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Le Grand Meaulnes, Le Grand meaulnes - deuxième partie - chapitre 1

Le Grand meaulnes - deuxième partie - chapitre 1

Le grand vent et le froid, la pluie ou la neige, l'impossibilité où nous étions de mener à bien de longues recherches nous empêchèrent, Meaulnes et moi de reparler du Pays perdu avant la fin de l'hiver.

Nous ne pouvions rien commencer de sérieux, durant ces brèves journées de février, ces jeudis sillonnés de bourrasques, qui finissaient régulièrement vers cinq heures par une morne pluie glacée. Rien ne nous rappelait l'aventure de Meaulnes sinon ce fait étrange que depuis l'après-midi de son retour nous n'avions plus d'amis. Aux récréations, les mêmes jeux qu'autrefois s'organisaient, mais Jasmin ne parlait jamais plus au grand Meaulnes. Le soir, aussitôt la classe balayée, la cour se vidait comme au temps où j'étais seul, et je voyais errer mon compagnon, du jardin au hangar et de la cour à la salle à manger. Les jeudis matins, chacun de nous installé sur le bureau d'une des deux salles de classe, nous lisions Rousseau et Paul-Louis Courier que nous avions dénichés dans les placards, entre des méthodes d'anglais et des cahiers de musique finement recopiés. L'après-midi, c'était quelque visite qui nous faisait fuir l'appartement; et nous regagnions l'école... Nous entendions parfois des groupes de grands élèves qui s'arrêtaient un instant, comme par hasard, devant le grand portail, le heurtaient en jouant à des jeux militaires incompréhensibles et puis s'en allaient... Cette triste vie se poursuivit jusqu'à la fin de février. Je commençais à croire que Meaulnes avait tout oublié, lorsqu'une aventure, plus étrange que les autres, vint me prouver que je m'étais trompé et qu'une crise violente se préparait sous la surface morne de cette vie d'hiver. Ce fut justement un jeudi soir, vers la fin du mois, que la première nouvelle du Domaine étrange, la première vague de cette aventure dont nous ne reparlions pas arriva jusqu'à nous. Nous étions en pleine veillée. Mes grands-parents repartis, restaient seulement avec nous Millie et mon père, qui ne se doutaient nullement de la sourde fâcherie par quoi toute la classe était divisée en deux clans. A huit heures, Millie qui avait ouvert la porte pour jeter dehors les miettes du repas fit: "Ah!" d'une voix si claire que nous nous approchâmes pour regarder. Il y avait sur le seuil une couche de neige... Comme il faisait très sombre, je m'avançai de quelques pas dans la cour pour voir si la couche était profonde. Je sentis des flocons légers qui me glissaient sur la figure et fondaient aussitôt. On me fit rentrer très vite et Millie ferma la porte frileusement. A neuf heures nous nous disposions à monter nous coucher; ma mère avait déjà la lampe à la main, lorsque nous entendîmes très nettement deux grands coups lancés à toute volée dans le portail, à l'autre bout de la cour. Elle replaça la lampe sur la table et nous restâmes tous debout, aux aguets, l'oreille tendue. Il ne fallait pas songer à aller voir ce qui se passait. Avant d'avoir traversé seulement la moitié de la cour, la lampe eût été éteinte et le verre brisé. Il y eut un cour silence et mon père commençait à dire que "c'était sans doute...", lorsque, tout juste sous la fenêtre de la salle à manger, qui donnait, je l'ai dit, sur la route de La Gare, un coup de sifflet partit, strident et très prolongé, qui dut s'entendre jusque dans la rue de l'église. Et, immédiatement, derrière la fenêtre, à peine voilés par les carreaux, poussés par des gens qui devaient être montés à la force des poignets sur l'appui extérieur, éclatèrent des cris perçants. "Amenez-le! Amenez-le! " A l'autre extrémité du bâtiment, les mêmes cris répondirent. Ceux-là avaient dû passer par le champ du père Martin; ils devaient être grimpés sur le mur bas qui séparait le champ de notre