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Lettres de mon moulin (Alphonse Daudet, 1887), LA DILIGENCE DE BEAUCAIRE.

LA DILIGENCE DE BEAUCAIRE.

C'était le jour de mon arrivée ici. J'avais pris la diligence de Beaucaire, une bonne vieille patache qui n'a pas grand chemin à faire avant d'être rendue chez elle, mais qui flâne tout le long de la route, pour avoir l'air, le soir, d'arriver de très loin. Nous étions cinq sur l'impériale sans compter le conducteur. D'abord un gardien de Camargue, petit homme trapu, poilu, sentant le fauve, avec de gros yeux pleins de sang et des anneaux d'argent aux oreilles ; puis deux Beaucairois, un boulanger et son gindre, tous deux très rouges, très poussifs, mais des profils superbes, deux médailles romaines à l'effigie de Vitellius. Enfin, sur le devant, près du conducteur, un homme… non ! une casquette, une énorme casquette en peau de lapin, qui ne disait pas grand'chose et regardait la route d'un air triste. Tous ces gens-là se connaissaient entre eux et parlaient tout haut de leurs affaires, très librement. Le Camarguais racontait qu'il venait de Nîmes, mandé par le juge d'instruction pour un coup de fourche donné à un berger. On a le sang vif en Camargue… Et à Beaucaire donc ! Est-ce que nos deux Beaucairois ne voulaient pas s'égorger à propos de la Sainte Vierge ? Il paraît que le boulanger était d'une paroisse depuis longtemps vouée à la madone, celle que les Provençaux appellent la bonne mère et qui porte le petit Jésus dans ses bras ; le gindre, au contraire, chantait au lutrin d'une église toute neuve qui s'était consacrée à l'Immaculée Conception, cette belle image souriante qu'on représente les bras pendants, les mains pleines de rayons. La querelle venait de là. Il fallait voir comme ces deux bons catholiques se traitaient, eux et leurs madones :

— Elle est jolie, ton immaculée !

— Va-t'en donc avec ta bonne mère ! — Elle en a vu de grises, la tienne, en Palestine !

— Et la tienne, hou ! la laide ! Qui sait ce qu'elle n'a pas fait… Demande plutôt à saint Joseph. Pour se croire sur le port de Naples, il ne manquait plus que de voir luire les couteaux, et ma foi, je crois bien que ce beau tournoi théologique se serait terminé par là si le conducteur n'était pas intervenu. — Laissez-nous donc tranquilles avec vos madones, dit-il en riant aux Beaucairois : tout ça, c'est des histoires de femmes, les hommes ne doivent pas s'en mêler. Là-dessus, il fit claquer son fouet d'un petit air sceptique qui rangea tout le monde de son avis. La discussion était finie ; mais le boulanger, mis en train, avait besoin de dépenser le restant de sa verve, et, se tournant vers la malheureuse casquette, silencieuse et triste dans son coin, il lui dit d'un air goguenard : — Et ta femme, à toi, rémouleur ?… Pour quelle paroisse tient-elle ?

Il faut croire qu'il y avait dans cette phrase une intention très comique, car l'impériale tout entière partit d'un gros éclat de rire… Le rémouleur ne riait pas, lui. Il n'avait pas l'air d'entendre. Voyant cela, le boulanger se tourna de mon côté :

— Vous ne la connaissez pas sa femme, monsieur ? une drôle de paroissienne, allez ! Il n'y en a pas deux comme elle dans Beaucaire. Les rires redoublèrent. Le rémouleur ne bougea pas ; il se contenta de dire tout bas, sans lever la tête :

— Tais-toi, boulanger.

Mais ce diable de boulanger n'avait pas envie de se taire, et il reprit de plus belle : — Viédase ! Le camarade n'est pas à plaindre d'avoir une femme comme celle-là… Pas moyen de s'ennuyer un moment avec elle… Pensez donc ! une belle qui se fait enlever tous les six mois, elle a toujours quelque chose à vous raconter quand elle revient… C'est égal, c'est un drôle de petit ménage… Figurez-vous, monsieur, qu'ils n'étaient pas mariés depuis un an, paf ! voilà la femme qui part en Espagne avec un marchand de chocolat.

