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Enlevé Kidnapped, Enlevé ! Chapitre 27

Enlevé ! Chapitre 27

Le lendemain, nous décidâmes qu'Alan disposerait de son temps jusqu'au coucher du soleil, mais qu'à l'heure où il commence à faire noir, il se cacherait dans les champs du bord de la route, auprès de Nowhalls, et n'en bougerait pas avant de m'avoir entendu siffler. Je lui proposai comme signal « La chère maison d'Airlie », que j'aimais beaucoup ; mais il objecta que l'air était trop connu, et qu'un paysan quelconque pourrait le siffler par hasard ; et il m'apprit au lieu de cela un court fragment d'un air des Highlands qui n'a cessé de me hanter depuis et me hantera sans doute à mon lit de mort. Chaque fois qu'il me revient, je me trouve reporté à ce dernier jour de mes incertitudes, et je revois Alan assis au fond du creux de sable, sifflant et battant la mesure avec un doigt, tandis que ses traits se dégageaient peu à peu dans l'aube grise. Je fus avant le lever du soleil dans cette longue rue de Queensferry. C'était un bourg bien construit, avec des maisons en pierre de taille, recouvertes d'ardoise pour la plupart ; un hôtel de ville moins beau, je pense que celui de Peebles, et une rue de moins grand air ; mais néanmoins le tout réuni me fit rougir de mes vieilles hardes. À mesure que le matin s'avançait, les feux commencèrent à s'allumer, les fenêtres à s'ouvrir, les gens à sortir des maisons ; et cependant mon souci et ma détresse ne faisaient que croître. Je voyais bien à présent que je manquais absolument de base, que je n'avais aucune preuve certaine de mes droits, pas plus que de mon identité. Si mes espoirs n'étaient qu'un leurre, je me trouverais amèrement déçu et engagé dans une mauvaise passe. Même si tout marchait au gré de mes désirs, il faudrait sans doute du temps pour faire valoir mes prétentions ; et de quel temps disposais-je, avec moins de trois shillings en poche, et sur les bras un condamné à embarquer et faire évader ? Certes, si mon espérance se brisait, cela pourrait bien finir pour l'un et l'autre par le gibet. Et tout en continuant à me promener çà et là et voyant des gens me regarder de travers de la rue ou des fenêtres, et me désignant de la tête en parlant de moi avec des sourires, je fus pris d'une crainte nouvelle, savoir qu'il pourrait bien ne m'être pas facile d'arriver à m'entretenir avec le notaire, et à plus forte raison de le convaincre de ma véracité. Pour tout au monde je n'aurais eu l'audace d'interpeller quelqu'un de ces respectables bourgeois ; je rougissais à l'idée de leur parler ainsi affublé de haillons poudreux ; et je me figurais que si je leur demandais la maison d'un si grand personnage que M. Rankeillor, ils m'éclateraient de rire au nez. J'errais donc de çà et là, par la rue, sur le port, comme un chien qui a perdu son maître, avec, pour ainsi dire, un rongement intérieur, et parfois un mouvement de désespoir. Il faisait grand jour, pour finir ; il pouvait être neuf heures du matin ; j'étais éreinté de rôder de la sorte, et m'étais par hasard arrêté devant une très belle maison du côté de la terre, une maison ornée de belles fenêtres aux vitres brillantes, des arabesques fleuries sur les frontons, des murs fraîchement crépis, et un chien de chasse assis sur le seuil, à bâiller comme un propriétaire. Or, j'étais ainsi à envier ce muet animal, quand la porte vint à s'ouvrir, et il en sortit un homme au visage malicieux, vermeil, aimable et posé, à lunettes et perruque bien poudrée. Mon accoutrement était tel que personne ne pouvait jeter les yeux sur moi sans me regarder une seconde fois, et ce gentleman parut si frappé de mon extérieur misérable, qu'il s'en vint droit à moi et me demanda ce que je faisais là. Je lui répondis que j'étais venu à Queensferry pour une affaire, et prenant soudain courage, je le priai de m'indiquer la maison de M. Rankeillor. – Eh bien, dit-il, c'est précisément celle dont je viens de sortir ; et par un bien singulier hasard, M. Rankeillor, c'est moi. – Alors, monsieur, dis-je, j'ai à vous demander la faveur d'un entretien. – J'ignore votre nom, dit-il, et ne vous connais pas. – Je m'appelle David Balfour. – David Balfour, répéta-t-il, en haussant le ton avec surprise. Et d'où arrivez-vous, monsieur David Balfour ? demanda-t-il en me regardant avec sévérité dans le blanc des yeux. – J'arrive de maints endroits fort singuliers, monsieur ; mais il vaudrait mieux, je crois, que je vous dise quoi et comment d'une façon plus privée. Il sembla réfléchir un peu, se tenant la lèvre entre les doigts et laissant errer son regard tantôt sur moi, tantôt sur la chaussée. – Oui, dit-il, cela vaut mieux sans doute. Et il me fit entrer chez lui ; cria à quelqu'un d'invisible qu'il serait occupé toute la matinée, et m'emmena dans une petite pièce poussiéreuse pleine de livres et de dossiers. Là, il s'assit et me fit asseoir ; mais je crus le voir jeter un coup d'œil légèrement inquiet tour à tour sur sa belle chaise et sur mes haillons sordides. – Et maintenant, dit-il, si vous avez quelque affaire, je vous prie d'être bref et d'en venir tout de suite au point essentiel. Nec gemino bellum trojanum oritur ab ovo[37]…, comprenez-vous ? dit-il, avec un regard pénétrant. – Je suivrai même jusqu'au bout le précepte d'Horace, monsieur, répondis-je en souriant, et je vous amènerai tout de suite