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Les Enfants du capitaine Grant (Jules Verne), DEUXIÈME PARTIE: Chapitre XVII Les éleveurs millionnaires

DEUXIÈME PARTIE: Chapitre XVII Les éleveurs millionnaires

Chapitre XVII _Les éleveurs millionnaires_

Après une nuit tranquillement passée par 146°15' de longitude, les voyageurs, le 6 janvier, à sept heures du matin, continuèrent à traverser le vaste district. Ils marchaient toujours vers le soleil levant, et les empreintes de leurs pas traçaient sur la plaine une ligne rigoureusement droite. Deux fois, ils coupèrent des traces de squatters qui se dirigeaient vers le nord, et alors ces diverses empreintes se seraient confondues, si le cheval de Glenarvan n'eût laissé sur la poussière la marque de Black-Point, reconnaissable à ses deux trèfles. La plaine était parfois sillonnée de creeks capricieux, entourés de buis, aux eaux plutôt temporaires que permanentes. Ils prenaient naissance sur les versants des «Buffalos-Ranges», chaîne de médiocres montagnes dont la ligne pittoresque ondulait à l'horizon. On résolut d'y camper le soir même. Ayrton pressa son attelage, et, après une journée de trente-cinq milles, les bœufs arrivèrent, un peu fatigués. La tente fut dressée sous de grands arbres; la nuit était venue, le souper fut rapidement expédié. On songeait moins à manger qu'à dormir, après une marche pareille. Paganel, à qui revenait le premier quart, ne se coucha pas, et, sa carabine à l'épaule, il veilla sur le campement, se promenant de long en large pour mieux résister au sommeil. Malgré l'absence de la lune, la nuit était presque lumineuse sous l'éclat des constellations australes. Le savant s'amusait à lire dans ce grand livre du firmament toujours ouvert et si intéressant pour qui sait le comprendre. Le profond silence de la nature endormie n'était interrompu que par le bruit des entraves qui retentissaient aux pieds des chevaux. Paganel se laissait donc entraîner à ses méditations astronomiques, et il s'occupait plus des choses du ciel que des choses de la terre, quand un son lointain le tira de sa rêverie. Il prêta une oreille attentive, et, à sa grande stupéfaction, il crut reconnaître les sons d'un piano; quelques accords, largement arpégés, envoyaient jusqu'à lui leur sonorité frémissante. Il ne pouvait s'y tromper. «Un piano dans le désert! Se dit Paganel. Voilà ce que je n'admettrai jamais.» C'était très surprenant, en effet, et Paganel aima mieux croire que quelque étrange oiseau d'Australie imitait les sons d'un Pleyel ou d'un Érard, comme d'autres imitent des bruits d'horloge et de rémouleur. Mais, en ce moment, une voix purement timbrée s'éleva dans les airs. Le pianiste était doublé d'un chanteur. Paganel écouta sans vouloir se rendre.

Cependant après quelques instants, il fut forcé de reconnaître l'air sublime qui frappait son oreille. C'était _il mio tesoro tanto_, du _Don Juan_. «Parbleu! Pensa le géographe, si bizarres que soient les oiseaux australiens, et quand ce seraient les perroquets les plus musiciens du monde, ils ne peuvent pas chanter du Mozart!»

Puis il écouta jusqu'au bout cette sublime inspiration du maître. L'effet de cette suave mélodie, portée à travers une nuit limpide, était indescriptible. Paganel demeura longtemps sous ce charme inexprimable; puis la voix se tut, et tout rentra dans le silence.

Quand Wilson vint relever Paganel, il le trouva plongé dans une rêverie profonde. Paganel ne dit rien au matelot; il se réserva d'instruire Glenarvan, le lendemain, de cette particularité, et il alla se blottir sous la tente. Le lendemain, toute la troupe était réveillée par des aboiements inattendus. Glenarvan se leva aussitôt.

Deux magnifiques «pointers», hauts sur pied, admirables spécimens du chien d'arrêt de race anglaise, gambadaient sur la lisière d'un petit bois. À l'approche des voyageurs, ils rentrèrent sous les arbres en redoublant leurs cris. «Il y a donc une station dans ce désert, dit Glenarvan, et des chasseurs, puisque voilà des chiens de chasse?»

Paganel ouvrait déjà la bouche pour raconter ses impressions de la nuit passée, quand deux jeunes gens apparurent, montant deux chevaux de sang de toute beauté, de véritables «hunters.»

Les deux gentlemen, vêtus d'un élégant costume de chasse, s'arrêtèrent à la vue de la petite troupe campée à la façon bohémienne. Ils semblaient se demander ce que signifiait la présence de gens armés en cet endroit, quand ils aperçurent les voyageuses qui descendaient du chariot. Aussitôt, ils mirent pied à terre, et ils s'avancèrent vers elles, le chapeau à la main. Lord Glenarvan vint à leur rencontre, et, en sa qualité d'étranger, il déclina ses noms et qualités. Les jeunes gens s'inclinèrent, et l'un d'eux, le plus âgé, dit: «_mylord_, ces dames, vos compagnons et vous, voulez-vous nous faire l'honneur de vous reposer dans notre habitation? --Messieurs?... Dit Glenarvan.

--Michel et Sandy Patterson, propriétaires de Hottam-Station. Vous êtes déjà sur les terres de l'établissement et vous n'avez pas un quart de mille à faire. --Messieurs, répondit Glenarvan, je ne voudrais pas abuser d'une hospitalité si gracieusement offerte... --_Mylord_, reprit Michel Patterson, en acceptant, vous obligez de pauvres exilés qui seront trop heureux de vous faire les honneurs du désert.»

Glenarvan s'inclina en signe d'acquiescement. «Monsieur, dit alors Paganel, s'adressant à Michel Patterson, serais-je indiscret en vous demandant si c'est vous qui chantiez hier cet air du divin Mozart? --C'est moi, monsieur, répondit le gentleman, et mon cousin Sandy m'accompagnait. --Eh bien! Monsieur, reprit Paganel, recevez les sincères compliments d'un français, admirateur passionné de cette musique.» Paganel tendit la main au jeune gentleman, qui la prit d'un air fort aimable. Puis, Michel Patterson indiqua vers la droite la route à suivre. Les chevaux avaient été laissés aux soins d'Ayrton et des matelots. Ce fut donc à pied, causant et admirant, que les voyageurs, guidés par les deux jeunes gens, se rendirent à l'habitation d'Hottam-Station. C'était vraiment un établissement magnifique, tenu avec la sévérité rigoureuse des parcs anglais. D'immenses prairies, encloses de barrières grises, s'étendaient à perte de vue. Là, paissaient les bœufs par milliers, et les moutons par millions. De nombreux bergers et des chiens plus nombreux encore gardaient cette tumultueuse armée. Aux beuglements et aux bêlements se mêlaient l'aboiement des dogues et le claquement strident des _stockwhipps_. Vers l'est, le regard s'arrêtait sur une lisière de _myalls_ et de gommiers, que dominait à sept mille cinq cents pieds dans les airs la cime imposante du mont Hottam. De longues avenues d'arbres verts à feuilles persistantes rayonnaient dans toutes les directions. Çà et là se massaient d'épais taillis de «grass-trees», arbustes hauts de dix pieds, semblables au palmier nain, et perdus dans leur chevelure de feuilles étroites et longues. L'air était embaumé du parfum des lauriers-menthes, dont les bouquets de fleurs blanches, alors en pleine floraison, dégageaient les plus fines senteurs aromatiques. Aux groupes charmants de ces arbres indigènes se mariaient les productions transplantées des climats européens. Le pêcher, le poirier, le pommier, le figuier, l'oranger, le chêne lui-même, furent salués par les hurrahs des voyageurs, et ceux-ci, s'ils ne s'étonnèrent pas trop de marcher à l'ombre des arbres de leur pays, s'émerveillèrent, du moins, à la vue des oiseaux qui voltigeaient entre les branches, les «satin-birds» au plumage soyeux, et les séricules, vêtus mi-partie d'or et de velours noir. Entre autres, et pour la première fois, il leur fut donné d'admirer le «menure», c'est l'oiseau-lyre, dont l'appendice caudal figure le gracieux instrument d'Orphée. Il fuyait entre les fougères arborescentes, et lorsque sa queue frappait les branches, on s'étonnait presque de ne pas entendre ces harmonieux accords dont s'inspirait Amphion pour rebâtir les murs de Thèbes. Paganel avait envie d'en jouer. Cependant, lord Glenarvan ne se contentait pas d'admirer les féeriques merveilles de cette oasis improvisée dans le désert australien. Il écoutait le récit des jeunes gentlemen. En Angleterre, au milieu de ses campagnes civilisées, le nouvel arrivant eût tout d'abord appris à son hôte d'où il venait, où il allait. Mais ici, et par une nuance de délicatesse finement observée, Michel et Sandy Patterson crurent devoir se faire connaître des voyageurs auxquels ils offraient l'hospitalité. Ils racontèrent donc leur histoire.

