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La Ferme des Animaux: George Orwell, Chapitre 2

Chapitre 2

Trois nuits plus tard, Sage l'Ancien s'éteignait

paisiblement dans son sommeil. Son corps fut

enterré en bas du verger.

On était au début mars. Pendant les trois mois

qui suivirent, ce fut une intense activité

clandestine. Le discours de Sage l'Ancien avait

éveillé chez les esprits les plus ouverts des

perspectives d'une nouveauté bouleversante. Les

animaux ne savaient pas quand aurait lieu le

soulèvement annoncé par le prophète, et

n'avaient pas lieu de croire que ce serait de leur

vivant, mais ils voyaient bien leur devoir d'en

jeter les bases. La double tâche d'instruire et

d'organiser échut bien normalement aux cochons,

qu'en général on regardait comme l'espèce la

plus intelligente. Et, entre les cochons, les plus

éminents étaient Boule de Neige et Napoléon,

deux jeunes verrats que Mr. Jones élevait pour en

tirer bon prix. Napoléon était un grand et

imposant Berkshire, le seul de la ferme. Avare de

paroles, il avait la réputation de savoir ce qu'il

voulait. Boule de Neige, plus vif, d'esprit plus

délié et plus inventif, passait pour avoir moins de

caractère. Tous les autres cochons de la ferme

étaient à l'engrais. Le plus connu d'entre eux,

Brille-Babil, un goret bien en chair et de petite

taille, forçait l'attention par sa voix perçante et

son oeil malin. On remarquait aussi ses joues

rebondies et la grande vivacité de ses

mouvements. Brille-Babil, enfin, était un causeur

éblouissant qui, dans les débats épineux, sautillait

sur place et battait l'air de la queue. Cet art

exerçait son plein effet au cours de discussion.

On s'accordait à dire que Brille-Babil pourrait

bien vous faire prendre des vessies pour des

lanternes.

À partir des enseignements de Sage l'Ancien,

tous trois – Napoléon, Boule de Neige et Brille-

Babil – avaient élaboré un système philosophique

sans faille qu'ils appelaient l'Animalisme.

Plusieurs nuits chaque semaine, une fois Mr.

Jones endormi, ils tenaient des réunions secrètes

dans la grange afin d'exposer aux autres les

principes de l'Animalisme. Dans les débuts, ils se

heurtèrent à une apathie et à une bêtise des plus

crasses. Certains animaux invoquaient le devoir

d'être fidèle à Mr. Jones, qu'ils disaient être leur

maître, ou bien ils faisaient des remarques

simplistes, disant, par exemple : « C'est Mr.

Jones qui nous nourrit, sans lui nous

dépéririons », ou bien : « Pourquoi s'en faire pour

ce qui arrivera quand nous n'y serons plus ? », ou

bien encore : « Si le soulèvement doit se produire

de toute façon, qu'on s'en mêle ou pas c'est tout

un » –, de sorte que les cochons avaient le plus

grand mal à leur montrer que ces façons de voir

étaient contraires à l'esprit de l'Animalisme. Les

questions les plus stupides étaient encore celles

de Lubie, la jument blanche. Elle commença par

demander à Boule de Neige :

« Après le soulèvement, est-ce qu'il y aura

toujours du sucre ?

– Non, lui répondit Boule de Neige, d'un ton

sans réplique. Dans cette ferme, nous n'avons pas

les moyens de fabriquer du sucre. De toute façon,

le sucre est du superflu. Tu auras tout le foin et

toute l'avoine que tu voudras.

– Et est-ce que j'aurai la permission de porter

des rubans dans ma crinière ?

– Camarade, repartit Boule de Neige, ces

rubans qui te tiennent tant à coeur sont l'emblème

de ton esclavage. Tu ne peux pas te mettre en tête

que la liberté a plus de prix que ces colifichets ? »

Lubie acquiesça sans paraître bien convaincue.