cour. Puis, vociférés à chaque endroit par huit ou dix inconnus aux voix déguisées, les cris de: "Amenez-le!" éclatèrent successivement--sur le toit du cellier qu'ils avaient dû atteindre en escaladant un tas de fagots adossé au mur extérieur--sur un petit mur qui joignait le hangar au portail et dont la crête arrondie permettait de se mettre commodément à cheval--sur le mur grillé de la route de La Gare où l'on pouvait facilement monter... Enfin, par derrière, dans le jardin, une troupe retardataire arriva, qui fit la même sarabande, criant cette fois: "A l'abordage! " Et nous entendions l'écho de leurs cris résonner dans les salles de classe vides, dont ils avaient ouvert les fenêtres. Nous connaissions si bien, Meaulnes et moi, les détours et les passages de la grande demeure, que nous voyions très nettement, comme sur un plan, tous les points où ces gens inconnus étaient en train de l'attaquer. A vrai dire, ce fut seulement au tout premier instant que nous eûmes de l'effroi. Le coup de sifflet nous fit penser tous les quatre à une attaque de rôdeurs et de bohémiens. Justement il y avait depuis une quinzaine, sur la place, derrière l'église, un grand malandrin et un jeune garçon à la tête serrée dans des bandages. Il y avait aussi, chez les charrons et les maréchaux, des ouvriers qui n'étaient pas du pays. Mais, dès que nous eûmes entendu les assaillants crier, nous fûmes persuadés que nous avions affaire à des gens--et probablement à des jeunes gens--du bourg. Il y avait même certainement des gamins—on reconnaissait leurs voix suraiguës--dans la troupe qui se jetait à l'assaut de notre demeure comme à l'abordage d'un navire. "Ah! bien, par exemple..." s'écria mon père. Et Millie demanda à mi-voix: "Mais qu'est-ce que cela veut dire?" lorsque soudain les voix du portail et du mur grillé--puis celle de la fenêtre--s'arrêtèrent. Deux coups de sifflet partirent derrière la croisée. Les cris des gens grimpés sur le cellier, comme ceux des assaillants du jardin, décrurent progressivement, puis cessèrent; nous entendîmes, le long du mur de la salle à manger le frôlement de toute la troupe qui se retirait en hâte et dont les pas étaient amortis par la neige. Quelqu'un évidemment les dérangeait. A cette heure où tout dormait, ils avaient pensé mener en paix leur assaut contre cette maison isolée à la sortie du bourg. Mais voici qu'on troublait leur plan de campagne. A peine avions-nous eu le temps de nous ressaisir--car l'attaque avait été soudaine comme un abordage bien conduit--et nous disposions-nous à sortir, que nous entendîmes une voix connue appeler à la petite grille: "Monsieur Seurel! Monsieur Seurel! " C'était M. Pasquier, le boucher. Le gros petit homme racla ses sabots sur le seuil, secoua sa courte blouse saupoudrée de neige et entra. Il se donnait l'air finaud et effaré de quelqu'un qui a surpris tout le secret d'une mystérieuse affaire: "J'étais dans ma cour, qui donne sur la place des Quatre-Routes. J'allais fermer l'étable des chevaux. Tout d'un coup; dressés sur la neige, qu'est-ce que je vois: deux grands gars qui semblaient faire sentinelle ou guetter quelque chose. Ils étaient vers la croix. Je m'avance: je fais deux pas--Hip! Les voilà partis au grand galop du côté de chez vous. Ah! Je n'ai pas hésité, j'ai pris mon falot et j'ai dit: Je vais aller raconter ça à M. Seurel..." Et le voilà qui recommence son histoire: "J'étais dans la cour derrière chez moi..." Sur ce, on lui offre une liqueur, qu'il accepte, et on lui demande des détails qu'il est incapable de fournir. Il n'avait rien vu en arrivant à la maison. Toutes les troupes mises en éveil par les deux sentinelles qu'il avait dérangées s'étaient éclipsées aussitôt. Quant à dire qui ces estafettes pouvaient être... "Ça pourrait bien être des bohémiens, avançait-il. Depuis bientôt un mois qu'ils sont sur la place, à attendre le beau temps pour jouer la