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H.P. Lovecraft, L’Appel de Cthulhu: Chapitre 1 - L’horreur en argile

L'Appel de Cthulhu: Chapitre 1 - L'horreur en argile

La chose la plus miséricordieuse qui fut jamais accordée à l'homme est son incapacité à faire le rapprochement entre toutes ses connaissances. Nous vivons sur une île d'ignorance placide, au beau milieu de mers noires et infinies sur lesquelles il n'a jamais été prévu que nous naviguions très loin. Les sciences, dont chaque branche avance péniblement et exclusivement dans son domaine propre, ne nous ont pas vraiment fait de tort. Mais, un jour, le puzzle reconstitué de toutes nos connaissances encore dissociées, nous ouvrira de telles perspectives effroyables de la réalité et de notre terrifiante situation que cette révélation nous rendra fous ou nous fera fuir ces lumières mortelles pour replonger dans un âge des ténèbres paisible et sûr.

Les théosophes ont saisi la formidable grandeur du cycle cosmique où notre monde et l'humanité ne sont qu'une pitoyable perturbation. Ils ont deviné d'étranges survivances dans des termes qui nous glaceraient le sang s'ils nous n'étions aveuglé par un optimisme mielleux. Mais, ce n'est pas eux qui m'ont permis de voir des éternités interdites qui me font trembler quand j'y pense et me font basculer dans la démence lorsque j'en rêve. Cette vision, comme toutes celles, effrayantes, qui nous montrent la vérité, jaillit de l'association fortuite de deux éléments apparemment sans rapport, à savoir un vieil article de journal et les notes d'un professeur disparu. J'espère que personne d'autre ne fera ce rapprochement et si je vis, je ne révélerai jamais le maillon manquant de cette chaîne abominable. Je suis d'ailleurs convaincu que le professeur entendait lui aussi garder le silence sur ses connaissances et qu'il aurait même détruit ses notes si la mort ne l'avait emporté si soudainement.

Ma découverte remonte à l'hiver 26-27 au moment de la mort de mon grand-oncle, George Gamell Angell, professeur émérite en langues sémitiques à l'université Brown de Providence. Le professeur Angell était une sommité reconnue dans les langues et inscriptions anciennes et les musées les plus prestigieux avaient souvent recours à ses lumières, si bien que son décès, à l'âge de 92 ans, resta tristement gravé dans les mémoires. Et ce d'autant que les circonstances de sa mort étaient restées obscures. Le professeur avait eu une attaque alors qu'il revenait du bateau de Newport. Il était tombé comme une masse, avaient rapporté les témoins, après avoir été bousculé par un nègre à l'allure de marin qui avait déboulé d'une de ces cours étranges et sombres accrochées à la colline abrupte qui constituent un raccourci pour aller du port à la maison du défunt dans Williams Street. Les médecins furent incapables de trouver une cause évidente à cette mort et, après s'être perdus en conjectures, finirent par conclure que l'ascension de la colline trop pentue pour un homme de son âge avait dû causer quelque lésion au coeur ce qui

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avait provoqué la mort. A l'époque, il n'y avait aucune raison de douter de leur diagnostic, mais à présent je m'interroge et je fais plus que m'interroger.

En tant qu'héritier et exécuteur testamentaire de mon grand-oncle, car il était mort veuf et sans enfant, je fus évidemment amené à examiner ses papiers avec attention, raison pour laquelle je déménageai tous ses dossiers et caisses dans mes quartiers, à Boston. La majorité des documents que j'ai classés seront bientôt publiés par la Société Américaine d'Archéologie, mais parmi les cantines, il y en avait une particulièrement étrange dont je me suis refusé à dévoiler le contenu. Elle était verrouillée et je ne parvins pas à trouver la clé, jusqu'au jour où il me revint que mon oncle avait toujours dans sa poche un anneau porte-clés. Je réussis enfin à l'ouvrir mais ce fut pour me retrouver face à une adversité bien plus impénétrable. Quelle pouvait donc être la signification cet étrange sculpture en argile, de ce fatras de notes décousues, de ces divagations incohérentes et de ces coupures que j'y découvris ? Mon oncle, à l'approche de la mort était-il devenu le jouet crédule d'impostures grossières ? Je décidai de rechercher le sculpteur excentrique qui avait apparemment perturbé la tranquillité d'esprit d'un vieil homme.

La sculpture, sorte de bas-relief, était un rectangle approximatif, de cinq pouces sur six, épais d'environ un pouce. De facture manifestement récente, ses motifs évoquaient une atmosphère qui était loin d'être moderne. Car si les fantaisies du cubisme et du futurisme sont nombreuses et violentes, elles ne reprennent jamais cette régularité cryptique tapie dans les écritures préhistoriques. Or, ces motifs semblaient bien être une sorte d'écriture, bien que je sois totalement incapable de l'identifier ou de la rapprocher de près ou de loin d'une quelconque écriture ancienne et ce malgré ma connaissance, parfaite à présent, des documents et collections de mon oncle.