in medias res[38]. Il eut un signe de tête satisfait, et au vrai, sa citation latine était destinée à m'éprouver. Malgré cela, et bien que je me sentisse un peu encouragé, le sang me monta au visage quand j'ajoutai : – J'ai toute raison de me croire des droits au titre de Shaws. Il prit un registre sur un rayon, et l'ouvrit devant lui. – Et alors ? dit-il. Mais je restais là sans plus savoir que dire. – Allons, allons, monsieur Balfour, dit-il. Où êtes-vous né ? – À Essendean, monsieur, le 12 mars 1733. Il parut suivre sur un registre ce que je disais ; mais je ne savais où il voulait en venir. – Vos père et mère ? dit-il. – Mon père fut Alexandre Balfour, maître d'école du village, et ma mère Grâce Pittarow ; sa famille devait être d'Angus. – Avez-vous quelques papiers prouvant votre identité ? – Non, monsieur ; mais ils sont entre les mains de M. Campbell, le ministre, et on pourrait facilement le faire venir. M. Campbell, en outre, répondrait pour moi ; et je ne crois pas que même mon oncle oserait me renier. – Vous parlez de M. Ebenezer Balfour ? dit M. Rankeillor. – Lui-même, dis-je. – Que vous avez vu ? – Par qui j'ai été reçu dans son propre château. – Avez-vous jamais rencontré quelqu'un du nom de Hoseason ? – Oui, pour mes péchés, dis-je ; car c'est grâce à lui et à mon oncle que je fus enlevé en vue de cette ville, emmené sur mer, où je fis naufrage ; et c'est après mille tribulations diverses que me voici aujourd'hui devant vous sous ces misérables haillons. – Vous fîtes naufrage, dites-vous, reprit M. Rankeillor. Où cela ? – En vue de l'extrémité sud de l'île de Mull, dis-je. L'île sur laquelle je fus jeté se nomme Earraid. – Ah ! dit-il, en souriant, vous êtes plus fort que moi en géographie. Mais jusqu'ici, je dois reconnaître que cela concorde en tous points avec mes autres renseignements. Mais vous dites que vous fûtes enlevé ; en quel sens ? – Au sens textuel du mot, monsieur. Je me rendais chez vous, quand je fus attiré à bord du brick, assommé de coups, jeté à fond de cale, et j'ignorai tout jusqu'à ce qu'on eût pris le large. On me destinait aux plantations ; sort auquel, grâce à la Providence, j'ai échappé. – Le brick s'est perdu le 27 juin, dit-il, consultant son registre, et nous voici le 24 août. Il y a là une lacune considérable, monsieur Balfour, de deux mois. Elle a déjà inquiété beaucoup vos amis ; et j'avoue que je ne serai pas satisfait que vous ne l'ayez comblée. – Ma foi, monsieur, dis-je, ces deux mois n'ont été que trop bien remplis ; mais avant de poursuivre, j'aimerais être sûr que je parle à un ami. – Nous tournons dans un cercle vicieux, dit l'avocat. Je ne puis être convaincu avant de vous avoir entendu. Je ne puis être votre ami avant d'être renseigné comme il faut. Si vous étiez plus confiant, cela vaudrait mieux pour vous. Et vous savez, monsieur Balfour, que nous avons dans ce pays un proverbe disant que ceux qui font le mal craignent aussi le mal. – Vous ne devez pas oublier, monsieur, dis-je, que j'ai déjà souffert de ma confiance ; et que je fus embarqué comme esclave par l'homme même (si j'ai bien compris) dont vous gérez les affaires. Je n'avais cessé de gagner du terrain avec M. Rankeillor, et je prenais plus d'assurance à mesure. Mais à cette saillie, que je lançai en souriant presque, moi aussi, il se mit à rire. – Non, non, dit-il, cela ne va pas aussi mal, Fui, non sum[39]. J'ai été, en effet, l'agent d'affaires de votre oncle ; mais depuis que vous (imberbis juvenis custode remoto[40],) avez été courir la prétentaine dans l'ouest, il a passé beaucoup d'eau sous les ponts ; et si les oreilles ne vous ont pas tinté, ce n'est pas faute qu'on ait parlé de vous. Le jour même de votre naufrage, M. Campbell est arrivé dans mon bureau, vous réclamant à tous les vents. J'ignorais votre existence, mais j'avais connu votre père ; et d'après certaines choses de compétence (nous y viendrons tout à l'heure) j'étais disposé à craindre le pis. M. Ebenezer admit vous avoir vu ; il déclara (ce qui semblait improbable) vous avoir remis des sommes importantes ; et que vous étiez parti pour le continent d'Europe, dans l'intention de parfaire votre éducation, ce qui était plausible et digne d'éloges. Interrogé pourquoi vous ne l'aviez pas fait savoir à M. Campbell, il déposa que vous aviez exprimé le plus vif désir de rompre avec votre passé. Interrogé à nouveau sur le lieu de votre résidence, il affirma qu'il l'ignorait, mais vous croyait à Leyde. J'ai ici la minute de ses réponses. Je ne suis pas absolument certain que quelqu'un le crut, poursuivit M. Rankeillor en souriant ; et du reste il goûta si peu certaines de mes expressions, qu'il me mit à la porte de chez lui. Nous ne savions plus que faire ; car, en dépit des soupçons que nous pouvions garder, il n'y avait pas ombre de preuve. Juste à point, arrive le capitaine Hoseason, avec l'histoire de votre noyade ; tout était donc terminé sans autres conséquences que le chagrin de M. Campbell, le préjudice causé à ma bourse, et une nouvelle tache à la réputation de votre oncle, qui n'en avait nullement besoin. Et maintenant, monsieur Balfour, vous avez compris la marche des choses, et pouvez juger jusqu'à quel point vous avez lieu de vous fier à moi. En réalité, il se montra plus pédantesque que je ne puis l'exprimer, et intercala une foule de citations latines, dans son discours ; mais