Les cochons eurent encore plus de mal à

réfuter les mensonges colportés par Moïse, le

corbeau apprivoisé, qui était le chouchou de Mr.

Jones. Moïse, un rapporteur, et même un

véritable espion, avait la langue bien pendue. À

l'en croire, il existait un pays mystérieux, dit

Montagne de Sucrecandi, où tous les animaux

vivaient après la mort. D'après Moïse, la

Montagne de Sucrecandi se trouvait au ciel, un

peu au-delà des nuages. C'était tous les jours

dimanche, dans ce séjour. Le trèfle y poussait à

longueur d'année, le sucre en morceaux abondait

aux haies des champs. Les animaux haïssaient

Moïse à cause de ses sornettes et parce qu'il

n'avait pas à trimer comme eux, mais malgré tout

certains se prirent à croire à l'existence de cette

Montagne de Sucrecandi et les cochons eurent

beaucoup de mal à les en dissuader.

Ceux-ci avaient pour plus fidèles disciples les

deux chevaux de trait, Malabar et Douce. Tous

deux éprouvaient grande difficulté à se faire une

opinion par eux-mêmes, mais, une fois les

cochons devenus leurs maîtres à penser, ils

assimilèrent tout l'enseignement, et le transmirent

aux autres animaux avec des arguments d'une

honnête simplicité. Ils ne manquaient pas une

seule des réunions clandestines de la grange, et là

entraînaient les autres à chanter Bêtes

d'Angleterre. Sur cet hymne les réunions

prenaient toujours fin.

Or il advint que le soulèvement s'accomplit

bien plus tôt et bien plus facilement que personne

ne s'y attendait. Au long des années, Mr. Jones,

quoique dur avec les animaux, s'était montré à la

hauteur de sa tâche, mais depuis quelque temps il

était entré dans une période funeste. Il avait perdu

coeur à l'ouvrage après un procès où il avait laissé

des plumes, et s'était mis à boire plus que de

raison. Il passait des journées entières dans le

fauteuil de la cuisine à lire le journal, un verre de

bière à portée de la main dans lequel de temps à

autre il trempait pour Moïse des miettes de pain

d'oiseau. Ses ouvriers agricoles étaient des filous

et des fainéants, les champs étaient envahis par

les mauvaises herbes, les haies restaient à

l'abandon, les toits des bâtiments menaçaient

ruine, les animaux eux-mêmes n'avaient plus leur

suffisance de nourriture.

Vint le mois de juin, et bientôt la fenaison. La

veille de la Saint-Jean, qui tombait un samedi,

Mr. Jones se rendit à Willingdon. Là, il se saoula

si bien à la taverne du Lion-Rouge qu'il ne rentra

chez lui que le lendemain dimanche, en fin de

matinée. Ses ouvriers avaient trait les vaches de

bonne heure, puis s'en étaient allés tirer les

lapins, sans souci de donner aux animaux leur

nourriture. À son retour, Mr. Jones s'affala sur le

canapé de la salle à manger et s'endormit, un

hebdomadaire à sensation sur le visage, et quand

vint le soir les bêtes n'avaient toujours rien eu à

manger. À la fin, elles ne purent y tenir plus

longtemps. Alors l'une des vaches enfonça ses

cornes dans la porte de la resserre et bientôt

toutes les bêtes se mirent à fourrager dans les

huches et les boîtes à ordures. À ce moment,

Jones se réveilla. L'instant d'après, il se précipita

dans la remise avec ses quatre ouvriers, chacun le

fouet à la main. Et tout de suite une volée de

coups s'abattit de tous côtés. C'était plus que

n'en pouvaient souffrir des affamés. D'un

commun accord et sans s'être concertés, les

meurt-la-faim se jetèrent sur leurs bourreaux. Et

voici les cinq hommes en butte aux ruades et

coups de corne, changés en souffre-douleur. Une

situation inextricable. Car de leur vie leurs

maîtres n'avaient vu les animaux se conduire

pareillement. Ceux qui avaient coutume de les

maltraiter, de les rosser à qui mieux mieux, voilà

qu'ils avaient peur. Devant le soulèvement, les

hommes perdirent la tête, et bientôt, renonçant au

combat, prirent leurs jambes à leur cou. En pleine

déroute, ils filèrent par le chemin de terre qui

mène à la route, les animaux triomphants à leurs

trousses.