Au-dessus de ces hiéroglyphes, il y avait une silhouette dont il était impossible de déterminer la nature exacte à cause de son exécution impressionniste. Cela ressemblait à une espèce de monstre ou à un symbole représentant un monstre que seul un esprit malade avait pu s'amuser à concevoir. Si je vous dis que mon imagination quelque peu extravagante se forgea à la fois l'image d'une pieuvre, d'un dragon et d'un humain caricatural, je pense que je ne serai pas loin de l'esprit de la chose. Une tête aux tentacules de poulpe surmontait un corps squameux et grotesque doté d'ailes rudimentaires. Pourtant c'était le plan d'ensemble qui rendait le tout particulièrement effrayant, car derrière la silhouette, en arrière-plan, on devinait vaguement une architecture cyclopéenne.

Les documents qui accompagnaient cette bizarrerie, mis à part les coupures de presse récentes, étaient de la main du professeur Angell et n'avaient aucunes prétentions littéraires. Ce qui semblait être le dossier le plus important était intitulé

« Culte de Cthulhu » écrit en caractères soigneusement formés pour éviter toute lecture erronée d'un nom aussi insolite. Le manuscrit était divisé en deux parties, la première était intitulée « 1925 – Rêves et Travaux Oniriques de H.A. Wilcox, 7 Thomas St., Providence, RI », la seconde « Récits de l'Inspecteur John R. Legrasse, 121, Bienville St, Nouvelle Orléans, 1908 – Notes au sujet du même et du Professeur Webber ». Les autres manuscrits se réduisaient à une tas de notes succinctes, relatives pour certaines aux rêves étranges de plusieurs personnes, pour d'autres à des citations extraites de livres et de magazines de théosophie (notamment l'Atlantide et Lemuria de Scott-Elliot) et pour le reste à de très anciennes sociétés secrètes et à de ténébreux cultes, le tout étant documenté par de nombreuses

L'appel de Cthulhu Page 3

références à des ouvrages traitant de mythologie et d'anthropologie comme le Rameau d'Or de Frazer et le Culte des Sorciers en Europe Occidentale de Mademoiselle Murray1. Les coupures de presse faisaient quant à elles largement référence à des cas de démence et de délires collectifs survenus au printemps 1925.

La première partie du manuscrit principal était une sorte de chronique étrange. Il semblerait que le 1er mars 1925, un jeune homme maigre, à l'aspect névrosé soit venu rendre visite au professeur Angell avec une espèce de bas-relief en argile encore frais et humide. Sa carte de visite le présentait comme un certain Henry Anthony Wilcox que mon oncle reconnut immédiatement comme le fils cadet d'une excellente famille qui avait étudié la sculpture à l'Ecole de Design de Rhode Island et vivait seul à la Résidence Fleur-de-Lys2, située non loin de l'école. Wilcox était un garçon précoce connu pour son intelligence mais aussi son excentricité et, depuis l'enfance, il avait attiré l'attention sur lui en racontant toutes sortes d'histoires et de rêves bizarres. Il aimait à se décrire comme « psychologiquement hypersensible », mais les habitants assez conservateurs de cette vieille cité commerciale le tenaient tout simplement pour un original. Il ne fréquentait pas les autres artistes et était devenu peu à peu socialement invisible, n'étant plus connu que de quelques esthètes des villes voisines. Même le Club des Beaux-Arts de Providence très soucieux faut-il le dire de son conservatisme, le décrivait comme étant « tout à fait désespérant ».

A l'occasion de cette visite, poursuit le manuscrit, le sculpteur fit appel aux lumières de son hôte en matière d'archéologie et lui demanda d'identifier les hiéroglyphes gravés sur le bas-relief. Il s'exprimait d'une manière distraite et empruntée qui suggérait l'affectation et lui aliénait toute sympathie. Mon oncle lui répondit sèchement car la fraîcheur manifeste de la tablette évoquait tout sauf l'archéologie. La réplique du jeune Wilcox, qui impressionna mon oncle suffisamment pour qu'il la retienne et la transcrive mot pour mot, était empreinte d'une poésie fantastique qu'il avait dû imposer à toute sa conversation et dont j'ai pu constater depuis qu'elle lui était très caractéristique. Il dit :

«Elle est neuve, c'est évident, puisque je l'ai sculptée cette nuit à la suite d'un rêve que j'ai fait de cités étranges mais les rêves ne sont-ils pas bien plus anciens que la sombre Tyre, le Sphynx contemplatif ou Babylone et sa ceinture de jardins ?».

