L'alimentation au service de notre équilibre intérieur | SOPHIE YVON | TEDxLille (1)
Relecteur: eric vautier
Mesdames et messieurs, bonsoir !
Lorsqu'une personne est amoureuse, on dit qu'elle a des papillons dans le ventre.
Lorsqu'elle est courageuse, on dit qu'elle a des tripes.
Lorsqu'une personne est déçue, il faut qu'elle digère la mauvaise nouvelle.
Et enfin lorsqu'une personne est stressée, on dit qu'elle a la boule au ventre.
Et là croyez-moi, quand on est au TEDx devant mille personnes,
on a la boule au ventre.
(Rires)
(Applaudissements)
Depuis des années, nous utilisons des expressions populaires
qui mettent en lien notre cerveau, nos émotions,
avec notre ventre, sans savoir que nous visions aussi juste.
Vous l'avez sûrement appris récemment dans la presse, dans les médias :
le ventre est notre deuxième cerveau.
Et qui dit cerveau, dit neurones.
Avez-vous idée du nombre de neurones que nous possédons
dans notre ventre ?
200 millions de neurones.
Pour vous donner une idée, cela correspond au cerveau d'un chat
ou d'un petit chien.
C'est vrai que 200 millions de neurones, si on le compare au cerveau du haut,
qui lui en contient 90 milliards,
il est vrai que c'est un plus petit cerveau
mais qui est suffisant pour assurer les fonctions essentielles de notre organisme,
comme la digestion ou le transit intestinal.
Mais ce qui est encore plus passionnant, c'est que ce deuxième cerveau
est en contact direct avec le cerveau du haut.
C'est-à-dire qu'il peut recevoir des informations
mais également en envoyer.
Comment ?
Par les nerfs par exemple.
Le nerf vague relie nos deux cerveaux.
Ou par la circulation sanguine,
via la sécrétion de neurotransmetteurs ou d'hormones.
D'ailleurs, saviez-vous que 90% de la sérotonine,
qui est une hormone qui régule le stress et l'émotion,
est fabriquée non pas dans notre cerveau du haut
mais bel et bien dans notre ventre ?
On parle de l'axe intestins-cerveau.
Alors axe intestins-cerveau, oui.
Mais si nous voulions être plus précis, nous devrions parler
de l'axe microbiote-intestins-cerveau.
Car en effet si on zoome au coeur de nos entrailles, au coeur de nos tripes,
nous pourrions rencontrer
les quarante à cent mille milliards de micro-organismes, de bactéries,
qui vivent dans notre intestin.
Message à toutes les personnes qui se sentent parfois un peu isolées :
vous n'êtes jamais seul.
(Rires)
Ce chiffre de cent mille milliards de micro-organismes,
ça signifie que nous possédons en nous
dix fois plus de cellules non humaines, c'est-à-dire de cellules bactériennes,
que de cellules humaines.
Et ces bactéries, ces micro-organismes, ont aussi leur propre ADN,
leur propre patrimoine génétique qui est différent du nôtre.
Ça donne le vertige.
Qui sommes-nous ?
Aujourd'hui, je vous propose de partir à la découverte du microbiote intestinal
afin de comprendre son importance, mais aussi sa fragilité,
apprendre à en prendre soin en préservant son équilibre.
Donne-moi ton microbiote, je te dirai qui tu es.
Le microbiote intestinal nous accompagne au moins
dès la naissance, dès nos premiers instants de vie.
Par exemple dès l'accouchement.
Si la naissance a lieu par voie basse, par voie naturelle,
la colonisation du microbiote du nouveau-né va se réaliser
via la flore bactérienne vaginale et fécale de la maman.
En revanche, s'il est né par césarienne, ce sera plutôt des bactéries
qui sont présentes dans l'environnement de la salle d'accouchement,
ou du personnel soignant.
Et ce bébé ne bénéficiera pas de la flore de la maman.
L'alimentation aussi.
Allaitement versus lait industriel.
Un bébé qui sera nourri au sein de sa mère bénéficiera
de la flore mammaire de la mère, si je puis dire.
Et le lait maternel a le privilège d'avoir une composition
assez forte en bifidobactéries et en lactobacilles
qui sont des bactéries qui peuvent stimuler le système immunitaire
et façonner le microbiote intestinal.
L'environnement aussi.
D'ailleurs, petite parenthèse.
C'est pour cela que le contact peau à peau entre parents et bébé est essentiel
pour le développement des micro-organismes
afin que vous lui transfériez votre flore cutanée.
