×

We use cookies to help make LingQ better. By visiting the site, you agree to our cookie policy.


image

Bernadette, Sœur Marie-Bernard (Henri Lasserre), Livre 1 - La Vie Publique (11)

Livre 1 - La Vie Publique (11)

Le lendemain (mardi 23 février), la foule se trouvait devant la Grotte avant le lever du soleil. Bernadette arriva avec cette calme simplicité que n'altéraient ni l'hostilité menaçante des uns, ni la vénération enthousiaste des autres. La tristesse et les angoisses de la veille avaient laissé quelques traces sur son visage. Elle ne se sentait plus entièrement sûre de revoir l'Apparition, et, qu'elle que fût son espérance, elle n'osait s'y abandonner.

Elle s'agenouilla humblement, appuyant l'une de ses mains sur un cierge bénit qu'elle avait apporté ou qu'on lui donna, tenant de l'autre le chapelet.

Le temps était calme, et la flamme du cierge ne montait pas plus droit vers le ciel que la prière de cette âme vers les régions invisibles d'où avait coutume de descendre l'Apparition bienheureuse. Il en était ainsi sans doute : car à peine l'enfant se fut-elle prosternée que l'ineffable Beauté dont elle invoquait si ardemment le retour se manifesta à ses yeux et la ravit hors d'elle-même. L'Auguste Souveraine du Paradis arrêta sur l'enfant de ce monde un regard plein d'une inexprimable tendresse, paraissant l'aimer encore davantage depuis qu'elle avait souffert. Elle, le plus grand, le plus sublime, le plus puissant des êtres créés; Elle, dont la gloire, dominant tous les âges et remplissant l'éternité, fait pâlir ou plutôt disparaître toute autre gloire; Elle, la Fille, l'Épouse et la Mère de Dieu, elle sembla vouloir rendre tout à fait intimes et familiers les liens qui l'unissaient à cette petite fille inconnue et ignorante, à cette humble gardeuse de brebis. Elle lui parla, de cette voix harmonieuse dont le charme profond ravit l'oreille des Anges.

— J'ai à vous dire pour vous seule et concernant vous seule une chose secrète. Me promettez-vous de ne jamais la répéter?

— Je vous le promets, dit Bernadette.

Le dialogue continua et entra dans un mystère profond, qu'il ne nous est ni possible ni permis de sonder.

Quoi qu'il en soit, quand cette sorte d'intimité fut établie, la Reine du Royaume éternel regarda cette petite enfant, qui la veille encore avait souffert et qui devait encore souffrir pour l'amour d'Elle, et il lui plut de la choisir comme l'ambassadrice de l'une de ses volontés parmi les hommes.

« — Et maintenant, dit-elle à Bernadette, et maintenant allez dire aux prêtres que JE VEUX que l'on m'élève ici une Chapelle. » — Et, en prononçant ces mots, sa physionomie, son regard et son geste semblaient promettre qu'Elle y répandrait des grâces sans nombre.

Ayant donné cet ordre, Elle disparut; et le visage de Bernadette rentra dans l'ombre, comme, le soir, y rentre la terre, quand le soleil s'est effacé peu à peu dans les profondeurs de l'horizon.

La multitude se pressait autour de l'enfant. Tous les coeurs étaient émus. On l'interrogeait de toutes parts. On ne lui demandait point si la Vision avait eu lieu : car, au moment de l'extase, tous avaient compris, avaient eu conscience que l'Apparition était là; mais on voulait savoir les paroles qui avaient été prononcées. Chacun faisait effort pour approcher de l'enfant et pour l'entendre.

— Que vous a-t-Elle dit? que vous a dit la Vision? était une question qui partait de toutes les bouches.

— Elle m'a dit deux choses, l'une pour moi seule et l'autre pour les prêtres, et je vais tout de suite vers eux, répondait Bernadette, qui avait hâte de reprendre le chemin de Lourdes pour remplir son message.