C'est à ce moment qu'il se mit à raconter une fable délirante qui dut avoir un effet immédiat sur la mémoire reptilienne de mon oncle pris soudain d'un intérêt frénétique. La nuit précédente, il y avait eu un léger tremblement de terre, le plus important ressenti en Nouvelle-Angleterre depuis des années. L'imagination de Wilcox en avait été affectée et, une fois couché, il avait fait des rêves comme jamais de formidables cités cyclopéennes construites avec des blocs de pierre titanesques et des monolithes tombés du ciel, suintant tous d'une vase verdâtre et chargés d'une horreur latente. Des hiéroglyphes couvraient les murs et les piliers et, d'un lieu indéterminé, montait une voix qui n'était pas une voix, plutôt un sentiment chaotique qui tentait de se transmuter en un son que Wilcox transcrivit dans l'incompréhensible et imprononçable désordre de lettres : « Cthulhu fhtagn ».

1 Tous ces auteurs et leurs ouvrages sont bien réels. 2 En français dans le texte.

L'appel de Cthulhu Page 4

Ce borborygme fut la clé de souvenirs qui stimulèrent et perturbèrent le professeur Angell. Il questionna le sculpteur avec une minutie scientifique et se mit à étudier avec obstination le bas-relief sur lequel le jeune homme s'était retrouvé en train de travailler à son brusque réveil, en sueur, glacé et en habits de nuit. Mon oncle pestait sur son âge à cause de sa lenteur à déchiffrer les hiéroglyphes et les pictogrammes. Plusieurs de ses questions semblèrent incongrues à son visiteur, notamment lorsqu'il tenta d'associer ce dernier à des sociétés secrètes ou à des cultes impies. Wilcox ne comprit pas pourquoi le professeur insistait, en promettant le silence, pour lui faire admettre son appartenance à une certaine secte païenne encore très épandue. Quand le professeur fut convaincu que le sculpteur était totalement ignorant de ces choses, il se fit plus pressant et exigea qu'il lui racontât désormais tous ses rêves. Les résultats furent immédiats et fructueux, car le manuscrit mentionne des visites quotidiennes du jeune homme au cours desquelles il relatait ses visions nocturnes où l'on retrouvait immanquablement des perspectives de constructions cyclopéennes, sombres et suintantes, et une voix ou un esprit souterrain qui déclamait d'une manière monotone des sons énigmatiques que l'on n'aurait su transcrire qu'en embrouillamini de syllabes. Deux d'entre eux revenaient fréquemment que l'on pourrait représenter par les lettres « Cthulhu » et « R'lyeh ».

Le 23 mars, poursuit le manuscrit, Wilcox ne vint pas. Une rapide enquête à son domicile révéla qu'il avait été pris par un brusque accès de fièvre et conduit auprès de sa famille à Waterman Street après qu'il avait hurlé toute la nuit, réveillant plusieurs autres artistes dans l'immeuble, où on l'avait trouvé tour à tour conscient et délirant. Mon oncle appela immédiatement sa famille et par la suite se rendit à plusieurs reprises chez le Docteur Tobey de Thayer Street qui était le médecin du jeune homme.

L'esprit de Wilcox était obsédé des choses étranges et le docteur haussait de temps à autre les épaules lorsqu'il en parlait. Il y avait évidemment l'inlassable répétition des rêves, mais également une masse gigantesque, faisant plusieurs milliers de mètres de haut qui déambulait d'un pas lourd. Il ne fit jamais une description précise de cette chose, rapporta le Dr. Tobey, mais les quelques mots effrayants qu'il utilisait pour en parler firent immédiatement songer le professeur à la monstruosité innommable sculptée sur le bas-relief. L'évocation de cette chose, précisa le médecin, précédait invariablement la chute du patient en léthargie. Curieusement, alors que son état suggérait plutôt une fièvre que des désordres mentaux, sa température n'était pas élevée.

Le 2 avril, vers 3 heures de l'après-midi, la maladie de Wilcox cessa brusquement. Il se redressa sur son lit, étonné de se retrouver chez ses parents et complètement ignorant de ce qui avait bien pu se passer depuis le 22 mars, aussi bien dans la réalité que dans ses rêves. Déclaré en bonne forme par son médecin, il retourna dans son appartement. Par la suite, il ne fut plus d'aucune aide au professeur. Ses rêves étranges avaient disparu aussi soudainement et complètement que sa fièvre et, après une semaine, mon oncle finit par cesser de noter ses visions nocturnes qui n'étaient plus que des rêves banals sans aucun intérêt.

