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La Ferme des Animaux: George Orwell, Chapitre 3

Chapitre 3

Comme ils trimèrent et prirent de la peine

pour rentrer le foin ! Mais leurs efforts furent

récompensés car la récolte fut plus abondante

encore qu'ils ne l'auraient cru.

À certains moments la besogne était tout à fait

pénible. Les instruments agraires avaient été

inventés pour les hommes et non pour les

animaux, et ceux-ci en subissaient les

conséquences. Ainsi, aucun animal ne pouvait se

servir du moindre outil qui l'obligeât à se tenir

debout sur ses pattes de derrière. Néanmoins, les

cochons étaient si malins qu'ils trouvèrent le

moyen de tourner chaque difficulté. Quant aux

chevaux, ils connaissaient chaque pouce du

terrain, et s'y entendaient à faucher et à râteler

mieux que Jones et ses gens leur vie durant. Les

cochons, à vrai dire, ne travaillaient pas : ils

distribuaient le travail et veillaient à sa bonne

exécution. Avec leurs connaissances supérieures,

il était naturel qu'ils prennent le commandement.

Malabar et Douce s'attelaient tout seuls au râteau

ou à la faucheuse (ni mors ni rênes n'étant plus

nécessaires, bien entendu), et ils arpentaient le

champ en long et en large, un cochon à leurs

trousses. Celui-ci s'écriait : « Hue dia,

camarade ! » ou « Holà, ho, camarade ! », suivant

le cas. Et chaque animal jusqu'au plus modeste

besognait à faner et ramasser le foin. Même les

canards et les poules, sans relâche, allaient et

venaient sous le soleil, portant dans leurs becs

des filaments minuscules. Et ainsi la fenaison fut

achevée deux jours plus tôt qu'aux temps de

Jones. Qui plus est, ce fut la plus belle récolte de

foin que la ferme ait jamais connue. Et nul

gaspillage, car poules et canards, animaux à l'oeil

prompt, avaient glané jusqu'au plus petit brin. Et

pas un animal n'avait dérobé ne fût-ce qu'une

bouchée.

Tout l'été le travail progressa avec une

régularité d'horloge. Les animaux étaient heureux

d'un bonheur qui passait leurs espérances. Tout

aliment leur était plus délectable d'être le fruit de

leur effort. Car désormais c'était là leur propre

manger, produit par eux et pour eux, et non plus

l'aumône, accordée à contrecoeur, d'un maître

parcimonieux. Une fois délivrés de l'engeance

humaine, des bons à rien, des parasites, chacun

d'eux reçut en partage une ration plus copieuse.

Et, quoique encore peu expérimentés, ils eurent

aussi des loisirs accrus. Oh, il leur fallut faire

face à bien des difficultés. C'est ainsi que, plus

tard dans l'année et le temps venu de la moisson,

ils durent dépiquer le blé à la mode d'autrefois et,

faute d'une batteuse à la ferme, chasser la glume

en soufflant dessus. Mais l'esprit de ressource des

cochons ainsi que la prodigieuse musculature de

Malabar les tiraient toujours d'embarras. Malabar

faisait l'admiration de tous. Déjà connu à

l'époque de Jones pour son coeur à l'ouvrage,

pour lors il besognait comme trois. Même,

certains jours, tout le travail de la ferme semblait

reposer sur sa puissante encolure. Du matin à la

tombée de la nuit, il poussait, il tirait, et était

toujours présent au plus dur du travail. Il avait

passé accord avec l'un des jeunes coqs pour

qu'on le réveille une demi-heure avant tous les

autres, et, devançant l'horaire et le plan de la

journée, de son propre chef il se portait volontaire

aux tâches d'urgence. À tout problème et à tout

revers, il opposait sa conviction : « Je vais

travailler plus dur. » Ce fut là sa devise.

