et à dissimuler, ce qui répugnait à sa nature. Les libéraux disaient, ou plutôt faisaient entendre, que la religion n'est un frein que pour la partie inculte de la population, et Stépane Arcadiévitch, qui ne pouvait supporter l'office le plus court sans souffrir des jambes, ne comprenait pas pourquoi l'on s'inquiétait en termes effrayants et solennels de l'autre monde, quand il faisait si bon vivre dans celui-ci. Joignez à cela que Stépane Arcadiévitch ne détestait pas une bonne plaisanterie, et il s'amusait volontiers à scandaliser les gens tranquilles en soutenant que, du moment qu'on se glorifie de ses ancêtres, il ne convient pas de s'arrêter à Rurick et de renier l'ancêtre primitif, — le singe.

Les tendances libérales lui devinrent ainsi une habitude ; il aimait son journal comme son cigare après dîner, pour le plaisir de sentir un léger brouillard envelopper son cerveau.

Stépane Arcadiévitch parcourut le « leading article » dans lequel il était expliqué que de notre temps on s'inquiète bien à tort de voir le radicalisme menacer d'engloutir tous les éléments conservateurs, et qu'on a plus tort encore de supposer que le gouvernement doive prendre des mesures pour écraser l'hydre révolutionnaire. « À notre avis, au contraire, le danger ne vient pas de cette fameuse hydre révolutionnaire, mais de l'entêtement traditionnel qui arrête tout progrès », etc., etc. Il parcourut également le second article, un article financier où il était question de Bentham et de Mill, avec quelques pointes à l'adresse du ministère. Prompt à tout s'assimiler, il saisissait chacune des allusions, devinait d'où elle partait et à qui elle s'adressait, ce qui d'ordinaire l'amusait beaucoup, mais ce jour-là son plaisir était gâté par le souvenir des conseils de Matrona Philémonovna et par le sentiment du malaise qui régnait dans la maison. Il parcourut tout le journal, apprit que le comte de Beust était parti pour Wiesbaden, qu'il n'existait plus de cheveux gris, qu'il se vendait une calèche, qu'une jeune personne cherchait une place, et ces nouvelles ne lui procurèrent pas la satisfaction tranquille et légèrement ironique qu'il éprouvait habituellement. Après avoir terminé sa lecture, pris une seconde tasse de café avec du kalatch et du beurre, il se leva, secoua les miettes qui s'étaient attachées à son gilet, et sourit de plaisir, tout en redressant sa large poitrine ; ce n'est pas qu'il eût rien de particulièrement gai dans l'âme, ce sourire était simplement le résultat d'une excellente digestion.

Mais ce sourire lui rappela tout, et il se prit à réfléchir.

Deux voix d'enfants bavardaient derrière la porte ; Stépane Arcadiévitch reconnut celles de Grisha, son plus jeune fils, et de Tania, sa fille aînée. Ils traînaient quelque chose qu'ils avaient renversé.

« J'avais bien dit qu'il ne fallait pas mettre les voyageurs sur l'impériale, criait la petite fille en anglais ; ramasse maintenant !

— Tout va de travers, pensa Stépane Arcadiévitch, les enfants ne sont plus surveillés », et, s'approchant de la porte, il les appela. Les petits abandonnèrent la boîte qui leur représentait un chemin de fer, et accoururent.

Tania entra hardiment et se suspendit en riant au cou de son père, dont elle était la favorite, s'amusant comme d'habitude à respirer le parfum bien connu qu'exhalaient ses favoris ; après avoir embrassé ce visage, que la tendresse autant que la pose forcément inclinée avaient rougi, la petite détacha ses bras et voulut s'enfuir, mais le père la retint.

« Que fait maman ? demanda-t-il en passant la main sur le petit cou blanc et délicat de sa fille. — Bonjour », dit-il en souriant à son petit garçon qui s'approchait à son tour. Il s'avouait qu'il aimait moins son fils et cherchait toujours à le dissimuler, mais l'enfant comprenait la différence et ne répondit pas au sourire forcé de son père.