Elle s'étonnait, ce jour-là comme précédemment, que tout le monde n'entendît pas le dialogue et ne vît point la « Dame ». « La Vision parle assez haut pour qu'on l'entende, disait-elle; et moi aussi, j'élève la voix comme à l'ordinaire. » Or, durant l'extase, on remarquait bien les lèvres de l'enfant qui s'agitaient, mais c'était tout : on ne distinguait aucune parole. Dans cet état mystique, les sens sont en quelque sorte spiritualisés, et les réalités qui les frappent sont absolument imperceptibles pour les organes grossiers de notre nature déchue. Bernadette voyait et entendait, elle parlait elle-même; et cependant nul ne percevait autour d'elle ni le son des paroles ni le corps de l'Apparition. Bernadette était-elle dans l'erreur? Non : elle seule était dans le vrai. Elle seule, aidée du secours spirituel de la grâce extatique, apercevait momentanément ce qui échappait aux sens de tous; de même que l'astronome, aidé du secours matériel d'un télescope, contemple un instant dans les cieux l'étoile énorme, mais lointaine, qui est invisible aux yeux du vulgaire. Hors de l'extase, elle ne voyait plus rien; de même que, sans cet instrument d'optique qui centuple la portée de son oeil, l'astronome est, à découvrir l'étoile cachée, aussi impuissant que qui que ce soit.

Quel avait été cependant cet étrange et intime entretien, ce secret particulier dont Bernadette parlait sans en vouloir dire la nature? Entre la Mère du Créateur souverain de la Terre et des Cieux et l'humble fille du meunier Soubirous; entre cette Majesté rayonnante, la plus haute qui soit après celle de Dieu; entre cette Reine suprême des Royaumes de l'Infini et la petite bergère des coteaux de Bartrès, quel secret pouvait-il y avoir? Assurément nous n'essayerons point de le deviner, et nous considérerions comme un sacrilège d'écouler aux portes du Ciel.

Toutefois, il nous est permis de remarquer la profonde et délicate connaissance du coeur humain et la maternelle sagesse, qui déterminèrent sans doute l'Auguste Interlocutrice de Bernadette à faire précéder de quelques paroles, entièrement secrètes, la mission publique dont elle l'investissait. Favorisée aux yeux de tous de Visions merveilleuses, chargée envers les prêtres du vrai Dieu d'un message d'outre-monde, cette âme d'enfant, jusque-là si paisible et si solitaire, se trouvait transportée tout à coup au centre des foules innombrables et des agitations infinies. Elle allait être en butte aux contradictions des uns, aux menaces des autres, aux railleries de plusieurs, et, ce qui était bien plus dangereux pour elle, à l'enthousiaste vénération d'un grand nombre. Les jours approchaient où des multitudes l'acclameraient et se disputeraient comme des reliques saintes les lambeaux de ses vêtements; où des personnages éminents et illustres se prosterneraient devant elle et lui demanderaient de les bénir, où un Temple magnifique s'élèverait et où des peuples entiers s'ébranleraient en pèlerinages et en processions incessantes sur la foi de sa parole. Et c'est ainsi que cette pauvre fille du peuple était sur le point de traverser l'épreuve la plus terrible qui pût assaillir son humilité, épreuve où elle pouvait perdre à jamais sa simplicité et sa candeur, toutes ces vertus modestes et douces qui avaient germé et fleuri au sein de la solitude. Les grâces mêmes qu'elle recevait devenaient ainsi pour elle un péril redoutable, un péril auquel plus d'une fois ont succombé des âmes d'élite, honorées des faveurs du Ciel. Saint Paul lui-même, après ses Visions, était tenté d'orgueil et avait besoin que le Mauvais Ange de la chair le souffletât pour l'empêcher de s'exalter en son coeur.

La Sainte Vierge voulait garantir cependant cette petite fille qu'elle aimait, sans permettre au Mauvais Ange d'approcher de ce lys de pureté et d'innocence, éclos aux rayons de sa grâce. Or, que fait la Mère quand un danger menace son enfant? Elle le serre davantage et plus tendrement sur son sein et elle lui dit tout bas, dans le mystère d'une parole doucement murmurée en son oreille: « Ne crains rien, je suis là. » Et, si elle est obligée de le quitter un instant et de le laisser seul, elle ajoute: « Je ne m'éloigne point, je suis à deux pas de toi, ici même, et tu n'as qu à étendre la main pour prendre la mienne. » Ainsi fit, pour Bernadette, la Mère de nous tous. Au moment où le monde et ses tentations diverses, Satan et ses pièges subtils pouvaient s'efforcer de la lui arracher, Elle voulut la faire entrer plus profondément dans son intimité; Elle l'entoura de ses bras et la pressa plus fortement sur son coeur. Dire, — Elle, la Reine du Ciel! — un secret à l'enfant de la terre, c'était faire tout cela : c'était élever Bernadette jusqu'à la portée de ses lèvres parlant à voix basse; c'était fonder dans le souvenir de la petite fille un lieu de refuge inaccessible, un lieu de paix et d'intimité, que nul ne viendrait jamais troubler.