C'était celle de tous ces jeunes anglais, intelligents et industrieux, qui ne croient pas que la richesse dispense du travail. Michel et Sandy Patterson étaient fils d'un banquier de Londres. À vingt ans, le chef de leur famille avait dit: «Voici des millions, jeunes gens. Allez dans quelque colonie lointaine; fondez-y un établissement utile; puisez dans le travail la connaissance de la vie. Si vous réussissez, tant mieux. Si vous échouez, peu importe. Nous ne regretterons pas les millions qui vous auront servi à devenir des hommes.» Les deux jeunes gens obéirent. Ils choisirent en Australie la colonie de Victoria pour y semer les _bank-notes_ paternelles, et ils n'eurent pas lieu de s'en repentir. Au bout de trois ans, l'établissement prospérait. On compte dans les provinces de Victoria, de la Nouvelle Galles du sud et de l'Australie méridionale plus de trois mille stations, les unes dirigées par les squatters qui élèvent le bétail, les autres par les _settlers_, dont la principale industrie est la culture du sol. Jusqu'à l'arrivée des deux jeunes anglais, l'établissement le plus considérable de ce genre était celui de M Jamieson, qui couvrait cent kilomètres de superficie, avec une bordure de vingt-cinq kilomètres sur le Paroo, l'un des affluents du Darling. Maintenant, la station d'Hottam l'emportait en étendue et en affaires. Les deux jeunes gens étaient squatters et _settlers_ tout à la fois. Ils administraient avec une rare habileté, et, ce qui est plus difficile, avec une énergie peu commune, leur immense propriété.

On le voit, cette station se trouvait reportée à une grande distance des principales villes, au milieu des déserts peu fréquentés du Murray. Elle occupait l'espace compris entre 146°48' et 147°, c'est-à-dire un terrain long et large de cinq lieues, situé entre les Buffalos-Ranges et le mont Hottam. Aux deux angles nord de ce vaste quadrilatère se dressaient à gauche le mont Aberdeen, à droite les sommets du High-Barven. Les eaux belles et sinueuses n'y manquaient pas, grâce aux creeks et affluents de l'Oven's-River, qui se jette au nord dans le lit du Murray. Aussi, l'élève du bétail et la culture du sol y réussissaient également. Dix mille acres de terre, admirablement assolés et aménagés, mêlaient les récoltes indigènes aux productions exotiques, tandis que plusieurs millions d'animaux s'engraissaient dans les verdoyants pâturages. Aussi, les produits de Hottam-Station étaient-ils cotés à de hauts cours sur les marchés de Castlemaine et de Melbourne.

Michel et Sandy Patterson achevaient de donner ces détails de leur industrieuse existence quand, à l'extrémité d'une avenue de casuarinas, apparut l'habitation. C'était une charmante maison de bois et de briques, enfouie sous des bouquets d'émérophilis. Elle avait la forme élégante du chalet, et une véranda à laquelle pendaient des lampes chinoises contournait le long des murs comme un impluvium antique. Devant les fenêtres se déployaient des bannes multicolores qui semblaient être en fleurs. Rien de plus coquet, rien de plus délicieux au regard, mais aussi rien de plus confortable. Sur les pelouses et dans les massifs groupés aux alentours poussaient des candélabres de bronze, qui supportaient d'élégantes lanternes; à la nuit tombante, tout ce parc s'illuminait des blanches lumières du gaz, venu d'un petit gazomètre, caché sous des berceaux de _myalls_ et de fougères arborescentes. D'ailleurs, on ne voyait ni communs, ni écuries, ni hangars, rien de ce qui indique une exploitation rurale. Toutes ces dépendances, --un véritable village composé de plus de vingt huttes et maisons, --étaient situées à un quart de mille, au fond d'une petite vallée. Des fils électriques mettaient en communication instantanée le village et la maison des maîtres. Celle-ci, loin de tout bruit, semblait perdue dans une forêt d'arbres exotiques. Bientôt, l'avenue des casuarinas fut dépassée. Un petit pont de fer d'une élégance extrême, jeté sur un creek murmurant, donnait accès dans le parc réservé. Il fut franchi. Un intendant de haute mine vint au-devant des voyageurs; les portes de l'habitation s'ouvrirent, et les hôtes de Hottam-Station pénétrèrent dans les somptueux appartements contenus sous cette enveloppe de briques et de fleurs. Tout le luxe de la vie artiste et fashionable s'offrit à leurs yeux. Sur l'antichambre, ornée de sujets décoratifs empruntés à l'outillage du turf et de la chasse, s'ouvrait un vaste salon à cinq fenêtres. Là, un piano couvert de partitions anciennes et nouvelles, des chevalets portant des toiles ébauchées, des socles ornés de statues de marbre, quelques tableaux de maîtres flamands accrochés aux murs, de riches tapis, doux au pied comme une herbe épaisse, pans de tapisserie égayés de gracieux épisodes mythologiques, un lustre antique suspendu au plafond, des faïences précieuses, des bibelots de prix et d'un goût parfait, mille riens chers et délicats qu'on s'étonnait de voir dans une habitation australienne, prouvaient une suprême entente des arts et du confort. Tout ce qui pouvait charmer les ennuis d'un exil volontaire, tout ce qui pouvait ramener l'esprit au souvenir des habitudes européennes, meublait ce féerique salon. On se serait cru dans quelque château de France ou d'Angleterre. Les cinq fenêtres laissaient passer à travers le fin tissu des bannes un jour tamisé et déjà adouci par les pénombres de la véranda. Lady Helena, en s'approchant, fut émerveillée. L'habitation de ce côté dominait une large vallée qui s'étendait jusqu'au pied des montagnes de l'est. La succession des prairies et des bois, çà et là de vastes clairières, l'ensemble des collines gracieusement arrondies, le relief de ce sol accidenté, formaient un spectacle supérieur à toute description. Nulle autre contrée au monde ne pouvait lui être comparée, pas même cette vallée du paradis, si renommée, des frontières norvégiennes du Telemarck.