C'est sur ce constat que la première partie du manuscrit s'achève, mais les références à diverses notes éparses me donnèrent vraiment matière à réflexion, à tel point que seul mon scepticisme inébranlable, fondement de ma philosophie de pensée, peut expliquer ma méfiance constante envers l'artiste. Les notes dont je

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parle décrivaient les rêves de plusieurs autres personnes à la même époque où Wilcox avait eu ses visions. Mon oncle avait diligenté une véritable enquête auprès de la quasi-totalité de ses amis, leur demandant de relater leurs rêves nocturnes, ainsi que les dates où ils auraient pu avoir des visions d'un quelconque passé. Ces demandes furent accueillies de manières diverses, mais en fin de compte il reçut un nombre important de réponses, bien plus en tout cas qu'il n'était possible de traiter sans secrétariat. Cette correspondance n'a malheureusement pas été conservée, mais des notes en font un résumé minutieux et significatif. Les personnes normales, traditionnelles, sel de la terre de Nouvelle-Angleterre, renvoyèrent presque toutes des réponses négatives, quoiqu'il en ressort ici et là des impressions déplaisantes mais informulées, toujours entre le 23 mars et le 2 avril, période de délire du jeune Wilcox. Les gens à l'esprit scientifique ne furent guère plus réceptifs, bien que quatre d'entre eux évoquent vaguement des visions fugaces de paysages étranges et que dans un cas on mentionne la terreur de quelque chose d'anormal.

Ce furent les artistes et les poètes qui fournirent les réponses les plus pertinentes, et j'imagine la panique qui se serait emparée d'eux si d'aventure ils avaient pu comparer les notes les concernant. Cependant, faute d'avoir pu consulter leurs correspondances, je soupçonnais l'enquêteur d'avoir posé des questions

biaisées ou, à tout le moins d'avoir peu ou prou manipulé les réponses de façon à en faire ressortir ce qu'il avait résolu d'y trouver. C'est pourquoi je continuais à penser que Wilcox, au courant d'une manière ou d'une autre des informations que mon oncle possédait bien avant de le connaître, avait manipulé le vieux savant.

Quoiqu'il en soit, les réponses des artistes convergeaient vers une conclusion très dérangeante. Du 28 février au 2 avril, un grand nombre d'entre eux avaient fait des rêves bizarres, avec une intensité maximale au cours de la période délirante du sculpteur. Plus du quart de ceux qui avaient répondu positivement, décrivirent des scènes et des sons comparables à ceux relatés par Wilcox et quelques rêveurs reconnurent avoir éprouvé une terreur intense face à cette chose gigantesque et innommable qui leur était apparue à la fin. Un cas, décrit en détail dans une note, était particulièrement triste. Le sujet, architecte de renom qui avait quelques penchants pour la théosophie et l'occultisme était devenu hystérique le jour de la crise du jeune Wilcox et était mort après avoir hurlé et imploré pendant des mois sans discontinuer, qu'on le sauvât d'un démon évadé de l'enfer. Si mon oncle avait référencé tous ces témoins par un nom plutôt que par un numéro, j'aurais pu enquêter et tenter de confirmer leurs récits, mais en l'état je n'ai pu en retrouver que très peu. Tous cependant authentifièrent le contenu des notes et je me suis souvent demandé si le reste des sujets interrogés par le professeur étaient aussi déconcertés que ceux-là. Il est mieux qu'aucune explication ne leur soit jamais fournie.

Les extraits de journaux, comme je l'ai indiqué, concernaient des cas de panique, d'obsession, de comportements bizarres au cours de cette même période. Le professeur dut faire appel à une agence de coupure de presse, car leur nombre était impressionnant et leur provenance du monde entier. Il y avait par exemple un suicide nocturne à Londres où un dormeur solitaire s'était défenestré après avoir poussé un hurlement, également, une lettre délirante au rédacteur en chef d'un journal sud- américain dans laquelle un fanatique visionnaire prédisait un avenir terrifiant. On trouvait également une dépêche de Californie qui mentionnait une secte de

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théosophes dont les membres arboraient des robes blanches et attendaient quelque « accomplissement glorieux » qui n'arrivait jamais, tandis que des articles venus des Indes évoquaient prudemment des troubles chez les populations indigènes vers la fin du mois de mars. Sans oublier les orgies vaudous qui se multipliaient à Haïti et les rapports de postes avancés en Afrique qui faisaient état de rumeurs inquiétantes. Des officiers Américains aux Philippines s'inquiétaient du comportement de certaines tribus et des policiers New-Yorkais s'étaient fait agresser par des Levantins dans la nuit du 22 au 23 mars. Il y a encore l'Irlande qui foisonnait de rumeurs et de légendes et ce peintre français, Ardois-Bonnot qui exposait au Salon de Printemps de 1926 à Paris son Paysage Onirique qualifié de blasphématoire. Quant aux rapports provenant des asiles d'aliénés, ils sont si nombreux qu'on se demande comment le corps médical n'en a pas fait le rapprochement et tiré des conclusions déconcertantes. Une collection de coupures bien étranges tout compte fait, et je peux à peine, encore aujourd'hui, admettre le rationalisme aveugle qui me fit les écarter. Mais, à l'époque, j'étais convaincu que le jeune Wilcox avait eu connaissance des recherches occultes plus anciennes du professeur.