« Maman ? elle est levée », dit Tania.

Stépane Arcadiévitch soupira.

« Elle n'aura pas dormi de la nuit, » pensa-t-il.

« Est-elle gaie ? La petite fille savait qu'il se passait quelque chose de grave entre ses parents, que sa mère ne pouvait être gaie et que son père feignait de l'ignorer en lui faisant si légèrement cette question. Elle rougit pour son père. Celui-ci la comprit et rougit à son tour.

« Je ne sais pas, répondit l'enfant. Elle ne veut pas que nous prenions nos leçons ce matin et nous envoie avec miss Hull chez grand'maman.

— Eh bien, vas-y, ma Tania. Mais attends un moment », ajouta-t-il en la retenant et en caressant sa petite main délicate.

Il chercha sur la cheminée une boîte de bonbons qu'il y avait placée la veille, et prit deux bonbons qu'il lui donna, en ayant eu soin de choisir ceux qu'elle préférait.

« C'est aussi pour Grisha ? dit la petite.

— Oui, oui. » Et avec une dernière caresse à ses petites épaules et un baiser sur ses cheveux et son cou, il la laissa partir.

« La voiture est avancée, vint annoncer Matvei. Et il y a là une solliciteuse, ajouta-t-il.

— Depuis longtemps ? demanda Stépane Arcadiévitch.

— Une petite demi-heure.

— Combien de fois ne t'ai-je pas ordonné de me prévenir immédiatement.

— Il faut bien cependant vous donner le temps de déjeuner, repartit Matvei d'un ton bourru, mais amical, qui ôtait toute envie de le gronder.

— Eh bien, fais vite entrer », dit Oblonsky en fronçant le sourcil de dépit.

La solliciteuse, femme d'un capitaine Kalinine, demandait une chose impossible et qui n'avait pas le sens commun ; mais Stépane Arcadiévitch la fit asseoir, l'écouta sans l'interrompre, lui dit comment et à qui il fallait s'adresser, et lui écrivit même un billet de sa belle écriture bien nette pour la personne qui pouvait l'aider. Après avoir congédié la femme du capitaine, Stépane Arcadiévitch prit son chapeau et s'arrêta en se demandant s'il n'oubliait pas quelque chose. Il n'avait oublié que ce qu'il souhaitait ne pas avoir à se rappeler, sa femme.

Sa belle figure prit une expression de mécontentement. « Faut-il ou ne faut-il pas y aller ? » se demanda-t-il en baissant la tête. Une voix intérieure lui disait que mieux valait s'abstenir, parce qu'il n'y avait que fausseté et mensonge à attendre d'un rapprochement. Pouvait-il rendre Dolly attrayante comme autrefois, et lui-même pouvait-il se faire vieux et incapable d'aimer ?

« Et cependant il faudra bien en venir là, les choses ne peuvent rester ainsi », se disait-il en s'efforçant de se donner du courage. Il se redressa, prit une cigarette, l'alluma, en tira deux bouffées, la rejeta dans un cendrier de nacre, et, traversant enfin le salon à grands pas, il ouvrit une porte qui donnait dans la chambre de sa femme.

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Anna Karénine - Partie I - Chapitre 3 Anna Karenina - Teil I - Kapitel 3 Anna Karenina - Part I - Chapter 3 Anna Karenina - Bölüm I - Bölüm 3