Ce vaste panorama, découpé par de grandes plaques d'ombre et de lumière, changeait à chaque heure suivant les caprices du soleil. L'imagination ne pouvait rien rêver au delà, et cet aspect enchanteur satisfaisait tous les appétits du regard. Cependant, sur un ordre de Sandy Patterson, un déjeuner venait d'être improvisé par le maître d'hôtel de la station, et, moins d'un quart d'heure après leur arrivée, les voyageurs s'asseyaient devant une table somptueusement servie. La qualité des mets et des vins était indiscutable; mais ce qui plaisait surtout, au milieu de ces raffinements de l'opulence, c'était la joie des deux jeunes squatters, heureux d'offrir sous leur toit cette splendide hospitalité. D'ailleurs, ils ne tardèrent pas à connaître le but de l'expédition, et ils prirent un vif intérêt aux recherches de Glenarvan. Ils donnèrent aussi bon espoir aux enfants du capitaine.

«Harry Grant, dit Michel, est évidemment tombé entre les mains des indigènes, puisqu'il n'a pas reparu dans les établissements de la côte. Il connaissait exactement sa position, le document le prouve, et pour n'avoir pas gagné quelque colonie anglaise, il faut qu'à l'instant où il prenait terre il ait été fait prisonnier par les sauvages. --C'est précisément ce qui est arrivé à son quartier-maître Ayrton, répondit John Mangles. --Mais vous, messieurs, demanda lady Helena, vous n'avez jamais entendu parler de la catastrophe du _Britannia_? --Jamais, madame, répondit Michel.

--Et quel traitement, suivant vous, a subi le capitaine Grant, prisonnier des australiens?

--Les australiens ne sont pas cruels, madame, répondit le jeune squatter, et miss Grant peut être rassurée à cet égard. Il y a des exemples fréquents de la douceur de leur caractère, et quelques européens ont vécu longtemps parmi eux, sans avoir jamais eu à se plaindre de leur brutalité.

--King entre autres, dit Paganel, le seul survivant de l'expédition de Burke. --Non seulement ce hardi explorateur, reprit Sandy, mais aussi un soldat anglais, nommé Buckley, qui, s'étant échappé en 1803 sur la côte de Port-Philippe, fut recueilli par les indigènes et vécut trente-trois ans avec eux. --Et depuis cette époque, ajouta Michel Patterson, un des derniers numéros de l'_Australasian_ nous apprend qu'un certain Morrill vient d'être rendu à ses compatriotes, après seize ans d'esclavage. L'histoire du capitaine doit être la sienne, car c'est précisément à la suite du naufrage de la _Péruvienne_, en 1846, qu'il a été fait prisonnier par les naturels et emmené dans l'intérieur du continent. Ainsi, je crois que vous devez conserver tout espoir.»

Ces paroles causèrent une joie extrême aux auditeurs du jeune squatter. Elles corroboraient les renseignements déjà donnés par Paganel et Ayrton.

Puis, on parla des convicts, lorsque les voyageuses eurent quitté la table. Les squatters connaissaient la catastrophe de Camden-Bridge, mais la présence d'une bande d'évadés ne leur inspirait aucune inquiétude. Ce n'est pas à une station dont le personnel s'élevait à plus de cent hommes, que ces malfaiteurs oseraient s'attaquer. On devait penser, d'ailleurs, qu'ils ne s'aventureraient pas dans ces déserts du Murray, où ils n'avaient que faire, ni du côté des colonies de la Nouvelle Galles, dont les routes sont très surveillées. Tel était aussi l'avis d'Ayrton. Lord Glenarvan ne put refuser à ses aimables amphitryons de passer cette journée entière à la station de Hottam. C'étaient douze heures de retard qui devenaient douze heures de repos; les chevaux et les bœufs ne pouvaient que se refaire avantageusement dans les confortables écuries de la station. Ce fut donc chose convenue, et les deux jeunes gens soumirent à leurs hôtes un programme de la journée qui fut adopté avec empressement.

À midi, sept vigoureux hunters piaffaient aux portes de l'habitation. Un élégant break destiné aux dames, et conduit à grandes guides, permettait à son cocher de montrer son adresse dans les savantes manœuvres du «four in hand». Les cavaliers, précédés de piqueurs et armés d'excellents fusils de chasse à système, se mirent en selle et galopèrent aux portières, pendant que la meute des pointers aboyait joyeusement à travers les taillis. Pendant quatre heures, la cavalcade parcourut les allées et avenues de ce parc grand comme un petit état d'Allemagne. Le Reuss-Schleitz ou la Saxe-Cobourg-Gotha y auraient tenu tout entiers.

Si l'on y rencontrait moins d'habitants, les moutons, en revanche, foisonnaient. Quant au gibier, une armée de rabatteurs n'en eût pas jeté davantage sous le fusil des chasseurs. Aussi, ce fut bientôt une série de détonations inquiétantes pour les hôtes paisibles des bois et des plaines. Le jeune Robert fit des merveilles à côté du major Mac Nabbs. Ce hardi garçon, malgré les recommandations de sa sœur, était toujours en tête, et le premier au feu.

Mais John Mangles se chargea de veiller sur lui, et Mary Grant se rassura.

Pendant cette battue, on tua certains animaux particuliers au pays, et dont jusqu'alors Paganel ne connaissait que le nom: entre autres, le «wombat» et le «bandicoot». Le wombat est un herbivore qui creuse des terriers à la manière des blaireaux; il est gros comme un mouton, et sa chair est excellente.

Le bandicoot est une espèce de marsupiaux, qui en remontrerait au renard d'Europe et lui donnerait des leçons de pillage dans les basses-cours. Cet animal, d'un aspect assez repoussant, long d'un pied et demi, tomba sous les coups de Paganel, qui, par amour-propre de chasseur, le trouva charmant. «Une adorable bête,» disait-il.

Robert, entre autres pièces importantes, tua fort adroitement un «dasyure viverrin», sorte de petit renard, dont le pelage noir et moucheté de blanc vaut celui de la martre, et un couple d'opossums qui se cachaient dans le feuillage épais des grands arbres. Mais de tous ces hauts faits, le plus intéressant fut, sans contredit, une chasse au _kanguroo_. Les chiens, vers quatre heures, firent lever une bande de ces curieux marsupiaux. Les petits rentrèrent précipitamment dans la poche maternelle, et toute la troupe s'échappa en file. Rien de plus étonnant que ces énormes bonds du _kanguroo_, dont les jambes de derrière, deux fois plus longues que celles de devant, se détendent comme un ressort. En tête de la troupe fuyante décampait un mâle haut de cinq pieds, magnifique spécimen du «macropus giganteus», un «vieil homme», comme disent les bushmen.

Pendant quatre à cinq milles, la chasse fut activement conduite. Les _kanguroos_ ne se lassaient pas, et les chiens, qui redoutent, non sans raison, leur vigoureuse patte armée d'un ongle aigu, ne se souciaient pas de les approcher. Mais enfin, épuisée par sa course, la bande s'arrêta et le «vieil homme» s'appuya contre un tronc d'arbre, prêt à se défendre. Un des pointers, emporté par son élan, alla rouler près de lui. Un instant après, le malheureux chien sautait en l'air, et retombait éventré. Certes, la meute tout entière n'aurait pas eu raison de ces puissants marsupiaux. Il fallait donc en finir à coups de fusil, et les balles seules pouvaient abattre le gigantesque animal.

En ce moment, Robert faillit être victime de son imprudence. Dans le but d'assurer son coup, il s'approcha si près du _kanguroo_, que celui-ci s'élança d'un bond. Robert tomba, un cri retentit. Mary Grant, du haut du break, terrifiée, sans voix, presque sans regards, tendait les mains vers son frère. Aucun chasseur n'osait tirer sur l'animal, car il pouvait aussi frapper l'enfant. Mais soudain John Mangles, son couteau de chasse ouvert, se précipita sur le _kanguroo_ au risque d'être éventré, et il frappa l'animal au cœur. La bête abattue, Robert se releva sans blessure. Un instant après, il était dans les bras de sa sœur.