Autre facteur : l'environnement.
Bébé qui va grandir à la campagne au contact de la nature
aura un microbiote intestinal différent
de bébé qui grandit en ville dans un appartement désinfecté à la javel.
Autre chose, les traitements antibiotiques.
Bien qu'ils soient nécessaires pour traiter une infection ponctuelle,
des traitements antibiotiques lors de la petite enfance peuvent avoir un impact
sur la composition du microbiote intestinal.
Et au fur et à mesure des jours, des semaines et même des années,
ce microbiote intestinal va évoluer pour au final se stabiliser
dès la fin de la petite enfance, vers l'âge de trois ans.
Ensuite, il deviendra unique. Ce sera votre microbiote intestinal.
C'est un peu comme une empreinte digitale.
Lorsqu'on regarde grossièrement, elles se ressemblent toutes.
Mais lorsque l'on approfondit l'analyse,
on peut voir des différences entre chaque individu.
Eh bien, pour le microbiote intestinal, c'est un peu la même chose.
Il existe un socle d'espèces commun à tout le monde, à tous les individus.
Mais lorsque l'on approfondit l'analyse, les différences subsistent.
Lorsqu'une personne est en bonne santé,
on dit que son microbiote est en équilibre,
en harmonie avec l'intestin et le cerveau.
En équilibre mais pas pour autant figé.
Il peut être modulé via plusieurs facteurs
qui peuvent induire un petit déséquilibre de ce microbiote intestinal.
La prise de médicaments tels que les antibiotiques,
des infections bactériennes,
les changements hormonaux comme la puberté ou la ménopause,
le stress, l'alcool et également le régime alimentaire
peuvent induire des déséquilibres du microbiote intestinal
et induire des dommages gastro-intestinaux.
Mais dans la littérature scientifique,
il a été écrit de plus forts déséquilibres du microbiote intestinal
qu'on appelle « dysbioses ».
C'est le cas dans certaines pathologies, des pathologies digestives,
comme la maladie de Crohn, le syndrome de l'intestin irritable,
la rectocolite hémorragique.
Concernant la maladie de Crohn,
c'est une maladie inflammatoire chronique de l'intestin
qui connaît une prévalence et une incidence en constante augmentation.
Les patients qui souffrent de cette pathologie
alternent entre des phases de rémission, des phases de repos,
et des phases de crise qui se traduisent
par une inflammation qui peut être très sévère.
Les symptômes sont des crampes abdominales, diarrhées,
inflammations, douleurs viscérales.
Il faut que vous sachiez qu'aujourd'hui, on ne connaît pas l'origine propre
de la maladie de Crohn.
Mais on sait que ce sont des pathologies multifactorielles.
C'est-à-dire qu'il y a plusieurs facteurs qui entrent en jeu.
Il y a des facteurs génétiques, le système immunitaire,
l'environnement, les conditions de vie
et il y a également le microbiote intestinal, via sa dysbiose.
Ce qui est encore plus intéressant, c'est que dans ces pathologies,
comme dans le syndrome de l'intestin irritable,
c'est qu'elles sont sous l'influence de l'axe microbiote-intestins-cerveau.
C'est-à-dire qu'au-delà des troubles gastro-intestinaux,
on constate aussi chez ces patients des troubles du système nerveux central.
Des troubles de la nociception, du ressenti de la douleur, de l'émotion,
de l'humeur, de l'anxiété, du stress...
Au regard de la communication entre microbiote, intestins et cerveau,
une des questions que l'on peut se poser est :
est-ce qu'une dysbiose, c'est-à-dire un déséquilibre du microbiote intestinal,
peut contribuer au développement de maladies neurologiques et psychiatriques ?
Je pose la question comme cela
mais nous avons déjà quelques éléments de réponse,
notamment au niveau de la réponse au stress par exemple.
La première démonstration remonte à 2004,
quand une équipe japonaise a permis de démontrer le lien
entre microbiote intestinal et stress.
Pour cela, ils ont pris des animaux, des animaux axéniques,
c'est-à-dire qu'ils n'ont pas de microbiote intestinal.
Leur tube digestif est stérile.
Ils ont remarqué que ces animaux-là
étaient hyper sensibles au stress et à l'anxiété.
Depuis, il y a eu bien d'autres études qui ont continué de décrire ce lien
entre microbiote intestinal et stress, à la fois chez l'animal et chez l'Homme.
