Mary Lou Williams, une des premières pianistes de jazz - Aliette De Laleu
Saskia : Ce matin vous nous parlez de celle que l'on surnommait
la “première dame du clavier jazz”...
*A Grand Night for Swinging de Mary Lou Williams*
Ce n'était pas vraiment la première, mais Mary Lou Williams faisait partie des pionnières
dans une catégorie qui peine encore aujourd'hui à représenter des femmes :
celles des instrumentistes de jazz.
Dans ce genre musical on les connaît chanteuses et rares sont les femmes qui au 20e siècle
se sont illustrées uniquement avec un instrument de musique.
Mary Lou Williams l'a fait, avec le piano, et elle a aussi brillé par ses arrangements
et ses compositions dès 1930 :
*Night Life par Mary Lou Williams*
Saskia : La pianiste n'a jamais vraiment appris, ni à jouer, ni à composer…
Elle écoutait, reproduisait, improvisait.
Une technique associée à une oreille absolue et une excellente mémoire qui lui a valu
de devenir professionnelle, c'est à dire qu'on la payait pour ses concerts, à l'âge
de 6 ans environ.
Cette intuition du jazz, de la musique, cette spontanéité, elle va la garder toute sa
vie, en passant par tous les styles, notamment le boogie woogie… En 1937, elle compose
pour Benny Goodman un des premiers, si ce n'est LE premier boogie-woogie pour big
band, avant c'était réservé au piano, et on ne va certainement pas s'en priver
ce matin :
*Roll'Em* [erreur : version piano]
La série des premières fois n'est pas finie pour Mary Lou Williams.
En 1945, elle compose une Zodiac Suite pour piano avec 12 parties qui correspondent chacune
à un signe astrologique :
*Cancer de Mary Lou Williams*
Cette suite, elle va l'orchestrer, avec
l'aide de l‘arrangeur Milt Orent qui va lui faire écouter du Berg, du Bartok, certainement
du Debussy… Et après une première en 45 au Town Hall, cette Zodiac Suite est donnée
au Carnegie Hall de New York avec le New York Pops Orchestra.
Voici ce que donne le signe Gémeaux, pris complètement au hasard évidemment Saskia
*Gemini de Mary Lou Williams*
Mêler jazz et musique classique, c'est ce qu'on appelle le “troisième courant”
ou third stream, terme qui est apparu en 1957.
Encore une fois, Mary Lou Williams a de l'avance sur son temps…
Saskia : En 57 justement, elle met de côté sa carrière, se convertit au catholicisme
et aide les musiciens en difficulté...
Elle accueille chez elles les musiciens toxicomanes un certain temps avant de se remettre à la
composition, en changeant encore un peu de style :
*Black Christ of the Andes*
1963, Mary Lou Williams enregistre le disque Black Christ of the Andes qui débute par
ce superbe choeur a cappella… C'est une période où elle compose de la musique sacrée
des messes, dont une commandée par le Vatican, et c'est aussi une période où elle entreprend
: elle crée un label, une société d'édition, une fondation, un festival à Pittsburgh,
ville où elle a grandi.
Saskia : Elle finira sa vie professeure à la prestigieuse Université Duke
Celle qui a appris de manière autodidacte le jazz et qui disait “La musique vient
de l'esprit, du coeur et du bout des doigts.
Les exercices données dans les écoles de musique détruisent les sensations naturelles”
se met à transmettre de manière académique.
Mais Mary Lou Williams ne donnait pas de cours de musique, elle racontait l'histoire du
jazz, une l'histoire qui ne lui a pas fait de cadeau puisque son nom est souvent éclipsée
au profit d'autres musiciens.
Alors pour réparer cette injustice, allez écouter et réécouter ses très nombreux
enregistrements : c'est une merveille.
Saskia : Merci Aliette, on va d'ailleurs continuer sur la lancée avec un dernier morceau
de Mary Lou Williams, Easy Blues