celui-ci fut débité avec une belle franchise du regard et du geste, qui réussirent presque à vaincre ma défiance. De plus, je pouvais voir qu'il me traitait désormais comme si j'étais à l'abri du soupçon ; et ce premier point de mon identité paraissait bien établi. – Monsieur, dis-je, en vous contant mon histoire, je vais remettre la vie d'un ami à votre discrétion. Donnez-moi votre parole qu'elle vous sera sacrée. En ce qui me concerne, je n'ai pas besoin d'autre garantie que votre mine. Il me donna sa parole avec le plus grand sérieux. – Mais, ajouta-t-il, voilà de bien inquiétants préliminaires ; si votre histoire contient quelque entorse à la légalité, je vous prie de vous souvenir que je suis homme de loi, et de glisser légèrement. Je lui narrai mes aventures dès le début, et il m'écouta les lunettes sur le front et les yeux fermés, en sorte que je le croyais parfois endormi. Mais loin de là ! pas un mot ne lui échappait (je le constatai ensuite) et j'étais émerveillé tant par sa promptitude que par la précision de sa mémoire. Même les baroques noms gaéliques, si peu familiers, qu'il entendait pour la première fois, il les retint, et me les rappela des années plus tard. Mais quand je vins à prononcer tout au long le nom d'Alan Breck, il se passa une scène curieuse. La renommée de ce nom avait en effet couru toute l'Écosse, avec les nouvelles du meurtre d'Appin et l'offre de récompense, et il ne m'eut pas plus tôt échappé que le notaire se trémoussa dans son fauteuil et ouvrit les yeux. – À votre place, monsieur Balfour, je ne dirais pas de noms sans motif sérieux, surtout les noms highlanders, dont beaucoup sont contraires à la loi. – C'est vrai, dis-je, j'aurais peut-être mieux fait de me taire ; mais l'ayant laissé échapper, il ne me reste qu'à continuer. – Pas du tout, dit M. Rankeillor. Je suis un peu dur d'oreille, comme vous avez pu le remarquer ; et je ne suis pas sûr du tout d'avoir saisi le nom correctement. Nous appellerons votre ami M. Thomson, si vous le voulez bien, – afin d'éviter les commentaires. Et à l'avenir, j'agirai de même avec tout Highlander que vous pourrez avoir à mentionner, – qu'il soit mort ou vivant. Je comprenais très bien qu'il avait dû entendre comme il faut le nom, et qu'il avait déjà deviné que j'en arrivais au meurtre. Qu'il préférât simuler ainsi l'ignorance, ce n'était pas mon affaire ; je me bornai donc à sourire, ajoutai que ce nom n'avait guère la tournure highlander, et passai. Pour toute la suite de mon histoire, Alan fut M. Thomson ; ce qui m'amusa d'autant plus qu'il eût lui-même goûté ce subterfuge. De même, James Stewart devint le parent de M. Thomson ; Colin Campbell, M. Glen ; quant à Cluny, lorsque j'en fus à cette partie de mes aventures, je l'affublai du nom de « M. Jameson, chef highlander ». C'était la farce la plus évidente, et je m'étonnais que le notaire tînt à la prolonger ; mais, au fait, elle était bien dans les mœurs de l'époque, alors qu'il y avait deux partis dans l'État, et que les gens paisibles, sans opinions bien tranchées à eux, cherchaient tous les moyens pour éviter de froisser l'un et l'autre. – Bien, bien, dit le notaire, après que j'eus fini, c'est un vrai poème épique, une odyssée véritable que votre histoire. Il vous faudra, monsieur, la mettre en bon latin, lorsque vos études seront plus avancées ; ou même en anglais, si vous voulez, quoique pour ma part je préfère la langue classique, plus vigoureuse et expressive. Vous avez beaucoup roulé : quae regio in terris[41]… quelle paroisse d'Écosse (traduction libre) n'a pas retenti de vos exploits ? Vous avez montré d'ailleurs une propension singulière à vous mettre dans de fausses positions ; mais aussi, après tout, à vous y bien comporter. Ce M. Thomson me paraît un gentilhomme non dénué de précieuses qualités, quoique peut-être un peu sanguinaire. Il ne me déplairait pas le moins du monde qu'avec tous ses mérites) il fût au fond de la mer du Nord, car cet homme, M. David, nous est un cruel embarras. Mais vous avez parfaitement raison de lui manifester pareil attachement ; sans nul doute, il vous a prouvé le sien. It comes[42] – pouvons-nous dire ; – il fut votre sincère ami ; et non moins paribus curis vestigia figit[43] car j'ose dire que vous n'aviez qu'une pensée au sujet de la potence. Mais baste, ces jours sont heureusement révolus ; et je crois (selon toute humaine vraisemblance) que vous allez voir la fin de vos maux. Tout en moralisant de la sorte sur mes aventures, il me regardait avec tant de bonne humeur et de bienveillance que je contenais à peine ma satisfaction. J'avais été si longtemps errant parmi des gens sans aveu, à faire mon lit sur les montagnes et à ciel ouvert, que j'étais au septième ciel de me retrouver assis sous un toit, dans une maison bien tenue, à causer amicalement avec un gentleman bien vêtu. J'en étais là de mes réflexions lorsque mes yeux tombèrent sur mon ignoble défroque, et la confusion me ressaisit aussitôt. Mais le notaire vit mon regard et comprit. Il se leva, cria dans la cage d'escalier de mettre un second couvert ; car M. Balfour resterait à dîner, et me conduisit à une chambre à coucher située à l'étage supérieur. Une fois là, il mit devant moi de l'eau et du savon, avec un peigne ; il sortit des vêtements qui appartenaient à son fils ; puis, me disant à tantôt, il me laissa faire ma toilette.