CHAPITRE III

Une fois habillé, Stépane Arcadiévitch se parfuma, arrangea ses manchettes, mit dans ses poches, suivant son habitude, ses cigarettes, son portefeuille, ses allumettes, sa montre avec une double chaîne et des breloques, chiffonna son mouchoir de poche et, malgré ses malheurs, se sentit frais, dispos, parfumé et physiquement heureux. |||||||||манжеты|||||||||||||||||||||||чеканил||платок||||||||||расположил|парфюмировал||| ||||||perfumed|||cuffs|||||||||||wallet||matches||watch|||||||trinkets|crumpled||handkerchief||||||||||disposed|||| Una vez|Una vez|vestido|Esteban Arcadievich||se sintió|se perfumó|arregló|sus|puños de camisa|puso en|||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||anheng||||||||||||||||| Once dressed, Stépane Arcadiévitch put on his perfume, arranged his cuffs, put in his pockets, as usual, his cigarettes, his wallet, his matches, his watch with a double chain and charms, crumpled his pocket handkerchief and, despite his woes, felt fresh, refreshed, fragrant and physically happy. Il se dirigea vers la salle à manger, où l’attendaient déjà son café, et près du café ses lettres et ses papiers. ||headed||||||||||||||||||| He went to the dining room, where his coffee was already waiting for him, and near the cafe his letters and papers.

Il parcourut les lettres. He went through the letters. L’une d’elles était fort désagréable : c’était celle d’un marchand qui achetait du bois dans une terre de sa femme. |||||||||||||||land||| One of them was very unpleasant: it was that of a merchant who bought wood in his wife's land. Один из них был очень неприятным: купец, покупающий дрова на земле своей жены. Ce bois devait absolument être vendu ; mais, tant que la réconciliation n’aurait pas eu lieu, il ne pouvait être question de cette vente. ||had to||be|||as long|that||reconciliation|would not|||place|||||||| This wood absolutely had to be sold; but as long as the reconciliation did not take place, there could be no question of this sale. Древесину нужно было продать, но пока примирение не состоялось, о продаже не могло быть и речи. C’eût été chose déplaisante que de mêler une affaire d’intérêt à l’affaire principale, celle de la réconciliation. было бы||||||мешать|||||||||| Would have||||||mix|||||||||| It would have been unpleasant to mix a matter of interest with the main matter, that of reconciliation. Неприятно было бы смешивать интересный вопрос с главным - вопросом примирения. Et la pensée qu’il pouvait être influencé par cette question d’argent lui sembla blessante. |||||||||||||обидной |||||||||||||hurtful |||||||||||||sårende And the thought that he could be swayed by this money issue seemed hurtful. Après avoir lu ses lettres, Stépane Arcadiévitch attira vers lui ses papiers, feuilleta vivement deux dossiers, fit quelques notes avec un gros crayon et, repoussant ces paperasses, se mit enfin à déjeuner ; tout en prenant son café, il déplia son journal du matin, encore humide, et le parcourut. ||||||||||||просмотрел||||||||||||||бумажки||||||||||||разложил||||||||| |||||||drew|||||leafed|||files|made||||||||||papers||||||||||||unfold|||||||||skimmed ||||||||||||||||||||||||||papirer||||||||||||||||||||| After reading his letters, Stépane Arcadiévitch drew his papers towards him, leafed quickly through two files, made a few notes with a large pencil and, pushing away these paperwork, finally set to lunch; while taking his coffee, he unfolded his morning paper, still damp, and scanned it. Прочитав письма, Степан Аркадьевич придвинул к себе свои бумаги, пролистал две папки, сделал несколько пометок толстым карандашом и, отодвинув бумаги в сторону, принялся за завтрак. Попивая кофе, он развернул утреннюю газету, еще влажную, и пролистал ее.