«Merci, Monsieur John! Merci! dit Mary Grant, qui tendit la main au jeune capitaine.

--Je répondais de lui», dit John Mangles, en prenant la main tremblante de la jeune fille.

Cet incident termina la chasse. La bande de marsupiaux s'était dispersée après la mort de son chef, dont les dépouilles furent rapportées à l'habitation. Il était alors six heures du soir. Un dîner magnifique attendait les chasseurs. Entre autres mets, un bouillon de queue de _kanguroo_, préparé à la mode indigène, fut le grand succès du repas.

Après les glaces et sorbets du dessert, les convives passèrent au salon. La soirée fut consacrée à la musique. Lady Helena, très bonne pianiste, mit ses talents à la disposition des squatters. Michel et Sandy Patterson chantèrent avec un goût parfait des passages empruntés aux dernières partitions de Gounod, de Victor Massé, de Félicien David, et même de ce génie incompris, Richard Wagner.

À onze heures, le thé fut servi; il était fait avec cette perfection anglaise qu'aucun autre peuple ne peut égaler. Mais Paganel ayant demandé à goûter le thé australien, on lui apporta une liqueur noire comme de l'encre, un litre d'eau dans lequel une demi-livre de thé avait bouilli pendant quatre heures. Paganel, malgré ses grimaces, déclara ce breuvage excellent.

À minuit, les hôtes de la station, conduits à des chambres fraîches et confortables, prolongèrent dans leurs rêves les plaisirs de cette journée.

Le lendemain, dès l'aube, ils prirent congé des deux jeunes squatters. Il y eut force remercîments et promesses de se revoir en Europe, au château de Malcolm. Puis le chariot se mit en marche, tourna la base du mont Hottam, et bientôt l'habitation disparut, comme une vision rapide, aux yeux des voyageurs. Pendant cinq milles encore, ils foulèrent du pied de leurs chevaux le sol de la station.

À neuf heures seulement, la dernière palissade fut franchie, et la petite troupe s'enfonça à travers les contrées presque inconnues de la province victorienne.

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DEUXIÈME PARTIE: Chapitre XVII Les éleveurs millionnaires PART TWO: Chapter XVII Millionaire breeders SEGUNDA PARTE: Capítulo XVII Criadores millonarios

Chapitre XVII _Les éleveurs millionnaires_

Après une nuit tranquillement passée par 146°15' de longitude, les voyageurs, le 6 janvier, à sept heures du matin, continuèrent à traverser le vaste district. ||||||||||||||||||||||Bezirk Ils marchaient toujours vers le soleil levant, et les empreintes de leurs pas traçaient sur la plaine une ligne rigoureusement droite. |||||||||Fußspuren||||||||||| Deux fois, ils coupèrent des traces de squatters qui se dirigeaient vers le nord, et alors ces diverses empreintes se seraient confondues, si le cheval de Glenarvan n'eût laissé sur la poussière la marque de Black-Point, reconnaissable à ses deux trèfles. |||schnitt ab||||||||||||||||||||||||||||||||||||||Kleeblätter Dos veces cortaron las huellas de los ocupantes ilegales que se dirigían al norte, y luego estas diversas huellas se habrían fusionado, si el caballo de Glenarvan no hubiera dejado la marca de Black-Point en el polvo, reconocible por sus dos tréboles. La plaine était parfois sillonnée de creeks capricieux, entourés de buis, aux eaux plutôt temporaires que permanentes. ||||durchzogen von||||||Buchsbaum|||||| Ils prenaient naissance sur les versants des «Buffalos-Ranges», chaîne de médiocres montagnes dont la ligne pittoresque ondulait à l'horizon. ||||||||||||||||malerisch||| On résolut d'y camper le soir même. Ayrton pressa son attelage, et, après une journée de trente-cinq milles, les bœufs arrivèrent, un peu fatigués. Ayrton siguió adelante con su yunta y, tras una jornada de treinta y cinco millas, los bueyes llegaron, un poco cansados. La tente fut dressée sous de grands arbres; la nuit était venue, le souper fut rapidement expédié. On songeait moins à manger qu'à dormir, après une marche pareille. Paganel, à qui revenait le premier quart, ne se coucha pas, et, sa carabine à l'épaule, il veilla sur le campement, se promenant de long en large pour mieux résister au sommeil. Malgré l'absence de la lune, la nuit était presque lumineuse sous l'éclat des constellations australes. Le savant s'amusait à lire dans ce grand livre du firmament toujours ouvert et si intéressant pour qui sait le comprendre. Le profond silence de la nature endormie n'était interrompu que par le bruit des entraves qui retentissaient aux pieds des chevaux. ||||||||||||||Fesseln|||||| Paganel se laissait donc entraîner à ses méditations astronomiques, et il s'occupait plus des choses du ciel que des choses de la terre, quand un son lointain le tira de sa rêverie. ||||mitreißen lassen|||||||||||||||||||||||||||Tagtraum Il prêta une oreille attentive, et, à sa grande stupéfaction, il crut reconnaître les sons d'un piano; quelques accords, largement arpégés, envoyaient jusqu'à lui leur sonorité frémissante. ||||aufmerksam|||||große Verwunderung|||||Klänge||||||arpeggiert|||||Klangqualität|zitternd Il ne pouvait s'y tromper. No podía estar equivocado. «Un piano dans le désert! Se dit Paganel. Voilà ce que je n'admettrai jamais.» C'était très surprenant, en effet, et Paganel aima mieux croire que quelque étrange oiseau d'Australie imitait les sons d'un Pleyel ou d'un Érard, comme d'autres imitent des bruits d'horloge et de rémouleur. |||||||||||||||||||||||||||||||Schleifergeräusch Mais, en ce moment, une voix purement timbrée s'éleva dans les airs. |||||||rein klingend|||| Le pianiste était doublé d'un chanteur. Paganel écouta sans vouloir se rendre.

Cependant après quelques instants, il fut forcé de reconnaître l'air sublime qui frappait son oreille. ||||||||||erhaben|||| C'était _il mio tesoro tanto_, du _Don Juan_. «Parbleu! Pensa le géographe, si bizarres que soient les oiseaux australiens, et quand ce seraient les perroquets les plus musiciens du monde, ils ne peuvent pas chanter du Mozart!»

Puis il écouta jusqu'au bout cette sublime inspiration du maître. ||||||erhaben||| L'effet de cette suave mélodie, portée à travers une nuit limpide, était indescriptible. |||sanft|||||||klaren|| Paganel demeura longtemps sous ce charme inexprimable; puis la voix se tut, et tout rentra dans le silence.

Quand Wilson vint relever Paganel, il le trouva plongé dans une rêverie profonde. |||ablösen||||||||| Paganel ne dit rien au matelot; il se réserva d'instruire Glenarvan, le lendemain, de cette particularité, et il alla se blottir sous la tente. ||||||||||||||||||||sich kuscheln||| Le lendemain, toute la troupe était réveillée par des aboiements inattendus. |||||||||Bellen| Glenarvan se leva aussitôt.

Deux magnifiques «pointers», hauts sur pied, admirables spécimens du chien d'arrêt de race anglaise, gambadaient sur la lisière d'un petit bois. ||||||||||Vorstehhund||||herumtollten|||||| À l'approche des voyageurs, ils rentrèrent sous les arbres en redoublant leurs cris. «Il y a donc une station dans ce désert, dit Glenarvan, et des chasseurs, puisque voilà des chiens de chasse?»

Paganel ouvrait déjà la bouche pour raconter ses impressions de la nuit passée, quand deux jeunes gens apparurent, montant deux chevaux de sang de toute beauté, de véritables «hunters.»

