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LE PETIT VIEUX DES BATIGNOLLES de Émile Gaboriau, Chapitre 5

Chapitre 5

En attendant que montât la concierge, monsieur Méchinet procédait à un rapide et sagace examen du théâtre du crime.

Mais c'est surtout la serrure de la porte d'entrée de l'appartement qui attirait son attention. Elle était intacte et la clef y jouait sans difficulté. Cette circonstance écartait absolument l'idée d'un malfaiteur étranger s'introduisant de nuit à l'aide de fausses clefs. De mon côté, machinalement, ou plutôt inspiré par l'étonnant instinct qui s'était révélé en moi, je venais de ramasser ce bouchon à demi recouvert de cire verte que j'avais remarqué à terre. Il avait servi, et du côté de la cire, gardait les traces du tire-bouchon ; mais, de l'autre bout, se voyait une sorte d'entaille assez profonde, produite évidemment par un instrument tranchant et aigu. Soupçonnant l'importance de ma découverte, je la communiquai à monsieur Méchinet, et il ne put retenir une exclamation de plaisir. – Enfin ! s'écria-t-il, nous tenons donc enfin un indice !… Ce bouchon, c'est l'assassin qui l'a laissé tomber ici… Il y avait fiché la pointe fragile de l'arme dont il s'est servi. Conclusion : l'instrument du meurtre est un poignard à manche fixe, et non un de ces couteaux qui se ferment… Avec ce bouchon, je suis sûr d'arriver au coupable quel qu'il soit !… Le commissaire de police achevait sa besogne dans la chambre, nous étions, monsieur Méchinet et moi, restés dans le salon, lorsque nous fûmes interrompus par le bruit d'une respiration haletante. Presque aussitôt, se montra la puissante commère que j'avais aperçue dans le vestibule pérorant au milieu des locataires. C'était la portière, plus rouge, s'il est possible, qu'à notre arrivée. – Qu'y a-t-il pour votre service, monsieur ? demanda-t-elle à monsieur Méchinet.

– Asseyez-vous, madame, répondit-il.

– Mais, monsieur, c'est que j'ai du monde en bas… – On vous attendra… je vous dis de vous asseoir.

Interloquée par le ton de monsieur Méchinet, elle obéit. Alors lui, la fixant de ses terribles petits yeux gris :

– J'ai besoin de certains renseignements, commença-t-il, et je vais vous interroger. Dans votre intérêt, je vous conseille de répondre sans détours. Et d'abord, quel est le nom de ce pauvre bonhomme qui a été assassiné ? – Il s'appelait Pigoreau, mon bon monsieur, mais il était surtout connu sous le nom d'Anténor, qu'il avait pris autrefois, comme étant plus en rapport avec son commerce. – Habitait-il la maison depuis longtemps ?

– Depuis huit ans.

– Où demeurait-il avant ?

– Rue Richelieu, où il avait son magasin… car il avait été établi, il avait été coiffeur, et c'est dans cet état qu'il avait gagné sa fortune. – Il passait donc pour riche ?

– J'ai entendu dire à sa nièce qu'il ne se laisserait pas couper le cou pour un million. À cet égard, la prévention devait être fixée, puisqu'on avait inventorié les papiers du pauvre vieux. – Maintenant, poursuivit monsieur Méchinet, quelle espèce d'homme était ce sieur Pigoreau, dit Anténor ? – Oh ! la crème des hommes, cher bon monsieur, répondit la concierge… Il était bien tracassier, maniaque, grigou comme il n'est pas possible, mais il n'était pas fier… Et si drôle, avec cela !… On aurait passé ses nuits à l'écouter, quand il était en train… C'est qu'il en savait de ces histoires ! Pensez donc, un ancien coiffeur, qui avait, comme il disait, frisé les plus belles femmes de Paris…

– Comment vivait-il ?

– Comme tout le monde… Comme les gens qui ont des rentes, s'entend, et qui cependant tiennent à leur monnaie. – Pouvez-vous me donner quelques détails ?

