Laissez vos données de santé sauver votre vie | Paul-Louis Belletante | TEDxIssylesMoulineaux
Traducteur: Elisabeth Buffard Relecteur: eric vautier
Je viens vous parler de vos données,
et plus spécifiquement de vos données de santé.
Pourquoi ? Parce que j'aime vos données, j'adore vos données
et plus spécifiquement vos données de santé.
Nous avons créé il y a quatre ans
une société dont le but est de produire ce que l'on appelle des thérapies digitales.
Qu'est-ce que c'est ?
Ce sont des services d'accompagnement personnalisé
qui sont disponibles sur smartphone ou sur le web,
qui vont aider nos utilisateurs à prévenir les maladies chroniques.
Plus encore, ces services-là vont aider nos patients,
c'est-à-dire nos utilisateurs qui malheureusement ont déclaré
une maladie chronique,
- des maladies chroniques, ce sont des maladies cardiovasculaires,
le diabète, les cancers, etc.
Donc nos services vont permettre à nos patients
qui ont déclaré une de ces maladies chroniques
de mieux comprendre leur maladie,
de mieux comprendre et de mieux suivre leur traitement,
et également de mieux savoir au quotidien
quelles sont les bonnes habitudes à prendre
pour mieux vivre et pour mieux gérer la maladie.
Nous pensons pouvoir avoir un impact énorme.
Selon l'Organisation Mondiale de la Santé,
les maladies chroniques sont aujourd'hui la première cause de mortalité
dans le monde, devant l'ensemble des autres causes réunies.
36 millions de personnes meurent chaque année
à cause d'une maladie chronique.
C'est sur le plan humain ; sur le plan financier,
le diabète à lui seul représente 20% des frais de santé aux États-Unis.
20% des frais de santé !
Et pourtant ce n'est pas une fatalité
parce que ces maladies chroniques ont toutes un point commun :
elles sont pour beaucoup dues
à notre mode de vie et à nos habitudes du quotidien.
Toujours selon l'Organisation Mondiale de la Santé,
en adaptant nos habitudes de vie,
en minimisant les facteurs de risque auxquels nous nous exposons chaque jour
à cause de nos comportements,
nous pourrions éviter 75% des maladies cardiovasculaires - 75 % ! -
et plus de 40% des cancers.
C'est à notre portée, encore faudrait-il
que nous tous ayant une bonne information sur ce qu'il convient de faire
en fonction de mon profil, de mon comportement,
de mon contexte ou de mon histoire génétique.
C'est ce que nous faisons aujourd'hui : des services
extrêmement adaptés, extrêmement personnalisés
en fonction encore une fois de votre profil, de votre comportement,
de votre contexte, mais aussi de vos données médicales et génétiques.
Plus nous aurons de données vous concernant,
plus nous serons capables de mieux vous accompagner,
de vous aider à mieux vivre
et peut-être même, c'est ambitieux, de vous sauver la vie.
Alors c'est une noble cause.
Le sujet sur cette cause,
c'est que je vois déjà certains dans la salle parler,
et je suis persuadé qu'il y a au moins un tiers de la salle voire la moitié,
peut-être les 3/4 de la salle,
- je vais pas dire toute la salle sinon il faut que je parte -
en train de se dire :
« Qu'est-ce qu'il raconte ?
Encore un qui parle de mes données de santé, qui va les prendre, les utiliser,
je ne sais pas où elles vont aller,
je vais en perdre le contrôle,
et il y a fort à parier qu'on va utiliser ces données de santé contre moi,
à mon insu. »
Je ne peux pas vous en vouloir car aujourd'hui,
il n'y a pas un seul article de presse qui ne parle des données de santé
sans finir par une mise en garde :
« Attention où vous mettez vos données de santé.
Gardez vos données de santé pour vous. »
Il n'y a pas un seul reportage à la télé
qui ne finisse pas sur une ouverture encore plus angoissante
sur un prétendu monde orwellien où nous serions rentrés à notre insu,
où tout le monde nous veut du mal par rapport à nos données
et spécifiquement nos données de santé.