Enlevé ! Chapitre 27 Kidnapped! Chapter 27 Secuestrados Capítulo 27 Rapito! Capitolo 27 Sequestrado! Capítulo 27

Le lendemain, nous décidâmes qu'Alan disposerait de son temps jusqu'au coucher du soleil, mais qu'à l'heure où il commence à faire noir, il se cacherait dans les champs du bord de la route, auprès de Nowhalls, et n'en bougerait pas avant de m'avoir entendu siffler. The next day we decided that Alan would have his time until sunset, but that when it began to get dark, he would hide in the roadside fields near Nowhalls and not move until he heard me whistle. Je lui proposai comme signal « La chère maison d'Airlie », que j'aimais beaucoup ; mais il objecta que l'air était trop connu, et qu'un paysan quelconque pourrait le siffler par hasard ; et il m'apprit au lieu de cela un court fragment d'un air des Highlands qui n'a cessé de me hanter depuis et me hantera sans doute à mon lit de mort. I suggested as a cue "Airlie's dear house", which I liked very much; but he objected that the tune was too well known, and that any peasant might whistle it by chance; and instead he taught me a short fragment of a Highland tune that has haunted me ever since, and will doubtless haunt me on my deathbed. Chaque fois qu'il me revient, je me trouve reporté à ce dernier jour de mes incertitudes, et je revois Alan assis au fond du creux de sable, sifflant et battant la mesure avec un doigt, tandis que ses traits se dégageaient peu à peu dans l'aube grise. Every time it comes back to me, I find myself transported back to that last day of my uncertainties, and I see Alan again, sitting at the bottom of the sandy hollow, whistling and beating time with one finger, while his features gradually emerged into the gray dawn. Je fus avant le lever du soleil dans cette longue rue de Queensferry. I was before sunrise in this long street of Queensferry. C'était un bourg bien construit, avec des maisons en pierre de taille, recouvertes d'ardoise pour la plupart ; un hôtel de ville moins beau, je pense que celui de Peebles, et une rue de moins grand air ; mais néanmoins le tout réuni me fit rougir de mes vieilles hardes. It was a well-built market town, with ashlar houses, most of them covered in slate; a town hall less handsome, I think than Peebles', and a street of lesser air; but nevertheless the whole put together made me blush out of my old hardasses. À mesure que le matin s'avançait, les feux commencèrent à s'allumer, les fenêtres à s'ouvrir, les gens à sortir des maisons ; et cependant mon souci et ma détresse ne faisaient que croître. As the morning wore on, fires began to light, windows to open, people to leave the houses; and yet my worry and distress only increased. Je voyais bien à présent que je manquais absolument de base, que je n'avais aucune preuve certaine de mes droits, pas plus que de mon identité. I could see now that I was absolutely lacking in basics, that I had no certain proof of my rights, nor of my identity. Si mes espoirs n'étaient qu'un leurre, je me trouverais amèrement déçu et engagé dans une mauvaise passe. If my hopes were just a decoy, I'd find myself bitterly disappointed and in a bad way. Même si tout marchait au gré de mes désirs, il faudrait sans doute du temps pour faire valoir mes prétentions ; et de quel temps disposais-je, avec moins de trois shillings en poche, et sur les bras un condamné à embarquer et faire évader ? Even if everything went according to plan, it would undoubtedly take time to assert my claims; and what time did I have, with less than three shillings in my pocket, and a convict on my hands to take on board and escape? Certes, si mon espérance se brisait, cela pourrait bien finir pour l'un et l'autre par le gibet. Certainly, if my hope were shattered, it could well end for both of us on the gallows. Et tout en continuant à me promener çà et là et voyant des gens me regarder de travers de la rue ou des fenêtres, et me désignant de la tête en parlant de moi avec des sourires, je fus pris d'une crainte nouvelle, savoir qu'il pourrait bien ne m'être pas facile d'arriver à m'entretenir avec le notaire, et à plus forte raison de le convaincre de ma véracité. And as I continued to wander here and there, seeing people looking at me sideways from the street or from the windows, pointing at me and talking about me with smiles, I was gripped by a new fear, that it might not be easy for me to get through to the notary, let alone convince him of my veracity. Pour tout au monde je n'aurais eu l'audace d'interpeller quelqu'un de ces respectables bourgeois ; je rougissais à l'idée de leur parler ainsi affublé de haillons poudreux ; et je me figurais que si je leur demandais la maison d'un si grand personnage que M. Rankeillor, ils m'éclateraient de rire au nez. I blushed at the thought of talking to them in such powdery rags, and I imagined that if I asked them about the home of such a great personage as Mr. Rankeillor, they would laugh in my face. J'errais donc de çà et là, par la rue, sur le port, comme un chien qui a perdu son maître, avec, pour ainsi dire, un rongement intérieur, et parfois un mouvement de désespoir. So I wandered here and there, along the street, along the harbor, like a dog that has lost its master, with, as it were, an inner gnawing, and sometimes a movement of despair. Il faisait grand jour, pour finir ; il pouvait être neuf heures du matin ; j'étais éreinté de rôder de la sorte, et m'étais par hasard arrêté devant une très belle maison du côté de la terre, une maison ornée de belles fenêtres aux vitres brillantes, des arabesques fleuries sur les frontons, des murs fraîchement crépis, et un chien de chasse assis sur le seuil, à bâiller comme un propriétaire. It was broad daylight, finally; it could have been nine in the morning; I was exhausted from prowling around like this, and happened to stop in front of a very nice house on the landward side, a house adorned with beautiful windows with shiny panes, flowery arabesques on the pediments, freshly plastered walls, and a hound dog sitting on the threshold, yawning like an owner. Or, j'étais ainsi à envier ce muet animal, quand la porte