comédie, ils ne sont pas sans avoir organisé quelque mauvais coup". Tout cela ne nous avançait guère et nous restions debout, fort perplexes tandis que l'homme sirotait la liqueur et de nouveau mimait son histoire, lorsque Meaulnes, qui avait écouté jusque-là fort attentivement, prit par terre le falot du boucher et décida: "Il faut aller voir! " Il ouvrit la porte et nous le suivîmes, M. Seurel, M. Pasquier et moi. Millie, déjà rassurée, puisque les assaillants étaient partis, et, comme tous les gens ordonnés et méticuleux, fort peu curieuse de sa nature, déclara: "Allez-y si vous voulez. Mais fermez la porte et prenez la clef. Moi, je vais me coucher. Je laisserai la lampe allumée".

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Le Grand meaulnes - deuxième partie - chapitre 1 Le Grand meaulnes - part two - chapter 1 Le Grand meaulnes - deel twee - hoofdstuk 1 Le Grand meaulnes - 第二部分 - 第 1 章

Le grand vent et le froid, la pluie ou la neige, l’impossibilité où nous étions de mener à bien de longues recherches nous empêchèrent, Meaulnes et moi de reparler du Pays perdu avant la fin de l’hiver. ||||||||||||where||were|||||||||prevented||||||||||||| The wind and the cold, the rain or the snow, the impossibility of carrying out long research prevented Meaulnes and me from talking about the Lost Country before the end of the winter.

Nous ne pouvions rien commencer de sérieux, durant ces brèves journées de février, ces jeudis sillonnés de bourrasques, qui finissaient régulièrement vers cinq heures par une morne pluie glacée. ||could||||||||||||Thursdays|crisscrossed||squalls||finished|||||||bleak|| We could not begin anything serious, during these brief days of February, these Thursdays furrowed with squalls, which ended regularly towards five o'clock by a dreary icy rain. Rien ne nous rappelait l’aventure de Meaulnes sinon ce fait étrange que depuis l’après-midi de son retour nous n’avions plus d’amis. ||us||||||||||||||||||| Nothing reminded us of Meaulnes' adventure, except the strange fact that since the afternoon of his return we had no more friends. Aux récréations, les mêmes jeux qu’autrefois s’organisaient, mais Jasmin ne parlait jamais plus au grand Meaulnes. At the|recreations||||than before|||||||||| At recess, the same games as before were organized, but Jasmin never spoke again to the great Meaulnes. Le soir, aussitôt la classe balayée, la cour se vidait comme au temps où j’étais seul, et je voyais errer mon compagnon, du jardin au hangar et de la cour à la salle à manger. |||||swept||||||||||||||||||||||||||||| In the evening, as soon as the class had been swept away, the yard was emptied as at the time when I was alone, and I saw my companion wander from the garden to the shed and from the courtyard to the dining-room. Les jeudis matins, chacun de nous installé sur le bureau d’une des deux salles de classe, nous lisions Rousseau et Paul-Louis Courier que nous avions dénichés dans les placards, entre des méthodes d’anglais et des cahiers de musique finement recopiés. |Thursdays||||||||||||||||read|||||Courier|||had|unearthed|||cabinets|||methods||||notebooks|||neatly|recopied On Thursday mornings, each of us installed on the desk of one of the two classrooms, we read Rousseau and Paul-Louis Courier that we had found in the cupboards, between methods of English and music books finely copied. L’après-midi, c’était quelque visite qui nous faisait fuir l’appartement; et nous regagnions l’école... Nous entendions parfois des groupes de grands élèves qui s’arrêtaient un instant, comme par hasard, devant le grand portail, le heurtaient en jouant à des jeux militaires incompréhensibles et puis s’en allaient... Cette triste vie se poursuivit jusqu’à la fin de février. |||||||made|flee|||||||heard|||||||||||||||||portal||||||||||||||||||||||| In the afternoon, it was some visit that made us flee the apartment; and we