D'esclave à US Marshal - L'incroyable destin de Bass Reeves
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plongez dans l'Histoire à travers des scénarios mettant en scène des personnages historiques
ayant réellement existé : vous partirez à la découverte de la mystérieuse cité
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du XIVe siècle avec le voyageur Ibn Battuta ou vous partirez explorer de nouvelles terres
en compagnie de Leif Eriksson; le fils du célèbre Éric le Rouge ! À la manière
d'une aventure dont vous êtes les héros; en solo ou à plusieurs, plongez immédiatement
dans l'histoire grâce à des règles très simples qui s'apprennent en jouant. Chaque
scénario est écrit avec l'aide de spécialistes et les multiples péripéties auxquelles vous
serez confrontés vous permettent de rejouer plusieurs fois chaque scénario. Et pour vous
montrer à quel point les aventures et les personnages que vous allez découvrir sont
passionnants, sachez que l'épisode qui suit, dédié à Bass Reeves, le premier shérif
noir américain, fait l'objet d'un scénario à part entière ! Si vous avez toujours rêvé
de vous plonger dans le Far West, ça peut être un bon moyen ! Si vous aimez l'Histoire,
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Mes chers camarades bien le bonjour ! Premier deputy marshal noir des Etats-Unis
en 1875, Bass Reeves est l'objet depuis une dizaine d'années d'un d'intérêt
croissant. Grâce à plusieurs historiens qui ont sondé les archives et retracé sa
vie, ce personnage a pris une place dans le récit de la conquête de l'Ouest américain.
Déjà au centre de toute une littérature de Western, romans comme bande-dessinées,
il a récemment fait son apparition dans les séries télé, notamment Gunslingers ou Watchmen,
rien que ça ! Bass Reeves est devenu une figure de la « frontière
», ce front pionnier qui progressait vers l'ouest à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis,
et en même temps, un symbole d'émancipation pour les Noirs américains. On va donc revenir
aujourd'hui sur la vie hors du commun de Bass Reeves, officier de police noir dans
une Amérique ségrégationniste, devenu expert dans la traque des criminels de l'Ouest
sauvage. La jeunesse de Bass Reeves reste particulièrement
énigmatique, sa date et son lieu de naissance ne sont pas connus avec certitude. Le mieux
qu'on puisse dire, c'est qu'il est né en Arkansas ou au Texas, et sans doute en
juillet 1838. L'incertitude provient du fait que Reeves est né esclave, sa mère
appartenant à un fonctionnaire nommé William Steel Reeves. Le jeune Bass prend ainsi le
nom de son maître, comme c'est l'usage à l'époque. Bass, son frère et leur mère
sont envoyés en 1846 à Grayson County au nord du Texas, pour servir dans la propriété
du fils de leur maître. Celui-ci, George Robertson Reeves, est un personnage important.
Colonel dans l'armée américaine, il cumule aussi les fonctions de shérif du comté et
de percepteur d'impôt. Il fait de Bass, âgé seulement de 8 ans, son majordome.
Bass exécute donc les tâches diverses du quotidien, souvent ingrates et pénibles,
mais il apprend aussi à s'occuper des chevaux, à forger et réparer des outils.
Son éducation se limite à la pratique, il est impensable qu'un enfant esclave apprenne
à lire ou à écrire. Bass reste donc pratiquement illettré toute sa vie, ce qui présente un
certain handicap pour un policier qui doit lire les mandats d'arrêt et écrire des
rapports d'opérations. Sa seule approche d'un livre est celle de la Bible, dont sa
mère lui répète des passages qu'elle a appris par cœur.
Son enfance et son adolescence sont donc rudes, et ce n'est pas parce qu'il est au service
d'un personnage important que sa condition de vie d'esclave fait l'objet d'une
attention particulière. Il est vêtu et nourri sommairement, il dort sur une paillasse de
feuilles de maïs, il est battu et privé lorsque son maître en éprouve l'envie.