Toutefois, chacun oeuvrait suivant ses

capacités. Ainsi, les poules et les canards

récupérèrent dix boisseaux de blé en recueillant

les grains disséminés ça et là. Et personne qui

chapardât, ou qui se plaignît des rations : les

prises de bec, bisbilles, humeurs ombrageuses,

jadis monnaie courante, n'étaient plus de mise.

Personne ne tirait au flanc – enfin, presque

personne. Lubie, avouons-le, n'était pas bien

matineuse, et se montrait encline à quitter le

travail de bonne heure, sous prétexte qu'un

caillou lui agaçait le sabot. La conduite de la

chatte était un peu singulière aussi. On ne tarda

pas à s'apercevoir qu'elle était introuvable quand

l'ouvrage requérait sa présence. Elle disparaissait

des heures d'affilée pour reparaître aux repas, ou

le soir après le travail fait, comme si de rien

n'était. Mais elle se trouvait des excuses si

excellentes, et ronronnait de façon si affectueuse,

que ses bonnes intentions n'étaient pas mises en

doute. Quant à Benjamin, le vieil âne, depuis la

révolution il était demeuré le même. Il

s'acquittait de sa besogne de la même manière

lente et têtue, sans jamais renâcler, mais sans zèle

inutile non plus. Sur le soulèvement même et ses

conséquences, il se gardait de toute opinion.

Quand on lui demandait s'il ne trouvait pas son

sort meilleur depuis l'éviction de Jones, il s'en

tenait à dire : « Les ânes ont la vie dure. Aucun

de vous n'a jamais vu mourir un âne », et de cette

réponse sibylline on devait se satisfaire.

Le dimanche, jour férié, on prenait le petit

déjeuner une heure plus tard que d'habitude. Puis

c'était une cérémonie renouvelée sans faute

chaque semaine. D'abord on hissait les couleurs.

Boule de Neige s'était procuré à la sellerie un

vieux tapis de table de couleur verte, qui avait

appartenu à Mrs. Jones, et sur lequel il avait peint

en blanc une corne et un sabot. Ainsi donc, dans

le jardin de la ferme, tous les dimanches matin le

pavillon était hissé au mât. Le vert du drapeau,

expliquait Boule de Neige, représente les verts

pâturages d'Angleterre ; la corne et le sabot, la

future République, laquelle serait proclamée au

renversement définitif de la race humaine. Après

le salut au drapeau, les animaux gagnaient

ensemble la grange. Là se tenait une assemblée

qui était l'assemblée générale, mais qu'on

appelait l'Assemblée. On y établissait le plan de

travail de la semaine et on y débattait et adoptait

différentes résolutions. Celles-ci, les cochons les

proposaient toujours. Car si les autres animaux

savaient comment on vote, aucune proposition

nouvelle ne leur venait à l'esprit. Ainsi, le plus

clair des débats était l'affaire de Boule de Neige

et Napoléon. Il est toutefois à remarquer qu'ils

n'étaient jamais d'accord : quel que fut l'avis de

l'un, on savait que l'autre y ferait pièce. Même

une fois décidé – et personne ne pouvait s'élever

contre la chose elle-même – d'aménager en

maison de repos le petit enclos attenant au verger,

un débat orageux s'ensuivit : quel est, pour

chaque catégorie d'animaux, l'âge légitime de la

retraite ? L'assemblée prenait toujours fin aux

accents de Bêtes d'Angleterre, et l'après-midi

était consacré aux loisirs.

Les cochons avaient fait de la sellerie leur

quartier général. Là, le soir, ils étudiaient les arts

et métiers : les techniques du maréchal-ferrant, ou

celles du menuisier, par exemple à l'aide de

livres ramenés de la ferme. Boule de Neige se

préoccupait aussi de répartir les animaux en

Commissions, et sur ce terrain il était infatigable.

Il constitua pour les poules la Commission des

pontes, pour les vaches la Ligue des queues de

vaches propres, pour les réfractaires la

Commission de rééducation des camarades vivant

en liberté dans la nature (avec, pour but

d'apprivoiser les rats et les lapins), et pour les

moutons le Mouvement de la laine immaculée, et

encore d'autres instruments de prophylaxie

sociale – outre les classes de lecture et d'écriture.