were going back to school ... We sometimes heard groups of high school students stopping for a moment, as if by chance, in front of the big gate, bumping into it by playing incomprehensible military games and then leaving. This sad life continued until the end of February. Je commençais à croire que Meaulnes avait tout oublié, lorsqu’une aventure, plus étrange que les autres, vint me prouver que je m’étais trompé et qu’une crise violente se préparait sous la surface morne de cette vie d’hiver. ||||||||||||||||came||||||||||||||||bleak|||| I began to believe that Meaulnes had forgotten everything, when an adventure, stranger than the others, came to prove to me that I had been mistaken and that a violent crisis was preparing under the bleak surface of this winter life. Ce fut justement un jeudi soir, vers la fin du mois, que la première nouvelle du Domaine étrange, la première vague de cette aventure dont nous ne reparlions pas arriva jusqu’à nous. ||||Thursday|||||||||||||||||||||||revisited|||| It was precisely on a Thursday evening, towards the end of the month, that the first news of the Strange Estate, the first wave of this adventure that we did not talk about again reached us. Nous étions en pleine veillée. ||||vigil We were in the middle of the evening. Mes grands-parents repartis, restaient seulement avec nous Millie et mon père, qui ne se doutaient nullement de la sourde fâcherie par quoi toute la classe était divisée en deux clans. |||||||||||||||doubted||||deaf|fury||||||||||clans My grandparents left, only with us, Millie and my father, who had no idea of the mournful anger by which the whole class was divided into two clans. A huit heures, Millie qui avait ouvert la porte pour jeter dehors les miettes du repas fit: "Ah!" |||||||||||||crumbs|||| At eight o'clock, Millie, who had opened the door to throw out the crumbs of the meal, said, "Ah!" d’une voix si claire que nous nous approchâmes pour regarder. |||||||approached|| in a voice so clear that we approached to look. Il y avait sur le seuil une couche de neige... Comme il faisait très sombre, je m’avançai de quelques pas dans la cour pour voir si la couche était profonde. |||||threshold|||||||||||advanced||||||||||||| There was a layer of snow on the doorstep ... As it was very dark, I walked a few steps into the yard to see if the bed was deep. Je sentis des flocons légers qui me glissaient sur la figure et fondaient aussitôt. |felt||flakes||||slipped|||||melted| I felt light flakes slipping in my face and melting at once. On me fit rentrer très vite et Millie ferma la porte frileusement. |||||||||||hesitantly |||||||||||con frialdad I was brought in very quickly and Millie closed the door chilly. A neuf heures nous nous disposions à monter nous coucher; ma mère avait déjà la lampe à la main, lorsque nous entendîmes très nettement deux grands coups lancés à toute volée dans le portail, à l’autre bout de la cour. |||||were preparing||||||||||||||||||||||||||||portal|||||| At nine o'clock we were ready to go to bed; my mother already had the lamp in her hand, when we heard very clearly two great shots thrown in the gate at the other end of the courtyard. Elle replaça la lampe sur la table et nous restâmes tous debout, aux aguets, l’oreille tendue. |||||||||remained||||on the lookout|| She put the lamp back on the table and we all stood, listening, listening. Il ne fallait pas songer à aller voir ce qui se passait. ||shouldn't||||||||| It was not necessary to think of going to see what was happening. Avant d’avoir traversé seulement la moitié de la cour, la lampe eût été éteinte et le verre brisé. |||||||||||would|||||| Before having traversed only half of the courtyard, the lamp would have been extinguished and the glass broken. Il y eut un cour silence et mon père commençait à dire que "c’était sans doute...", lorsque, tout juste sous la fenêtre de la salle à