L'Appel de Cthulhu: Chapitre 1 - L'horreur en argile Call of Cthulhu: Chapter 1 - Horror in clay

La chose la plus miséricordieuse qui fut jamais accordée à l'homme est son incapacité à faire le rapprochement entre toutes ses connaissances. The most merciful thing ever granted to man is his inability to put all his knowledge together. Nous vivons sur une île d'ignorance placide, au beau milieu de mers noires et infinies sur lesquelles il n'a jamais été prévu que nous naviguions très loin. Les sciences, dont chaque branche avance péniblement et exclusivement dans son domaine propre, ne nous ont pas vraiment fait de tort. Mais, un jour, le puzzle reconstitué de toutes nos connaissances encore dissociées, nous ouvrira de telles perspectives effroyables de la réalité et de notre terrifiante situation que cette révélation nous rendra fous ou nous fera fuir ces lumières mortelles pour replonger dans un âge des ténèbres paisible et sûr.

Les théosophes ont saisi la formidable grandeur du cycle cosmique où notre monde et l'humanité ne sont qu'une pitoyable perturbation. Ils ont deviné d'étranges survivances dans des termes qui nous glaceraient le sang s'ils nous n'étions aveuglé par un optimisme mielleux. Mais, ce n'est pas eux qui m'ont permis de voir des éternités interdites qui me font trembler quand j'y pense et me font basculer dans la démence lorsque j'en rêve. Cette vision, comme toutes celles, effrayantes, qui nous montrent la vérité, jaillit de l'association fortuite de deux éléments apparemment sans rapport, à savoir un vieil article de journal et les notes d'un professeur disparu. J'espère que personne d'autre ne fera ce rapprochement et si je vis, je ne révélerai jamais le maillon manquant de cette chaîne abominable. Je suis d'ailleurs convaincu que le professeur entendait lui aussi garder le silence sur ses connaissances et qu'il aurait même détruit ses notes si la mort ne l'avait emporté si soudainement.

Ma découverte remonte à l'hiver 26-27 au moment de la mort de mon grand-oncle, George Gamell Angell, professeur émérite en langues sémitiques à l'université Brown de Providence. Le professeur Angell était une sommité reconnue dans les langues et inscriptions anciennes et les musées les plus prestigieux avaient souvent recours à ses lumières, si bien que son décès, à l'âge de 92 ans, resta tristement gravé dans les mémoires. Et ce d'autant que les circonstances de sa mort étaient restées obscures. Le professeur avait eu une attaque alors qu'il revenait du bateau de Newport. Il était tombé comme une masse, avaient rapporté les témoins, après avoir été bousculé par un nègre à l'allure de marin qui avait déboulé d'une de ces cours étranges et sombres accrochées à la colline abrupte qui constituent un raccourci pour aller du port à la maison du défunt dans Williams Street. Les médecins furent incapables de trouver une cause évidente à cette mort et, après s'être perdus en conjectures, finirent par conclure que l'ascension de la colline trop pentue pour un homme de son âge avait dû causer quelque lésion au coeur ce qui

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avait provoqué la mort. A l'époque, il n'y avait aucune raison de douter de leur diagnostic, mais à présent je m'interroge et je fais plus que m'interroger.

En tant qu'héritier et exécuteur testamentaire de mon grand-oncle, car il était mort veuf et sans enfant, je fus évidemment amené à examiner ses papiers avec attention, raison pour laquelle je déménageai tous ses dossiers et caisses dans mes quartiers, à Boston. La majorité des documents que j'ai classés seront bientôt publiés par la Société Américaine d'Archéologie, mais parmi les cantines, il y en avait une particulièrement étrange dont je me suis refusé à dévoiler le contenu. Elle était verrouillée et je ne parvins pas à trouver la clé, jusqu'au jour où il me revint que mon oncle avait toujours dans sa poche un anneau porte-clés. Je réussis enfin à l'ouvrir mais ce fut pour me retrouver face à une adversité bien plus impénétrable. Quelle pouvait donc être la signification cet étrange sculpture en argile, de ce fatras de notes décousues, de ces divagations incohérentes et de ces coupures que j'y découvris ? Mon oncle, à l'approche de la mort était-il devenu le jouet crédule d'impostures grossières ? Je décidai de rechercher le sculpteur excentrique qui avait apparemment perturbé la tranquillité d'esprit d'un vieil homme.

La sculpture, sorte de bas-relief, était un rectangle approximatif, de cinq pouces sur six, épais d'environ un pouce. De facture manifestement récente, ses motifs évoquaient une atmosphère qui était loin d'être moderne. Car si les fantaisies du cubisme et du futurisme sont nombreuses et violentes, elles ne reprennent jamais cette régularité cryptique tapie dans les écritures préhistoriques. Or, ces motifs semblaient bien être une sorte d'écriture, bien que je sois totalement incapable de l'identifier ou de la rapprocher de près ou de loin d'une quelconque écriture ancienne et ce malgré ma connaissance, parfaite à présent, des documents et collections de mon oncle.