Le mari reste seul chez lui à pleurer et à boire… Il était comme fou. Au bout de quelque temps, la belle est revenue dans le pays, habillée en Espagnole, avec un petit tambour à grelots. Nous lui disions tous :

— Cache-toi ; il va te tuer.

« Ah ! ben oui ; la tuer… Ils se sont remis ensemble bien tranquillement, et elle lui a appris à jouer du tambour de basque.

Il y eut une nouvelle explosion de rires. Dans son coin, sans lever la tête, le rémouleur murmura encore :

— Tais-toi, boulanger.

Le boulanger n'y prit pas garde et continua : — Vous croyez peut-être, monsieur, qu'après son retour d'Espagne la belle s'est tenue tranquille… Ah mais non !… Son mari avait si bien pris la chose ! Ça lui a donné envie de recommencer… Après l'Espagnol, ç'a été un officier, puis un marinier du Rhône, puis un musicien, puis un… Est-ce que je sais ?… Ce qu'il y a de bon, c'est que chaque fois c'est la même comédie. La femme part, le mari pleure ; elle revient, il se console. Et toujours on la lui enlève, et toujours il la reprend… Croyez-vous qu'il a de la patience, ce mari-là ! Il faut dire aussi qu'elle est crânement jolie, la petite rémouleuse… un vrai morceau de cardinal : vive, mignonne, bien roulée ; avec ça, une peau blanche et des yeux couleur de noisette qui regardent toujours les hommes en riant… Ma foi ! mon Parisien, si vous repassez jamais par Beaucaire.

— Oh ! tais-toi, boulanger, je t'en prie…, fit encore une fois le pauvre rémouleur avec une expression de voix déchirante. À ce moment, la diligence s'arrêta. Nous étions au mas des Anglores. C'est là que les deux Beaucairois descendaient, et je vous jure que je ne les retins pas… Farceur de boulanger ! Il était dans la cour du mas qu'on l'entendait rire encore. Ces gens-là partis, l'impériale sembla vide. On avait laissé le Camarguais à Arles ; le conducteur marchait sur la route à côté de ses chevaux… Nous étions seuls là-haut, le rémouleur et moi chacun dans notre coin, sans parler. Il faisait chaud ; le cuir de la capote brûlait. Par moments, je sentais mes yeux se fermer et ma tête devenir lourde ; mais impossible de dormir. J'avais toujours dans les oreilles ce « Tais-toi, je t'en prie, » si navrant et si doux… Ni lui non plus, le pauvre homme ! il ne dormait pas. De derrière, je voyais ses grosses épaules frissonner et sa main, — une longue main blafarde et bête, — trembler sur le dos de la banquette, comme une main de vieux. Il pleurait…

— Vous voilà chez vous, Parisien ! me cria tout à coup le conducteur ; et du bout de son fouet il me montrait ma colline verte avec le moulin piqué dessus comme un gros papillon.

Je m'empressai de descendre… En passant près du rémouleur, j'essayai de regarder sous sa casquette ; j'aurais voulu le voir avant de partir. Comme s'il avait compris ma pensée, le malheureux leva brusquement la tête, et, plantant son regard dans le mien : — Regardez-moi bien, l'ami, me dit-il d'une voix sourde, et si un de ces jours vous apprenez qu'il y a eu un malheur à Beaucaire, vous pourrez dire que vous connaissez celui qui a fait le coup. C'était une figure éteinte et triste, avec de petits yeux fanés. Il y avait des larmes dans ces yeux, mais dans cette voix il y avait de la haine. La haine, c'est la colère des faibles !… Si j'étais la rémouleuse, je me méfierais.