manger, qui donnait, je l’ai dit, sur la route de La Gare, un coup de sifflet partit, strident et très prolongé, qui dut s’entendre jusque dans la rue de l’église. ||||course|||||||||||||||||||||||||||||||||||||whistle|started|strident|||||||up to||||| There was a silence and my father was beginning to say that "it was probably ..." when, just under the dining room window, which was, as I said, on the road to At the station, a whistle sounded, strident and very prolonged, which had to be heard even in the street of the church. Et, immédiatement, derrière la fenêtre, à peine voilés par les carreaux, poussés par des gens qui devaient être montés à la force des poignets sur l’appui extérieur, éclatèrent des cris perçants. |||||||veiled|||tiles|pushed||||||||||||wrists||the ledge||||| And, immediately, behind the window, barely veiled by the panes, pushed by people who must have climbed with their wrists on the outer ledge, piercing cries broke out. "Amenez-le! Bring it| Tráelo| "Bring him! Amenez-le! " Bring it| Bring him!" A l’autre extrémité du bâtiment, les mêmes cris répondirent. At the other end of the building, the same cries answered. Ceux-là avaient dû passer par le champ du père Martin; ils devaient être grimpés sur le mur bas qui séparait le champ de notre cour. ||||||||||||||climbed||||||||||| These had had to pass through the field of Father Martin; they had to be climbed on the low wall that separated the field from our yard. Puis, vociférés à chaque endroit par huit ou dix inconnus aux voix déguisées, les cris de: "Amenez-le!" |vociferated|||||||||||disguised||||| Then, vociferated at each place by eight or ten strangers with disguised voices, cries of: "Bring him!" éclatèrent successivement--sur le toit du cellier qu’ils avaient dû atteindre en escaladant un tas de fagots adossé au mur extérieur--sur un petit mur qui joignait le hangar au portail et dont la crête arrondie permettait de se mettre commodément à cheval--sur le mur grillé de la route de La Gare où l’on pouvait facilement monter... Enfin, par derrière, dans le jardin, une troupe retardataire arriva, qui fit la même sarabande, criant cette fois: "A l’abordage! " ||||||storage room||||||climbing||||bundles|leaning|||||||||joined||hangar||gate||||ridge|rounded|||||||||||||||||||||||||||||||latecomer||||||sarabande|||||the boarding |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||mur||||||||||||||||||||||||||||||||al abordaje they burst successively - on the roof of the cellar, which they had reached by climbing a pile of fagots against the outside wall - on a small wall which joined the shed to the gate and whose rounded ridge made it easy to get on horseback. -on the grilled wall of the Gare road where you could easily climb ... Finally, behind, in the garden, a troupe arrived late, who made the same saraband, shouting this time: "At the boarding ! " Et nous entendions l’écho de leurs cris résonner dans les salles de classe vides, dont ils avaient ouvert les fenêtres. And we heard the echo of their screams echoing in the empty classrooms, whose windows they had opened. Nous connaissions si bien, Meaulnes et moi, les détours et les passages de la grande demeure, que nous voyions très nettement, comme sur un plan, tous les points où ces gens inconnus étaient en train de l’attaquer. |knew||||||||||||||dwelling|||saw|||||||||||||||||| We knew Meaulnes and myself so well, the detours and passages of the great house, that we saw very clearly, as on a plane, all the points where these unknown people were attacking him. A vrai dire, ce fut seulement au tout premier instant que nous eûmes de l’effroi. ||||||||||||had||the fright ||||||||||||tuvimos||the fright In fact, it was only at the very first moment that we were frightened. Le coup de sifflet nous fit penser tous les quatre à une attaque de rôdeurs et de bohémiens. ||||||||||||||scouts||| |||silbato|||||||||||||| The