Déclaration du Président Emmanuel Macron
Une question, Monsieur le Président.
Volodymyr Zelensky maintient que le missile qui est tombé en Pologne est d'origine russe et qu'il serait envoyé de la Russie, ce qui n'est pas la version de l'OTAN.
Quelle est votre version à vous, aujourd'hui ?
Est-ce que Volodymyr Zelensky se trompe ?
Écoutez, il faut que l'enquête se poursuive. Il y a aujourd'hui une enquête qui est menée par les autorités polonaises avec une coopération de l'ensemble des services et des alliés qui disposent en particulier d'images satellites et donc il faut attendre la fin de cette enquête.
C'est un missile de construction russe.
Il est clair que l'arrivée de ce missile sur le sol polonais s'est faite dans le contexte d'un bombardement intense de la Russie sur l'Ukraine.
Mais vous l'avez entendu, y compris de la part des autorités polonaises ou américaines, ce n'est pas la version qui est avancée aujourd'hui.
Moi, je reste très prudent, et je pense que, un, nous devons la solidarité à la Pologne et tout faire pour protéger évidemment la population et le sol polonais dans ce contexte de guerre, comme on le fait d'ailleurs chez tous les voisins.
C'est ce pourquoi la France, dès les premiers jours du conflit, s'est déployée en Roumanie par une opération exceptionnelle sur ce flanc oriental de l'OTAN.
Deux, nous continuons à accompagner l'Ukraine dans sa résistance à l'attaque russe et, trois, nous continuons à appeler à la paix Sur les faits eux-mêmes, il faut que l'enquête se poursuive et les prochains jours nous permettront d'aller au bout d'une d'une version totalement établie et factuelle.
Un mot sur la stratégie indopacifique ?
Qu'êtes-vous venu dire concrètement ici, avec votre présence à ce sommet ?
Écoutez, nous sommes ici à Bangkok à l'invitation du Premier ministre thaïlandais pour une visite bilatérale et un sommet de l'APEC.
C'est la première fois qu'un dirigeant européen est invité à l'APEC depuis que cette instance a été créée et je crois que c'est aussi le témoignage d'une convergence de vues entre l'objet même, si je puis dire, la raison d'être de l'APEC, la vision qu'a la Thaïlande de la géopolitique régionale et la vision que la France a poussée dès 2018 par une stratégie indo pacifique que j'ai pu alors présenter en Inde, en Australie, en Nouvelle Calédonie Française et après au Japon, que nous avons donc déclinée, qui s'est consolidée dans une stratégie qui est à la fois diplomatique, militaire, économique et climatique, et que nous avons ensuite dupliquée, si je puis dire, en tout cas transmuée au niveau européen deux ans plus tard.
La logique de cette stratégie indopacifique que nous portons, c'est une logique d'équilibre, dans le cadre de ce que j'avais, il y a quelques années lors d'une conférence aux ambassadrices et aux ambassadeurs, présenté comme étant la stratégie de la France partout à travers le monde, chercher des déséquilibres et, dans cette région qui est très contestée, qui est le théâtre d'une confrontation entre les deux principales puissances mondiales, où il y a la présence de la Chine qui est au sommet de l'APEC, et le présidente Xi Jinping sera là tout à l'heure, c'est l'idée de gérer des équilibres sans confrontation.
Donc la stratégie qui est la nôtre, c'est de défendre la liberté de la souveraineté, des équilibres préservant la liberté maritime, les échanges culturels et équilibrés, les échanges économiques et le développement de technologies sans qu'un modèle hégémonique ne l'emporte, si je devais les résumer en nos termes.
C'est ce que nous venons plaider.
C'est un agenda qui est important pour la France parce que nous sommes une puissance indopacifique, je le rappelle, par nos territoires ultramarins, notre présence de la Polynésie française à la Nouvelle-Calédonie en passant par Wallis et Futuna, les Terres australes et antarctiques françaises, Mayotte et La Réunion; parce que nous avons une présence militaire forte, plus de 8 000 de nos militaires sont déployés dans cet ensemble; parce que nous avons de plus en plus d'opérations, en particulier maritimes, dans la région, que nous faisons en partenariat avec beaucoup de pays.