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LA DILIGENCE DE BEAUCAIRE. |||Beaucaire |a diligência||BEAUCAIRE

C'était le jour de mon arrivée ici. J'avais pris la diligence de Beaucaire, une bonne vieille patache qui n'a pas grand chemin à faire avant d'être rendue chez elle, mais qui flâne tout le long de la route, pour avoir l'air, le soir, d'arriver de très loin. |||Postkutsche||||||Postkutsche|||||||||||||||schlendert||||||||||||||| |||||||||carroça|||||caminho|||||chegada|||||flana||||||||||||||| Nous étions cinq sur l'impériale sans compter le conducteur. ||||dem Oberdeck||ohne zu zählen|| |éramos|||teto do ônibus|||| Éramos cinco na parte de cima, sem contar o motorista. D'abord un gardien de Camargue, petit homme trapu, poilu, sentant le fauve, avec de gros yeux pleins de sang et des anneaux d'argent aux oreilles ; puis deux Beaucairois, un boulanger et son gindre, tous deux très rouges, très poussifs, mais des profils superbes, deux médailles romaines à l'effigie de Vitellius. ||Wächter|||||stämmiger|haarig|||Raubtier||||||||||Ohrringe||||||Beaucaire Einwohner||Bäcker|||Schwiegersohn||||||kurzatmig|||||||römische Meda||Bildnis|| ||guardião|||||trapu|peludo|sentindo|||||||||sang|||anéis|||||||||||gendre||||||poussifs|||||||||a efígie||Vitélio Primeiro, um guarda da Camargue, um homem pequeno e atarracado, peludo, com cheiro de fera, olhos grandes cheios de sangue e argolas de prata nas orelhas; depois, dois beaucairois, um padeiro e seu ajudante, ambos muito vermelhos, muito resfolegantes, mas com perfis magníficos, duas medalhas romanas com a efígie de Vitélius. Enfin, sur le devant, près du conducteur, un homme… non ! ||||||motorista||| Finalmente, na frente, perto do motorista, um homem… não! une casquette, une énorme casquette en peau de lapin, qui ne disait pas grand'chose et regardait la route d'un air triste. |boné|||||pele||coelho|||||||||||| Tous ces gens-là se connaissaient entre eux et parlaient tout haut de leurs affaires, très librement. Le Camarguais racontait qu'il venait de Nîmes, mandé par le juge d'instruction pour un coup de fourche donné à un berger. |Camarguese|||||Nîmes|geladen||||||||||||| |||||||mandado|||||||||forca|||| O Camarguês contava que vinha de Nîmes, convocado pelo juiz de instrução por um golpe de forquilha dado a um pastor. On a le sang vif en Camargue… Et à Beaucaire donc ! ||||lebendig|||||| ||||||||||então Temos o sangue quente na Camargue... E em Beaucaire, então! Est-ce que nos deux Beaucairois ne voulaient pas s'égorger à propos de la Sainte Vierge ? |||||||||sich die Kehle|||||| |||||||||se matar|a||||| Será que nossos dois Beaucairois não queriam se matar por causa da Santa Virgem? Il paraît que le boulanger était d'une paroisse depuis longtemps vouée à la madone, celle que les Provençaux appellent la bonne mère et qui porte le petit Jésus dans ses bras ; le gindre, au contraire, chantait au lutrin d'une église toute neuve qui s'était consacrée à l'Immaculée Conception, cette belle image souriante qu'on représente les bras pendants, les mains pleines de rayons. |||||||Gemeinde|||geweiht|||Madonna||||Provenzalen|||||||||||||||Pfarrer|||||Lesepult||||neuen|||||der Unbefleckten|||||lächelndes Bild|||||herabhängend||||| |parece||||||paróquia||||||madona|||||chamam|||||||||||||||||chantait||lutrin||igreja||||||||Conception||||||representa|||||||| La querelle venait de là. |Streit||| |disputa||| Il fallait voir comme ces deux bons catholiques se traitaient, eux et leurs madones : |||||||||behandelten||||Madonnen |era necessário||||||católicos||||||

— Elle est jolie, ton immaculée ! ||||Makellose ||||imaculada

— Va-t'en donc avec ta bonne mère ! — Elle en a vu de grises, la tienne, en Palestine ! |||||cinzas||||na Palestina — Ela viu muitas coisas feias, a sua, na Palestina!

