DEVOIR DE RÉSERVE 2009-11-13
Émoi en France autour du devoir de réserve depuis qu'un député s'en est pris à Marie N'Dyaye, lauréate du prix Goncourt pour son dernier roman, Trois femmes puissantes . Cette romancière qui vit actuellement à Berlin, avait déclaré l'été dernier qu'elle avait quitté la France, en partie à cause du climat politique qui y régnait. Et on voudrait, aujourd'hui, lui dénier le droit de s'exprimer au nom d'un devoir de réserve. Souvenons-nous d'abord que les propos de Marie N'Dyaye sont nettement antérieurs à la distinction qu'elle a reçue, et ne pourraient tomber sous le coup d'un tel devoir de réserve même s'il était imposé. Mais la question qui se pose est, bien sûr, de savoir ce qu'on appelle droit de réserve.
L'expression est officielle. Elle est citée dans une loi de 1984, sur le devoir de réserve des fonctionnaires. La loi précise qu'un fonctionnaire, comme n'importe quel autre citoyen, a le droit à la liberté d'opinion. En revanche, le devoir de réserve concerne l'expression de ces opinions. Et les fonctionnaires sont invités par la puissance qui les emploie et qui les paye, c'est-à-dire en fait le gouvernement, à ne pas rendre publiques ces opinions si elles peuvent porter atteinte à l'image du service public, à son fonctionnement, à la continuité de ces services et à la réputation de ceux qui les font fonctionner.
Alors, on sait que ce devoir de réserve est particulièrement fort en ce qui concerne l'armée. Les militaires, s'ils peuvent avoir des opinions politiques et de convictions, n'ont que très peu le droit de les rendre publiques. Pourquoi ? D'abord parce que l'armée devant défendre l'État, on trouve qu'elle n'a pas à s'expliquer sur la conduite de celui-ci. C'est un bras armé, et un bras ne doit pas se prendre pour une bouche. C'est bien ce froncement de sourcils à l'égard des militaires trop enclins à dire ce qu'ils pensent qui explique de sobriquet qu'on donne à l'armée : la grande muette.
Mais il est évident que d'autres secteurs de la fonction publique, comme la police ou la magistrature, sont visés plus que d'autres par ce devoir de réserve. Mais, il s'agit de corps bien spécifiques.
Alors il y a quand même une ambiguïté importante quant à l'intitulé de cette attitude. Doit-on parler de devoir de réserve ? Cela paraît logique. Ou alors d'obligation de réserve ? C'est plus péremptoire encore, et cela peut se comprendre aussi. Mais pourquoi alors parler de droit de réserve, ce qu'on fait bien souvent ? Alors qu'il ne s'agit pas d'une attitude qu'on peut prendre, selon son souhait – un droit, mais d'une attitude qu'on se doit de respecter, par égard pour sa hiérarchie ? C'est en effet un peu illogique, mais c'est comme ça ! On entend aussi l'expression « droit de réserve ».
Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/