vint à s'ouvrir, et il en sortit un homme au visage malicieux, vermeil, aimable et posé, à lunettes et perruque bien poudrée. I was just envying this mute animal when the door opened and out stepped a man with a mischievous face, ruddy, amiable and poised, with glasses and a well-powdered wig. Mon accoutrement était tel que personne ne pouvait jeter les yeux sur moi sans me regarder une seconde fois, et ce gentleman parut si frappé de mon extérieur misérable, qu'il s'en vint droit à moi et me demanda ce que je faisais là. My attire was such that no one could lay eyes on me without taking a second look, and this gentleman seemed so struck by my wretched exterior that he came straight to me and asked what I was doing there. Je lui répondis que j'étais venu à Queensferry pour une affaire, et prenant soudain courage, je le priai de m'indiquer la maison de M. Rankeillor. I told him I'd come to Queensferry on business, and suddenly summoning up my courage, I asked him to point me in the direction of Mr. Rankeillor's house. – Eh bien, dit-il, c'est précisément celle dont je viens de sortir ; et par un bien singulier hasard, M. Rankeillor, c'est moi. - Well," he says, "that's the one I just came out of, and by a curious coincidence, Mr. Rankeillor, that's me. – Alors, monsieur, dis-je, j'ai à vous demander la faveur d'un entretien. - So, sir," I said, "I'd like to ask you for the favor of an interview. – J'ignore votre nom, dit-il, et ne vous connais pas. - I don't know your name," he says, "and I don't know you. – Je m'appelle David Balfour. - My name is David Balfour. – David Balfour, répéta-t-il, en haussant le ton avec surprise. - David Balfour," he repeated, raising his voice in surprise. Et d'où arrivez-vous, monsieur David Balfour ? And where do you come from, Mr David Balfour? demanda-t-il en me regardant avec sévérité dans le blanc des yeux. he asked, looking sternly into the whites of my eyes. – J'arrive de maints endroits fort singuliers, monsieur ; mais il vaudrait mieux, je crois, que je vous dise quoi et comment d'une façon plus privée. - I've come from some very peculiar places, sir, but I think it would be better if I told you what and how in a more private way. Il sembla réfléchir un peu, se tenant la lèvre entre les doigts et laissant errer son regard tantôt sur moi, tantôt sur la chaussée. He seemed to reflect a little, holding his lip between his fingers and letting his gaze wander sometimes on me, sometimes on the pavement. – Oui, dit-il, cela vaut mieux sans doute. - Yes," he says, "that's probably for the best. Et il me fit entrer chez lui ; cria à quelqu'un d'invisible qu'il serait occupé toute la matinée, et m'emmena dans une petite pièce poussiéreuse pleine de livres et de dossiers. And he ushered me into his home; shouted to someone unseen that he'd be busy all morning, and took me into a dusty little room full of books and files. Là, il s'assit et me fit asseoir ; mais je crus le voir jeter un coup d'œil légèrement inquiet tour à tour sur sa belle chaise et sur mes haillons sordides. There, he sat down and made me sit down, but I thought I saw him cast a slightly worried glance alternately at his beautiful chair and at my squalid rags. – Et maintenant, dit-il, si vous avez quelque affaire, je vous prie d'être bref et d'en venir tout de suite au point essentiel. - And now," he says, "if you have any business, please be brief and to the point. Nec gemino bellum trojanum oritur ab ovo[37]…, comprenez-vous ? Nec gemino bellum trojanum oritur ab ovo[37]..., do you understand? dit-il, avec un regard pénétrant. he said, with a penetrating look. – Je suivrai même jusqu'au bout le précepte d'Horace, monsieur, répondis-je en souriant, et je vous amènerai tout de suite in medias res[38]. - I'll even follow Horace's precept to the end, sir," I replied with a smile, "and I'll bring you right away in medias res[38]. Il eut un signe de tête satisfait, et au vrai, sa citation latine était destinée à m'éprouver. He nodded in satisfaction, and in truth, his Latin quotation was meant to test me. Malgré cela, et bien que je me sentisse un peu encouragé, le sang me monta au visage quand j'ajoutai : – J'ai toute raison de me croire des droits au titre de Shaws. Despite this, and although I felt a little encouraged, the blood rushed to my face when I added: - I have every reason to believe myself entitled to the title of Shaws. Il prit un registre sur un rayon, et l'ouvrit devant lui. He took a register from a shelf and opened it in front of him. – Et alors ? - So what? dit-il. he says. Mais je restais là sans plus savoir que dire. But I just stood there, not knowing what to say. – Allons, allons, monsieur Balfour, dit-il. - Come, come, Mr. Balfour," he said. Où êtes-vous né ? Where were you born? – À Essendean, monsieur, le 12 mars 1733. - At Essendean, sir, March 12, 1733. Il parut suivre sur un registre ce que je disais ; mais je ne savais où il voulait en venir. He seemed to be keeping track of what I was saying, but I didn't know what he was getting at. – Vos père et mère ? - Your mother and father? dit-il. he says. – Mon père fut Alexandre Balfour, maître d'école du village, et ma mère Grâce Pittarow ; sa famille devait être d'Angus. - My father was Alexander Balfour, village schoolmaster, and my mother Grace Pittarow; her family must have been from Angus. – Avez-vous quelques papiers prouvant votre identité ? - Do you have any papers to prove your identity? – Non, monsieur ; mais ils sont entre les mains de M. Campbell, le ministre, et on pourrait facilement le faire venir. - No, sir; but they're in the hands of Mr. Campbell, the minister, and we could easily send for him. M. Campbell, en outre, répondrait pour moi ; et je ne crois pas que même mon oncle oserait me renier. Mr. Campbell, moreover, would answer for me; and I don't think even my uncle would dare disown me. – Vous parlez de M. Ebenezer Balfour ? - You mean Mr. Ebenezer Balfour? dit M. Rankeillor. says Mr. Rankeillor. – Lui-même, dis-je. - Himself," I said. – Que vous avez vu ? - That you saw? – Par qui j'ai été reçu dans son propre château. - By whom I was