— Et la tienne, hou ! — E a sua, uau! la laide ! |feia a feia! Qui sait ce qu'elle n'a pas fait… Demande plutôt à saint Joseph. ||||||||melhor|||José Pour se croire sur le port de Naples, il ne manquait plus que de voir luire les couteaux, et ma foi, je crois bien que ce beau tournoi théologique se serait terminé par là si le conducteur n'était pas intervenu. |||||||||||||||glänzen||Messer||||||||||Turnier||||||||||||interveniert ||||||||||faltava|||||||facas|||||||||||||||||||||| — Laissez-nous donc tranquilles avec vos madones, dit-il en riant aux Beaucairois : tout ça, c'est des histoires de femmes, les hommes ne doivent pas s'en mêler. |||tranquilos||||||||||||||||||||||| Là-dessus, il fit claquer son fouet d'un petit air sceptique qui rangea tout le monde de son avis. ||||||Peitsche||||||in der Reihe|||||| lá|||fez|||||||||deixou|||||| A isso, ele estalou seu chicote com um ar cético que convenceu a todos. La discussion était finie ; mais le boulanger, mis en train, avait besoin de dépenser le restant de sa verve, et, se tournant vers la malheureuse casquette, silencieuse et triste dans son coin, il lui dit d'un air goguenard : ||||||||||||||||||Verve|||||||||||||||||||spöttisch |||||||||||||||restante|||verve||||||||silenciosa|||||||||||goguenard A discussão tinha terminado; mas o padeiro, inspirado, precisava gastar o resto de sua verve e, voltando-se para a infeliz boina, silenciosa e triste em seu canto, disse-lhe com um ar zombeteiro: — Et ta femme, à toi, rémouleur ?… Pour quelle paroisse tient-elle ? |||||Schleifer|||Pfarrgemeinde|| |||||rémouleur||||| — E a sua mulher, afiador?… De qual paróquia ela é?

Il faut croire qu'il y avait dans cette phrase une intention très comique, car l'impériale tout entière partit d'un gros éclat de rire… Le rémouleur ne riait pas, lui. ||||||||||||||die Imperiale||||||Lachen||||der Wetzstein|||| ||||||||||||||||||||||||afiador|||| Il n'avait pas l'air d'entendre. Voyant cela, le boulanger se tourna de mon côté : |||Bäcker||||| |||||virou|||lado Vendo isso, o padeiro se virou para o meu lado:

— Vous ne la connaissez pas sa femme, monsieur ? |||conhece|||| — Você não conhece a esposa dele, senhor? une drôle de paroissienne, allez ! |||Pfarrgemeindemit| |estranha||paroquiana|vá uma mulher estranha da paróquia, viu! Il n'y en a pas deux comme elle dans Beaucaire. Les rires redoublèrent. ||verstärkten sich ||redobraram Le rémouleur ne bougea pas ; il se contenta de dire tout bas, sans lever la tête : |der Wetzstein||bewegte|||||||||||| |||||||contentou||||||||

— Tais-toi, boulanger. tá|| — Cala a boca, padeiro.

Mais ce diable de boulanger n'avait pas envie de se taire, et il reprit de plus belle : ||||||||||schweigen|||||| ||diabo||||||||calar|||recomeçou||| Mas esse diabo de padeiro não queria se calar, e ele recomeçou com mais força: — Viédase ! Siehe oben Vê-se — Viédase ! Le camarade n'est pas à plaindre d'avoir une femme comme celle-là… Pas moyen de s'ennuyer un moment avec elle… Pensez donc ! |||||||||||||meio||se entediar|||||| une belle qui se fait enlever tous les six mois, elle a toujours quelque chose à vous raconter quand elle revient… C'est égal, c'est un drôle de petit ménage… Figurez-vous, monsieur, qu'ils n'étaient pas mariés depuis un an, paf ! |||||||||||||||||||||||||||||Stellen Sie sich||||||||||zack |||||||||||||||||||||||||||||||||||casados|||| uma bela que é sequestrada a cada seis meses, ela sempre tem algo para contar quando retorna... De qualquer forma, é uma estranha pequena casa... Imagine, senhor, que eles não eram casados há um ano, paf! voilà la femme qui part en Espagne avec un marchand de chocolat. |||||||||mercador||chocolate aí está a mulher que vai para a Espanha com um vendedor de chocolate.