– Oh ! pour cela, je le pense, vu que c'est moi qui avais soin de son ménage… Et cela ne me donnait guère de peine, car il faisait presque tout, balayant, époussetant et frottant lui-même… C'était sa manie, quoi ! Donc, tous les jours que le bon Dieu faisait, à midi battant, je lui montais une tasse de chocolat. Il la buvait, il avalait par-dessus un grand verre d'eau, et c'était son déjeuner. Après il s'habillait, et ça le menait jusqu'à deux heures, car il était coquet et soigneux de sa personne plus qu'une mariée. Sitôt paré, il sortait pour se promener dans Paris. À six heures, il s'en allait dîner dans une pension bourgeoise, chez les demoiselles Gomet, rue de la Paix. Après son dîner il courait prendre sa demi-tasse et faire sa fine partie au café Guerbois… et à onze heures il rentrait se coucher. Enfin, il n'avait qu'un défaut, le pauvre bonhomme… Il était porté sur le sexe. Même souvent, je lui disais : « À votre âge, n'avez-vous pas de honte !… » Mais on n'est pas parfait, et on comprend ça d'un ancien parfumeur, qui avait eu dans sa vie des tas de bonnes fortunes… Un sourire obséquieux errait sur les lèvres de la puissante concierge, mais rien n'était capable de dérider monsieur Méchinet. – Monsieur Pigoreau recevait-il beaucoup de monde ? continua-t-il.

– Très peu… Je ne voyais guère venir chez lui que son neveu, monsieur Monistrol, à qui, tous les dimanches, il payait à dîner chez le père Lathuile.

– Et comment étaient-ils ensemble, l'oncle et le neveu ? – Comme les deux doigts de la main.

– Ils n'avaient jamais de discussions ? – Jamais !… sauf qu'ils étaient toujours à se chamailler à cause de madame Clara. – Qui est cette madame Clara ?

– La femme de monsieur Monistrol, donc, une créature superbe… Défunt le père Anténor ne pouvait la souffrir. Il disait que son neveu l'aimait trop, cette femme, qu'elle le menait par le bout du nez, et qu'elle lui en faisait voir de toutes les couleurs… Il prétendait qu'elle n'aimait pas son mari, qu'elle avait un genre trop relevé pour sa position, et qu'elle finirait par faire des sottises… Même, madame Clara et son oncle ont été brouillés, à la fin de l'année dernière. Elle voulait que le bonhomme prêtât cent mille francs à monsieur Monistrol pour prendre un fonds de bijoutier au Palais-Royal. Mais il refusa, déclarant qu'on ferait de sa fortune ce qu'on voudrait, après sa mort ; mais que jusque-là, l'ayant gagnée, il prétendait la garder et en jouir… Je croyais que monsieur Méchinet allait insister sur cette circonstance, qui me paraissait très grave… point. En vain, je multipliais les signes, il poursuivit :

– Reste à savoir par qui le crime a été découvert ?

– Par moi, mon bon monsieur, par moi ! gémit la portière. Ah ! c'est épouvantable ! Figurez-vous que ce matin, sur le coup de midi, comme à l'ordinaire, je monte au père Anténor son chocolat… Faisant le ménage, j'ai une clef de l'appartement… J'ouvre, j'entre, et qu'est-ce que je vois… Ah ! mon Dieu !…

Et elle se mit à pousser des cris perçants…

– Cette douleur prouve votre bon cœur, madame, fit gravement monsieur Méchinet… Seulement, comme je suis fort pressé, tâchez de la maîtriser… Qu'avez-vous pensé, en voyant votre locataire assassiné ?… – J'ai dit à qui a voulu l'entendre : c'est son neveu, le brigand, qui a fait le coup pour hériter. – D'où vous venait cette certitude ?… car, enfin, accuser un homme d'un si grand crime, c'est le pousser à l'échafaud… – Eh ! monsieur, qui donc serait-ce ?… Monsieur Monistrol est venu voir son oncle hier soir, et quand il est sorti il était près de minuit… même, lui qui me parle toujours, il ne m'a rien dit ni en arrivant ni en s'en allant… Et depuis ce moment, jusqu'à celui où j'ai tout découvert, personne, j'en suis sûre, n'est monté chez monsieur Anténor… Je l'avoue, cette déposition me confondait. Naïf encore, je n'aurais pas eu l'idée de poursuivre cet interrogatoire. Par bonheur, l'expérience de monsieur Méchinet était grande, et il possédait à fond cet art si difficile de tirer des témoins toute la vérité. – Ainsi, madame, insista-t-il, vous êtes certaine que Monistrol est venu hier soir ?

– Certaine.

– Vous l'avez bien vu, bien reconnu ?… – Ah ! permettez… je ne l'ai pas dévisagé. Il a passé très vite, en tâchant de se cacher, comme un brigand qu'il est, et le corridor est mal éclairé… Je bondis, à cette réponse d'une incalculable portée, et m'avançant vers la concierge : – S'il en est ainsi, m'écriai-je, comment osez-vous affirmer que vous avez reconnu monsieur Monistrol ? Elle me toisa, et avec un sourire ironique :

– Si je n'ai pas vu la figure du maître, répondit-elle, j'ai vu le museau du chien… Comme je le caresse toujours, il est entré dans ma loge, et j'allais lui donner un os de gigot quand son maître l'a sifflé. Je regardais monsieur Méchinet, anxieux de savoir ce qu'il pensait de ces réponses, mais son visage gardait fidèlement le secret de ses impressions. Il ajouta seulement :

– De quelle race est le chien de monsieur Monistrol ?