Pas la meilleure des situations quoi... La guerre de Sécession éclate en 1861 lorsqu'il
a 23 ans. On sait qu'il est enrôlé pour servir auprès de son maître, colonel de
cavalerie dans l'armée confédérée, mais son implication dans le conflit reste difficile
à connaître en détails. Selon quelques biographies, il a peut-être été aligné
comme soldat lors des batailles de Pea Ridge en mars 1862, de Chickamauga en septembre
1863 et de Chattanooga en novembre 1863. Il aurait donc été forcé de se battre contre
l'abolition de l'esclavage, et contre sa liberté.
Mais cela reste assez improbable, les sudistes n'ayant recours aux esclaves dans l'armée
qu'à la fin du conflit, et avec beaucoup de réticence. Bass Reeves a en réalité
surement été assigné à des tâches non-combattantes, au services de son maître.
Quoiqu'il en soit, c'est durant la guerre que Reeves s'émancipe. Lors d'une dispute
avec son maître, peut-être après une partie de cartes arrosée, il le frappe puis s'enfuit
sur son cheval. Seul, il est en grave danger, la loi américaine obligeant les citoyens
à ramener à leur propriétaire les esclaves en fuite. Reeves se rend donc vers une région
où il a plus de chances d'échapper aux esclavagistes : les Territoires Indiens. Cette
région située au nord du Texas est devenue aujourd'hui l'Etat de l'Oklahoma, mais
dans les années 1860, elle a un statut de réserve indienne. C'est là qu'ont été
déportés plusieurs peuples amérindiens dans les années 1830 : Cherokee, Creek, Chickasaw,
Choctaw, Séminole, Osage, Seneca, Pawnee, et bien d'autres. En 1874, l'armée américaine
forcera encore d'autres peuples à s'installer dans les Territoires Indiens : Comanches,
Kiowas, Cheyennes du Sud et Arapahos. Cette promiscuité contrainte sur des terres qu'ils
ne connaissent pas et les ingérences constantes des colons qui cherchent à accaparer les
terres et les ressources, créent un climat extrêmement tendu. Beaucoup d'Indiens se
mettent à voler du bétail et les contrebandiers se réfugient dans ces réserves où la loi
américaine s'applique difficilement. Les grands espaces compliquent la tâche des forces
de l'ordre pour retrouver les criminels. Mais pour Reeves, c'est l'endroit idéal
où se cacher, il sait qu'il ne sera pas rattrapé ici. Il trouve même auprès des
peuples Cherokee, Creek et Séminole de la région des alliés précieux. Ceux que l'on
nomme les Indiens sont eux-mêmes victimes de la loi américaine et n'ont aucune intention
d'aider les Blancs à retrouver leurs esclaves. Au contact de plusieurs tribus, Bass Reeves
se familiarise avec cinq dialectes, et acquiert de solides compétences en pistage, chasse
et équitation. Loin de la loi des Blancs, il peut aussi se familiariser avec les armes
à feu, ce qui était bien entendu interdit aux esclaves. Il s'entraîne avec rigueur
et constance sur des cibles d'entraînement et à la chasse, devenant progressivement
un tireur précis et expérimenté. Les Séminoles organisent régulièrement des compétitions
de tir auxquelles participe Reeves, reconnu pour ses talents. L'abolition de l'esclavage
décrétée en janvier 1863 par l'Union fait de lui un homme libre. La fin de la guerre
lui permet de quitter les Territoires Indiens, et il regagne l'Arkansas vers 1865. Reeves
s'installe dans la ville de Van Buren et achète un lopin de terre. Il y épouse Nellie
Jennie, une femme Creek dont il a fait la connaissance lors de son séjour auprès de
son peuple. Ensemble ils auront onze enfants. Reeves mène dès lors une vie paisible, il
travaille la terre et élève du bétail, mais ses talents sont aussi mis à profit
par la police locale. Il devient l'un des éclaireurs chargés de retrouver la piste
des criminels en fuite. Mais l'abolition de l'esclavage ne signifie
pas pour autant une pleine émancipation pour les Noirs américains. Les Etats sudistes
sont très réticents à faire appliquer l'égalité, et des Ligues armées comme le Ku Klux Klan
se forment pour terroriser les Noirs et les empêcher d'exercer leurs droits.