Les deux gentlemen, vêtus d'un élégant costume de chasse, s'arrêtèrent à la vue de la petite troupe campée à la façon bohémienne. Ils semblaient se demander ce que signifiait la présence de gens armés en cet endroit, quand ils aperçurent les voyageuses qui descendaient du chariot. Aussitôt, ils mirent pied à terre, et ils s'avancèrent vers elles, le chapeau à la main. Lord Glenarvan vint à leur rencontre, et, en sa qualité d'étranger, il déclina ses noms et qualités. Les jeunes gens s'inclinèrent, et l'un d'eux, le plus âgé, dit: «_mylord_, ces dames, vos compagnons et vous, voulez-vous nous faire l'honneur de vous reposer dans notre habitation? Los jóvenes se inclinaron, y uno de ellos, el mayor, dijo: "_señor_, estas damas, tú y tus compañeras, ¿nos haréis el honor de descansar en nuestra morada? --Messieurs?... Dit Glenarvan.

--Michel et Sandy Patterson, propriétaires de Hottam-Station. Vous êtes déjà sur les terres de l'établissement et vous n'avez pas un quart de mille à faire. --Messieurs, répondit Glenarvan, je ne voudrais pas abuser d'une hospitalité si gracieusement offerte... --_Mylord_, reprit Michel Patterson, en acceptant, vous obligez de pauvres exilés qui seront trop heureux de vous faire les honneurs du désert.» --_Mylord_", sagte Michel Patterson, "wenn Sie das Angebot annehmen, verpflichten Sie arme Exilanten, die nur zu gern die Ehre der Wüste erweisen werden."

Glenarvan s'inclina en signe d'acquiescement. «Monsieur, dit alors Paganel, s'adressant à Michel Patterson, serais-je indiscret en vous demandant si c'est vous qui chantiez hier cet air du divin Mozart? --C'est moi, monsieur, répondit le gentleman, et mon cousin Sandy m'accompagnait. --Eh bien! Monsieur, reprit Paganel, recevez les sincères compliments d'un français, admirateur passionné de cette musique.» Paganel tendit la main au jeune gentleman, qui la prit d'un air fort aimable. Puis, Michel Patterson indiqua vers la droite la route à suivre. Les chevaux avaient été laissés aux soins d'Ayrton et des matelots. Ce fut donc à pied, causant et admirant, que les voyageurs, guidés par les deux jeunes gens, se rendirent à l'habitation d'Hottam-Station. C'était vraiment un établissement magnifique, tenu avec la sévérité rigoureuse des parcs anglais. D'immenses prairies, encloses de barrières grises, s'étendaient à perte de vue. Là, paissaient les bœufs par milliers, et les moutons par millions. De nombreux bergers et des chiens plus nombreux encore gardaient cette tumultueuse armée. Aux beuglements et aux bêlements se mêlaient l'aboiement des dogues et le claquement strident des _stockwhipps_. Vers l'est, le regard s'arrêtait sur une lisière de _myalls_ et de gommiers, que dominait à sept mille cinq cents pieds dans les airs la cime imposante du mont Hottam. |||||||||||||||||||||||||Gipfel|||| De longues avenues d'arbres verts à feuilles persistantes rayonnaient dans toutes les directions. Çà et là se massaient d'épais taillis de «grass-trees», arbustes hauts de dix pieds, semblables au palmier nain, et perdus dans leur chevelure de feuilles étroites et longues. L'air était embaumé du parfum des lauriers-menthes, dont les bouquets de fleurs blanches, alors en pleine floraison, dégageaient les plus fines senteurs aromatiques. Aux groupes charmants de ces arbres indigènes se mariaient les productions transplantées des climats européens. Le pêcher, le poirier, le pommier, le figuier, l'oranger, le chêne lui-même, furent salués par les hurrahs des voyageurs, et ceux-ci, s'ils ne s'étonnèrent pas trop de marcher à l'ombre des arbres de leur pays, s'émerveillèrent, du moins, à la vue des oiseaux qui voltigeaient entre les branches, les «satin-birds» au plumage soyeux, et les séricules, vêtus mi-partie d'or et de velours noir. |||Birnbaum|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||séricules|||||||| El melocotonero, el peral, el manzano, la higuera, el naranjo, el roble mismo, eran saludados por los hurras de los viajeros, y si no estaban demasiado sorprendidos de pasear a la sombra de los árboles de su país, al menos se maravillaban ante la vista de los pájaros que revoloteaban entre las ramas, los pájaros de raso con su plumaje sedoso, y los sericules, vestidos mitad de oro y mitad de terciopelo negro. Entre autres, et pour la première fois, il leur fut donné d'admirer le «menure», c'est l'oiseau-lyre, dont l'appendice caudal figure le gracieux instrument d'Orphée. ||||||||||||||||||der Anhang|schwanz-||||| Il fuyait entre les fougères arborescentes, et lorsque sa queue frappait les branches, on s'étonnait presque de ne pas entendre ces harmonieux accords dont s'inspirait Amphion pour rebâtir les murs de Thèbes. Paganel avait envie d'en jouer. Cependant, lord Glenarvan ne se contentait pas d'admirer les féeriques merveilles de cette oasis improvisée dans le désert australien. Il écoutait le récit des jeunes gentlemen. En Angleterre, au milieu de ses campagnes civilisées, le nouvel arrivant eût tout d'abord appris à son hôte d'où il venait, où il allait. En Inglaterra, en medio de su civilizada campiña, el recién llegado habría dicho primero a su anfitrión de dónde venía y adónde iba. Mais ici, et par une nuance de délicatesse finement observée, Michel et Sandy Patterson crurent devoir se faire connaître des voyageurs auxquels ils offraient l'hospitalité. Ils racontèrent donc leur histoire.

C'était celle de tous ces jeunes anglais, intelligents et industrieux, qui ne croient pas que la richesse dispense du travail. Michel et Sandy Patterson étaient fils d'un banquier de Londres. À vingt ans, le chef de leur famille avait dit: «Voici des millions, jeunes gens. Allez dans quelque colonie lointaine; fondez-y un établissement utile; puisez dans le travail la connaissance de la vie. Si vous réussissez, tant mieux. Si vous échouez, peu importe. Nous ne regretterons pas les millions qui vous auront servi à devenir des hommes.» Les deux jeunes gens obéirent. Ils choisirent en Australie la colonie de Victoria pour y semer les _bank-notes_ paternelles, et ils n'eurent pas lieu de s'en repentir. Au bout de trois ans, l'établissement prospérait. On compte dans les provinces de Victoria, de la Nouvelle Galles du sud et de l'Australie méridionale plus de trois mille stations, les unes dirigées par les squatters qui élèvent le bétail, les autres par les _settlers_, dont la principale industrie est la culture du sol. ||||||||||||||||Süd australien||||||||||||||||||||||||||||| Jusqu'à l'arrivée des deux jeunes anglais, l'établissement le plus considérable de ce genre était celui de M Jamieson, qui couvrait cent kilomètres de superficie, avec une bordure de vingt-cinq kilomètres sur le Paroo, l'un des affluents du Darling. Hasta la llegada de los dos jóvenes ingleses, el mayor asentamiento de este tipo era el del señor Jamieson, que abarcaba una superficie de cien kilómetros, con una frontera de veinticinco kilómetros en el Paroo, uno de los afluentes del Darling. Maintenant, la station d'Hottam l'emportait en étendue et en affaires. Les deux jeunes gens étaient squatters et _settlers_ tout à la fois. Ils administraient avec une rare habileté, et, ce qui est plus difficile, avec une énergie peu commune, leur immense propriété.