Dans l'ensemble, ces projets connurent

l'échec. C'est ainsi que la tentative d'apprivoiser

les animaux sauvages avorta presque tout de

suite. Car ils ne changèrent pas de conduite, et ils

mirent à profit toute velléité généreuse à leur

égard. La chatte fit de bonne heure partie de la

Commission de rééducation, et pendant quelques

jours y montra de la résolution. Même, une fois,

on la vit assise, sur le toit, parlementant avec des

moineaux hors d'atteinte : tous les animaux sont

désormais camarades. Aussi tout moineau

pouvait se percher sur elle, même sur ses griffes.

Mais les moineaux gardaient leurs distances.

Les cours de lecture et d'écriture, toutefois,

eurent un vif succès. À l'automne, il n'y avait

plus d'illettrés, autant dire.

Les cochons, eux, savaient déjà lire et écrire à

la perfection. Les chiens apprirent à lire à peu

près couramment, mais ils ne s'intéressaient

qu'aux Sept Commandements. Edmée, la chèvre,

s'en tirait mieux qu'eux. Le soir, il lui arrivait de

faire aux autres la lecture de fragments de

journaux découverts aux ordures. Benjamin,

l'âne, pouvait lire aussi bien que n'importe quel

cochon, mais jamais il n'exerçait ses dons. « Que

je sache, disait-il, il n'y a rien qui vaille la peine

d'être lu. » Douce apprit toutes ses lettres, mais la

science des mots lui échappait. Malabar n'allait

pas au-delà de la lettre D. De son grand sabot, il

traçait dans la poussière les lettres A B C D, puis

il les fixait des yeux, et, les oreilles rabattues et

de temps à autre repoussant la mèche qui lui

barrait le front, il faisait grand effort pour se

rappeler quelles lettres venaient après, mais sans

jamais y parvenir. Bel et bien, à différentes

reprises, il retint E F G H, mais du moment qu'il

savait ces lettres-là, il avait oublié les

précédentes. À la fin, il décida d'en rester aux

quatre premières lettres, et il les écrivait une ou

deux fois dans la journée pour se rafraîchir la

mémoire. Lubie refusa d'apprendre l'alphabet,

hormis les cinq lettres de son nom. Elle les traçait

fort adroitement, avec des brindilles, puis les

agrémentait d'une fleur ou deux et, avec

admiration, en faisait le tour.

Aucun des autres animaux de la ferme ne put

aller au-delà de la lettre A. On s'aperçut aussi que

les plus bornés, tels que moutons, poules et

canards, étaient incapables d'apprendre par coeur

les Sept Commandements. Après mûre réflexion,

Boule de Neige signifia que les Sept

Commandements pouvaient, après tout, se

ramener à une maxime unique, à savoir

Quatrepattes, oui ! Deuxpattes, non ! En cela,

dit-il, réside le principe fondamental de

l'Animalisme. Quiconque en aurait tout à fait

saisi la signification serait à l'abri des influences

humaines. Tout d'abord les oiseaux se

rebiffèrent, se disant qu'eux aussi sont des

deuxpattes, mais Boule de Neige leur prouva leur

erreur, disant :

« Les ailes de l'oiseau, camarades, étant des

organes de propulsion, non de manipulation,

doivent être regardées comme des pattes. Ça va

de soi. Et c'est la main qui fait la marque

distinctive de l'homme : la main qui manipule, la

main de malignité. »

Les oiseaux restèrent cois devant les mots

compliqués de Boule de Neige, mais ils

approuvèrent sa conclusion, et tous les moindres

animaux de la ferme se mirent à apprendre par

coeur la nouvelle maxime : Quatrepattes, oui !