Par “chance” cette violence et cette discrimination sont un peu moins présentes dans l'Ouest
où vit Reeves, et se concentrent surtout en Louisiane, Alabama et Mississippi. Le statut
de territoire “frontière” de l'Arkansas ou du Nord texan épargne un peu les Noirs,
puisque la violence s'exerce bien plus sur les peuples amérindiens. En 1875, le gouvernement
des Etats-Unis entreprend de faire baisser le taux de criminalité affolant dans l'Ouest.
Un nouveau juge fédéral est nommé par le président, il s'agit d'Isaac Charles Parker.
Parker décide de recruter 200 nouveaux officiers pour faire respecter la loi dans les Territoires
Indiens. Bass Reeves, dont la réputation de pisteur n'est plus à faire, est immédiatement
approché par le nouveau responsable. A 37 ans, il devient donc le premier deputy marshal
noir des Etats-Unis. Avec ses 199 collègues, il a pour mission de faire régner l'ordre
sur les Territoires Indiens et l'ouest de l'Arkansas, soit presque 200 000 km² : plus
du tiers du territoire français. Le statut de deputy marshal est supérieur
à celui du shérif, qui n'a pas le droit de traverser les limites de comtés. Le deputy
marshal est en fait un policier fédéral du département de la Justice, il est chargé
notamment de traquer et livrer les prévenus aux tribunaux, ainsi que de protéger les
juges et les témoins. Sur le papier ça à l'air hyper stylé
et je vous vois déjà en train de fantasmer le job badass comme dans tous les westerns
que vous avez pu voir. Mais cette fonction est plus dangereuse que prestigieuse, il n'est
pas rare que les officiers de police soient abattus dans des fusillades. Entre 1872 et
1896, ce qui correspond à peu près aux années de service de Bass Reeves, 103 d'entre eux
sont tués dans l'exercice de leurs fonctions. Ça fait réfléchir...
Seuls représentants de la loi dans ces vastes confins, ils sont exposés à l'extrême
violence qui règne en dehors des quelques centres de peuplement. Les bandits et contrebandiers
laissent souvent à l'attention des deputies des menaces de mort explicites, et chaque
incursion dans les territoires sauvages peut s'avérer fatale. La « dead-line » dans
cette région est constituée par la voie de chemin de fer qui relie le Missouri, le
Kansas et le Texas. Passer les rails vers l'ouest expose les officiers de police à
être abattus sans sommation. Dans ce contexte, Reeves est réputé pour avoir gardé son
sang-froid en toutes circonstances. Prenant son nouveau statut très au sérieux, il traque
sans relâche les criminels recherchés. Il s'entoure d'adjoints, pour conduire son
chariot-prison, gérer la logistique de la traque ou même pour servir d'appât, mais
il doit souvent affronter seul plusieurs hommes et ruser pour les arrêter. Reeves est réputé
pour avoir été un expert en la matière, il se déguise en fermier, en gardien de troupeau,
en religieux, en vagabond, et tend des pièges aux criminels.
C'est le cas par exemple lors de l'arrestation de quatre hommes qui ont braqué un comptoir
commercial à Keokuk Falls. Reeves se fait passer pour un fermier qui a besoin de leur
aide pour remettre son chariot sur la route afin de les attirer hors de la cabane où
ils s'étaient réfugiés. Se présentant souvent comme affamé et hors-la-loi lui-même,
il parvient parfois à gagner la confiance de ceux qu'il traque. Préparant même à
l'occasion des plans de braquages futurs avec eux, il profite de leur ébriété ou
de leur inattention pour leur pointer le canon de son fusil sur la tempe.