– C'est un loulou, comme les conducteurs en avaient autrefois, tout noir, avec une tache blanche au-dessus de l'oreille ; on l'appelle Pluton. Monsieur Méchinet se leva.

– Vous pouvez vous retirer, dit-il à la portière, je suis fixé.

Et, quand elle fut sortie :

– Il me paraît impossible, fit-il, que le neveu ne soit pas le coupable.

Cependant, les médecins étaient arrivés pendant ce long interrogatoire et, quand ils eurent achevé l'autopsie, leur conclusion fut : – La mort du sieur Pigoreau a certainement été instantanée. Donc, ce n'est pas lui qui a tracé ces cinq lettres : Monis que nous avons vues sur le parquet, près du cadavre… Ainsi, je ne m'étais pas trompé. – Mais si ce n'est pas lui, s'écria monsieur Méchinet, qui donc est-ce ?… Monistrol… Voilà ce qu'on ne me fera jamais entrer dans la cervelle. Et comme le commissaire, ravi de pouvoir enfin aller dîner, le raillait de ses perplexités ; perplexités ridicules, puisque Monistrol avait avoué :

– Peut-être en effet ne suis-je qu'un imbécile, dit-il, c'est ce que l'avenir décidera… Et en attendant, venez, mon cher monsieur Godeuil, venez avec moi à la préfecture…

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Chapitre 5 Chapter 5 Capítulo 5 第5章

En attendant que montât la concierge, monsieur Méchinet procédait à un rapide et sagace examen du théâtre du crime. |||came up||concierge|||proceeded|||||sagacious||||| While waiting for the concierge to come upstairs, Monsieur Méchinet carried out a quick and sagacious examination of the crime scene.

Mais c'est surtout la serrure de la porte d'entrée de l'appartement qui attirait son attention. ||especially||lock||||||||attracted|| But it was above all the lock on the apartment's front door that caught his attention. Elle était intacte et la clef y jouait sans difficulté. It was intact and the key played in it without difficulty. Она была цела, и ключ играл легко. Cette circonstance écartait absolument l'idée d'un malfaiteur étranger s'introduisant de nuit à l'aide de fausses clefs. ||ruled out||||wrongdoer||entering||||||false| This absolutely ruled out the idea of a foreign malefactor breaking in at night with false keys. De mon côté, machinalement, ou plutôt inspiré par l'étonnant instinct qui s'était révélé en moi, je venais de ramasser ce bouchon à demi recouvert de cire verte que j'avais remarqué à terre. |||mechanically|||||the amazing|instinct|||||||||||cork|||||||||noticed|| For my part, mechanically, or rather inspired by the astonishing instinct that had revealed itself in me, I had just picked up this cork half-covered with green wax that I had noticed on the ground. Il avait servi, et du côté de la cire, gardait les traces du tire-bouchon ; mais, de l'autre bout, se voyait une sorte d'entaille assez profonde, produite évidemment par un instrument tranchant et aigu. |||||||||kept|the|||pull|cork||||end|||||of a cut||deep|produced|||||sharp||sharp It had been used, and on the wax side, retained the traces of the corkscrew; but on the other end, there was a rather deep gash, obviously produced by a sharp instrument. Им пользовались, и на восковой стороне сохранились следы штопора, а на другом конце была довольно глубокая рана, явно нанесенная острым предметом. Soupçonnant l'importance de ma découverte, je la communiquai à monsieur Méchinet, et il ne put retenir une exclamation de plaisir. Suspecting|||||||communicated||||||||retain|||| Suspecting the importance of my discovery, I passed it on to Monsieur Méchinet, and he couldn't contain an exclamation of pleasure. – Enfin ! Finally - At last! s'écria-t-il, nous tenons donc enfin un indice !… Ce bouchon, c'est l'assassin qui l'a laissé tomber ici… Il y avait fiché la pointe fragile de l'arme dont il s'est servi. ||||hold||||clue||cork|||||||||||lodged||||||||| he exclaimed, so at last we have a clue!... This cork was dropped by the assassin... He had stuck in it the fragile tip of the weapon he used. воскликнул он, - наконец-то у нас есть зацепка... Эту пробку обронил здесь убийца... Он воткнул в нее хрупкий наконечник орудия, которым пользовался. Conclusion : l'instrument du meurtre est un poignard à manche fixe, et non un de ces couteaux qui se ferment… Avec ce bouchon, je suis sûr d'arriver au coupable quel qu'il soit !… ||||||dagger||handle|fixed||||||||||||||||||||| Conclusion: the murder weapon is a fixed-handled dagger, not one of those knives that closes... With this cork, I'm sure I'll get to the culprit, whoever he is!... Вывод: орудие убийства - кинжал с фиксированной рукояткой, а не один из тех ножей, которые закрываются... С этой пробкой, я уверен, я доберусь до преступника, кем бы он ни был! Le commissaire de police achevait sa besogne dans la chambre, nous étions, monsieur Méchinet et moi, restés dans le salon, lorsque nous fûmes interrompus par le bruit d'une respiration haletante. ||||was finishing||task|||||||||||||||||||||||panting The police commissioner was finishing his work in the bedroom, and Monsieur Méchinet and I were still in the living room when we were interrupted by the sound of panting breath. Presque aussitôt, se montra la puissante commère que j'avais aperçue dans le vestibule pérorant au milieu des locataires. |almost immediately||||||||||||haranguing|||| Almost immediately, the powerful gossip-monger I'd seen in the vestibule perorating among the tenants appeared. C'était la portière, plus rouge, s'il est possible, qu'à notre arrivée. ||door|||||||| It was the door, redder, if possible, than when we arrived. – Qu'y a-t-il pour votre service, monsieur ? - What's in it for you, sir? demanda-t-elle à monsieur Méchinet. she asked Monsieur Méchinet.