Le mari reste seul chez lui à pleurer et à boire… Il était comme fou. O marido fica sozinho em casa chorando e bebendo... Ele estava como louco. Au bout de quelque temps, la belle est revenue dans le pays, habillée en Espagnole, avec un petit tambour à grelots. ||||||||||||||||||Trommel||Glocken ao||||||||||||vestida|||||||| Nous lui disions tous : ||dizíamos|

— Cache-toi ; il va te tuer. |||||matar

« Ah ! ben oui ; la tuer… Ils se sont remis ensemble bien tranquillement, et elle lui a appris à jouer du tambour de basque. |||||||||||||||||||Trommel|| bem|||||||reuniram||||||||||||||basque sim, claro; matá-la... Eles se reuniram novamente tranquilamente, e ela o ensinou a tocar o tambor de basque.

Il y eut une nouvelle explosion de rires. houve|||||explosão|| Houve uma nova explosão de risadas. Dans son coin, sans lever la tête, le rémouleur murmura encore : |||||||||murmurou| No seu canto, sem levantar a cabeça, o afiador murmurou novamente:

— Tais-toi, boulanger.

Le boulanger n'y prit pas garde et continua : ||a isso|tomou||||continuou O padeiro não percebeu e continuou: — Vous croyez peut-être, monsieur, qu'après son retour d'Espagne la belle s'est tenue tranquille… Ah mais non !… Son mari avait si bien pris la chose ! ||||||||||||verhalten|||||||||||| |||||que após||||||||||||||||||| — O senhor talvez pense que, após seu retorno da Espanha, a bela ficou quieta... Ah, mas não!... O marido levou a coisa tão bem! Ça lui a donné envie de recommencer… Après l'Espagnol, ç'a été un officier, puis un marinier du Rhône, puis un musicien, puis un… Est-ce que je sais ?… Ce qu'il y a de bon, c'est que chaque fois c'est la même comédie. ||||vontade|||||||||||||||||||||||||||||||||||||comédia Isso lhe deu vontade de recomeçar... Depois do espanhol, foi um oficial, depois um marinheiro do Reno, depois um músico, depois um... Será que eu sei? O que há de bom é que, a cada vez, é a mesma comédia. La femme part, le mari pleure ; elle revient, il se console. Et toujours on la lui enlève, et toujours il la reprend… Croyez-vous qu'il a de la patience, ce mari-là ! ||||||||||reclama|||||||||| E sempre a tiramos dele, e sempre ele a pega de volta... Acredita que esse marido tem paciência! Il faut dire aussi qu'elle est crânement jolie, la petite rémouleuse… un vrai morceau de cardinal : vive, mignonne, bien roulée ; avec ça, une peau blanche et des yeux couleur de noisette qui regardent toujours les hommes en riant… Ma foi ! ||||||toll||||Rémouleuse||||||||||||||||||||Haselnussfarbe||||||||| ||||||||||rémouleuse||verdadeiro||||||bem|bem feita|||||||||||açúcar||||||||| Devo dizer que ela é deveras bonita, a pequena rémouleuse... um verdadeiro pedaço de cardeal: viva, graciosa, bem formada; além disso, uma pele clara e olhos cor de avelã que estão sempre olhando os homens com um sorriso... Minha nossa! mon Parisien, si vous repassez jamais par Beaucaire. ||||vorbeikommen||| ||||passar||| meu parisiense, se você passar novamente por Beaucaire.