Bass Reeves est badass. On est d'accord. N'empêche que perso je ferai pas son taff
! Certaines arrestations dégénèrent bien
entendu, et Bass Reeves a dû faire usage de son arme à de nombreuses reprises. Le
racisme omniprésent ajoute à la difficulté de sa tâche puisque les malfrats refusaient
régulièrement de se faire arrêter par un policier à la peau noire. Il s'associe
d'ailleurs à l'occasion avec d'autres officiers noirs, notamment Grant Johnson,
deputy marshal né esclave comme lui, avec qui il forme un duo redoutable.
L'une des arrestations les plus notables de Reeves est celle de Bob Dozier, le 20 décembre
1878. Dozier est un criminel expérimenté, il a tué, braqué, détroussé à de nombreuses reprises et se terre dans la nature avec succès depuis des mois pour échapper aux poursuites.
Reeves le traque, le retrouve et l'abat dans une fusillade épique sous un violent
orage. Une autre fois, capturé par des malfrats
qui le soupçonnent d'être le célèbre Bass Reeves, il parvient à prendre le dessus
sur ses deux geôliers qui s'apprêtaient à l'exécuter et les arrête.
En 1885, Reeves se lance aussi à la poursuite de l'une des plus fameuses femmes hors-la-loi
de l'ouest américain, Belle Starr. Reeves se rend chez elle et lui demande de se rendre,
elle lui échappe, mais finit par se rendre d'elle-même, épuisée par la traque qu'il
lui impose. Les récompenses élevées pour les arrestations
et le talent de Reeves lui permettent de gagner confortablement sa vie, mais il vit toujours
dans la simplicité et porte des habits sobres. Il ne s'équipe pas d'armes chromées
et tape-à-l'œil comme d'autres deputies, préférant une simple carabine Uberti-Winchester
et des pistolets militaires en complément. Bien qu'étant illettré, il fait rédiger
en détail à ses assistants les comptes-rendus d'arrestation et livre toujours avec précision
les criminels aux tribunaux. Mais un épisode dramatique survient en avril 1884 et vient
perturber cette carrière sans accroc. Plusieurs versions existent et il est toujours impossible
de savoir avec certitude ce qu'il s'est vraiment passé. Alors que Reeves et ses assistants
transportent cinq prisonniers à travers les Territoires Indiens, une altercation éclate
avec son cuisinier William Leach. Le cuisinier aurait interdit au deputy marshal de faire
du mal à un chien qui rôdait autour du camp, et Reeves, par colère, lui aurait tiré une
balle dans le cou. Le cuisinier s'effondre et meurt quelques heures plus tard. Le rapport
que fait Reeves sur l'incident à son retour en ville est différent : il explique qu'il
essayait de décoincer une cartouche du canon de son fusil quand le coup est parti tout
seul et a mortellement blessé Leach… En janvier 1886, presque deux ans après le
regrettable incident, Reeves est l'objet d'un mandat d'arrêt. La rumeur court
que la mort de Leach n'avait rien d'un accident et il est écroué à la prison de
Fort Smith en Arkansas, pour le meurtre de son compagnon et cuisinier. Heureusement pour
lui, Reeves a mis de l'argent de côté, il paye lui-même sa caution de 3000 $ et
engage les meilleurs avocats de la ville pour préparer son procès. La presse fait à l'époque
du deputy le coupable idéal : homme noir en apparence respectable sous l'uniforme
de la police, il serait en fait un personnage dangereux, aux pulsions incontrôlables et
complice de nombreux malfrats de la région. Des rumeurs apparaissent sur la manière dont