– Asseyez-vous, madame, répondit-il. - Sit down, Madame," he replied.

– Mais, monsieur, c'est que j'ai du monde en bas… - But, sir, I've got people downstairs... - Но, сэр, у меня внизу люди... – On vous attendra… je vous dis de vous asseoir. We|||||||| - We'll wait for you... I'm telling you to sit down.

Interloquée par le ton de monsieur Méchinet, elle obéit. Taken aback||||||||obeyed She was taken aback by Monsieur Méchinet's tone and obeyed. Alors lui, la fixant de ses terribles petits yeux gris : |||staring|||||| Then he, staring at her with his terrible little gray eyes:

– J'ai besoin de certains renseignements, commença-t-il, et je vais vous interroger. ||||information|||||||| - I need some information," he began, "and I'm going to ask you a few questions. Dans votre intérêt, je vous conseille de répondre sans détours. |||||||||detours It's in your best interest to answer straightforwardly. Et d'abord, quel est le nom de ce pauvre bonhomme qui a été assassiné ? And first of all, what was the name of that poor fellow who was murdered? – Il s'appelait Pigoreau, mon bon monsieur, mais il était surtout connu sous le nom d'Anténor, qu'il avait pris autrefois, comme étant plus en rapport avec son commerce. |was called|Anténor||||||||||||of Antenor||||formerly|||||||| - His name was Pigoreau, my good sir, but he was best known by the name Anténor, which he had taken in the past, as being more in keeping with his trade. – Habitait-il la maison depuis longtemps ? - How long had he lived in the house?

– Depuis huit ans. - For the past eight years.

– Où demeurait-il avant ? |remained|| - Where did he live before?

– Rue Richelieu, où il avait son magasin… car il avait été établi, il avait été coiffeur, et c'est dans cet état qu'il avait gagné sa fortune. |||||||||||established||||hairdresser|||||||||| - Rue Richelieu, where he had his store... for he had been established, he had been a barber, and it was in this state that he had earned his fortune. – Il passait donc pour riche ? |was passing|therefore|to be| - So he was considered rich?