Ce que je vous dis là est aussi une déclinaison parce que nous avons également une stratégie économique qui se déploie dans la région avec des partenariats multiples, et j'en parlerai dans un instant avec le Premier ministre, et parce que nous avons également des partenariats militaires que nous souhaitons renforcer, qui sont capacitaires et qui sont industriels, et beaucoup d'exercices conjoints.
C'est une région très dynamique.
Vous avez annoncé lundi votre présence au Qatar en cas de finale des Bleus.
Beaucoup ont réagi en France en disant que le boycott diplomatique était le signal fort à envoyer aux Qatari.
Je ne crois pas du tout.
Je pense qu'il ne faut pas politiser le sport.
D'abord, ces questions-là, il faut se les poser quand on attribue les événements.
C'est quand on attribue des jeux, que ce soient des Coupes du monde ou des Jeux olympiques, qu'il faut en toute honnêteté se poser la question.
Que la question soit climatique ou qu'elle concerne les droits de l'homme, il ne faut pas se la poser à chaque fois que l'événement est là.
C'est un moment où on l'attribue qu'on doit se la poser.
Vous allez leur parler des droits humains ?
Mais je parle en permanence au Qatar et à toutes les autres puissances de tous les sujets, en toute transparence, et nous avons des relations à la fois franches, amicales et constructives.
Donc je pense que c'est une très mauvaise idée de politiser le sport, quoiqu'il en soit, j'en parle pour la Coupe du monde, là, j'en parle aussi pour les Jeux olympiques.
Je ne sais pas dans quel contexte les Jeux olympiques que nous aurons à organiser en France se feront sur le plan géopolitique mais il est sûr que la vocation de ces grands événements, c'est de permettre à des athlètes de tous pays, y compris parfois de pays en guerre, de pouvoir faire vivre le sport et de trouver aussi, par le sport, des truchements et des manières de discuter là où des gens n'arrivent plus à se parler.
Je pense que ça, il faut le préserver.
Sur l'Australie, on sait maintenant que les Américains et les Britanniques ne seront pas capables de livrer les sous-marins en temps et en heure.
Il y a une rumeur qui dit que les Français pourraient fournir un certain nombre de sous-marins durant cette période où les Australiens, sinon, se retrouveraient en rupture capacitaire.
Vous en avez parlé avec votre interlocuteur australien ?
On en avait parlé dès sa visite cet été.
Je l'ai toujours dit, au moment où le choix a été fait par l'Australie, la stratégie que nous avions avec l'Australie était une stratégie qui s'inscrivait complètement dans cette logique indopacifique que j'évoquais, c'est-à-dire celle d'une liberté de la souveraineté.
Nous aidions et nous accompagnions l'Australie à construire une sous- marinade en propre, par une coopération industrielle.
Donc c'était à la fois une coopération industrielle, on donnait de la souveraineté à l'Australie parce qu'on construisait des sous-marins en propre qui pourraient être entretenus par l'Australie, et ce n'était pas en confrontation avec la Chine car ce n'étaient pas des sous-marins à propulsion nucléaire.
Le choix qui a été fait par le Premier ministre Morrison a été l'exact opposé : rentrer dans la confrontation en allant vers le nucléaire et se mettre dans la dépendance complète, en décidant de se doter d'une sous-marinade que les Australiens étaient incapables de produire chez eux et d'entretenir.
Le dilemme est connu, et les difficultés industrielles étaient posées dès que ce choix a été fait, je l'avais dit en toute franchise. Les Britanniques sont en incapacité de le produire et les Américains ont déjà, si je puis dire, un carnet de bal qui est bien rempli.
Le choix appartient maintenant aux Australiens.