Par exemple, chez l'Homme, les patients qui souffrent de la maladie de Crohn,
et qui sont en rémission,
s'ils vivent un événement stressant, un stress psychologique,
cela va induire une rechute de la maladie.
Ils vont passer en phase de crise, associée à une dysbiose.
Aujourd'hui, il y a clairement un lien établi
entre stress et microbiote intestinal.
Outre le stress et les états anxieux,
l'autisme a aussi fait et fait encore l'objet de beaucoup de recherches.
Il y a une étude qui a comparé le microbiote intestinal des enfants autistes
à ceux des enfants sains, et ils ont remarqué des différences significatives.
Par exemple, le microbiote intestinal des enfants souffrant d'autisme
est moins varié, moins diversifié, et il se ressemble d'un patient à l'autre.
Autre exemple, généralement on va observer une augmentation
de bactéries délétères comme des desulfovibrios et des bacteroidetes.
Elles ne sont pas top.
Et une réduction des bifidobactéries et des firmicutes.
La recherche avance à ce point-là et il y a quelques années,
on ne pensait pas à regarder dans le ventre pour ces pathologies-là.
Le microbiote intestinal a un effet modérateur sur l'intestin,
on l'a vu avec les pathologies digestives,
et également sur le système nerveux central avec le stress.
Quels sont les moyens aujourd'hui de moduler et de tenter de rééquilibrer
ce microbiote intestinal ?
Actuellement, il y a des études en cours sur la transplantation de microbiote,
plus connue sous le nom de transplantation fécale.
Vous avez bien entendu.
Le concept vise à transférer le microbiote intestinal
provenant des selles d'un individu sain à un individu malade.
C'est une vraie thérapie qui est encore utilisée au stade expérimental,
on est encore en test, ça n'est pas du tout utilisé en routine.
Et je pense que c'est l'occasion de dire que les chercheurs n'hésitent pas
à se salir les mains pour servir la science.
(Rires)
Et cette thérapie a déjà montré son efficacité,
notamment pour des infections sévères à clostridium difficile.
Mais comme je vous l'ai dit, on ne l'utilise pas encore en routine
parce que l'on n'a pas encore assez de recul.
Il existe d'autres moyens beaucoup plus accessibles
pour rééquilibrer le microbiote intestinal.
Et vous en connaissez certainement.
Les antibiotiques.
Un antibiotique va par définition aller tuer
une bactérie délétère ciblée dans l'intestin.
Le problème, c'est qu'elle va aussi détruire un peu
les autres bactéries qui n'ont rien demandé.
Mais les traitements antibiotiques ont fait leurs preuves.
Dans la littérature scientifique, on peut lire qu'un traitement antibiotique
réduit les symptômes de pathologies digestives.
Et également, concernant les troubles du système nerveux central,
une étude a montré chez l'animal qu'un traitement antibiotique pouvait réduire
les symptômes d'autisme lorsqu'il prenait ce traitement.
Par contre, ils ont aussi constaté que, dès lors qu'on arrêtait le traitement,
les symptômes revenaient.
Ce qui signifie que, malheureusement, on ne peut pas proposer
ce type de traitement antibiotique pour ce type de pathologies
qui sont sur la durée, à long terme.
Parce que vous savez très bien qu'il est très peu recommandé
d'utiliser des antibiotiques à répétition.
Tout simplement parce que les bactéries peuvent s'y habituer
et développer une résistance.
Donc les antibiotiques ne sont pas recommandés
pour ce type de pathologie chronique, plutôt pour les infections ponctuelles.
Pas de panique, il y a d'autres moyens.
Les probiotiques, par exemple.
Les probiotiques sont des bactéries vivantes que l'on va ingérer
et dont on connaît les fonctions
et dont on sait qu'elles ont un effet bénéfique sur la santé.
Cela a fait ses preuves pour les pathologies digestives
et également sur le stress chronique.
Des probiotiques, vous pouvez en trouver en pharmacie
en forte concentration,
mais également dans l'alimentation.
Dans les produits lacto-fermentés, dans certains laitages,
la soupe miso, la saucisse, les cornichons...
Autre moyen ; il y a également les prébiotiques.
Ça n'est pas pareil.
Les prébiotiques sont les nutriments que nous ne pouvons pas digérer
mais que nos colocataires, nos bactéries, peuvent.
On va les nourrir et en choisissant le type de prébiotiques,
on peut choisir le type de bactérie dont on veut favoriser la croissance.
Comme les bifidobactéries, par exemple.
Et des prébiotiques, vous pouvez en trouver naturellement dans l'alimentation,