received in his own castle. – Avez-vous jamais rencontré quelqu'un du nom de Hoseason ? - Have you ever met anyone called Hoseason? – Oui, pour mes péchés, dis-je ; car c'est grâce à lui et à mon oncle que je fus enlevé en vue de cette ville, emmené sur mer, où je fis naufrage ; et c'est après mille tribulations diverses que me voici aujourd'hui devant vous sous ces misérables haillons. - Yes, for my sins," I said, "for it was thanks to him and my uncle that I was kidnapped in sight of this city, taken out to sea, where I was shipwrecked; and it is after a thousand different tribulations that here I am today before you in these wretched rags. – Vous fîtes naufrage, dites-vous, reprit M. Rankeillor. - You were shipwrecked, you say," continued Mr. Rankeillor. Où cela ? Where? – En vue de l'extrémité sud de l'île de Mull, dis-je. - In sight of the southern tip of the Isle of Mull," I said. L'île sur laquelle je fus jeté se nomme Earraid. The island on which I was thrown is called Earraid. – Ah ! - Ah! dit-il, en souriant, vous êtes plus fort que moi en géographie. you're better at geography than I am. Mais jusqu'ici, je dois reconnaître que cela concorde en tous points avec mes autres renseignements. But so far, I have to admit that it's completely consistent with my other information. Mais vous dites que vous fûtes enlevé ; en quel sens ? But you say you were abducted; in what sense? – Au sens textuel du mot, monsieur. - In the textual sense of the word, sir. Je me rendais chez vous, quand je fus attiré à bord du brick, assommé de coups, jeté à fond de cale, et j'ignorai tout jusqu'à ce qu'on eût pris le large. I was on my way to your house when I was lured aboard the brig, knocked unconscious, thrown into the bilge, and didn't know what had happened until we were out to sea. On me destinait aux plantations ; sort auquel, grâce à la Providence, j'ai échappé. I was destined for the plantations, a fate which, thanks to Providence, I escaped. – Le brick s'est perdu le 27 juin, dit-il, consultant son registre, et nous voici le 24 août. - The brig was lost on June 27," he says, consulting his logbook, "and here we are on August 24. Il y a là une lacune considérable, monsieur Balfour, de deux mois. There's a considerable gap there, Mr. Balfour, of two months. Elle a déjà inquiété beaucoup vos amis ; et j'avoue que je ne serai pas satisfait que vous ne l'ayez comblée. It has already worried your friends a great deal; and I confess I won't be satisfied until you've filled it. – Ma foi, monsieur, dis-je, ces deux mois n'ont été que trop bien remplis ; mais avant de poursuivre, j'aimerais être sûr que je parle à un ami. - Well, sir," I said, "these two months have been all too full, but before I go any further, I'd like to be sure I'm talking to a friend. – Nous tournons dans un cercle vicieux, dit l'avocat. - We're in a vicious circle," says the lawyer. Je ne puis être convaincu avant de vous avoir entendu. I can't be convinced until I've heard you. Je ne puis être votre ami avant d'être renseigné comme il faut. I can't be your friend until I'm properly informed. Si vous étiez plus confiant, cela vaudrait mieux pour vous. If you were more confident, it would be better for you. Et vous savez, monsieur Balfour, que nous avons dans ce pays un proverbe disant que ceux qui font le mal craignent aussi le mal. And you know, Mr. Balfour, that we have a saying in this country that those who do evil also fear evil. – Vous ne devez pas oublier, monsieur, dis-je, que j'ai déjà souffert de ma confiance ; et que je fus embarqué comme esclave par l'homme même (si j'ai bien compris) dont vous gérez les affaires. - You must not forget, sir," I said, "that I have already suffered for my trust; and that I was taken on board as a slave by the very man (if I have understood correctly) whose affairs you manage. Je n'avais cessé de gagner du terrain avec M. Rankeillor, et je prenais plus d'assurance à mesure. I'd been steadily gaining ground with Mr. Rankeillor, growing more confident as I went along. Mais à cette saillie, que je lançai en souriant presque, moi aussi, il se mit à rire. But at this remark, which I threw in with an almost smile of my own, he laughed. – Non, non, dit-il, cela ne va pas aussi mal, Fui, non sum[39]. - No, no, he says, it's not that bad, Fui, non sum[39]. J'ai été, en effet, l'agent d'affaires de votre oncle ; mais depuis que vous (imberbis juvenis custode remoto[40],) avez été courir la prétentaine dans l'ouest, il a passé beaucoup d'eau sous les ponts ; et si les oreilles ne vous ont pas tinté, ce n'est pas faute qu'on ait parlé de vous. I was, indeed, your uncle's business agent; but since you (imberbis juvenis custode remoto[40],) have been running the pretentaine in the west, a lot of water has passed under the bridge; and if your ears haven't been ringing, it's not for lack of mention. Le jour même de votre naufrage, M. Campbell est arrivé dans mon bureau, vous réclamant à tous les vents. The very day you were shipwrecked, Mr. Campbell arrived in my office, clamoring for you. J'ignorais votre existence, mais j'avais connu votre père ; et d'après certaines choses de compétence (nous y viendrons tout à l'heure) j'étais disposé à craindre le pis. I didn't know you existed, but I'd known your father; and from certain things of competence (we'll come to that in a moment) I was inclined to fear the worst. M. Ebenezer admit vous avoir vu ; il déclara (ce qui semblait improbable) vous avoir remis des sommes importantes ; et que vous étiez parti pour le continent d'Europe, dans l'intention de parfaire votre éducation, ce qui était plausible et digne d'éloges. Mr. Ebenezer admitted having seen you; he declared (which seemed improbable) that he had given you substantial sums of money; and that you had left for the continent of Europe, with the intention of furthering your education, which was plausible and commendable. Interrogé pourquoi vous ne l'aviez pas fait savoir à M. Campbell, il déposa que vous aviez exprimé le plus vif désir de rompre avec votre passé. Asked why you hadn't let Mr. Campbell know, he deposed that you had expressed the