Deuxpattes, non !, que l'on inscrivit sur le mur du

fond de la grange, au-dessus des Sept

Commandements et en plus gros caractères. Une

fois qu'ils la surent sans se tromper, les moutons

s'en éprirent, et c'est souvent que, couchés dans

les champs, ils bêlaient en choeur : Quatrepattes,

oui ! Deuxpattes, non ! Et ainsi des heures durant,

sans se lasser jamais.

Napoléon ne portait aucun intérêt aux

Commissions de Boule de Neige. Selon lui,

l'éducation des jeunes était plus importante que

tout ce qu'on pouvait faire pour les animaux déjà

d'âge mûr. Or, sur ces entrefaites, les deux

chiennes, Constance et Fleur, mirent bas, peu

après la fenaison, donnant naissance à neuf chiots

vigoureux. Dès après le sevrage, Napoléon enleva

les chiots à leurs mères, disant qu'il pourvoirait

personnellement à leur éducation. Il les remisa

dans un grenier, où l'on n'accédait que par une

échelle de la sellerie, et les y séquestra si bien

que bientôt tous les autres animaux oublièrent

jusqu'à leur existence.

Le mystère de la disparition du lait fut bientôt

élucidé. C'est que chaque jour le lait était

mélangé à la pâtée des cochons. C'était le temps

où les premières pommes commençaient à mûrir,

et bientôt elles jonchaient l'herbe du verger. Les

animaux s'attendaient au partage équitable qui

leur semblait aller de soi. Un jour, néanmoins,

ordre fut donné de ramasser les pommes pour les

apporter à la sellerie, au bénéfice des porcs. On

entendit bien murmurer certains animaux, mais

ce fut en vain. Tous les cochons étaient, sur ce

point, entièrement d'accord, y compris Napoléon

et Boule de Neige. Et Brille-Babil fut chargé des

explications nécessaires :

« Vous n'allez tout de même pas croire,

camarades, que nous, les cochons, agissons par

égoïsme, que nous nous attribuons des privilèges.

En fait, beaucoup d'entre nous détestent le lait et

les pommes. C'est mon propre cas. Si nous nous

les approprions, c'est dans le souci de notre santé.

Le lait et les pommes (ainsi, camarades, que la

science le démontre) renferment des substances

indispensables au régime alimentaire du cochon.

Nous sommes, nous autres, des travailleurs

intellectuels. La direction et l'organisation de

cette ferme reposent entièrement sur nous. De

jour et de nuit nous veillons à votre bien. Et c'est

pour votre bien que nous buvons ce lait et

mangeons ces pommes. Savez-vous ce qu'il

adviendrait si nous, les cochons, devions faillir à

notre devoir ? Jones reviendrait ! Oui, Jones !

Assurément, camarades – s'exclama Brille-Babil,

sur un ton presque suppliant, et il se balançait de

côté et d'autre, fouettant l'air de sa queue –,

assurément il n'y en a pas un seul parmi vous qui

désire le retour de Jones ? »

S'il était en effet quelque chose dont tous les

animaux ne voulaient à aucun prix, c'était bien le

retour de Jones. Quand on leur présentait les

choses sous ce jour, ils n'avaient rien à redire.

L'importance de maintenir les cochons en bonne

forme s'imposait donc à l'évidence. Aussi fut-il

admis sans plus de discussion que le lait et les

pommes tombées dans l'herbe (ainsi que celles,

la plus grande partie, à mûrir encore) seraient

prérogative des cochons.

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Chapitre 3

Comme ils trimèrent et prirent de la peine |they|||took||the|

pour rentrer le foin ! Mais leurs efforts furent

récompensés car la récolte fut plus abondante

encore qu'ils ne l'auraient cru.