il se conduit avec les femmes ou avec ses prisonniers, leur extorquant de l'argent
par cupidité. Quoi qu'il en soit, le procès de Bass Reeves
débute le 11 octobre 1887 à Fort Smith. Il est présidé par le juge Isaac Parker,
celui-là même qui l'a recruté douze ans plus tôt. Les prisonniers du convoi servent
de témoin à l'accusation et corroborent la version du meurtre de sang-froid. Mais
face aux questions pressantes des avocats de Reeves, ils se rétractent et minimisent
la dispute qui précède le coup de feu. Ceux qui persévèrent à accuser Reeves ne sont
pas jugés fiables par le jury car ils ont été arrêtés par lui et peuvent mentir
pour lui nuire. Le jury considère également que si l'officier
avait voulu tuer son cuisinier, étant donné sa dextérité au fusil, il l'aurait abattu
d'un seul coup, et pas seulement blessé à mort. Ses efforts pour trouver un médecin
cette nuit-là, ainsi que le fait qu'il n'ait pas cherché à fuir sont portés
à son crédit, et Reeves est finalement acquitté le 15 octobre. Son badge lui est restitué
mais les frais de son procès l'ont ruiné, il est contraint de vendre sa maison à Van
Buren et s'installe avec sa femme et ses nombreux enfants à Fort Smith. En 1889, les
Territoires Indiens deviennent le territoire de l'Oklahoma. Ce n'est pas encore un
Etat à part entière, puisqu'on n'y compte pas encore les 60 000 habitants requis, mais
il est néanmoins ouvert à la colonisation. Des nouveaux arrivants s'installent dans
les anciennes réserves indiennes. L'Oklahoma légalise par ailleurs le whisky, auparavant
interdit dans les Territoires Indiens et dont la contrebande constituait l'essentiel des
crimes que traitaient la police. Mais cette nouvelle législation ne diminue pas pour
autant la charge des officiers de police. En effet, de nombreux saloons s'ouvrent
où les soifards de tout l'Ouest viennent se saouler, générant disputes, vols et autres
règlements de compte sanglants avec les Indiens chassés de leurs terres.
Reeves reprend donc son travail et arrête ou abat de nombreux autres criminels.
A son tableau de chasse, on trouve notamment en 1889, Tom Story, le chef d'un gang de
voleurs de chevaux. Reeves attend pendant quatre jours face à un pont de la Red River
où il pense que le criminel va traverser la rivière. Lorsque Story apparaît enfin,
Reeves sort de sa cachette et lui annonce qu'il est en état d'arrestation. Le bandit
aurait alors cherché à dégainer son pistolet mais Reeves, préparé à cette éventualité,
l'abat le premier. Il arrête aussi l'année d'après le
meurtrier Séminole Tosa-lo-nah, dit « Greenleaf », en cavale depuis 18 ans et accusé, entre
autres choses, de sept meurtres. En novembre 1890, Bass Reeves rencontre finalement un
malfrat à sa hauteur en la personne de Ned Christie, un Cherokee à la tête d'une
bande de hors-la-loi accusée du meurtre d'un deputy marshal.
Malgré la ténacité de Reeves et ses ruses pour le surprendre - il va jusqu'à enfumer
la cabane où il se réfugiait - ce bandit lui échappe. C'est l'un des très rares
échecs de sa carrière. En 1893, Reeves et sa famille déménagent à Paris au Texas.
Il y poursuit son travail de policier, mais dans une autre juridiction. A partir de 1896
toutefois, les malheurs s'enchaînent. Reeves perd cette année-là sa femme a seulement
46 ans, puis très peu de temps après, il apprend la mort de son ami le juge Parker.