— Oh ! tais-toi, boulanger, je t'en prie…, fit encore une fois le pauvre rémouleur avec une expression de voix déchirante. ||||||||||||Schleifer||||||zerreißend |||||||||||||||expressão||| À ce moment, la diligence s'arrêta. ||||die Kutsche| |||||parou Nous étions au mas des Anglores. |||Hof||Anglores-Haus |||||Anglores C'est là que les deux Beaucairois descendaient, et je vous jure que je ne les retins pas… Farceur de boulanger ! ||||||herabstiegen|||||||||aufhielt||Schalk|| ||||||desciam|||||||||retive|||| Il était dans la cour du mas qu'on l'entendait rire encore. ||||||||hörte|| ||||||||ouvir|| Ele estava no pátio da casa de campo onde ainda se podia ouvi-lo rir. Ces gens-là partis, l'impériale sembla vide. ||||die Oberdecke|schien| |||||sembrou|vazia Com essas pessoas se foram, a carruagem parecia vazia. On avait laissé le Camarguais à Arles ; le conducteur marchait sur la route à côté de ses chevaux… Nous étions seuls là-haut, le rémouleur et moi chacun dans notre coin, sans parler. ||deixado||||Arles|||||||||||||||||||||||nosso||| Deixamos o camarguês em Arles; o condutor caminhava na estrada ao lado de seus cavalos… Nós estávamos sozinhos lá em cima, o afiador e eu, cada um em seu canto, sem falar. Il faisait chaud ; le cuir de la capote brûlait. ||||Leder|||Verdeck| ||||||||queimava Par moments, je sentais mes yeux se fermer et ma tête devenir lourde ; mais impossible de dormir. ||||||||||||pesada|||| J'avais toujours dans les oreilles ce « Tais-toi, je t'en prie, » si navrant et si doux… Ni lui non plus, le pauvre homme ! ||||||||||||erniedrigend|||sanft||||||| ||||||||||||deplorável|||doce|nem|||||| Eu sempre tinha nos ouvidos aquele « Cale-se, por favor, » tão triste e tão doce... Nem ele também, o pobre homem! il ne dormait pas. ||dormia| ele não dormia. De derrière, je voyais ses grosses épaules frissonner et sa main, — une longue main blafarde et bête, — trembler sur le dos de la banquette, comme une main de vieux. |||||||zittern|||||||blass|||||||||Bank||||| ||||||ombros||||||||pálida||estúpida||||costas|||||||| De trás, eu via seus grandes ombros tremerem e sua mão, — uma mão longa, pálida e besta, — tremendo sobre o banco, como a mão de um velho. Il pleurait…

— Vous voilà chez vous, Parisien ! me cria tout à coup le conducteur ; et du bout de son fouet il me montrait ma colline verte avec le moulin piqué dessus comme un gros papillon. ||||||||||||Peitsche|||||Hügel|||||aufgesteckt|||||Schmetterling ||||||||do|||||||||colina|||||pousado||||| rief mir der Schaffner plötzlich zu und zeigte mir mit der Peitsche meinen grünen Hügel mit der Mühle, die wie ein großer Schmetterling darauf gespickt war.

Je m'empressai de descendre… En passant près du rémouleur, j'essayai de regarder sous sa casquette ; j'aurais voulu le voir avant de partir. |eilte mich|||||||Schleifer||||||||||||| |me apressei|||||||||||||||||||| Comme s'il avait compris ma pensée, le malheureux leva brusquement la tête, et, plantant son regard dans le mien : |||||||||plötzlich||||||||| ||||||||levant||||||||||meu — Regardez-moi bien, l'ami, me dit-il d'une voix sourde, et si un de ces jours vous apprenez qu'il y a eu un malheur à Beaucaire, vous pourrez dire que vous connaissez celui qui a fait le coup. |||||||||sorda||||||||||||||malheur|||||||||||||| C'était une figure éteinte et triste, avec de petits yeux fanés. ||||||||||verblasst ||||||||||fanos Il y avait des larmes dans ces yeux, mais dans cette voix il y avait de la haine. |||||||||||||||||Hass ||||lágrimas|||||||||||||ódio La haine, c'est la colère des faibles !… Si j'étais la rémouleuse, je me méfierais. |||||||||||||würde ich misstra |ódio||||||||||||