– J'ai entendu dire à sa nièce qu'il ne se laisserait pas couper le cou pour un million. |||||niece||||||||||| - I heard his niece say that he wouldn't let his neck be cut off for a million. - Я слышал, как его племянница говорила, что он и за миллион не дал бы отрезать себе шею. À cet égard, la prévention devait être fixée, puisqu'on avait inventorié les papiers du pauvre vieux. ||||||||since||inventoried||||| In this respect, prevention had to be fixed, since the poor old man's papers had been inventoried. В этом отношении профилактика должна была быть предрешена, поскольку бумаги бедного старика были охарактеризованы. – Maintenant, poursuivit monsieur Méchinet, quelle espèce d'homme était ce sieur Pigoreau, dit Anténor ? |||||species||||sir|||Anténor - Now," continued Monsieur Méchinet, "what kind of man was Sieur Pigoreau, dit Anténor? – Oh ! - Oh! - Oh! la crème des hommes, cher bon monsieur, répondit la concierge… Il était bien tracassier, maniaque, grigou comme il n'est pas possible, mais il n'était pas fier… Et si drôle, avec cela !… On aurait passé ses nuits à l'écouter, quand il était en train… C'est qu'il en savait de ces histoires ! ||||||mister|||concierge||||troublesome|maniac|miserly||||||||||proud|||fun||||would|||||listen|||||||||||| Er war zwar ein Störenfried, manisch, ein Nörgler, wie er im Buche steht, aber er war nicht stolz... Und dabei so lustig!... Man hätte die Nächte damit verbringen können, ihm zuzuhören, wenn er im Zug war... Er wusste viele Geschichten! the crème de la crème of men, my good sir," replied the concierge... He was fussy, maniacal, a nibbler as can be, but he wasn't proud... And so funny, too!... You could have spent your nights listening to him, when he was on the train... He knew a lot of stories! Это самый лучший из мужчин, мой добрый сэр, - ответил консьерж... Он был суетлив, маниакален, зануда, как никто другой, но не гордый... И такой забавный!.. Вы могли бы проводить ночи, слушая его, когда он ехал в поезде... Он знал много историй! Pensez donc, un ancien coiffeur, qui avait, comme il disait, frisé les plus belles femmes de Paris… ||||hairdresser||||||curled|the|most||women||Paris Just think, a former hairdresser who had, as he said, curled the most beautiful women in Paris... Подумать только, бывший парикмахер, который, по его словам, завивал самых красивых женщин Парижа...

– Comment vivait-il ? - How did he live?

– Comme tout le monde… Comme les gens qui ont des rentes, s'entend, et qui cependant tiennent à leur monnaie. ||||||||||incomes|understand||||hold|||money - Like everyone else... Like people with pensions, that is, who nevertheless value their money. – Pouvez-vous me donner quelques détails ? - Can you give me some details?

– Oh ! - Oh! pour cela, je le pense, vu que c'est moi qui avais soin de son ménage… Et cela ne me donnait guère de peine, car il faisait presque tout, balayant, époussetant et frottant lui-même… C'était sa manie, quoi ! to||||||||||had||||||||||hardly||||||||sweeping|dusting||rubbing|||||| And it didn't give me much trouble, because he did almost everything himself, sweeping, dusting and scrubbing... It was his mania! Donc, tous les jours que le bon Dieu faisait, à midi battant, je lui montais une tasse de chocolat. ||||||||||||||||||chocolate So, every day that the good Lord did, at the stroke of midday, I'd take him up a cup of chocolate. Il la buvait, il avalait par-dessus un grand verre d'eau, et c'était son déjeuner. |the|was drinking||swallowed|||||glass||||| He drank it, swallowed a large glass of water over it, and that was his lunch. Après il s'habillait, et ça le menait jusqu'à deux heures, car il était coquet et soigneux de sa personne plus qu'une mariée. |||||||||||||coquettish||careful|||||| Then he'd get dressed, and it would take him until two o'clock, for he was more coquettish and careful of his person than a bride. Sitôt paré, il sortait pour se promener dans Paris. immediately|dressed||||||in| As soon as he was ready, he would go out for a walk in Paris. À six heures, il s'en allait dîner dans une pension bourgeoise, chez les demoiselles Gomet, rue de la Paix. |||||||||||||daughters|Gomet|||| At six o'clock, he was off to dinner at a bourgeois boarding house, the Demoiselles Gomet, on Rue de la Paix. Après son dîner il courait prendre sa demi-tasse et faire sa fine partie au café Guerbois… et à onze heures il rentrait se coucher. ||||||||||||fine||||Guerbois|||||||| After his dinner he ran to get his half-cup and play his fine game at the Café Guerbois… and at eleven o'clock he went home to bed. Enfin, il n'avait qu'un défaut, le pauvre bonhomme… Il était porté sur le sexe. ||||||||||inclined|||sex Finally, he had only one fault, the poor guy ... He was focused on sex. У него был только один недостаток, бедняга... Он был склонен к сексу. Même souvent, je lui disais : « À votre âge, n'avez-vous pas de honte !… » Mais on n'est pas parfait, et on comprend ça d'un ancien parfumeur, qui avait eu dans sa vie des tas de bonnes fortunes… ||||||||||||||||||||||||perfumer|||||||||||fortunes Even often, I said to him: "At your age, have you no shame!..." But we are not perfect, and we understand that from a former perfumer, who had had heaps of good fortune... Un sourire obséquieux errait sur les lèvres de la puissante concierge, mais rien n'était capable de dérider monsieur Méchinet. ||obsequious|lingered|||||||||||||dérider|| An obsequious smile played on the powerful concierge's lips, but nothing was capable of cheering up Monsieur Méchinet. – Monsieur Pigoreau recevait-il beaucoup de monde ? – Did Monsieur Pigoreau receive a lot of people? - Много ли людей развлекал месье Пигоро? continua-t-il. he continued.