On le voit, cette station se trouvait reportée à une grande distance des principales villes, au milieu des déserts peu fréquentés du Murray. Elle occupait l'espace compris entre 146°48' et 147°, c'est-à-dire un terrain long et large de cinq lieues, situé entre les Buffalos-Ranges et le mont Hottam. Aux deux angles nord de ce vaste quadrilatère se dressaient à gauche le mont Aberdeen, à droite les sommets du High-Barven. |||||||Viereck|||||||||||||| Les eaux belles et sinueuses n'y manquaient pas, grâce aux creeks et affluents de l'Oven's-River, qui se jette au nord dans le lit du Murray. Aussi, l'élève du bétail et la culture du sol y réussissaient également. Dix mille acres de terre, admirablement assolés et aménagés, mêlaient les récoltes indigènes aux productions exotiques, tandis que plusieurs millions d'animaux s'engraissaient dans les verdoyants pâturages. Aussi, les produits de Hottam-Station étaient-ils cotés à de hauts cours sur les marchés de Castlemaine et de Melbourne.

Michel et Sandy Patterson achevaient de donner ces détails de leur industrieuse existence quand, à l'extrémité d'une avenue de casuarinas, apparut l'habitation. |||||||||||||||||||Kasuarinen|| C'était une charmante maison de bois et de briques, enfouie sous des bouquets d'émérophilis. |||||||||||||Emérophilis Elle avait la forme élégante du chalet, et une véranda à laquelle pendaient des lampes chinoises contournait le long des murs comme un impluvium antique. |||||||||||||||||||||||Impluvium| Tenía la elegante forma de un chalet, y una veranda de la que colgaban lámparas chinas se curvaba alrededor de las paredes como un antiguo impluvio. Devant les fenêtres se déployaient des bannes multicolores qui semblaient être en fleurs. ||||||Bannen|||||| Rien de plus coquet, rien de plus délicieux au regard, mais aussi rien de plus confortable. |||schick|||||||||||| Sur les pelouses et dans les massifs groupés aux alentours poussaient des candélabres de bronze, qui supportaient d'élégantes lanternes; à la nuit tombante, tout ce parc s'illuminait des blanches lumières du gaz, venu d'un petit gazomètre, caché sous des berceaux de _myalls_ et de fougères arborescentes. ||||||||||||Kandelaber||||||||||||||||||||||||||||||||| Auf den Rasenflächen und in den umliegenden Blumenbeeten wuchsen bronzene Kandelaber mit eleganten Laternen, und bei Einbruch der Dunkelheit erstrahlte der ganze Park im weißen Licht des Gases, das aus einem kleinen Gasometer kam, das sich unter den Wiegen von Myllen und Baumfarnen verbarg. D'ailleurs, on ne voyait ni communs, ni écuries, ni hangars, rien de ce qui indique une exploitation rurale. Toutes ces dépendances, --un véritable village composé de plus de vingt huttes et maisons, --étaient situées à un quart de mille, au fond d'une petite vallée. Des fils électriques mettaient en communication instantanée le village et la maison des maîtres. Celle-ci, loin de tout bruit, semblait perdue dans une forêt d'arbres exotiques. Bientôt, l'avenue des casuarinas fut dépassée. Un petit pont de fer d'une élégance extrême, jeté sur un creek murmurant, donnait accès dans le parc réservé. Il fut franchi. Un intendant de haute mine vint au-devant des voyageurs; les portes de l'habitation s'ouvrirent, et les hôtes de Hottam-Station pénétrèrent dans les somptueux appartements contenus sous cette enveloppe de briques et de fleurs. Tout le luxe de la vie artiste et fashionable s'offrit à leurs yeux. Sur l'antichambre, ornée de sujets décoratifs empruntés à l'outillage du turf et de la chasse, s'ouvrait un vaste salon à cinq fenêtres. ||||||||Werkzeug||||||||||||| Im Vorzimmer, das mit dekorativen Motiven geschmückt war, die dem Equipment des Pferderennens und der Jagd entlehnt wurden, öffnete sich ein großes Wohnzimmer mit fünf Fenstern. Là, un piano couvert de partitions anciennes et nouvelles, des chevalets portant des toiles ébauchées, des socles ornés de statues de marbre, quelques tableaux de maîtres flamands accrochés aux murs, de riches tapis, doux au pied comme une herbe épaisse, pans de tapisserie égayés de gracieux épisodes mythologiques, un lustre antique suspendu au plafond, des faïences précieuses, des bibelots de prix et d'un goût parfait, mille riens chers et délicats qu'on s'étonnait de voir dans une habitation australienne, prouvaient une suprême entente des arts et du confort. ||||||||||Staffeleien||||unvollendeten||||von||||||||||||||||||||||Pinsel|||erfreut||||||||||||Keramiken||||||||||||||||||||||||||||||| Dort stand ein Klavier, bedeckt mit alten und neuen Partituren, Staffeleien mit skizzierten Leinwänden, Sockel mit Marmorstatuen verziert, einige Gemälde flämischer Meister an den Wänden, reichhaltige Teppiche, weich wie dicker Rasen unter den Füßen, Tapisserien mit anmutigen mythologischen Szenen, ein antiker Kronleuchter an der Decke, wertvolles Porzellan, kostbare Objekte und perfekter Geschmack, tausend teure und zarte Kleinigkeiten, über die man staunte in einem australischen Zuhause, zeugten von einem höchsten Verständnis für Kunst und Komfort. Había un piano cubierto de partituras antiguas y nuevas, caballetes con lienzos esbozados, pedestales adornados con estatuas de mármol, unos cuantos cuadros de maestros flamencos colgados en las paredes, ricas alfombras tan suaves a los pies como la hierba espesa, una antigua lámpara de araña colgando del techo, preciosa loza, costosas chucherías de perfecto gusto, mil cosas caras y delicadas que uno se asombraba de ver en una vivienda australiana, demostraban una suprema comprensión del arte y el confort. Tout ce qui pouvait charmer les ennuis d'un exil volontaire, tout ce qui pouvait ramener l'esprit au souvenir des habitudes européennes, meublait ce féerique salon. Alles, was die Langeweile eines freiwilligen Exils vertreiben konnte, alles, was das Gedächtnis an europäische Gewohnheiten zurückführen konnte, füllte diesen märchenhaften Salon. On se serait cru dans quelque château de France ou d'Angleterre. Man hätte sich fühlen können wie in einem Schloss in Frankreich oder England. Les cinq fenêtres laissaient passer à travers le fin tissu des bannes un jour tamisé et déjà adouci par les pénombres de la véranda. |||||||||Stoff||Bannen|||gefiltertes||||||||| Las cinco ventanas dejaban pasar a través de la fina tela de las persianas una luz tenue, ya suavizada por la oscuridad de la veranda. Lady Helena, en s'approchant, fut émerveillée. L'habitation de ce côté dominait une large vallée qui s'étendait jusqu'au pied des montagnes de l'est. La succession des prairies et des bois, çà et là de vastes clairières, l'ensemble des collines gracieusement arrondies, le relief de ce sol accidenté, formaient un spectacle supérieur à toute description. Nulle autre contrée au monde ne pouvait lui être comparée, pas même cette vallée du paradis, si renommée, des frontières norvégiennes du Telemarck.

