Monsieur Mémoire - 21/7/2020
Le directeur général du Centre national des archives algériennes, est le nouveau Monsieur Mémoire en Algérie. Le président algérien l'a nommé ce dimanche 19 juillet au soir pour mener, conjointement avec l'historien français Benjamin Stora, un travail sur les questions mémorielles des relations entre les deux pays. Voilà donc l'information que transmet RFI : un Monsieur Mémoire, pour travailler sur les questions mémorielles. De quelle mémoire s'agit-il ? De celle de l'histoire récente, et notamment d'une histoire douloureuse, le plus souvent d'une histoire d'oppression d'un groupe par rapport à un autre. Est-ce que cette histoire est si récente que ça quand on parle de mémoire ? Elle dure… Et il s'agit en général d'un passé qui a encore des incidences sur la vie d'aujourd'hui. On peut en parler pour les rapports de la France et de l'Algérie : mémoire de la guerre d'Algérie qui commence en 1954 ; mémoire de la colonisation qui commence en 1830, il y a presque deux siècles. Aux États-Unis, on a des problématiques du même genre, avec par exemple la mémoire de l'esclavage, qui n'existe plus officiellement depuis la fin de la Guerre de Sécession en 1865, mais dont les secousses, les ondes sont encore à l'œuvre aujourd'hui. Il convient donc de célébrer, mais aussi d'organiser ces souvenirs, et de préférence en faisant une matière de réflexion historique plus que morale !
À priori il est donc bon que ce Monsieur Mémoire soit historien, comme Benjamin Stora, son homologue français. Mais pourquoi Monsieur Mémoire. L'appellation n'a rien d'officiel, ni d'administratif. Elle est un peu journalistique, mais avec un côté bon enfant. Mais surtout, elle se met sur le même plan que d'autres nominations de personnalités, chargés d'une mission bien particulière, et pour qui le poste est créé. Souvent ils échappent à la hiérarchie ordinaire, et prennent une position transdisciplinaire.
Ainsi on entend parfois parler de Monsieur Sécurité routière, de Madame Drogue ou même de Madame Francophonie : quelqu'un qui est chargé, dans une situation interministérielle, de régler un problème de société. L'expression souligne bien qu'il s'agit d'une personne, et non pas d'un service, chargée de régler tout ça. Plus léger, plus souple, mais souvent avec assez peu de moyens…
Pourtant ce genre de formule peut servir à tout autre chose, notamment à pointer du doigt une particularité de quelqu'un : Monsieur muscle est très fort. Et Monsieur Propre nettoie tout, à tel point que cette image peut devenir le nom d'une marque ; on a aussi Monsieur Bricolage ou Monsieur Meuble ! Quant à Monsieur Toutlemonde…. C'est vous, c'est moi, ce n'est personne, c'est une silhouette anonyme qui représente une population dans un lieu, à un moment donné : aucune singularité. Il ne ressemble pourtant à personne, mais pourrait ressembler un peu à tout le monde.