À certains moments la besogne était tout à fait |||the|||||

pénible. painful Les instruments agraires avaient été

inventés pour les hommes et non pour les

animaux, et ceux-ci en subissaient les

conséquences. Ainsi, aucun animal ne pouvait se

servir du moindre outil qui l'obligeât à se tenir

debout sur ses pattes de derrière. Néanmoins, les

cochons étaient si malins qu'ils trouvèrent le ||if||||

moyen de tourner chaque difficulté. Quant aux As for|

chevaux, ils connaissaient chaque pouce du horses|||||

terrain, et s'y entendaient à faucher et à râteler

mieux que Jones et ses gens leur vie durant. Les

cochons, à vrai dire, ne travaillaient pas : ils |in||||||

distribuaient le travail et veillaient à sa bonne ||||ensured|||

exécution. Avec leurs connaissances supérieures,

il était naturel qu'ils prennent le commandement.

Malabar et Douce s'attelaient tout seuls au râteau |||hitched|||to the|

ou à la faucheuse (ni mors ni rênes n'étant plus ||the|||||||

nécessaires, bien entendu), et ils arpentaient le

champ en long et en large, un cochon à leurs

trousses. Celui-ci s'écriait : « Hue dia,

camarade ! » ou « Holà, ho, camarade ! », suivant

le cas. Et chaque animal jusqu'au plus modeste |||up to||

besognait à faner et ramasser le foin. was working||haymaking|||| Même les

canards et les poules, sans relâche, allaient et

venaient sous le soleil, portant dans leurs becs |||||in||

des filaments minuscules. Et ainsi la fenaison fut

achevée deux jours plus tôt qu'aux temps de

Jones. Qui plus est, ce fut la plus belle récolte de

foin que la ferme ait jamais connue. Et nul

gaspillage, car poules et canards, animaux à l'oeil

prompt, avaient glané jusqu'au plus petit brin. |had||||| Et

pas un animal n'avait dérobé ne fût-ce qu'une

bouchée.

Tout l'été le travail progressa avec une ||||||a

régularité d'horloge. |of clock Les animaux étaient heureux

d'un bonheur qui passait leurs espérances. |||||hopes Tout

aliment leur était plus délectable d'être le fruit de ||||delectable||||

leur effort. Car désormais c'était là leur propre

manger, produit par eux et pour eux, et non plus

l'aumône, accordée à contrecoeur, d'un maître the alms|||reluctantly||

parcimonieux. Une fois délivrés de l'engeance ||||the scourge

humaine, des bons à rien, des parasites, chacun |of the||||||

d'eux reçut en partage une ration plus copieuse.

Et, quoique encore peu expérimentés, ils eurent

aussi des loisirs accrus. Oh, il leur fallut faire

face à bien des difficultés. C'est ainsi que, plus

tard dans l'année et le temps venu de la moisson, ||||||||the|

ils durent dépiquer le blé à la mode d'autrefois et, ||thresh|the||||||

faute d'une batteuse à la ferme, chasser la glume |of a||||||the|

en soufflant dessus. Mais l'esprit de ressource des

cochons ainsi que la prodigieuse musculature de

Malabar les tiraient toujours d'embarras. Malabar

faisait l'admiration de tous. Déjà connu à

l'époque de Jones pour son coeur à l'ouvrage,

pour lors il besognait comme trois. |while|||| Même,

certains jours, tout le travail de la ferme semblait

reposer sur sa puissante encolure. |on|||neck Du matin à la

tombée de la nuit, il poussait, il tirait, et était

toujours présent au plus dur du travail. Il avait

passé accord avec l'un des jeunes coqs pour

qu'on le réveille une demi-heure avant tous les

autres, et, devançant l'horaire et le plan de la

journée, de son propre chef il se portait volontaire |of|||||||

aux tâches d'urgence. À tout problème et à tout

revers, il opposait sa conviction : « Je vais

travailler plus dur. » Ce fut là sa devise.

Toutefois, chacun oeuvrait suivant ses

capacités. Ainsi, les poules et les canards

récupérèrent dix boisseaux de blé en recueillant |ten|||||

les grains disséminés ça et là. Et personne qui

chapardât, ou qui se plaignît des rations : les

prises de bec, bisbilles, humeurs ombrageuses,

jadis monnaie courante, n'étaient plus de mise.