Au-dessus de ces hiéroglyphes, il y avait une silhouette dont il était impossible de déterminer la nature exacte à cause de son exécution impressionniste. Cela ressemblait à une espèce de monstre ou à un symbole représentant un monstre que seul un esprit malade avait pu s'amuser à concevoir. Si je vous dis que mon imagination quelque peu extravagante se forgea à la fois l'image d'une pieuvre, d'un dragon et d'un humain caricatural, je pense que je ne serai pas loin de l'esprit de la chose. Une tête aux tentacules de poulpe surmontait un corps squameux et grotesque doté d'ailes rudimentaires. Pourtant c'était le plan d'ensemble qui rendait le tout particulièrement effrayant, car derrière la silhouette, en arrière-plan, on devinait vaguement une architecture cyclopéenne.

Les documents qui accompagnaient cette bizarrerie, mis à part les coupures de presse récentes, étaient de la main du professeur Angell et n'avaient aucunes prétentions littéraires. Ce qui semblait être le dossier le plus important était intitulé

« Culte de Cthulhu » écrit en caractères soigneusement formés pour éviter toute lecture erronée d'un nom aussi insolite. Le manuscrit était divisé en deux parties, la première était intitulée « 1925 – Rêves et Travaux Oniriques de H.A. Wilcox, 7 Thomas St., Providence, RI », la seconde « Récits de l'Inspecteur John R. Legrasse, 121, Bienville St, Nouvelle Orléans, 1908 – Notes au sujet du même et du Professeur Webber ». Les autres manuscrits se réduisaient à une tas de notes succinctes, relatives pour certaines aux rêves étranges de plusieurs personnes, pour d'autres à des citations extraites de livres et de magazines de théosophie (notamment l'Atlantide et Lemuria de Scott-Elliot) et pour le reste à de très anciennes sociétés secrètes et à de ténébreux cultes, le tout étant documenté par de nombreuses

L'appel de Cthulhu Page 3

références à des ouvrages traitant de mythologie et d'anthropologie comme le Rameau d'Or de Frazer et le Culte des Sorciers en Europe Occidentale de Mademoiselle Murray1. Les coupures de presse faisaient quant à elles largement référence à des cas de démence et de délires collectifs survenus au printemps 1925.

La première partie du manuscrit principal était une sorte de chronique étrange. Il semblerait que le 1er mars 1925, un jeune homme maigre, à l'aspect névrosé soit venu rendre visite au professeur Angell avec une espèce de bas-relief en argile encore frais et humide. Sa carte de visite le présentait comme un certain Henry Anthony Wilcox que mon oncle reconnut immédiatement comme le fils cadet d'une excellente famille qui avait étudié la sculpture à l'Ecole de Design de Rhode Island et vivait seul à la Résidence Fleur-de-Lys2, située non loin de l'école. Wilcox était un garçon précoce connu pour son intelligence mais aussi son excentricité et, depuis l'enfance, il avait attiré l'attention sur lui en racontant toutes sortes d'histoires et de rêves bizarres. Il aimait à se décrire comme « psychologiquement hypersensible », mais les habitants assez conservateurs de cette vieille cité commerciale le tenaient tout simplement pour un original. Il ne fréquentait pas les autres artistes et était devenu peu à peu socialement invisible, n'étant plus connu que de quelques esthètes des villes voisines. Même le Club des Beaux-Arts de Providence très soucieux faut-il le dire de son conservatisme, le décrivait comme étant « tout à fait désespérant ».

A l'occasion de cette visite, poursuit le manuscrit, le sculpteur fit appel aux lumières de son hôte en matière d'archéologie et lui demanda d'identifier les hiéroglyphes gravés sur le bas-relief. Il s'exprimait d'une manière distraite et empruntée qui suggérait l'affectation et lui aliénait toute sympathie. Mon oncle lui répondit sèchement car la fraîcheur manifeste de la tablette évoquait tout sauf l'archéologie. La réplique du jeune Wilcox, qui impressionna mon oncle suffisamment pour qu'il la retienne et la transcrive mot pour mot, était empreinte d'une poésie fantastique qu'il avait dû imposer à toute sa conversation et dont j'ai pu constater depuis qu'elle lui était très caractéristique. Il dit :

«Elle est neuve, c'est évident, puisque je l'ai sculptée cette nuit à la suite d'un rêve que j'ai fait de cités étranges mais les rêves ne sont-ils pas bien plus anciens que la sombre Tyre, le Sphynx contemplatif ou Babylone et sa ceinture de jardins ?».