Reeves sombre dans une dépression peut-être accentuée par le contexte politique. L'année
1896 est en effet celle à laquelle la ségrégation raciale dans l'espace public est reconnue
par la Cour suprême des Etats-Unis. Malgré son statut de policier et ses loyaux services
depuis vingt ans, Reeves est renvoyé à sa condition inférieure d'homme noir. Pour
conjurer le sort, Reeves quitte le Texas en 1897 pour l'Oklahoma, les anciens Territoires
Indiens qu'il connaît si bien. Il s'y remarie en 1900 à une veuve Cherokee de 50
ans nommée Winnie J. Sumter. C'est là qu'à l'été 1902, son supérieur
le convoque et lui confie l'affaire la plus difficile de sa carrière. Et on pourrait
franchement en faire un film dramatique. Bass Reeves apprend qu'un mandat d'arrêt a
été émis contre l'un de ses fils, Bennie Houston Reeves, accusé du meurtre de sa femme,
qu'il a surprise avec son amant. Le shérif de la ville de Muskogee n'ose pas envoyer
un policier traquer le fils de Reeves, et par respect pour le deputy, personne ne s'est
proposé pour le faire. Se sentant peut-être coupable d'avoir dit à son fils de punir
son épouse, Reeves endosse la responsabilité qui est la sienne et traque son propre fils
pour le conduire devant le tribunal. Il le capture après deux semaines de recherches
et son fils part purger sa peine au Kansas. Après cet épisode éprouvant, Bass Reeves
continue de servir toujours aussi efficacement. L'Oklahoma devient un Etat à part entière
en 1907 et la loi ségrégationniste s'y applique pleinement. gé de 69 ans, il est
alors contraint de rendre son badge et ne fait plus office que d'éclaireur pour les
autorités locales de Muskogee, comme au début de sa carrière. Malade des reins, il cesse
toute activité policière en 1909, et meurt finalement le 10 janvier 1910. Mythe et réalité
Voilà ce qui peut être dit de la vie de cet homme hors du commun. Sa carrière a permis
d'arrêter près de 3000 criminels, et 14 d'entre eux sont tombés sous ses balles.
Mais le récit que je viens de faire reste assez flou. Difficile de faire la part des
choses entre les faits et la légende. Les seules sources écrites à notre disposition
sont les procès-verbaux des arrestations et des procès, ainsi que les articles de
journaux de l'époque. La majorité des affaires sur lesquelles Reeves a travaillé
ne sont pas conservées dans les archives et son illettrisme lui a par ailleurs interdit
de laisser toute trace écrite telle qu'un journal ou même une correspondance.
Le reste des informations provient des récits oraux avec leur part d'exagération : les
anecdotes racontées par ceux qui l'ont connu ou par ses descendants sont parfois
un peu trop belles pour être vraies, les citations qu'on lui prête sont incertaines
et les exploits racontés lors des arrestations sont invérifiables. Le mythe du justicier
inflexible et tirant plus vite que son ombre est d'ailleurs repris au pied de la lettre
dans ses biographies en langue anglaise. Sa force prétendument surhumaine, son amour
inconditionnel des animaux, son sang-froid à toute épreuve, même face à un danger
imminent, beaucoup d'éléments sont venus en faire un mythe moderne peut-être un peu
éloigné du personnage réel. Mais finalement, que la légende de Bass Reeves
retrouve un écho important ces dernières années dit beaucoup des préoccupations contemporaines
de la société américaine. Reeves sert aujourd'hui de modèle et de figure d'identification
pour beaucoup d'afro-américains car il permet de raconter une autre histoire que
celle de l'esclavage, une histoire dans laquelle les Noirs américains sont acteurs
de leur destin et réalisent des exploits. Enfin, il ne faut pas oublier qu'une cinquantaine
au total d'afro-américains ont aussi servi comme deputy marshal dans les Territoires
Indiens avant 1907 : ils s'appelaient Zeke Miller, Bob Fortune, Neely Factor, Billy Colbert…
Un nombre important de ces officiers avaient par ailleurs des ancêtres amérindiens et
ces deux communautés se sont mêlées bien souvent comme en attestent les deux mariages
de Reeves avec des femmes Creek et Cherokee. La vie de Bass Reeves nous montre bien qu'une
toute autre version de la conquête de l'Ouest reste sans doute à écrire, et perso j'ai
hâte de la découvrir !
Merci à tous suivi cet épisode et à Lucas Pacotte pour la préparation. N'oubliez
pas de vous abonner et de partager la vidéo si ça vous a plu ! Je vous rappelle que cet
épisode est sponsorisé par le jeu Cartaventura ! Si cet épisode sur Bass Reeves vous a plu,
aucun ne doute que vous vous laissiez emporter dans cette aventure collaborative en vous
mettant dans sa peau et en traquant les hors la loi !Pour découvrir toute la série de
scénarios, rendez-vous sur blam-edition.com ou chez votre vendeur de jeu habituel ! Merci
à tous et à très bientôt sur Nota Bene