Nous, nous sommes cohérents, mais nous avançons.
Nous avançons surtout beaucoup avec les Indonésiens, des Rafales aux sous-marins.
Nous avançons avec tous les pays de la région qui sont dans cette logique, simplement nous avons une approche où ces contrats, en particulier sur les sous-marins ou les avions, s'inscrivent dans une stratégie géopolitique et celle-ci doit rester cohérente.
C'est celle de l'équilibre et du dialogue.
Sur la COP en Amazonie que Lula a proposée hier ?
D'abord, je pense que c'est une très bonne chose.
Moi, je soutiens totalement l'idée d'une COP en Amazonie et je soutiens le retour du Brésil dans une stratégie amazonienne.
Nous en avons besoin.
La France, comme vous le savez, aussi vrai qu'elle est une puissance indopacifique, est une puissance amazonienne.
La plus grande frontière extérieure de la France et de l'Europe, c'est la frontière de notre Guyane avec le Brésil et le Nordeste.
Donc nous nous sommes engagés dans cette stratégie.
On avait lancé en 2019, avec plusieurs États de la région, une vraie stratégie amazonienne.
Le Brésil, à ce moment-là, avait décidé de ne pas s'y joindre.
La première discussion que j'ai eue avec le président Lula, c'était un réengagement sur un sujet qui, historiquement, n'est pas facile pour le Brésil.
Nous avons lancé depuis, vous le savez, beaucoup d'initiatives pour la préservation des forêts primaires et des mangroves.
Nous l'avons fait aussi en marge de Charm el-Cheikh.
Nous poursuivrons ce travail à Libreville au premier trimestre 2023 sur le sujet des forêts primaires, et je souhaite ardemment que nous puissions avoir une COP en Amazonie donc je soutiens totalement cette initiative du président Lula.
On va se rendre auprès du Premier ministre thaïlandais pour poursuivre cet agenda à la fois régional, on va parler de l'APEC, et bilatéral.
À tout à l'heure.
Vous avez parlé de sous-marins avec le Premier ministre albanais.
On sait que vous avez proposé concrètement une solution.
Elle est connue et elle reste sur la table.
Les modalités du retrait de Naval Group étaient prévues par le contrat, donc ils sont en train de s'exécuter, mais notre stratégie, elle est connue.
On reste disponibles pour livrer des sous-marins s'il faut ?
Oui, dans un cadre qui est clair et qui est celui qui avait été échangé.
On verra comment ils s'adaptent aux difficultés.
Je pense qu'aujourd'hui ils n'ont pas décidé de changer de stratégie sur ce sujet.
Ce n'est pas contradictoire avec ce [ INAUDIBLE ] Je pense qu'il y a quand même un choix fondamental qui est de savoir s'ils produisent des sous-marins chez eux ou s'ils dépendent.
Ça, c'est un premier choix.
Il y en a un deuxième qui est de savoir s'ils décident d'aller vers le nucléaire ou pas.
Nous, on sait faire la transition de l'un à l'autre, c'est l'histoire même de notre sous-marinade, mais notre stratégie était de produire avec eux, pas pour eux.
Là, ils se sont mis dans un autre cas de figure...
On peut leur livrer du nucléaire aussi ?
Non, nous ne l'avons jamais fait.
Il y avait eu historiquement des discussions, il y a très longtemps avec les Indiens, puis il y en avait eu avec les Brésiliens, du temps de Lula et Dilma Rousseff, mais nous n'avons jamais été sur une stratégie comme celle-ci.
On les a pour nous.
Par contre, on a beaucoup d'exercices conjoints et le Dixmude sur lequel nous étions il y a quelques jours pour présenter la Revue nationale stratégique se déploiera dans la région indopacifique et traduira d'ailleurs ces exemples.
Le Dixmude va reprendre nos exercices, il va faire 150 jours de mer et il viendra dans la région, ce qui marque aussi une coopération de nos marines.
À tout à l'heure.