Un secret, confié et entendu, crée entre deux âmes le plus étroit des liens. Dire un secret, c'est donner un gage assuré d'affectueux abandon et de fidélité; c'est établir un sanctuaire fermé et comme un rendez-vous sacré entre deux coeurs. Quand quelqu'un, et surtout quelqu'un d'infiniment au-dessus de nous, nous a révélé son secret, nous ne pouvons plus douter de lui. Son amitié, par cette intime confidence, a pris en quelque sorte domicile en nous-mêmes, et il se rend par là l'hôte constant, j'allais dire, avec plus de netteté, l'habitant de notre âme. Penser à ce secret, c'est en quelque sorte serrer mystérieusement sa main et le sentir présent.

Et c'est ainsi qu'un secret confié par la Vierge à Bernadette devenait pour cette dernière la plus sûre des sauvegardes. Ce n'est point la théologie qui nous l'enseigne : c'est l'étude même du coeur humain qui le rend évident.


Livre 1 - La Vie Publique (11) Buch 1 - Das öffentliche Leben (11) Book 1 - Public Life (11)

Le lendemain (mardi 23 février), la foule se trouvait devant la Grotte avant le lever du soleil. Bernadette arriva avec cette calme simplicité que n'altéraient ni l'hostilité menaçante des uns, ni la vénération enthousiaste des autres. La tristesse et les angoisses de la veille avaient laissé quelques traces sur son visage. Elle ne se sentait plus entièrement sûre de revoir l'Apparition, et, qu'elle que fût son espérance, elle n'osait s'y abandonner.

Elle s'agenouilla humblement, appuyant l'une de ses mains sur un cierge bénit qu'elle avait apporté ou qu'on lui donna, tenant de l'autre le chapelet.

Le temps était calme, et la flamme du cierge ne montait pas plus droit vers le ciel que la prière de cette âme vers les régions invisibles d'où avait coutume de descendre l'Apparition bienheureuse. Il en était ainsi sans doute : car à peine l'enfant se fut-elle prosternée que l'ineffable Beauté dont elle invoquait si ardemment le retour se manifesta à ses yeux et la ravit hors d'elle-même. So war es wohl auch: Denn kaum hatte sich das Kind niedergeworfen, erschien die unaussprechliche Schönheit, um deren Rückkehr es so sehnlich bat, vor ihren Augen und entrückte sie von sich selbst. L'Auguste Souveraine du Paradis arrêta sur l'enfant de ce monde un regard plein d'une inexprimable tendresse, paraissant l'aimer encore davantage depuis qu'elle avait souffert. Elle, le plus grand, le plus sublime, le plus puissant des êtres créés; Elle, dont la gloire, dominant tous les âges et remplissant l'éternité, fait pâlir ou plutôt disparaître toute autre gloire; Elle, la Fille, l'Épouse et la Mère de Dieu, elle sembla vouloir rendre tout à fait intimes et familiers les liens qui l'unissaient à cette petite fille inconnue et ignorante, à cette humble gardeuse de brebis. Elle lui parla, de cette voix harmonieuse dont le charme profond ravit l'oreille des Anges. Sie sprach zu ihm mit jener harmonischen Stimme, deren tiefer Zauber das Ohr der Engel entzückt.

— J'ai à vous dire pour vous seule et concernant vous seule une chose secrète. - Ich habe Ihnen für Sie allein und über Sie allein eine geheime Sache zu sagen. Me promettez-vous de ne jamais la répéter? Versprechen Sie mir, dass Sie das nie wieder tun werden?

— Je vous le promets, dit Bernadette.

Le dialogue continua et entra dans un mystère profond, qu'il ne nous est ni possible ni permis de sonder.