Le journal que recevait Stépane Arcadiévitch était libéral, sans être trop avancé, et d’une tendance qui convenait à la majorité du public. ||||||||||||||||подходила||||| ||||||||||||||tendency||suited||||| The newspaper that Stépane Arcadiévitch received was liberal, without being too advanced, and of a tendency which suited the majority of the public. Газета, которую получал Степан Аркадьевич, была либеральной, не слишком передовой, и имела тенденцию, которая устраивала большинство публики. Quoique Oblonsky ne s’intéressât guère ni à la science, ni aux arts, ni à la politique, il ne s’en tenait pas moins très fermement aux opinions de son journal sur toutes ces questions, et ne changeait de manière de voir que lorsque la majorité du public en changeait. Although|||was interested|hardly|||||||||||politics|||||||||||||||||||||||||||||||| Although Oblonsky had little interest in science, the arts, or politics, he still held firm to the opinions of his journal on all of these questions, and changed his mind only when the majority of the public changed it. Хотя Облонский мало интересовался наукой, искусством или политикой, он, тем не менее, твердо придерживался мнения своей газеты по всем этим вопросам и менял свои взгляды только тогда, когда это делало большинство общественности. Pour mieux dire, ses opinions le quittaient d’elles-mêmes après lui être venues sans qu’il prît la peine de les choisir ; il les adoptait comme les formes de ses chapeaux et de ses redingotes, parce que tout le monde les portait, et, vivant dans une société où une certaine activité intellectuelle devient obligatoire avec l’âge, les opinions lui étaient aussi nécessaires que les chapeaux. |||||||||||||||принял||||||||принимал||||||||||рединготы|||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||of|||||||||||||||frock coats|||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||adopterte|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| To put it better, his opinions left him after they came to him without him taking the trouble to choose them; he adopted them as the forms of his hats and frock coats, because everyone wore them, and, living in a society where a certain intellectual activity becomes compulsory with age, opinions were as necessary to him as hats. Говоря иначе, мнения покинули его сами собой, пришли к нему, не дав ему труда их выбрать; он принял их, как формы своих шляп и фраков, потому что их носили все остальные, и, живя в обществе, где определенная интеллектуальная активность становится обязательной с возрастом, мнения были для него столь же необходимы, как шляпы. Si ses tendances étaient libérales plutôt que conservatrices, comme celles de bien des personnes de son monde, ce n’est pas qu’il trouvât les libéraux plus raisonnables, mais parce que leurs opinions cadraient mieux avec son genre de vie. |||||||||||||||||||||||||||||||соответствовали|||||| ||||||||||||||||||||||||||but|||||aligned|||||| |||||||||||||||||||||||||||||||passet|||||| If his tendencies were liberal rather than conservative, like those of many people in his world, it was not that he found the Liberals more reasonable, but because their opinions were better suited to his way of life. Если он и склонялся к либеральным, а не консервативным взглядам, как многие люди в его мире, то не потому, что считал либералов более разумными, а потому, что их мнение больше соответствовало его образу жизни. Le parti libéral soutenait que tout allait mal en Russie, et c’était le cas pour Stépane Arcadiévitch, qui