Personne ne tirait au flanc – enfin, presque

personne. Lubie, avouons-le, n'était pas bien

matineuse, et se montrait encline à quitter le

travail de bonne heure, sous prétexte qu'un ||||||that one

caillou lui agaçait le sabot. pebble|||| La conduite de la

chatte était un peu singulière aussi. On ne tarda

pas à s'apercevoir qu'elle était introuvable quand |||||unreachable|

l'ouvrage requérait sa présence. Elle disparaissait

des heures d'affilée pour reparaître aux repas, ou

le soir après le travail fait, comme si de rien

n'était. Mais elle se trouvait des excuses si

excellentes, et ronronnait de façon si affectueuse, ||purred||||

que ses bonnes intentions n'étaient pas mises en ||||were||put|

doute. doubt Quant à Benjamin, le vieil âne, depuis la |||the||||

révolution il était demeuré le même. Il

s'acquittait de sa besogne de la même manière ||its|||||

lente et têtue, sans jamais renâcler, mais sans zèle

inutile non plus. Sur le soulèvement même et ses

conséquences, il se gardait de toute opinion.

Quand on lui demandait s'il ne trouvait pas son

sort meilleur depuis l'éviction de Jones, il s'en

tenait à dire : « Les ânes ont la vie dure. Aucun

de vous n'a jamais vu mourir un âne », et de cette

réponse sibylline on devait se satisfaire.

Le dimanche, jour férié, on prenait le petit ||day|||||

déjeuner une heure plus tard que d'habitude. Puis

c'était une cérémonie renouvelée sans faute

chaque semaine. D'abord on hissait les couleurs. |we|||

Boule de Neige s'était procuré à la sellerie un

vieux tapis de table de couleur verte, qui avait

appartenu à Mrs. Jones, et sur lequel il avait peint

en blanc une corne et un sabot. ||a|||a| Ainsi donc, dans

le jardin de la ferme, tous les dimanches matin le

pavillon était hissé au mât. Le vert du drapeau,

expliquait Boule de Neige, représente les verts

pâturages d'Angleterre ; la corne et le sabot, la

future République, laquelle serait proclamée au

renversement définitif de la race humaine. Après

le salut au drapeau, les animaux gagnaient ||||||were winning

ensemble la grange. Là se tenait une assemblée

qui était l'assemblée générale, mais qu'on

appelait l'Assemblée. On y établissait le plan de

travail de la semaine et on y débattait et adoptait

différentes résolutions. Celles-ci, les cochons les These||||

proposaient toujours. proposed| Car si les autres animaux

savaient comment on vote, aucune proposition

nouvelle ne leur venait à l'esprit. Ainsi, le plus

clair des débats était l'affaire de Boule de Neige

et Napoléon. Il est toutefois à remarquer qu'ils

n'étaient jamais d'accord : quel que fut l'avis de were|||||||

l'un, on savait que l'autre y ferait pièce. Même

une fois décidé – et personne ne pouvait s'élever

contre la chose elle-même – d'aménager en |||||to arrange|

maison de repos le petit enclos attenant au verger,

un débat orageux s'ensuivit : quel est, pour

chaque catégorie d'animaux, l'âge légitime de la

retraite ? L'assemblée prenait toujours fin aux

accents de Bêtes d'Angleterre, et l'après-midi |of|||||

était consacré aux loisirs.

Les cochons avaient fait de la sellerie leur |||||the||

quartier général. Là, le soir, ils étudiaient les arts

et métiers : les techniques du maréchal-ferrant, ou ||||of the|||

celles du menuisier, par exemple à l'aide de ||carpenter|||||

livres ramenés de la ferme. Boule de Neige se

préoccupait aussi de répartir les animaux en

Commissions, et sur ce terrain il était infatigable.