Quoi qu'il en soit, quand cette sorte d'intimité fut établie, la Reine du Royaume éternel regarda cette petite enfant, qui la veille encore avait souffert et qui devait encore souffrir pour l'amour d'Elle, et il lui plut de la choisir comme l'ambassadrice de l'une de ses volontés parmi les hommes. Wie dem auch sei, als diese Art von Vertrautheit hergestellt war, schaute die Königin des ewigen Königreichs auf dieses kleine Kind, das am Vortag noch gelitten hatte und noch leiden musste um ihrer Liebe willen, und es gefiel ihr, es zur Botschafterin eines ihrer Wünsche unter den Menschen zu wählen.

« — Et maintenant, dit-elle à Bernadette, et maintenant allez dire aux prêtres que JE VEUX que l'on m'élève ici une Chapelle. "Und nun", sagte sie zu Bernadette, "und nun geht und sagt den Priestern, dass ICH WILL, dass hier eine Kapelle für mich errichtet wird. » — Et, en prononçant ces mots, sa physionomie, son regard et son geste semblaient promettre qu'Elle y répandrait des grâces sans nombre. "Und als sie diese Worte aussprach, schienen ihre Physiognomie, ihr Blick und ihre Gestik zu versprechen, dass sie dort unzählige Gnaden verteilen würde.

Ayant donné cet ordre, Elle disparut; et le visage de Bernadette rentra dans l'ombre, comme, le soir, y rentre la terre, quand le soleil s'est effacé peu à peu dans les profondeurs de l'horizon. Nach diesem Befehl verschwand sie und Bernadettes Gesicht fiel in den Schatten, so wie am Abend die Erde in den Schatten fällt, wenn die Sonne allmählich in den Tiefen des Horizonts versunken ist.

La multitude se pressait autour de l'enfant. Tous les coeurs étaient émus. On l'interrogeait de toutes parts. On ne lui demandait point si la Vision avait eu lieu : car, au moment de l'extase, tous avaient compris, avaient eu conscience que l'Apparition était là; mais on voulait savoir les paroles qui avaient été prononcées. Chacun faisait effort pour approcher de l'enfant et pour l'entendre.

— Que vous a-t-Elle dit? que vous a dit la Vision? était une question qui partait de toutes les bouches.

— Elle m'a dit deux choses, l'une pour moi seule et l'autre pour les prêtres, et je vais tout de suite vers eux, répondait Bernadette, qui avait hâte de reprendre le chemin de Lourdes pour remplir son message.

Elle s'étonnait, ce jour-là comme précédemment, que tout le monde n'entendît pas le dialogue et ne vît point la « Dame ». « La Vision parle assez haut pour qu'on l'entende, disait-elle; et moi aussi, j'élève la voix comme à l'ordinaire. » Or, durant l'extase, on remarquait bien les lèvres de l'enfant qui s'agitaient, mais c'était tout : on ne distinguait aucune parole. Dans cet état mystique, les sens sont en quelque sorte spiritualisés, et les réalités qui les frappent sont absolument imperceptibles pour les organes grossiers de notre nature déchue. Bernadette voyait et entendait, elle parlait elle-même; et cependant nul ne percevait autour d'elle ni le son des paroles ni le corps de l'Apparition. Bernadette était-elle dans l'erreur? Non : elle seule était dans le vrai. Elle seule, aidée du secours spirituel de la grâce extatique, apercevait momentanément ce qui échappait aux sens de tous; de même que l'astronome, aidé du secours matériel d'un télescope, contemple un instant dans les cieux l'étoile énorme, mais lointaine, qui est invisible aux yeux du vulgaire. Hors de l'extase, elle ne voyait plus rien; de même que, sans cet instrument d'optique qui centuple la portée de son oeil, l'astronome est, à découvrir l'étoile cachée, aussi impuissant que qui que ce soit.

Quel avait été cependant cet étrange et intime entretien, ce secret particulier dont Bernadette parlait sans en vouloir dire la nature? Entre la Mère du Créateur souverain de la Terre et des Cieux et l'humble fille du meunier Soubirous; entre cette Majesté rayonnante, la plus haute qui soit après celle de Dieu; entre cette Reine suprême des Royaumes de l'Infini et la petite bergère des coteaux de Bartrès, quel secret pouvait-il y avoir? Assurément nous n'essayerons point de le deviner, et nous considérerions comme un sacrilège d'écouler aux portes du Ciel.