avait beaucoup de dettes et peu d’argent. |||supported||||||||||||||||||debts||| The Liberal Party maintained that everything was going wrong in Russia, and this was the case for Stépane Arcadiévitch, who had a lot of debt and little money. Le parti libéral prétendait que le mariage est une institution vieillie qu’il est urgent de réformer, et pour Stépane Arcadiévitch la vie conjugale offrait effectivement peu d’agréments et l’obligeait à mentir et à dissimuler, ce qui répugnait à sa nature. ||||||||||||||||||||||супружеская||||||||||||||репугала||| |||claimed||||||||it|||||||||||conjugal||||of pleasures|||||||dissimulate|||repulsed||| The Liberal Party claimed that marriage is an old institution that needs urgent reform, and for Stépane Arcadiévitch conjugal life actually offered few amenities and forced her to lie and conceal, which was repugnant to her nature. Либеральная партия утверждала, что брак - это устаревший институт, нуждающийся в реформе, а для Стефана Аркадьевича супружеская жизнь не сулила особых удовольствий и заставляла лгать и скрытничать, что было противно его натуре. Les libéraux disaient, ou plutôt faisaient entendre, que la religion n’est un frein que pour la partie inculte de la population, et Stépane Arcadiévitch, qui ne pouvait supporter l’office le plus court sans souffrir des jambes, ne comprenait pas pourquoi l’on s’inquiétait en termes effrayants et solennels de l’autre monde, quand il faisait si bon vivre dans celui-ci. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||соленнелы|||||||||||| ||said||rather|were making|hear||||is||restraint|||||uncultured|||||||||could|||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||ukult||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| The Liberals said, or rather made it heard, that religion is a brake only for the uncultivated part of the population, and Stépane Arcadiévitch, who could not bear the shortest service without suffering from the legs, did not understand why l 'we were worried in frightening and solemn terms about the other world, when it was so good to live in this one. Либералы говорили, вернее, давали понять, что религия - лишь тормоз для необразованной части населения, а Степан Аркадьевич, который не мог выдержать и самой короткой службы, не страдая от боли в ногах, не понимал, почему люди в пугающих и торжественных выражениях беспокоятся о потустороннем мире, когда так хорошо жить в этом. Joignez à cela que Stépane Arcadiévitch ne détestait pas une bonne plaisanterie, et il s’amusait volontiers à scandaliser les gens tranquilles en soutenant que, du moment qu’on se glorifie de ses ancêtres, il ne convient pas de s’arrêter à Rurick et de renier l’ancêtre primitif, — le singe. |||||||||||||||||скандалить|||||||||||гордится|||||||||||Рюрик|||ренер|||| |||||||||||||||||||||||||||||||Vorfahren||||||||Rurik||||||| |||||||||||||||||scandalize|||||||||||||||||||||||||renounce||||monkey |||||||||||||||||skandalisere||||||||||||||||||||||Rurik|||fornekte|||| Add to this that Stépane Arcadiévitch did not hate a good joke, and he gladly amused himself to scandalize quiet people by maintaining that, as long as one prides himself on his ancestors, it is not appropriate to stop at Rurick and to deny the primitive ancestor, - the monkey. К этому следует добавить, что Степан Аркадьевич был не прочь пошутить и с удовольствием скандалил с тихими людьми, утверждая, что раз уж человек гордится своими предками, то не стоит останавливаться на Рюрике и отрицать первобытного предка, обезьяну.