strongest desire to break with your past. Interrogé à nouveau sur le lieu de votre résidence, il affirma qu'il l'ignorait, mais vous croyait à Leyde. Asked again where you lived, he said he didn't know, but believed you were in Leyden. J'ai ici la minute de ses réponses. I have here the minute of his answers. Je ne suis pas absolument certain que quelqu'un le crut, poursuivit M. Rankeillor en souriant ; et du reste il goûta si peu certaines de mes expressions, qu'il me mit à la porte de chez lui. I'm not absolutely sure anyone believed him," continued Mr Rankeillor, smiling, "and besides, he didn't like some of the things I said so much that he kicked me out of his house. Nous ne savions plus que faire ; car, en dépit des soupçons que nous pouvions garder, il n'y avait pas ombre de preuve. We didn't know what to do; for, despite our suspicions, there was no shadow of proof. Juste à point, arrive le capitaine Hoseason, avec l'histoire de votre noyade ; tout était donc terminé sans autres conséquences que le chagrin de M. Campbell, le préjudice causé à ma bourse, et une nouvelle tache à la réputation de votre oncle, qui n'en avait nullement besoin. Just in time, comes Captain Hoseason, with the story of your drowning; so it was all over with no consequences other than Mr. Campbell's grief, the damage to my purse, and a new stain on your uncle's reputation, which didn't need it at all. Et maintenant, monsieur Balfour, vous avez compris la marche des choses, et pouvez juger jusqu'à quel point vous avez lieu de vous fier à moi. And now, Mr. Balfour, you've understood how things work, and can judge how far you have reason to trust me. En réalité, il se montra plus pédantesque que je ne puis l'exprimer, et intercala une foule de citations latines, dans son discours ; mais celui-ci fut débité avec une belle franchise du regard et du geste, qui réussirent presque à vaincre ma défiance. In reality, he was more pedantic than I can express, and interjected a host of Latin quotations into his speech; but it was delivered with a beautiful frankness of look and gesture, which almost succeeded in overcoming my mistrust. De plus, je pouvais voir qu'il me traitait désormais comme si j'étais à l'abri du soupçon ; et ce premier point de mon identité paraissait bien établi. What's more, I could see that he was now treating me as if I were safe from suspicion; and this first point of my identity seemed well established. – Monsieur, dis-je, en vous contant mon histoire, je vais remettre la vie d'un ami à votre discrétion. - Sir," I said, "in telling you my story, I'm handing over the life of a friend to your discretion. Donnez-moi votre parole qu'elle vous sera sacrée. Give me your word that it will be sacred to you. En ce qui me concerne, je n'ai pas besoin d'autre garantie que votre mine. As far as I'm concerned, I don't need any guarantee other than your mine. Il me donna sa parole avec le plus grand sérieux. He gave me his word with the utmost seriousness. – Mais, ajouta-t-il, voilà de bien inquiétants préliminaires ; si votre histoire contient quelque entorse à la légalité, je vous prie de vous souvenir que je suis homme de loi, et de glisser légèrement. - But," he added, "these are worrying preliminaries; if your story contains any bending of the law, I beg you to remember that I'm a man of the law, and to slip off a little. Je lui narrai mes aventures dès le début, et il m'écouta les lunettes sur le front et les yeux fermés, en sorte que je le croyais parfois endormi. I told him about my adventures right from the start, and he listened with his glasses on his forehead and his eyes closed, so that I sometimes thought he was asleep. Mais loin de là ! But far from it! pas un mot ne lui échappait (je le constatai ensuite) et j'étais émerveillé tant par sa promptitude que par la précision de sa mémoire. not a word escaped him (as I found out afterwards), and I was amazed at both his promptness and the precision of his memory. Même les baroques noms gaéliques, si peu familiers, qu'il entendait pour la première fois, il les retint, et me les rappela des années plus tard. Even the baroque Gaelic names, so unfamiliar to him, which he was hearing for the first time, he remembered, and reminded me of years later. Mais quand je vins à prononcer tout au long le nom d'Alan Breck, il se passa une scène curieuse. But when I came to pronounce Alan Breck's name at length, a curious thing happened. La renommée de ce nom avait en effet couru toute l'Écosse, avec les nouvelles du meurtre d'Appin et l'offre de récompense, et il ne m'eut pas plus tôt échappé que le notaire se trémoussa dans son fauteuil et ouvrit les yeux. The fame of this name had indeed run all over Scotland, with the news of Appin's murder and the offer of reward, and it had no sooner escaped my notice than the solicitor jerked in his chair and opened his eyes. – À votre place, monsieur Balfour, je ne dirais pas de noms sans motif sérieux, surtout les noms highlanders, dont beaucoup sont contraires à la loi. - If I were you, Mr. Balfour, I wouldn't say names without good reason, especially Highlander names, many of which are against the law. – C'est vrai, dis-je, j'aurais peut-être mieux fait de me taire ; mais l'ayant laissé échapper, il ne me reste qu'à continuer. - It's true," I said, "perhaps it would have been better if I'd kept my mouth shut; but having let it slip, there's nothing left for me to do but continue. – Pas du tout, dit M. Rankeillor. - Not at all," says Mr. Rankeillor. Je suis un peu dur d'oreille, comme vous avez pu le remarquer ; et je ne suis pas sûr du tout d'avoir saisi le nom correctement. I'm a bit hard of hearing, as you may have noticed; and I'm not at all sure I got the name right. Nous appellerons votre ami M. Thomson, si vous le voulez bien, – afin d'éviter les commentaires. We'll call your friend Mr Thomson, if you don't mind, - to avoid comments. Et à l'avenir, j'agirai de même avec tout Highlander que vous pourrez avoir à mentionner, – qu'il soit mort ou vivant. And in the future, I'll do the same with any Highlander you may have to mention, - dead or alive. Je