Il constitua pour les poules la Commission des

pontes, pour les vaches la Ligue des queues de

vaches propres, pour les réfractaires la

Commission de rééducation des camarades vivant

en liberté dans la nature (avec, pour but

d'apprivoiser les rats et les lapins), et pour les

moutons le Mouvement de la laine immaculée, et

encore d'autres instruments de prophylaxie

sociale – outre les classes de lecture et d'écriture.

Dans l'ensemble, ces projets connurent

l'échec. C'est ainsi que la tentative d'apprivoiser

les animaux sauvages avorta presque tout de

suite. Car ils ne changèrent pas de conduite, et ils

mirent à profit toute velléité généreuse à leur

égard. La chatte fit de bonne heure partie de la

Commission de rééducation, et pendant quelques

jours y montra de la résolution. Même, une fois,

on la vit assise, sur le toit, parlementant avec des

moineaux hors d'atteinte : tous les animaux sont

désormais camarades. Aussi tout moineau

pouvait se percher sur elle, même sur ses griffes.

Mais les moineaux gardaient leurs distances.

Les cours de lecture et d'écriture, toutefois,

eurent un vif succès. |||success À l'automne, il n'y avait

plus d'illettrés, autant dire.

Les cochons, eux, savaient déjà lire et écrire à

la perfection. Les chiens apprirent à lire à peu

près couramment, mais ils ne s'intéressaient |fluently||||

qu'aux Sept Commandements. Edmée, la chèvre,

s'en tirait mieux qu'eux. Le soir, il lui arrivait de

faire aux autres la lecture de fragments de

journaux découverts aux ordures. Benjamin,

l'âne, pouvait lire aussi bien que n'importe quel

cochon, mais jamais il n'exerçait ses dons. « Que

je sache, disait-il, il n'y a rien qui vaille la peine

d'être lu. » Douce apprit toutes ses lettres, mais la

science des mots lui échappait. Malabar n'allait

pas au-delà de la lettre D. De son grand sabot, il ||||||||its|||

traçait dans la poussière les lettres A B C D, puis

il les fixait des yeux, et, les oreilles rabattues et

de temps à autre repoussant la mèche qui lui

barrait le front, il faisait grand effort pour se

rappeler quelles lettres venaient après, mais sans

jamais y parvenir. Bel et bien, à différentes Well||||

reprises, il retint E F G H, mais du moment qu'il

savait ces lettres-là, il avait oublié les

précédentes. À la fin, il décida d'en rester aux

quatre premières lettres, et il les écrivait une ou

deux fois dans la journée pour se rafraîchir la

mémoire. Lubie refusa d'apprendre l'alphabet,

hormis les cinq lettres de son nom. except|||||| Elle les traçait

fort adroitement, avec des brindilles, puis les

agrémentait d'une fleur ou deux et, avec

admiration, en faisait le tour.

Aucun des autres animaux de la ferme ne put

aller au-delà de la lettre A. On s'aperçut aussi que |||||||One|||

les plus bornés, tels que moutons, poules et the|||||||

canards, étaient incapables d'apprendre par coeur

les Sept Commandements. Après mûre réflexion, After||reflection

Boule de Neige signifia que les Sept

Commandements pouvaient, après tout, se

ramener à une maxime unique, à savoir bring back||||||

Quatrepattes, oui ! Deuxpattes, non ! En cela,

dit-il, réside le principe fondamental de

l'Animalisme. Quiconque en aurait tout à fait

saisi la signification serait à l'abri des influences

humaines. Tout d'abord les oiseaux se

rebiffèrent, se disant qu'eux aussi sont des

deuxpattes, mais Boule de Neige leur prouva leur

erreur, disant :

« Les ailes de l'oiseau, camarades, étant des The||||||

organes de propulsion, non de manipulation,

doivent être regardées comme des pattes. Ça va

de soi. Et c'est la main qui fait la marque

distinctive de l'homme : la main qui manipule, la

main de malignité. »

Les oiseaux restèrent cois devant les mots

compliqués de Boule de Neige, mais ils

approuvèrent sa conclusion, et tous les moindres ||||all||

animaux de la ferme se mirent à apprendre par

coeur la nouvelle maxime : Quatrepattes, oui !