C'est à ce moment qu'il se mit à raconter une fable délirante qui dut avoir un effet immédiat sur la mémoire reptilienne de mon oncle pris soudain d'un intérêt frénétique. La nuit précédente, il y avait eu un léger tremblement de terre, le plus important ressenti en Nouvelle-Angleterre depuis des années. L'imagination de Wilcox en avait été affectée et, une fois couché, il avait fait des rêves comme jamais de formidables cités cyclopéennes construites avec des blocs de pierre titanesques et des monolithes tombés du ciel, suintant tous d'une vase verdâtre et chargés d'une horreur latente. Des hiéroglyphes couvraient les murs et les piliers et, d'un lieu indéterminé, montait une voix qui n'était pas une voix, plutôt un sentiment chaotique qui tentait de se transmuter en un son que Wilcox transcrivit dans l'incompréhensible et imprononçable désordre de lettres : « Cthulhu fhtagn ».

1 Tous ces auteurs et leurs ouvrages sont bien réels. 2 En français dans le texte.

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Ce borborygme fut la clé de souvenirs qui stimulèrent et perturbèrent le professeur Angell. Il questionna le sculpteur avec une minutie scientifique et se mit à étudier avec obstination le bas-relief sur lequel le jeune homme s'était retrouvé en train de travailler à son brusque réveil, en sueur, glacé et en habits de nuit. Mon oncle pestait sur son âge à cause de sa lenteur à déchiffrer les hiéroglyphes et les pictogrammes. Plusieurs de ses questions semblèrent incongrues à son visiteur, notamment lorsqu'il tenta d'associer ce dernier à des sociétés secrètes ou à des cultes impies. Wilcox ne comprit pas pourquoi le professeur insistait, en promettant le silence, pour lui faire admettre son appartenance à une certaine secte païenne encore très épandue. Quand le professeur fut convaincu que le sculpteur était totalement ignorant de ces choses, il se fit plus pressant et exigea qu'il lui racontât désormais tous ses rêves. Les résultats furent immédiats et fructueux, car le manuscrit mentionne des visites quotidiennes du jeune homme au cours desquelles il relatait ses visions nocturnes où l'on retrouvait immanquablement des perspectives de constructions cyclopéennes, sombres et suintantes, et une voix ou un esprit souterrain qui déclamait d'une manière monotone des sons énigmatiques que l'on n'aurait su transcrire qu'en embrouillamini de syllabes. Deux d'entre eux revenaient fréquemment que l'on pourrait représenter par les lettres « Cthulhu » et « R'lyeh ».

Le 23 mars, poursuit le manuscrit, Wilcox ne vint pas. Une rapide enquête à son domicile révéla qu'il avait été pris par un brusque accès de fièvre et conduit auprès de sa famille à Waterman Street après qu'il avait hurlé toute la nuit, réveillant plusieurs autres artistes dans l'immeuble, où on l'avait trouvé tour à tour conscient et délirant. Mon oncle appela immédiatement sa famille et par la suite se rendit à plusieurs reprises chez le Docteur Tobey de Thayer Street qui était le médecin du jeune homme.

L'esprit de Wilcox était obsédé des choses étranges et le docteur haussait de temps à autre les épaules lorsqu'il en parlait. Il y avait évidemment l'inlassable répétition des rêves, mais également une masse gigantesque, faisant plusieurs milliers de mètres de haut qui déambulait d'un pas lourd. Il ne fit jamais une description précise de cette chose, rapporta le Dr. Tobey, mais les quelques mots effrayants qu'il utilisait pour en parler firent immédiatement songer le professeur à la monstruosité innommable sculptée sur le bas-relief. L'évocation de cette chose, précisa le médecin, précédait invariablement la chute du patient en léthargie. Curieusement, alors que son état suggérait plutôt une fièvre que des désordres mentaux, sa température n'était pas élevée.

Le 2 avril, vers 3 heures de l'après-midi, la maladie de Wilcox cessa brusquement. Il se redressa sur son lit, étonné de se retrouver chez ses parents et complètement ignorant de ce qui avait bien pu se passer depuis le 22 mars, aussi bien dans la réalité que dans ses rêves. Déclaré en bonne forme par son médecin, il retourna dans son appartement. Par la suite, il ne fut plus d'aucune aide au professeur. Ses rêves étranges avaient disparu aussi soudainement et complètement que sa fièvre et, après une semaine, mon oncle finit par cesser de noter ses visions nocturnes qui n'étaient plus que des rêves banals sans aucun intérêt.