Les tendances libérales lui devinrent ainsi une habitude ; il aimait son journal comme son cigare après dîner, pour le plaisir de sentir un léger brouillard envelopper son cerveau. |||||||||||||||||||||||||envelop|| Liberal tendencies thus became his habit; he loved his newspaper like his cigar after dinner, for the pleasure of feeling a light mist envelop his brain.

Stépane Arcadiévitch parcourut le « leading article » dans lequel il était expliqué que de notre temps on s’inquiète bien à tort de voir le radicalisme menacer d’engloutir tous les éléments conservateurs, et qu’on a plus tort encore de supposer que le gouvernement doive prendre des mesures pour écraser l’hydre révolutionnaire. ||||ведущая|||||||||||||||||||радикализм||поглотить|||||||||ошибочно|||||||||||||гидра| ||||leading|||||||||||||||||||||engulf||||||||||||||||||||||the hydra| ||||lederartikkel|||||||||||||||||||||sluke||||||||||||||||||||||| Stépane Arcadiévitch went through the "leading article" in which it was explained that in our time we are wrongly worried about seeing radicalism threaten to engulf all the conservative elements, and that we are even more wrong to assume that the government must take steps to crush the revolutionary hydra. Степан Аркадьевич прочитал "передовую статью", в которой объяснялось, что в наше время люди совершенно ошибочно опасаются, что радикализм грозит поглотить все консервативные элементы, и что еще более ошибочно полагать, что правительство должно принять меры, чтобы раздавить революционную гидру. « À notre avis, au contraire, le danger ne vient pas de cette fameuse hydre révolutionnaire, mais de l’entêtement traditionnel qui arrête tout progrès », etc., etc. |||||||||||||гидра||||упрямство||||||| ||opinion|||||||||this||hydra||||the stubbornness||||||| |||||||||||||hydra||||||||||| "In our opinion, on the contrary, the danger does not come from this famous revolutionary hydra, but from the traditional stubbornness that halts all progress", etc., etc. Il parcourut également le second article, un article financier où il était question de Bentham et de Mill, avec quelques pointes à l’adresse du ministère. ||||||||||||||Бентам|||||||||| ||||||||||||||Bentham|||Mill||||||| He also read the second article, a financial article on Bentham and Mill, with a few tips for the department. Prompt à tout s’assimiler, il saisissait chacune des allusions, devinait d’où elle partait et à qui elle s’adressait, ce qui d’ordinaire l’amusait beaucoup, mais ce jour-là son plaisir était gâté par le souvenir des conseils de Matrona Philémonovna et par le sentiment du malaise qui régnait dans la maison. ||||||||намёки||||||||||||обычно|развлекало|||||||||испорчен||||||||||||||недомогание||||| |||assimilate||was grasping|||||||||||||||||||||||||spoiled|||||||Matrona|||||||||reigned||| Prompt to assimilate everything, he caught each of the allusions, guessed where it was coming from and to whom it was addressed, which usually amused him a lot, but that day his pleasure was spoiled by the memory of advice from Matrona Philemonovna and the feeling of uneasiness that reigned in the house. Быстро впитывая все, он улавливал каждый намек, догадывался, откуда и кому он адресован, что обычно очень забавляло его, но в тот день удовольствие было испорчено воспоминанием о совете Матрены Филемоновны и чувством тревоги, царившим в доме. Il parcourut tout le journal, apprit que le comte de Beust était parti pour Wiesbaden, qu’il n’existait plus de cheveux gris, qu’il se vendait une calèche, qu’une jeune personne cherchait une place, et ces nouvelles ne lui procurèrent pas la satisfaction tranquille et légèrement ironique qu’il éprouvait habituellement. ||||||||||||||Висбаден|||||||||||коляска|||||||||||||||||||||| ||||||||||Beust|||||||||||||||carriage||||||||||||procured||||||slightly|||| ||||||||||Beust||||Wiesbaden|||||||||||vogn||||||||||||ga|||||||||| He scanned the whole newspaper, learned that Count de Beust had left for Wiesbaden, that there was no longer gray hair, that he was selling a horse-drawn carriage, that a young person was looking for a place, and this news did not suit him. not provide the quiet, slightly ironic satisfaction he usually experienced. Он бегло просмотрел газету, узнал, что граф Бойст уехал в Висбаден, что седых волос больше нет, что продается карета, что молодой человек ищет место, и эти новости не вызвали у него того спокойного и слегка ироничного удовлетворения, которое он обычно испытывал. Après avoir terminé sa lecture, pris une seconde tasse de café avec du kalatch et du beurre, il se leva, secoua les miettes qui s’étaient attachées à son gilet, et sourit de plaisir, tout en redressant sa large poitrine ; ce n’est pas qu’il eût rien de particulièrement gai dans l’âme, ce sourire était simplement le résultat d’une excellente digestion. |||||||||||||калатч|||||||стряхнул||крошки|||||||||||||redressant||||||||||||||||||||||| ||||||||cup|||||bread roll|||||||||crumbs|||||||||||||||||||||had||||cheerful||the soul||||||||excellent| |||||||||||||kalatch||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| After finishing his reading, having a second cup of coffee with kalatch and butter, he got up, shook the crumbs that had attached to his waistcoat, and smiled in pleasure, while straightening his large chest; it's not that there was anything particularly cheerful about the soul, that smile was simply the result of excellent digestion. Закончив читать, он выпил вторую чашку кофе с калачом и маслом, встал, стряхнул крошки, прилипшие к жилету, и с удовольствием улыбнулся, расправив широкую грудь; не то чтобы в душе у него было что-то особенно веселое, просто это был результат отличного пищеварения.

Mais ce sourire lui rappela tout, et il se prit à réfléchir. But that smile reminded him of everything, and he began to think.

Deux voix d’enfants bavardaient derrière la porte ; Stépane Arcadiévitch reconnut celles de Grisha, son plus jeune fils, et de Tania, sa fille aînée. ||||||||||||Гриша|||||||Таня||| Two|||were chatting||||||||||||||||Tania|||eldest ||||||||||||Grisha|||||||Tania||| Two children's voices chatted behind the door; Stépane Arcadiévitch recognized those of Grisha, his youngest son, and Tania, his eldest daughter. Ils traînaient quelque chose qu’ils avaient renversé. |were dragging|||||spilled They were dragging something they had spilled. Они тащили что-то пролитое.