whistle made us all think of an attack by prowlers and bohemians. Justement il y avait depuis une quinzaine, sur la place, derrière l’église, un grand malandrin et un jeune garçon à la tête serrée dans des bandages. ||||||fifteen||||||||scoundrel||||||||||| There had been, for the past fifteen or so, in the square, behind the church, a tall smith and a young boy with his head wrapped in bandages. Il y avait aussi, chez les charrons et les maréchaux, des ouvriers qui n’étaient pas du pays. ||||||wheelwrights|||marshals||||||| There were also, among wagons and marshals, workers who were not of the country. Mais, dès que nous eûmes entendu les assaillants crier, nous fûmes persuadés que nous avions affaire à des gens--et probablement à des jeunes gens--du bourg. ||||had|||assailants|||were||||||||||||||||town But as soon as we heard the assailants shout, we were persuaded that we were dealing with people - and probably young people - in the village. Il y avait même certainement des gamins—on reconnaissait leurs voix suraiguës--dans la troupe qui se jetait à l’assaut de notre demeure comme à l’abordage d’un navire. ||||||kids|||||shrill|||||||||||dwelling|||the boarding|| There were certainly some kids-we could recognize their shrill voices-in the troop that was attacking our home like a ship boarding. "Ah! "Ah! bien, par exemple..." s’écria mon père. |by|||| Well, for example..." my father exclaimed. Et Millie demanda à mi-voix: "Mais qu’est-ce que cela veut dire?" And Millie asked in a low voice: "But what does that mean?" lorsque soudain les voix du portail et du mur grillé--puis celle de la fenêtre--s’arrêtèrent. |||||portal||||grilled|||||| when suddenly the voices from the gate and the grating wall--then that from the window--stopped. Deux coups de sifflet partirent derrière la croisée. |||whistle||||window Two whistles left behind the cross. Les cris des gens grimpés sur le cellier, comme ceux des assaillants du jardin, décrurent progressivement, puis cessèrent; nous entendîmes, le long du mur de la salle à manger le frôlement de toute la troupe qui se retirait en hâte et dont les pas étaient amortis par la neige. ||||climbed|||cellar|||||||decreased|||||heard|||||||||||brushing|||||||was retreating||||||||were muffled||| The cries of the people climbed on the cellar, like those of the attackers of the garden, gradually decreased, then ceased; we heard, along the wall of the dining-room, the rustling of the whole troop, which was hastily retreating and whose steps were dampened by the snow. Quelqu’un évidemment les dérangeait. |||was disturbing Someone obviously bothered them. A cette heure où tout dormait, ils avaient pensé mener en paix leur assaut contre cette maison isolée à la sortie du bourg. At this time when all slept, they had thought to lead in peace their assault against this isolated house at the exit of the town. Mais voici qu’on troublait leur plan de campagne. |here||||||campaign But here they were disturbing their campaign plan. A peine avions-nous eu le temps de nous ressaisir--car l’attaque avait été soudaine comme un abordage bien conduit--et nous disposions-nous à sortir, que nous entendîmes une voix connue appeler à la petite grille: "Monsieur Seurel! ||had|||||||regain composure||||||||boarding|||||were preparing||||||heard||||||||gate|| We had scarcely had time to recover - for the attack had been sudden as a well-conducted collision - and we were about to leave, when we heard a known voice calling at the little gate: "Monsieur Seurel ! Monsieur Seurel! " Monsieur Seurel! " C’était M. Pasquier, le boucher. ||Pasquier||butcher It was Mr Pasquier, the butcher. Le gros petit homme racla ses sabots sur le seuil, secoua sa courte blouse saupoudrée de neige et entra. ||||scraped||clogs|||threshold|||||sprinkled|||| The fat little man scraped his hooves on the doorstep, shook his short