– Très peu… Je ne voyais guère venir chez lui que son neveu, monsieur Monistrol, à qui, tous les dimanches, il payait à dîner chez le père Lathuile. |||||hardly|||||||||||||Sundays||paid|||at|||Lathuile “Very few… I hardly saw anyone coming to his house except his nephew, Monsieur Monistrol, whom he used to buy dinner at Father Lathuile's every Sunday.

– Et comment étaient-ils ensemble, l'oncle et le neveu ? ||||together||||nephew - And what were they like together, uncle and nephew? – Comme les deux doigts de la main. |||fingers||| - Like two fingers on a hand.

– Ils n'avaient jamais de discussions ? - Didn't they ever have discussions? – Jamais !… sauf qu'ils étaient toujours à se chamailler à cause de madame Clara. |||||||bicker||||| - Never!... except that they were always bickering about Madame Clara. – Qui est cette madame Clara ? |||madam| - Who is this Madame Clara?

– La femme de monsieur Monistrol, donc, une créature superbe… Défunt le père Anténor ne pouvait la souffrir. |||mister|Monistrol|||||deceased|||Anténor||||suffer - Monsieur Monistrol's wife, a superb creature... The late Father Anténor couldn't stand her. Il disait que son neveu l'aimait trop, cette femme, qu'elle le menait par le bout du nez, et qu'elle lui en faisait voir de toutes les couleurs… Il prétendait qu'elle n'aimait pas son mari, qu'elle avait un genre trop relevé pour sa position, et qu'elle finirait par faire des sottises… Même, madame Clara et son oncle ont été brouillés, à la fin de l'année dernière. ||||||||||||||||||||||||||||||didn't love|||||||||||||||would finish||||nonsense|||||||||estranged|||||| He said that his nephew loved her too much, that she led him by the nose, and that she made him see all the colors... He claimed that she didn't love her husband, that she had a style too high for her position, and that she would end up doing stupid things... Even, Madame Clara and her uncle had a falling out at the end of last year. Он говорил, что племянник слишком сильно ее любит, что она водит его за нос и не дает ему покоя... Он говорил, что она не любит своего мужа, что ее стиль слишком возвышен для ее положения и что в конце концов она совершит какую-нибудь глупость... Даже мадам Клара и ее дядя рассорились в конце прошлого года. Elle voulait que le bonhomme prêtât cent mille francs à monsieur Monistrol pour prendre un fonds de bijoutier au Palais-Royal. |||||lend||||||||||fund||jeweler||| She wanted the good man to lend Monsieur Monistrol a hundred thousand francs to take over a jeweler's business in the Palais-Royal. Mais il refusa, déclarant qu'on ferait de sa fortune ce qu'on voudrait, après sa mort ; mais que jusque-là, l'ayant gagnée, il prétendait la garder et en jouir… |||||||||||||||||||having|won|||||||enjoy But he refused, declaring that they could do with his fortune as they wished, after his death; but that until then, having earned it, he intended to keep it and enjoy it... Je croyais que monsieur Méchinet allait insister sur cette circonstance, qui me paraissait très grave… point. ||||||||||||||serious| I thought Monsieur Méchinet was going to insist on this circumstance, which seemed to me to be very serious... period. En vain, je multipliais les signes, il poursuivit : |||multiplied|||| In vain, I multiplied the signs, he continued:

– Reste à savoir par qui le crime a été découvert ? - Who discovered the crime? - Кто обнаружил преступление?

– Par moi, mon bon monsieur, par moi ! - By me, my good sir, by me! gémit la portière. groans|| moans the door. Ah ! Ah! c'est épouvantable ! |terrible it's appalling! Figurez-vous que ce matin, sur le coup de midi, comme à l'ordinaire, je monte au père Anténor son chocolat… Faisant le ménage, j'ai une clef de l'appartement… J'ouvre, j'entre, et qu'est-ce que je vois… Ah ! ||||||||||||||||||||||cleaning|||||||||||||| Imagine that this morning, at the stroke of noon, as usual, I took Father Anténor his chocolate... Doing the housework, I got a key to the apartment... I opened it, went in, and what do I see... Ah! mon Dieu !… my god!...

Et elle se mit à pousser des cris perçants… |||||||cries|piercing And she began to cry out... И она стала кричать...