« J’avais bien dit qu’il ne fallait pas mettre les voyageurs sur l’impériale, criait la petite fille en anglais ; ramasse maintenant ! |||||||||||верхний этаж автобуса|||||||поднимай| |||||||||||the roof rack|||||||pick up| |||||||||||taket|||||||| "I had said that travelers should not be put on the imperial," cried the little girl in English; pick up now! Я же говорила, что нельзя сажать пассажиров на империал, - крикнула девочка по-английски, - поднимите его сейчас же!

— Tout va de travers, pensa Stépane Arcadiévitch, les enfants ne sont plus surveillés », et, s’approchant de la porte, il les appela. ||||||||||||под наблюдением|||||||| ||||||||||||monitored|||||||| - Everything is going wrong, thought Stépane Arcadiévitch, the children are no longer watched », and, approaching the door, he called them. Les petits abandonnèrent la boîte qui leur représentait un chemin de fer, et accoururent. |||||||||||||прибежали ||||box|||||track||rail||rushed

Tania entra hardiment et se suspendit en riant au cou de son père, dont elle était la favorite, s’amusant comme d’habitude à respirer le parfum bien connu qu’exhalaient ses favoris ; après avoir embrassé ce visage, que la tendresse autant que la pose forcément inclinée avaient rougi, la petite détacha ses bras et voulut s’enfuir, mais le père la retint. |||||повесилась||||||||||||||||||||||||||||||||||||||наклонившись||||||||||||||| ||boldly|||||laughing||neck|||||||||||||breathe|||||exhaled|||||||||||||||inevitably|||reddened|||||||wanted|escape|||||held back |||||||||||||||||||||||||||utstrålte||||||||||||||||||||||||||||||| Tania entered boldly and laughed as she hung on her father's neck, of whom she was the favorite, amusing herself as usual by breathing in the familiar scent that emanated from his whiskers; after kissing his face, which tenderness as well as the inevitably tilted pose had reddened, the little girl let go of her arms and tried to escape, but her father held her back.

« Que fait maman ? demanda-t-il en passant la main sur le petit cou blanc et délicat de sa fille. — Bonjour », dit-il en souriant à son petit garçon qui s’approchait à son tour. Il s’avouait qu’il aimait moins son fils et cherchait toujours à le dissimuler, mais l’enfant comprenait la différence et ne répondit pas au sourire forcé de son père. |||||||||always|||disguise|||||||||||||||

« Maman ? elle est levée », dit Tania.

Stépane Arcadiévitch soupira.

« Elle n’aura pas dormi de la nuit, » pensa-t-il. « She won't have slept all night, » he thought.

« Est-elle gaie ? « Is she cheerful? » La petite fille savait qu’il se passait quelque chose de grave entre ses parents, que sa mère ne pouvait être gaie et que son père feignait de l’ignorer en lui faisant si légèrement cette question. |||||||||||||||||||||||||feigned||||||||| The little girl knew that something serious was happening between her parents, that her mother couldn't be cheerful and that her father pretended to ignore it by asking her this question so casually. Elle rougit pour son père. Celui-ci la comprit et rougit à son tour. |||||blushed||| He understood it and blushed in turn.

« Je ne sais pas, répondit l’enfant. "I don't know," replied the child. Elle ne veut pas que nous prenions nos leçons ce matin et nous envoie avec miss Hull chez grand’maman. ||||||||||||||||fru Hull||bestemor She doesn't want us to have our lessons this morning and is sending us with Miss Hull to grandma's.

— Eh bien, vas-y, ma Tania. Mais attends un moment », ajouta-t-il en la retenant et en caressant sa petite main délicate.

Il chercha sur la cheminée une boîte de bonbons qu’il y avait placée la veille, et prit deux bonbons qu’il lui donna, en ayant eu soin de choisir ceux qu’elle préférait. ||||||||candies|||||||||||||||||||||| He looked on the mantelpiece for a box of candy that he had placed there the day before, and took two candies which he gave him, having taken care to choose those which she preferred.

« C’est aussi pour Grisha ? dit la petite.