blouse, sprinkled with snow, and entered. Il se donnait l’air finaud et effaré de quelqu’un qui a surpris tout le secret d’une mystérieuse affaire: "J’étais dans ma cour, qui donne sur la place des Quatre-Routes. ||||sly||startled|||||surprised|||||||||||||||||| He gave himself the cunning and bewildered look of someone who had discovered the whole secret of a mysterious affair: "I was in my yard, overlooking the Place des Quatre-Routes. J’allais fermer l’étable des chevaux. ||the stable|| I was going to close the horse stable. Tout d’un coup; dressés sur la neige, qu’est-ce que je vois: deux grands gars qui semblaient faire sentinelle ou guetter quelque chose. |||raised|||||||||||guys||||sentinel||watch|| All of a sudden; standing on the snow, what do I see: two big guys who seemed to be watching or watching for something. Ils étaient vers la croix. They were towards the cross. Je m’avance: je fais deux pas--Hip! |advance||||| I move on: I take two steps - Hip! Les voilà partis au grand galop du côté de chez vous. Here they are at full gallop on your home side. Ah! Ah! Je n’ai pas hésité, j’ai pris mon falot et j’ai dit: Je vais aller raconter ça à M. Seurel..." Et le voilà qui recommence son histoire: "J’étais dans la cour derrière chez moi..." Sur ce, on lui offre une liqueur, qu’il accepte, et on lui demande des détails qu’il est incapable de fournir. |||||||lantern||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| I didn't hesitate, I took my lantern and said: I'm going to go tell Mr. Seurel..." And there he goes again with his story: "I was in the yard behind my house..." At this point, they're offering him a drink, which he accepts, and they're asking for details that he is unable to provide. Il n’avait rien vu en arrivant à la maison. He hadn't seen anything upon arriving home. Toutes les troupes mises en éveil par les deux sentinelles qu’il avait dérangées s’étaient éclipsées aussitôt. |||||alert||||sentinels|||||eclipsed| All the troops alerted by the two sentries he had disturbed had slipped away immediately. Quant à dire qui ces estafettes pouvaient être... "Ça pourrait bien être des bohémiens, avançait-il. |||||estafettes|||||||||| As to who these couriers could be ... "It could be bohemians," he said. Depuis bientôt un mois qu’ils sont sur la place, à attendre le beau temps pour jouer la comédie, ils ne sont pas sans avoir organisé quelque mauvais coup". For almost a month they are on the spot, waiting for the good weather to play comedy, they are not without having organized some bad luck. Tout cela ne nous avançait guère et nous restions debout, fort perplexes tandis que l’homme sirotait la liqueur et de nouveau mimait son histoire, lorsque Meaulnes, qui avait écouté jusque-là fort attentivement, prit par terre le falot du boucher et décida: "Il faut aller voir! " ||||advanced||||||very|||||sipped||||||mimicked||||||||||||||||lantern||butcher|||||| All this did not go well, and we stood there, perplexed as the man sipped the liquor and mimed his story again, when Meaulnes, who had listened attentively until then, took the butcher's window on the ground and decided: "You have to go see!" Il ouvrit la porte et nous le suivîmes, M. Seurel, M. Pasquier et moi. |||||||followed|||||| He opened the door and we followed him, M. Seurel, M. Pasquier and me. Millie, déjà rassurée, puisque les assaillants étaient partis, et, comme tous les gens ordonnés et méticuleux, fort peu curieuse de sa nature, déclara: "Allez-y si vous voulez. ||reassured||||||||||||||||||||||||| Millie, already reassured, since the attackers had left, and, like all the orderly and meticulous people, very little curious of his nature, declared: "Go there if you wish. Mais fermez la porte et prenez la clef. But close the door and take the key. Moi, je vais me coucher. I'm going to bed. Je laisserai la lampe allumée". I'll leave the lamp on. "