Ce vaste panorama, découpé par de grandes plaques d'ombre et de lumière, changeait à chaque heure suivant les caprices du soleil. L'imagination ne pouvait rien rêver au delà, et cet aspect enchanteur satisfaisait tous les appétits du regard. ||||träumen von|||||||||||| Cependant, sur un ordre de Sandy Patterson, un déjeuner venait d'être improvisé par le maître d'hôtel de la station, et, moins d'un quart d'heure après leur arrivée, les voyageurs s'asseyaient devant une table somptueusement servie. |||||||||||improvisiert||||||||||||||||||||||| La qualité des mets et des vins était indiscutable; mais ce qui plaisait surtout, au milieu de ces raffinements de l'opulence, c'était la joie des deux jeunes squatters, heureux d'offrir sous leur toit cette splendide hospitalité. |||Speisen|||||||||||||||||||||||||||||||prächtige| D'ailleurs, ils ne tardèrent pas à connaître le but de l'expédition, et ils prirent un vif intérêt aux recherches de Glenarvan. |||||||||||||||lebhaftes||||| Ils donnèrent aussi bon espoir aux enfants du capitaine. |gaben|||||||

«Harry Grant, dit Michel, est évidemment tombé entre les mains des indigènes, puisqu'il n'a pas reparu dans les établissements de la côte. |||||||||||||||wieder aufgetaucht|||||| Il connaissait exactement sa position, le document le prouve, et pour n'avoir pas gagné quelque colonie anglaise, il faut qu'à l'instant où il prenait terre il ait été fait prisonnier par les sauvages. --C'est précisément ce qui est arrivé à son quartier-maître Ayrton, répondit John Mangles. --Mais vous, messieurs, demanda lady Helena, vous n'avez jamais entendu parler de la catastrophe du _Britannia_? --Jamais, madame, répondit Michel.

--Et quel traitement, suivant vous, a subi le capitaine Grant, prisonnier des australiens? ||||||erlitten||||||

--Les australiens ne sont pas cruels, madame, répondit le jeune squatter, et miss Grant peut être rassurée à cet égard. |||||grausam|||||||||||||| Il y a des exemples fréquents de la douceur de leur caractère, et quelques européens ont vécu longtemps parmi eux, sans avoir jamais eu à se plaindre de leur brutalité. ||||||||Sanftheit|||||||||||||||||||||

--King entre autres, dit Paganel, le seul survivant de l'expédition de Burke. --Non seulement ce hardi explorateur, reprit Sandy, mais aussi un soldat anglais, nommé Buckley, qui, s'étant échappé en 1803 sur la côte de Port-Philippe, fut recueilli par les indigènes et vécut trente-trois ans avec eux. |||kühn||||||||||||||||||||||aufgenommen|||||||||| --Nicht nur dieser mutige Entdecker, erklärte Sandy, sondern auch ein englischer Soldat namens Buckley, der im Jahr 1803 an der Küste von Port Phillip entkommen war, von den Ureinwohnern aufgenommen wurde und für dreiunddreißig Jahre mit ihnen lebte. --Et depuis cette époque, ajouta Michel Patterson, un des derniers numéros de l'_Australasian_ nous apprend qu'un certain Morrill vient d'être rendu à ses compatriotes, après seize ans d'esclavage. ||||||||||Ausgaben|||||||||||zurückgebracht||||||| --Und seit dieser Zeit, fügte Michel Patterson hinzu, berichtet eine der letzten Ausgaben des _Australasian_, dass ein gewisser Morrill nach sechzehn Jahren Sklaverei wieder mit seinen Landsleuten vereint wurde. L'histoire du capitaine doit être la sienne, car c'est précisément à la suite du naufrage de la _Péruvienne_, en 1846, qu'il a été fait prisonnier par les naturels et emmené dans l'intérieur du continent. ||||||||||||||||||||||||||||ins Innere gebracht|||| Die Geschichte des Kapitäns muss seine sein, denn genau nach dem Schiffbruch der _Peruvian_ im Jahr 1846 wurde er von den Eingeborenen gefangen genommen und ins Landesinnere des Kontinents gebracht. Ainsi, je crois que vous devez conserver tout espoir.»

Ces paroles causèrent une joie extrême aux auditeurs du jeune squatter. Elles corroboraient les renseignements déjà donnés par Paganel et Ayrton. |bestätigten||||||||

Puis, on parla des convicts, lorsque les voyageuses eurent quitté la table. Les squatters connaissaient la catastrophe de Camden-Bridge, mais la présence d'une bande d'évadés ne leur inspirait aucune inquiétude. |Hausbesetzer||||||||||||||||| Los okupas conocían el desastre de Camden-Bridge, pero no les preocupaba la presencia de una banda de fugitivos. Ce n'est pas à une station dont le personnel s'élevait à plus de cent hommes, que ces malfaiteurs oseraient s'attaquer. |||||||||||||||||||angreifen würden On devait penser, d'ailleurs, qu'ils ne s'aventureraient pas dans ces déserts du Murray, où ils n'avaient que faire, ni du côté des colonies de la Nouvelle Galles, dont les routes sont très surveillées. |musste||||||||||||||||||||||||||||||| Tel était aussi l'avis d'Ayrton. Lord Glenarvan ne put refuser à ses aimables amphitryons de passer cette journée entière à la station de Hottam. |||||||freundlichen|Gastgeber|||||||||| C'étaient douze heures de retard qui devenaient douze heures de repos; les chevaux et les bœufs ne pouvaient que se refaire avantageusement dans les confortables écuries de la station. |||||||||||||||||||||||||Stallungen||| Ce fut donc chose convenue, et les deux jeunes gens soumirent à leurs hôtes un programme de la journée qui fut adopté avec empressement. ||||||||||vorlegten|||||||||||||Eifer

À midi, sept vigoureux hunters piaffaient aux portes de l'habitation. |||||scharrten ungeduldig mit|||| Um zwölf Uhr mittags standen sieben kräftige Jäger vor den Türen des Hauses und bissen vor Ungeduld. Un élégant break destiné aux dames, et conduit à grandes guides, permettait à son cocher de montrer son adresse dans les savantes manœuvres du «four in hand». ||Kombi||||||||Zügeln||||||||||||||vier in Hand|| Ein eleganter Damenwagen, der von einem geschickten Kutscher gelenkt wurde, ermöglichte es ihm, sein Können bei den geschickten Manövern des "four in hand" zu zeigen. Les cavaliers, précédés de piqueurs et armés d'excellents fusils de chasse à système, se mirent en selle et galopèrent aux portières, pendant que la meute des pointers aboyait joyeusement à travers les taillis. ||vorangegangen von||Piköre||||Gewehre||||||||im Sattel||||Kutschentüren||||Meute||Vorstehhunde|bellte fröhlich||||| Die Reiter, begleitet von Pferdeknechten und bewaffnet mit ausgezeichneten Jagdgewehren, schwangen sich in den Sattel und galoppierten davon, während die Meute von Pointer-Hunden fröhlich durch die Dickichte bellte. Los jinetes, precedidos por piquetes y armados con escopetas de excelente sistema, ensillaron y galoparon hasta las puertas, mientras la jauría de punteros ladraba alegremente entre la maleza. Pendant quatre heures, la cavalcade parcourut les allées et avenues de ce parc grand comme un petit état d'Allemagne. Le Reuss-Schleitz ou la Saxe-Cobourg-Gotha y auraient tenu tout entiers.

Si l'on y rencontrait moins d'habitants, les moutons, en revanche, foisonnaient. ||||||||||wimmelte Quant au gibier, une armée de rabatteurs n'en eût pas jeté davantage sous le fusil des chasseurs. ||||||Treiber||||||||Gewehr|| Was das Wild betrifft, so hätten nicht einmal eine Armee von Treibern mehr Tiere vor die Gewehre der Jäger getrieben. Aussi, ce fut bientôt une série de détonations inquiétantes pour les hôtes paisibles des bois et des plaines. |||||||Detonationen|||||||||| So erklangen bald bedrohliche Knalle für die friedlichen Bewohner der Wälder und Ebenen. Le jeune Robert fit des merveilles à côté du major Mac Nabbs. Der junge Robert leistete neben Major Mac Nabbs Wunderbares. El joven Robert hizo maravillas junto al Mayor Mac Nabbs. Ce hardi garçon, malgré les recommandations de sa sœur, était toujours en tête, et le premier au feu.

