BARON 2009-04-16
Daniel Rendon Herrera est sous les verrous. Ce qui veut dire qu'il a été arrêté, et qu'il est actuellement emprisonné, incarcéré, en Colombie. Mais ce qui m'intéresse le plus dans cette information, c'est qu'on répète qu'un grand baron de la drogue vient d'être arrêté. « Baron de la drogue » ou même « baron de la cocaïne », puisque j'ai entendu et lu les deux expressions. Cela tendrait à dire que Rendon Herrera est l'un des principaux chefs du trafic de drogue qui prospère en Colombie. Et on voit que peut-être il y a un glissement de sens dans l'emploi de ce mot « baron ». On sait en effet que Don Mario, comme on l'appelle, a été arrêté il y a quelques temps, en 2006, avec la plupart des anciens chefs paramilitaires qui déstabilisaient le pays. Il réussit à s'échapper, et comme la plupart de ses concurrents potentiels sont en prison, il en profite, dit-on, pour mettre sur pied une grosse structure qui contrôle ce trafic. Et aujourd'hui on parle donc de lui comme du baron, c'est-à-dire d'un chef incontesté, d'un patron. Or ce mot de « baron », il est souvent employé au pluriel, pour désigner des responsables, des hommes de pouvoir, mais dont aucun n'est en situation de monopole : puissants certes, mais pas seuls à l'être, ils coexistent, se craignent, se tolèrent, essaient éventuellement de se débarrasser les uns des autres, de nouer des alliances profitables. Bien entendu ce terme de « baron » n'est pas utilisé que pour parler du trafic de drogue. On l'entend parfois dans un contexte de gangstérisme général : « le baron a la haute main sur un groupe », c'est si l'on veut un chef de bande, mais un chef parmi d'autres. Il peut arriver également qu'on parle de « barons » dans un cadre plus hiérarchisé encore, même si c'est une hiérarchie imaginaire. On a beaucoup parlé notamment des barons du gaullisme, à l'époque où Charles de Gaulle vivait encore, à l'époque où il était au pourvoir, et même après. Il s'agissait de ceux qui, sous l'autorité incontestée du général, avaient du pouvoir et de l'influence. Et bien sûr de ceux qui se sont réclamés de son héritage après sa disparition.
Le mot porte fortement la marque de son origine féodale, jusque dans ses emplois figurés. Il est d'origine germanique, et il désigne d'abord un fonctionnaire royal, mais plus généralement un guerrier, un soldat valeureux et fidèle à son chef. Et puis le mot va devenir un titre de noblesse, qui le situe dans une certaine échelle de pouvoir et de responsabilité : au-dessus du chevalier certainement, mais au-dessous du comte, du marquis, du duc… Et pourtant c'est un terme qui parfois court-circuite la hiérarchie, puisque l'Empereur du Saint Empire pouvait s'en prévaloir. Aujourd'hui bien sûr il n'a plus que la valeur symbolique qu'on accorde aux anciens titres de noblesse, même si tout le monde en France n'a pas le droit de se faire appeler « Monsieur le baron ». Mais depuis longtemps, il a connu des usages détournés et argotiques. En particulier, dans le monde des jeux d'argent qui se jouent dans la rue, le baron est le complice caché de celui qui présente l'affaire. Il fait semblant d'être un inconnu anonyme, qui peut éventuellement gagner gros pour donner confiance aux spectateurs. Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/