Alors je ne suis pas là pour être naïf,
je suis pas là non plus pour être angélique.
Ces données ont un tel potentiel que j'aimerais juste recadrer le débat
et partager avec vous quelques pensées.
Déjà, recadrer le débat, parce qu'en France,
il ne peut pas y avoir de mésusage de vos données de santé.
La loi est très précise sur ce point,
il y a des organismes type la CNIL qui veillent au grain, et plutôt bien.
Ne vous inquiétez pas, vous êtes protégés.
Il y a une protection juridique très importante
au niveau de vos données de santé
et cette protection juridique va être encore renforcée en mai [2018]
lors de l'entrée en vigueur du Règlement Général de Protection des Données.
Vous allez sans doute en entendre beaucoup parler dans les prochains mois.
Ce nouveau règlement général de protection des données
introduit énormément de protection par rapport à vos données de santé.
En plus, très concrètement, une donnée de santé aujourd'hui
doit être cryptée, doit être chiffrée.
Ce qui veut dire que si ce n'est pas votre médecin ou si ce n'est pas vous,
personne d'autre ne peut arriver à déchiffrer votre donnée de santé.
C'est un point important, parce qu'aujourd'hui vous pouvez vous dire...
Vous pouvez avoir confiance en la loi, dans les organismes régulateurs
pour partager vos données de santé.
Alors dormez tranquilles, citoyens, tout va bien, et partagez vos données de santé.
Je veux juste revenir sur un point que je viens d'énoncer,
pas la sécurité des données.
Parce que là, la sécurité, la protection de vos données, elle est là.
Mais il est intéressant de regarder le débat de l'autre côté.
Depuis le début du talk,
j'ai toujours parlé de vos données de santé.
La question est : êtes-vous sûr que ce sont vos données de santé ?
Là j'ai perdu le dernier quart de la salle.
Mais la question n'est pas si bête.
Parce que la réponse n'est pas si simple.
Premier élément de réponse : une donnée en tant que telle n'a pas de propriété.
C'est un fait juridique.
Passons, me direz-vous, c'est un argument juridique,
on l'évacue tout de suite, on ira beaucoup mieux,
de toute façon, ma donnée m'appartient, elle est à moi,
elle est à ce point personnelle qu'elle m'appartient forcément.
Oui mais non.
Autre exemple : aujourd'hui,
imaginons qu'une donnée finalement, une donnée de santé,
imaginons-là comme un accessoire d'un de vos organes.
Après tout, votre rythme cardiaque ou votre tension
n'est qu'un accessoire de votre coeur,
votre taux de glycémie ne peut être qu'un accessoire de votre pancréas,
c'est directement issu de cet organe.
En suivant ce principe, si l'on se réfère...
- je crois que c'est l'article 16 du code civil -
cet article 16 met en avant le principe d'indisponibilité du corps.
Concrètement, dans le code civil, peut-être ne le saviez-vous pas,
mais votre corps ne vous appartient pas,
au sens où il vous est impossible de le vendre.
Si dans le code civil, votre corps ne vous appartient pas,
si on considère qu'une donnée de santé est un accessoire d'un de vos organes,
de fait, une donnée ne vous appartient pas.
Vous me direz : « Peu importe,
ce sont encore des inepties juridiques, passons, évacuons-les,
la donnée, elle est sur moi, j'en fais ce que je veux,
donc à peu près, a priori, tout va bien. »
Mais en êtes-vous aussi sûr ?
Je me réfère à ce que dit un expert de ces questions,
l'avocat maître Pierre Desmarais,
qui est expert de ces questions-là, et lui parle de paternalisme juridique
parce qu'aujourd'hui, les législateurs français ou européens
considèrent que nous ne sommes pas assez autonomes sur ces questions-là.
Et aujourd'hui très concrètement,
nous sommes privés de notre libre-arbitre
quant au sujet des données de santé notamment.