comprenais très bien qu'il avait dû entendre comme il faut le nom, et qu'il avait déjà deviné que j'en arrivais au meurtre. I knew he must have heard the name right, and that he'd already guessed that I'd come to murder. Qu'il préférât simuler ainsi l'ignorance, ce n'était pas mon affaire ; je me bornai donc à sourire, ajoutai que ce nom n'avait guère la tournure highlander, et passai. That he preferred to feign ignorance in this way was none of my business, so I merely smiled, added that the name hardly had a Highlander ring to it, and passed on. Pour toute la suite de mon histoire, Alan fut M. Thomson ; ce qui m'amusa d'autant plus qu'il eût lui-même goûté ce subterfuge. For the rest of my story, Alan was Mr Thomson, which amused me all the more because he would have enjoyed this subterfuge himself. De même, James Stewart devint le parent de M. Thomson ; Colin Campbell, M. Glen ; quant à Cluny, lorsque j'en fus à cette partie de mes aventures, je l'affublai du nom de « M. Jameson, chef highlander ». Likewise, James Stewart became Mr Thomson's relative; Colin Campbell, Mr Glen; and Cluny, when I got to this part of my adventures, I called him "Mr Jameson, Chief Highlander". C'était la farce la plus évidente, et je m'étonnais que le notaire tînt à la prolonger ; mais, au fait, elle était bien dans les mœurs de l'époque, alors qu'il y avait deux partis dans l'État, et que les gens paisibles, sans opinions bien tranchées à eux, cherchaient tous les moyens pour éviter de froisser l'un et l'autre. It was the most obvious joke, and I was surprised that the notary insisted on prolonging it; but, in fact, it was very much in the mores of the time, when there were two parties in the State, and peaceful people, with no clear-cut opinions of their own, sought every means to avoid offending either. – Bien, bien, dit le notaire, après que j'eus fini, c'est un vrai poème épique, une odyssée véritable que votre histoire. - Well, well," said the notary, after I'd finished, "your story is a true epic poem, a real odyssey. Il vous faudra, monsieur, la mettre en bon latin, lorsque vos études seront plus avancées ; ou même en anglais, si vous voulez, quoique pour ma part je préfère la langue classique, plus vigoureuse et expressive. You'll have to put it in good Latin, sir, when your studies are more advanced; or even in English, if you like, though for my part I prefer the classical language, more vigorous and expressive. Vous avez beaucoup roulé : quae regio in terris[41]… quelle paroisse d'Écosse (traduction libre) n'a pas retenti de vos exploits ? You've done a lot of driving: quae regio in terris[41]... what parish in Scotland hasn't resounded with your exploits? Vous avez montré d'ailleurs une propension singulière à vous mettre dans de fausses positions ; mais aussi, après tout, à vous y bien comporter. You've also shown a singular propensity for putting yourself in the wrong positions; but also, after all, for behaving well in them. Ce M. Thomson me paraît un gentilhomme non dénué de précieuses qualités, quoique peut-être un peu sanguinaire. This Mr Thomson seems to me a gentleman not without valuable qualities, though perhaps a little bloodthirsty. Il ne me déplairait pas le moins du monde qu'avec tous ses mérites) il fût au fond de la mer du Nord, car cet homme, M. David, nous est un cruel embarras. It would not displease me in the least if (with all his merits) he were at the bottom of the North Sea, for this man, Mr. David, is a cruel embarrassment to us. Mais vous avez parfaitement raison de lui manifester pareil attachement ; sans nul doute, il vous a prouvé le sien. But you're perfectly right to show him such affection; without a doubt, he's shown you his. It comes[42] – pouvons-nous dire ; – il fut votre sincère ami ; et non moins paribus curis vestigia figit[43] car j'ose dire que vous n'aviez qu'une pensée au sujet de la potence. It comes[42] - we can say; - he was your sincere friend; et non moins paribus curis vestigia figit[43] car j'ose dire que vous aviez qu'une pensée au sujet de la gallence. Mais baste, ces jours sont heureusement révolus ; et je crois (selon toute humaine vraisemblance) que vous allez voir la fin de vos maux. But baste, those days are happily over; and I believe (in all human likelihood) that you're about to see the end of your troubles. Tout en moralisant de la sorte sur mes aventures, il me regardait avec tant de bonne humeur et de bienveillance que je contenais à peine ma satisfaction. As he moralized in this way about my adventures, he looked at me with such good humor and benevolence that I could hardly contain my satisfaction. J'avais été si longtemps errant parmi des gens sans aveu, à faire mon lit sur les montagnes et à ciel ouvert, que j'étais au septième ciel de me retrouver assis sous un toit, dans une maison bien tenue, à causer amicalement avec un gentleman bien vêtu. So long had I been wandering among people without a confession, making my bed on mountains and in the open air, that I was in seventh heaven to find myself sitting under a roof, in a well-kept house, chatting amiably with a well-dressed gentleman. J'en étais là de mes réflexions lorsque mes yeux tombèrent sur mon ignoble défroque, et la confusion me ressaisit aussitôt. I was at this point in my reflections when my eyes fell on my vile disguise, and confusion immediately overcame me. Mais le notaire vit mon regard et comprit. But the notary saw my look and understood. Il se leva, cria dans la cage d'escalier de mettre un second couvert ; car M. Balfour resterait à dîner, et me conduisit à une chambre à coucher située à l'étage supérieur. He got up, shouted down the stairwell to set a second place, as Mr. Balfour would be staying for dinner, and led me to a bedroom on the floor above. Une fois là, il mit devant moi de l'eau et du savon, avec un peigne ; il sortit des vêtements qui appartenaient à son fils ; puis, me disant à tantôt, il me laissa faire ma toilette. Once there, he put soap and water in front of me, along with a comb; he took out some clothes that belonged to his son; then, saying "see you later", he let me wash up.