Toutefois, il nous est permis de remarquer la profonde et délicate connaissance du coeur humain et la maternelle sagesse, qui déterminèrent sans doute l'Auguste Interlocutrice de Bernadette à faire précéder de quelques paroles, entièrement secrètes, la mission publique dont elle l'investissait. Favorisée aux yeux de tous de Visions merveilleuses, chargée envers les prêtres du vrai Dieu d'un message d'outre-monde, cette âme d'enfant, jusque-là si paisible et si solitaire, se trouvait transportée tout à coup au centre des foules innombrables et des agitations infinies. Elle allait être en butte aux contradictions des uns, aux menaces des autres, aux railleries de plusieurs, et, ce qui était bien plus dangereux pour elle, à l'enthousiaste vénération d'un grand nombre. Les jours approchaient où des multitudes l'acclameraient et se disputeraient comme des reliques saintes les lambeaux de ses vêtements; où des personnages éminents et illustres se prosterneraient devant elle et lui demanderaient de les bénir, où un Temple magnifique s'élèverait et où des peuples entiers s'ébranleraient en pèlerinages et en processions incessantes sur la foi de sa parole. Et c'est ainsi que cette pauvre fille du peuple était sur le point de traverser l'épreuve la plus terrible qui pût assaillir son humilité, épreuve où elle pouvait perdre à jamais sa simplicité et sa candeur, toutes ces vertus modestes et douces qui avaient germé et fleuri au sein de la solitude. Les grâces mêmes qu'elle recevait devenaient ainsi pour elle un péril redoutable, un péril auquel plus d'une fois ont succombé des âmes d'élite, honorées des faveurs du Ciel. Saint Paul lui-même, après ses Visions, était tenté d'orgueil et avait besoin que le Mauvais Ange de la chair le souffletât pour l'empêcher de s'exalter en son coeur.

La Sainte Vierge voulait garantir cependant cette petite fille qu'elle aimait, sans permettre au Mauvais Ange d'approcher de ce lys de pureté et d'innocence, éclos aux rayons de sa grâce. Or, que fait la Mère quand un danger menace son enfant? Elle le serre davantage et plus tendrement sur son sein et elle lui dit __tout bas__, dans le mystère d'une parole doucement murmurée en son oreille: « Ne crains rien, je suis là. » Et, si elle est obligée de le quitter un instant et de le laisser seul, elle ajoute: « Je ne m'éloigne point, je suis à deux pas de toi, ici même, et tu n'as qu à étendre la main pour prendre la mienne. » Ainsi fit, pour Bernadette, la Mère de nous tous. Au moment où le monde et ses tentations diverses, Satan et ses pièges subtils pouvaient s'efforcer de la lui arracher, Elle voulut la faire entrer plus profondément dans son intimité; Elle l'entoura de ses bras et la pressa plus fortement sur son coeur. Dire, — Elle, la Reine du Ciel! — un secret à l'enfant de la terre, c'était faire tout cela : c'était élever Bernadette jusqu'à la portée de ses lèvres parlant à voix basse; c'était fonder dans le souvenir de la petite fille un lieu de refuge inaccessible, un lieu de paix et d'intimité, que nul ne viendrait jamais troubler.

Un secret, confié et entendu, crée entre deux âmes le plus étroit des liens. Dire un secret, c'est donner un gage assuré d'affectueux abandon et de fidélité; c'est établir un sanctuaire fermé et comme un rendez-vous sacré entre deux coeurs. Ein Geheimnis zu verraten bedeutet, ein sicheres Zeichen für liebevolle Hingabe und Treue zu geben; es bedeutet, ein geschlossenes Heiligtum und eine heilige Verabredung zwischen zwei Herzen zu errichten. Quand quelqu'un, et surtout quelqu'un d'infiniment au-dessus de nous, nous a révélé son secret, nous ne pouvons plus douter de lui. Son amitié, par cette intime confidence, a pris en quelque sorte domicile en nous-mêmes, et il se rend par là l'hôte constant, j'allais dire, avec plus de netteté, l'habitant de notre âme. Penser à ce secret, c'est en quelque sorte serrer mystérieusement sa main et le sentir présent.

Et c'est ainsi qu'un secret confié par la Vierge à Bernadette devenait pour cette dernière la plus sûre des sauvegardes. Ce n'est point la théologie qui nous l'enseigne : c'est l'étude même du coeur humain qui le rend évident.