Deuxpattes, non !, que l'on inscrivit sur le mur du

fond de la grange, au-dessus des Sept

Commandements et en plus gros caractères. Une

fois qu'ils la surent sans se tromper, les moutons

s'en éprirent, et c'est souvent que, couchés dans

les champs, ils bêlaient en choeur : Quatrepattes,

oui ! Deuxpattes, non ! Et ainsi des heures durant,

sans se lasser jamais.

Napoléon ne portait aucun intérêt aux

Commissions de Boule de Neige. Selon lui,

l'éducation des jeunes était plus importante que

tout ce qu'on pouvait faire pour les animaux déjà

d'âge mûr. of age| Or, sur ces entrefaites, les deux

chiennes, Constance et Fleur, mirent bas, peu

après la fenaison, donnant naissance à neuf chiots |||||||puppies

vigoureux. Dès après le sevrage, Napoléon enleva As soon as|||||

les chiots à leurs mères, disant qu'il pourvoirait

personnellement à leur éducation. Il les remisa

dans un grenier, où l'on n'accédait que par une |a|||||that||

échelle de la sellerie, et les y séquestra si bien

que bientôt tous les autres animaux oublièrent

jusqu'à leur existence.

Le mystère de la disparition du lait fut bientôt

élucidé. C'est que chaque jour le lait était

mélangé à la pâtée des cochons. C'était le temps

où les premières pommes commençaient à mûrir, |||apples||to|

et bientôt elles jonchaient l'herbe du verger. Les

animaux s'attendaient au partage équitable qui

leur semblait aller de soi. Un jour, néanmoins,

ordre fut donné de ramasser les pommes pour les

apporter à la sellerie, au bénéfice des porcs. ||||to the||| On

entendit bien murmurer certains animaux, mais

ce fut en vain. Tous les cochons étaient, sur ce

point, entièrement d'accord, y compris Napoléon

et Boule de Neige. Et Brille-Babil fut chargé des

explications nécessaires :

« Vous n'allez tout de même pas croire,

camarades, que nous, les cochons, agissons par

égoïsme, que nous nous attribuons des privilèges.

En fait, beaucoup d'entre nous détestent le lait et

les pommes. C'est mon propre cas. It's||| Si nous nous

les approprions, c'est dans le souci de notre santé. ||it's||the||||

Le lait et les pommes (ainsi, camarades, que la

science le démontre) renferment des substances

indispensables au régime alimentaire du cochon.

Nous sommes, nous autres, des travailleurs

intellectuels. La direction et l'organisation de

cette ferme reposent entièrement sur nous. De

jour et de nuit nous veillons à votre bien. ||||we|||| Et c'est

pour votre bien que nous buvons ce lait et

mangeons ces pommes. Savez-vous ce qu'il

adviendrait si nous, les cochons, devions faillir à

notre devoir ? Jones reviendrait ! Oui, Jones !

Assurément, camarades – s'exclama Brille-Babil,

sur un ton presque suppliant, et il se balançait de

côté et d'autre, fouettant l'air de sa queue –,

assurément il n'y en a pas un seul parmi vous qui

désire le retour de Jones ? »

S'il était en effet quelque chose dont tous les

animaux ne voulaient à aucun prix, c'était bien le

retour de Jones. Quand on leur présentait les

choses sous ce jour, ils n'avaient rien à redire.

L'importance de maintenir les cochons en bonne

forme s'imposait donc à l'évidence. |was evident||in|the evidence Aussi fut-il

admis sans plus de discussion que le lait et les

pommes tombées dans l'herbe (ainsi que celles,

la plus grande partie, à mûrir encore) seraient

prérogative des cochons. prerogative||