C'est sur ce constat que la première partie du manuscrit s'achève, mais les références à diverses notes éparses me donnèrent vraiment matière à réflexion, à tel point que seul mon scepticisme inébranlable, fondement de ma philosophie de pensée, peut expliquer ma méfiance constante envers l'artiste. Les notes dont je

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parle décrivaient les rêves de plusieurs autres personnes à la même époque où Wilcox avait eu ses visions. Mon oncle avait diligenté une véritable enquête auprès de la quasi-totalité de ses amis, leur demandant de relater leurs rêves nocturnes, ainsi que les dates où ils auraient pu avoir des visions d'un quelconque passé. Ces demandes furent accueillies de manières diverses, mais en fin de compte il reçut un nombre important de réponses, bien plus en tout cas qu'il n'était possible de traiter sans secrétariat. Cette correspondance n'a malheureusement pas été conservée, mais des notes en font un résumé minutieux et significatif. Les personnes normales, traditionnelles, sel de la terre de Nouvelle-Angleterre, renvoyèrent presque toutes des réponses négatives, quoiqu'il en ressort ici et là des impressions déplaisantes mais informulées, toujours entre le 23 mars et le 2 avril, période de délire du jeune Wilcox. Les gens à l'esprit scientifique ne furent guère plus réceptifs, bien que quatre d'entre eux évoquent vaguement des visions fugaces de paysages étranges et que dans un cas on mentionne la terreur de quelque chose d'anormal.

Ce furent les artistes et les poètes qui fournirent les réponses les plus pertinentes, et j'imagine la panique qui se serait emparée d'eux si d'aventure ils avaient pu comparer les notes les concernant. Cependant, faute d'avoir pu consulter leurs correspondances, je soupçonnais l'enquêteur d'avoir posé des questions

biaisées ou, à tout le moins d'avoir peu ou prou manipulé les réponses de façon à en faire ressortir ce qu'il avait résolu d'y trouver. C'est pourquoi je continuais à penser que Wilcox, au courant d'une manière ou d'une autre des informations que mon oncle possédait bien avant de le connaître, avait manipulé le vieux savant.

Quoiqu'il en soit, les réponses des artistes convergeaient vers une conclusion très dérangeante. Du 28 février au 2 avril, un grand nombre d'entre eux avaient fait des rêves bizarres, avec une intensité maximale au cours de la période délirante du sculpteur. Plus du quart de ceux qui avaient répondu positivement, décrivirent des scènes et des sons comparables à ceux relatés par Wilcox et quelques rêveurs reconnurent avoir éprouvé une terreur intense face à cette chose gigantesque et innommable qui leur était apparue à la fin. Un cas, décrit en détail dans une note, était particulièrement triste. Le sujet, architecte de renom qui avait quelques penchants pour la théosophie et l'occultisme était devenu hystérique le jour de la crise du jeune Wilcox et était mort après avoir hurlé et imploré pendant des mois sans discontinuer, qu'on le sauvât d'un démon évadé de l'enfer. Si mon oncle avait référencé tous ces témoins par un nom plutôt que par un numéro, j'aurais pu enquêter et tenter de confirmer leurs récits, mais en l'état je n'ai pu en retrouver que très peu. Tous cependant authentifièrent le contenu des notes et je me suis souvent demandé si le reste des sujets interrogés par le professeur étaient aussi déconcertés que ceux-là. Il est mieux qu'aucune explication ne leur soit jamais fournie.

Les extraits de journaux, comme je l'ai indiqué, concernaient des cas de panique, d'obsession, de comportements bizarres au cours de cette même période. Le professeur dut faire appel à une agence de coupure de presse, car leur nombre était impressionnant et leur provenance du monde entier. Il y avait par exemple un suicide nocturne à Londres où un dormeur solitaire s'était défenestré après avoir poussé un hurlement, également, une lettre délirante au rédacteur en chef d'un journal sud- américain dans laquelle un fanatique visionnaire prédisait un avenir terrifiant. On trouvait également une dépêche de Californie qui mentionnait une secte de

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théosophes dont les membres arboraient des robes blanches et attendaient quelque « accomplissement glorieux » qui n'arrivait jamais, tandis que des articles venus des Indes évoquaient prudemment des troubles chez les populations indigènes vers la fin du mois de mars. Sans oublier les orgies vaudous qui se multipliaient à Haïti et les rapports de postes avancés en Afrique qui faisaient état de rumeurs inquiétantes. Des officiers Américains aux Philippines s'inquiétaient du comportement de certaines tribus et des policiers New-Yorkais s'étaient fait agresser par des Levantins dans la nuit du 22 au 23 mars. Il y a encore l'Irlande qui foisonnait de rumeurs et de légendes et ce peintre français, Ardois-Bonnot qui exposait au Salon de Printemps de 1926 à Paris son Paysage Onirique qualifié de blasphématoire. Quant aux rapports provenant des asiles d'aliénés, ils sont si nombreux qu'on se demande comment le corps médical n'en a pas fait le rapprochement et tiré des conclusions déconcertantes. Une collection de coupures bien étranges tout compte fait, et je peux à peine, encore aujourd'hui, admettre le rationalisme aveugle qui me fit les écarter. Mais, à l'époque, j'étais convaincu que le jeune Wilcox avait eu connaissance des recherches occultes plus anciennes du professeur.