Mais John Mangles se chargea de veiller sur lui, et Mary Grant se rassura. ||||||aufpassen auf|||||||

Pendant cette battue, on tua certains animaux particuliers au pays, et dont jusqu'alors Paganel ne connaissait que le nom: entre autres, le «wombat» et le «bandicoot». ||Treibjagd||||||||||||||||||||||| Während dieser Treibjagd wurden bestimmte besondere Tiere im Land getötet, von denen Paganel bisher nur den Namen kannte: darunter das "Wombat" und das "Bandicoot". Le wombat est un herbivore qui creuse des terriers à la manière des blaireaux; il est gros comme un mouton, et sa chair est excellente. ||||Pflanzenfresser||gräbt||Bauten|||||Dachse||||||||||| Das Wombat ist ein Pflanzenfresser, der wie ein Dachs Höhlen gräbt; er ist so groß wie ein Schaf und sein Fleisch ist ausgezeichnet.

Le bandicoot est une espèce de marsupiaux, qui en remontrerait au renard d'Europe et lui donnerait des leçons de pillage dans les basses-cours. |Bandicoot|||||Beuteltiere|||übertreffen würde||Fuchs||||geben würde||||Plünderung|||| Das Bandicoot ist eine Art von Beuteltier, das dem europäischen Fuchs überlegen ist und ihm Lektionen im Diebstahl aus Hühnerhöfen geben würde. Cet animal, d'un aspect assez repoussant, long d'un pied et demi, tomba sous les coups de Paganel, qui, par amour-propre de chasseur, le trouva charmant. |||||abstoßend|||||||||||||||||||| «Une adorable bête,» disait-il.

Robert, entre autres pièces importantes, tua fort adroitement un «dasyure viverrin», sorte de petit renard, dont le pelage noir et moucheté de blanc vaut celui de la martre, et un couple d'opossums qui se cachaient dans le feuillage épais des grands arbres. |||||||geschickt|||||||||||||gefleckt|||ist so gut wie||||Marder|||||||||||||| Robert tötete unter anderem geschickt ein "Dasyure viverrin", eine Art kleiner Fuchs, dessen schwarz geflecktes Fell mit weißen Tupfen dem des Marders gleichkommt, sowie ein Paar Opossums, die sich im dichten Laub der großen Bäume versteckten. Mais de tous ces hauts faits, le plus intéressant fut, sans contredit, une chasse au _kanguroo_. Aber von all diesen Heldentaten war die interessanteste zweifellos eine Jagd auf das Känguru. Les chiens, vers quatre heures, firent lever une bande de ces curieux marsupiaux. Gegen vier Uhr ließen die Hunde eine Gruppe dieser neugierigen Beuteltiere aufstöbern. Les petits rentrèrent précipitamment dans la poche maternelle, et toute la troupe s'échappa en file. ||||||||||||||in einer Reihe Rien de plus étonnant que ces énormes bonds du _kanguroo_, dont les jambes de derrière, deux fois plus longues que celles de devant, se détendent comme un ressort. En tête de la troupe fuyante décampait un mâle haut de cinq pieds, magnifique spécimen du «macropus giganteus», un «vieil homme», comme disent les bushmen. ||||||verschwand||Männchen||||||||||||||||

Pendant quatre à cinq milles, la chasse fut activement conduite. Les _kanguroos_ ne se lassaient pas, et les chiens, qui redoutent, non sans raison, leur vigoureuse patte armée d'un ongle aigu, ne se souciaient pas de les approcher. ||||nicht müde|||||||||||kräftige||||||||kümmerten sich nicht|||| Los _kanguroos_ no se cansaron, y los perros, que temen, no sin razón, su vigorosa pata armada de una afilada uña, no se preocuparon de acercarse a ellos. Mais enfin, épuisée par sa course, la bande s'arrêta et le «vieil homme» s'appuya contre un tronc d'arbre, prêt à se défendre. ||erschöpft||||||||||||||||||| Un des pointers, emporté par son élan, alla rouler près de lui. ||||||||rollen||| Un instant après, le malheureux chien sautait en l'air, et retombait éventré. |||||||||||aufgeschlitzt Certes, la meute tout entière n'aurait pas eu raison de ces puissants marsupiaux. ||||||||||||Beuteltiere Il fallait donc en finir à coups de fusil, et les balles seules pouvaient abattre le gigantesque animal.

En ce moment, Robert faillit être victime de son imprudence. Dans le but d'assurer son coup, il s'approcha si près du _kanguroo_, que celui-ci s'élança d'un bond. |||||||||||||dieser||sprang davon|| Robert tomba, un cri retentit. Mary Grant, du haut du break, terrifiée, sans voix, presque sans regards, tendait les mains vers son frère. Aucun chasseur n'osait tirer sur l'animal, car il pouvait aussi frapper l'enfant. Mais soudain John Mangles, son couteau de chasse ouvert, se précipita sur le _kanguroo_ au risque d'être éventré, et il frappa l'animal au cœur. La bête abattue, Robert se releva sans blessure. Un instant après, il était dans les bras de sa sœur.

«Merci, Monsieur John! Merci! dit Mary Grant, qui tendit la main au jeune capitaine.

--Je répondais de lui», dit John Mangles, en prenant la main tremblante de la jeune fille.

Cet incident termina la chasse. La bande de marsupiaux s'était dispersée après la mort de son chef, dont les dépouilles furent rapportées à l'habitation. |||Beuteltiere||zerstreut|||||||||Überreste|||| Il était alors six heures du soir. Un dîner magnifique attendait les chasseurs. Entre autres mets, un bouillon de queue de _kanguroo_, préparé à la mode indigène, fut le grand succès du repas. ||||Schwanzsuppe||Schwanz|||||||||||||

Après les glaces et sorbets du dessert, les convives passèrent au salon. La soirée fut consacrée à la musique. Lady Helena, très bonne pianiste, mit ses talents à la disposition des squatters. Michel et Sandy Patterson chantèrent avec un goût parfait des passages empruntés aux dernières partitions de Gounod, de Victor Massé, de Félicien David, et même de ce génie incompris, Richard Wagner. ||||||||||||||||||||||||||||unverstandenes Genie||

À onze heures, le thé fut servi; il était fait avec cette perfection anglaise qu'aucun autre peuple ne peut égaler. Mais Paganel ayant demandé à goûter le thé australien, on lui apporta une liqueur noire comme de l'encre, un litre d'eau dans lequel une demi-livre de thé avait bouilli pendant quatre heures. |||||||||||||Likör||||||||||||||||||| Paganel, malgré ses grimaces, déclara ce breuvage excellent. ||||||Getränk|

À minuit, les hôtes de la station, conduits à des chambres fraîches et confortables, prolongèrent dans leurs rêves les plaisirs de cette journée.

Le lendemain, dès l'aube, ils prirent congé des deux jeunes squatters. Il y eut force remercîments et promesses de se revoir en Europe, au château de Malcolm. Puis le chariot se mit en marche, tourna la base du mont Hottam, et bientôt l'habitation disparut, comme une vision rapide, aux yeux des voyageurs. Pendant cinq milles encore, ils foulèrent du pied de leurs chevaux le sol de la station.

À neuf heures seulement, la dernière palissade fut franchie, et la petite troupe s'enfonça à travers les contrées presque inconnues de la province victorienne. ||||||Palissade -> Zaun|||||||||||||||||