— Oui, oui. » Et avec une dernière caresse à ses petites épaules et un baiser sur ses cheveux et son cou, il la laissa partir. ||||||||shoulders|||kiss|||||||||| And with a last caress on her little shoulders and a kiss on her hair and her neck, he let her go.

« La voiture est avancée, vint annoncer Matvei. Et il y a là une solliciteuse, ajouta-t-il. ||||||applicant||| ||||||innsamler||| And there is a canvasser there, he added.

— Depuis longtemps ? demanda Stépane Arcadiévitch.

— Une petite demi-heure. - Half an hour.

— Combien de fois ne t’ai-je pas ordonné de me prévenir immédiatement. |||||||ordered|||prevent| - How many times have I ordered you to notify me immediately.

— Il faut bien cependant vous donner le temps de déjeuner, repartit Matvei d’un ton bourru, mais amical, qui ôtait toute envie de le gronder. ||||||||||||||gruff|||||||||reprimand ||||||||||||||gruff|||||||||skjenne "But you must at least give yourself time to have lunch," Matvei replied in a gruff but friendly tone that took away any desire to scold him.

— Eh bien, fais vite entrer », dit Oblonsky en fronçant le sourcil de dépit. ||||||||frowning||||displeasure "Well, come in quickly," said Oblonsky, frowning in spite.

La solliciteuse, femme d’un capitaine Kalinine, demandait une chose impossible et qui n’avait pas le sens commun ; mais Stépane Arcadiévitch la fit asseoir, l’écouta sans l’interrompre, lui dit comment et à qui il fallait s’adresser, et lui écrivit même un billet de sa belle écriture bien nette pour la personne qui pouvait l’aider. |applicant||||Kalinine|||||||||||||||||sit|||interrupt|||||||||||||||||||writing||neat|||||| |||||Kalinine||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| The applicant, wife of Captain Kalinine, asked for something impossible and lacking common sense; but Stépane Arcadiévitch made her sit down, listened to her without interrupting, told her how and to whom she should address herself, and even wrote a note in his beautiful clear handwriting for the person who could help her. Après avoir congédié la femme du capitaine, Stépane Arcadiévitch prit son chapeau et s’arrêta en se demandant s’il n’oubliait pas quelque chose. ||dismissed||||||||||||||||||| After dismissing the captain's wife, Stépane Arcadiévitch took his hat and stopped, wondering if he was forgetting something. Il n’avait oublié que ce qu’il souhaitait ne pas avoir à se rappeler, sa femme. He had only forgotten what he wished not to remember, his wife.

Sa belle figure prit une expression de mécontentement. |||||||discontent Her beautiful face took on an expression of discontent. « Faut-il ou ne faut-il pas y aller ? » se demanda-t-il en baissant la tête. Une voix intérieure lui disait que mieux valait s’abstenir, parce qu’il n’y avait que fausseté et mensonge à attendre d’un rapprochement. |||||||was better|abstain||||||falseness||lie||||reconciliation Pouvait-il rendre Dolly attrayante comme autrefois, et lui-même pouvait-il se faire vieux et incapable d’aimer ? ||||attractive|||||himself|||||||| Could he make Dolly attractive again as she once was, and could he himself become old and incapable of loving?

« Et cependant il faudra bien en venir là, les choses ne peuvent rester ainsi », se disait-il en s’efforçant de se donner du courage. ||||||||||||||||||struggling||||| "And yet, we must come to that, things cannot remain as they are," he told himself, trying to give himself courage. Il se redressa, prit une cigarette, l’alluma, en tira deux bouffées, la rejeta dans un cendrier de nacre, et, traversant enfin le salon à grands pas, il ouvrit une porte qui donnait dans la chambre de sa femme. ||straightened up||||||||puffs|||||ashtray||mother-of-pearl|||||||||||||||||||| He straightened up, took a cigarette, lit it, took two puffs, discarded it in a mother-of-pearl ashtray, and finally, crossing the living room in long strides, he opened a door leading to his wife's bedroom.