– Cette douleur prouve votre bon cœur, madame, fit gravement monsieur Méchinet… Seulement, comme je suis fort pressé, tâchez de la maîtriser… Qu'avez-vous pensé, en voyant votre locataire assassiné ?… ||proves|||heart||said||||||||||try|||control|||thought||||tenant|assassinated - This pain proves your good heart, Madame," Monsieur Méchinet said gravely... Only, as I'm in a hurry, try to control it... What did you think, seeing your tenant murdered?... - Эта боль доказывает ваше доброе сердце, мадам, - серьезно сказал месье Мешине... - Только, поскольку я очень спешу, постарайтесь ее сдержать... Что вы подумали, когда увидели, как убивают вашего жильца? – J'ai dit à qui a voulu l'entendre : c'est son neveu, le brigand, qui a fait le coup pour hériter. |||||wanted||||||brigand|||||||inherit - I told anyone who would listen: it was his nephew, the brigand, who did the deed to inherit. - Я говорил всем, кто слушал: это его племянник, разбойник, совершил поступок, чтобы получить наследство. – D'où vous venait cette certitude ?… car, enfin, accuser un homme d'un si grand crime, c'est le pousser à l'échafaud… ||||certainty||||||||||||push|| - Where did you get this certainty?... because, after all, to accuse a man of such a great crime is to push him to the scaffold... – Eh ! monsieur, qui donc serait-ce ?… Monsieur Monistrol est venu voir son oncle hier soir, et quand il est sorti il était près de minuit… même, lui qui me parle toujours, il ne m'a rien dit ni en arrivant ni en s'en allant… Et depuis ce moment, jusqu'à celui où j'ai tout découvert, personne, j'en suis sûre, n'est monté chez monsieur Anténor… |||would||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||sure||gone|||Anténor Monsieur Monistrol came to see his uncle last night, and by the time he left it was nearly midnight... even he, who always talks to me, didn't say a word to me either on his way in or on his way out... And from that moment until I found out, I'm sure no one has been up to see Monsieur Anténor... Je l'avoue, cette déposition me confondait. |admits it||testimony||confused I admit, this testimony confused me. Naïf encore, je n'aurais pas eu l'idée de poursuivre cet interrogatoire. ||||||||pursue||interrogation Als ich noch naiv war, wäre ich nicht auf die Idee gekommen, das Verhör fortzusetzen. Naive again, I would not have had the idea of continuing this interrogation. Par bonheur, l'expérience de monsieur Méchinet était grande, et il possédait à fond cet art si difficile de tirer des témoins toute la vérité. Glücklicherweise war Monsieur Méchinet sehr erfahren und besaß die schwierige Kunst, aus Zeugen die ganze Wahrheit herauszubekommen. Fortunately, Monsieur Méchinet was an experienced man, with a thorough command of the difficult art of extracting the truth from witnesses. – Ainsi, madame, insista-t-il, vous êtes certaine que Monistrol est venu hier soir ? |||||||||Monistrol||come|| - So, Madame," he insisted, "you're certain that Monistrol came here last night?

– Certaine. Certain - Certainly.

– Vous l'avez bien vu, bien reconnu ?… |||||recognized - Did you get a good look at him, did you recognize him?... – Ah ! - Ah! permettez… je ne l'ai pas dévisagé. allows|||||stared at erlauben Sie ... ich habe ihn nicht angestarrt. Allow me... I didn't stare. Позвольте... Я не пялился. Il a passé très vite, en tâchant de se cacher, comme un brigand qu'il est, et le corridor est mal éclairé… ||||||trying|||||||||||||| Er ist sehr schnell vorbeigegangen und hat versucht, sich zu verstecken, wie ein Räuber, der er ist, und der Korridor ist schlecht beleuchtet... He passed very quickly, trying to hide like the brigand he is, and the corridor is poorly lit... Он прошел очень быстро, стараясь спрятаться, как и подобает разбойнику, а коридор плохо освещен... Je bondis, à cette réponse d'une incalculable portée, et m'avançant vers la concierge : |bound|||||incalculable|scope||advancing|||concierge I jumped at this incalculably far-reaching answer, and advancing towards the concierge: – S'il en est ainsi, m'écriai-je, comment osez-vous affirmer que vous avez reconnu monsieur Monistrol ? ||||exclaimed|||dare||assert|||||| – If that is so, I cried, how do you dare to affirm that you recognized Monsieur Monistrol? Elle me toisa, et avec un sourire ironique : ||sized me up||||| Sie musterte mich und mit einem ironischen Lächeln: She looked at me, and with a wry smile:

– Si je n'ai pas vu la figure du maître, répondit-elle, j'ai vu le museau du chien… Comme je le caresse toujours, il est entré dans ma loge, et j'allais lui donner un os de gigot quand son maître l'a sifflé. ||||||||||||||muzzle||||||caresses|||||||||||||bone|of|leg|||||whistled - If I didn't see the master's face," she replied, "I did see the dog's muzzle... As I'm always petting him, he came into my dressing room, and I was about to give him a leg of lamb when his master hissed at him. - Если я не видела лица хозяина, - ответила она, - то видела морду собаки... Поскольку я всегда его глажу, он зашел ко мне в гардеробную, и я уже собиралась дать ему баранью ногу, когда хозяин свистнул на него. Je regardais monsieur Méchinet, anxieux de savoir ce qu'il pensait de ces réponses, mais son visage gardait fidèlement le secret de ses impressions. |||||||||||||||||faithfully||||| I looked at Monsieur Méchinet, anxious to know what he thought of these answers, but his face faithfully guarded the secrecy of his impressions. Я посмотрел на г-на Мешине, желая узнать, что он думает об этих ответах, но его лицо надежно хранило тайну своих впечатлений. Il ajouta seulement : He only added:

– De quelle race est le chien de monsieur Monistrol ? |||||dog||| - What breed is Monsieur Monistrol's dog? - Какой породы собака у господина Монистрола?

– C'est un loulou, comme les conducteurs en avaient autrefois, tout noir, avec une tache blanche au-dessus de l'oreille ; on l'appelle Pluton. ||loulou|||drivers||had|once|||||spot||||||||Pluton - Es ist ein Hündchen, wie die Fahrer es früher hatten, ganz schwarz, mit einem weißen Fleck über dem Ohr; man nennt es Pluto. - He's a loulou, like the drivers used to have, all black with a white spot above the ear; we call him Pluto. Monsieur Méchinet se leva. Monsieur Méchinet rose to his feet.

– Vous pouvez vous retirer, dit-il à la portière, je suis fixé. |||||||||||fixed - Sie können sich zurückziehen", sagte er an der Tür, "ich bin fixiert. - You can leave now," he says to the car door, "I've made up my mind. - Можете уходить, - сказал он в сторону двери, - я все решил.

Et, quand elle fut sortie : And, when she was out: И когда она вышла:

– Il me paraît impossible, fit-il, que le neveu ne soit pas le coupable. - It seems impossible to me," he said, "that the nephew is not the culprit. - Мне кажется невозможным, - сказал он, - чтобы племянник не был виновником.

Cependant, les médecins étaient arrivés pendant ce long interrogatoire et, quand ils eurent achevé l'autopsie, leur conclusion fut : ||||arrived||||||||had||||| However, the doctors had arrived during this long interrogation and, when they had completed the autopsy, their conclusion was: – La mort du sieur Pigoreau a certainement été instantanée. - Pigoreau's death was certainly instantaneous. Donc, ce n'est pas lui qui a tracé ces cinq lettres : Monis que nous avons vues sur le parquet, près du cadavre… So it wasn't him who traced these five letters: Monis, which we saw on the parquet floor next to the corpse... Ainsi, je ne m'étais pas trompé. So I wasn't wrong. – Mais si ce n'est pas lui, s'écria monsieur Méchinet, qui donc est-ce ?… Monistrol… Voilà ce qu'on ne me fera jamais entrer dans la cervelle. - But if it's not him," exclaimed Monsieur Méchinet, "then who is it?... Monistrol... That's the one thing they'll never get into my head. - Но если это не он, - воскликнул месье Мешине, - то кто же?... Монистрол... Вот чего они никогда не смогут вбить мне в голову. Et comme le commissaire, ravi de pouvoir enfin aller dîner, le raillait de ses perplexités ; perplexités ridicules, puisque Monistrol avait avoué : ||||delighted|||||||ridiculed|||perplexities|perplexities||||| confessed And as the superintendent, delighted to finally be able to go to dinner, mocked him for his perplexities; ridiculous perplexities, since Monistrol had confessed:

– Peut-être en effet ne suis-je qu'un imbécile, dit-il, c'est ce que l'avenir décidera… Et en attendant, venez, mon cher monsieur Godeuil, venez avec moi à la préfecture… |||||am|||imbecile|||||||will decide|||waiting|come||||Godeuil||||||prefecture - Perhaps I am indeed just a fool," he said, "that's what the future will decide... And in the meantime, come, my dear Mr. Godeuil, come with me to the prefecture... - Может быть, я просто дурак, - сказал он, - это решит будущее... А пока пойдемте, мой дорогой господин Годюи, пойдемте со мной в префектуру...