Je prends un exemple :
le séquençage du génome.
Le séquençage du génome,
c'est une excellente nouvelle
parce que, finalement, c'est le nec plus ultra de vos données de santé.
C'est une immense montagne de données vous concernant.
Bonne nouvelle, il y a 15 ans, il coûtait 3 milliards de dollars environ.
Maintenant vous le trouvez sur internet
auprès de startups américaines à quelques centaines d'euros.
C'est une excellente nouvelle parce que vous allez avoir accès directement
à un immense volume de données vous concernant.
Imaginez ce que vous allez pouvoir en faire.
Vous allez pouvoir les utiliser
pour les corréler avec les données de personnes qui ont le même profil que vous,
pour les corréler avec celles des membres de votre famille,
vous allez pouvoir les confronter à vos données de profil, de comportement,
de contexte, et vous allez pouvoir à coup sûr vous dire...
en tout cas découvrir
le potentiel de risque que vous avez de déclencher une maladie chronique.
Je fais un peu people, c'est ce qu'a fait Angelina Jolie
lorsqu'elle a séquencé son génome :
elle a découvert qu'elle souffrait d'une récession d'un certain gène
qui lui prédisait, malheureusement,
un taux très élevé d'avoir un cancer du sein dans les prochaines années.
Elle a choisi la double mastectomie en prévention.
C'est une très bonne utilisation des données.
On peut aller encore plus loin :
imaginez la richesse des données de votre génome,
la richesse des données de santé qui vous entourent,
de votre comportement, de votre profil encore une fois,
la richesse pour vous de ces données par rapport à votre santé,
vous pourriez savoir quels sont vos risques
et quelles sont vos hypothèses de déclencher un cancer
ou une maladie cardiovasculaire dans quelques années.
Et ainsi adapter votre comportement.
C'est génial, mais c'est tout à fait interdit.
En France, c'est tout à fait illégal, c'est même pénalement répréhensible :
vous ne pouvez pas faire séquencer votre génome en France.
Pour des raisons de paternalisme juridique qu'on a évoquées plus en amont.
Je parle de ça...
L'exemple est traité de manière un peu rapide, un peu simpliste.
Le séquençage du génome à but thérapeutique existe en France dans des cas très précis,
mais le point me semblait extrêmement intéressant à aborder
parce que ça met l'accent pour moi sur la vraie question,
par rapport à ce débat sur les données de santé.
Aujourd'hui ce débat est totalement pollué
par des inepties un peu paranoïaques, qui est de se dire :
« Mon employeur va avoir accès à mes données
et me licencier parce que je fume trop. »
Ou « Ma mutuelle va avoir accès à mes données,
et à cause de mes mauvais comportements - pas assez de marche, trop d'alcool -
va monter automatiquement le montant de sa prime. »
On en est très loin parce que c'est illégal
et aujourd'hui sans que ces acteurs-là vous le demandent,
c'est tout à fait impossible pour eux d'utiliser ces données dans ce cadre-là.
Le gros problème est qu'aujourd'hui, il y a une telle paranoïa sur ce marché,
que tout le monde se referme.
Tout le monde est tétanisé à l'idée de partager ses données de santé
et on passe à côté du potentiel de ces données de santé.
C'est le but de ce talk, de peut-être modestement vous ouvrir l'esprit
en vous disant : « Soyez rassurés parce que la loi, la CNIL veillent sur vous
quant à une mauvaise utilisation possible par des tiers de vos données de santé. »
Mais pour autant, battez-vous pour libérer vos données de santé,
ayez confiance dans vos données de santé,
ayez confiance dans leur potentiel
pour vous aider à mieux vivre et pour vous aider à vous sauver la vie.
Ayez confiance dans vos données de santé, parce que, demain,
elles vont constituer le socle de votre relation avec votre médecin.
Il est vraiment temps aujourd'hui de laisser vos données de santé
vous sauver la vie et celle des autres.
Merci.
(Applaudissements)