De la fenêtre de la chambre, Mrs. Jones,

voyant ce qu'il en était, jeta précipitamment

quelques affaires dans un sac et se faufila hors de

la ferme, ni vu ni connu. Moïse bondit de son

perchoir, battit des ailes et la suivit en croassant à

plein gosier. Entre-temps, toujours pourchassant

les cinq hommes, et les voyant fuir sur la route,

les animaux avaient claqué derrière eux la clôture

aux cinq barreaux. Ainsi, et presque avant qu'ils

s'en soient rendu compte, le soulèvement s'était

accompli : Jones expulsé, la Ferme du Manoir

était à eux.

Quelques minutes durant, ils eurent peine à

croire à leur bonne fortune. Leur première

réaction fut de se lancer au galop tout autour de la

propriété, comme pour s'assurer qu'aucun

humain ne s'y cachait plus. Ensuite, le cortège

repartit grand train vers les dépendances de la

ferme pour effacer les derniers vestiges d'un

régime haï. Les animaux enfoncèrent la porte de

la sellerie qui se trouvait à l'extrémité des

écuries, puis précipitèrent dans le puits, mors,

nasières et laisses, et ces couteaux meurtriers

dont Jones et ses acolytes s'étaient servis pour

châtrer cochons et agnelets. Rênes, licous,

oeillères, muselières humiliantes furent jetés au

tas d'ordures qui brûlaient dans la cour. Ainsi des

fouets, et, voyant les fouets flamber, les animaux,

joyeusement, se prirent à gambader. Boule de

Neige livra aussi aux flammes ces rubans dont on

pare la crinière et la queue des chevaux, les jours

de marché.

« Les rubans, déclara-t-il, sont assimilés aux

habits. Et ceux-ci montrent la marque de

l'homme. Tous les animaux doivent aller nus. »

Entendant ces paroles, Malabar s'en fut

chercher le petit galurin de paille qu'il portait

l'été pour se protéger des mouches, et le flanqua

au feu, avec le reste.

Bientôt les animaux eurent détruit tout ce qui

pouvait leur rappeler Mr. Jones. Alors Napoléon

les ramena à la resserre, et il distribua à chacun

double picotin de blé, plus deux biscuits par

chien. Et ensuite les animaux chantèrent Bêtes

d'Angleterre, du commencement à la fin, sept

fois de suite. Après quoi, s'étant bien installés

pour la nuit, ils dormirent comme jamais encore.

Mais ils se réveillèrent à l'aube, comme

d'habitude. Et, se ressouvenant soudain de leur

gloire nouvelle, c'est au galop que tous

coururent aux pâturages. Puis ils filèrent vers le

monticule d'où l'on a vue sur presque toute la

ferme. Une fois au sommet, ils découvrirent leur

domaine dans la claire lumière du matin. Oui, il

était bien à eux désormais – tout ce qu'ils avaient

sous les yeux leur appartenait. À cette pensée, ils

exultaient, ils bondissaient et caracolaient, ils se

roulaient dans la rosée et broutaient l'herbe douce

de l'été. Et, à coups de sabot, ils arrachaient des

mottes de terre, pour mieux renifler l'humus bien

odorant. Puis ils firent l'inspection de la ferme,

et, muets d'admiration, embrassèrent tout du

regard les labours, les foins, le verger, l'étang, le

boqueteau. C'était comme si, de tout le domaine,

ils n'avaient rien vu encore, et même alors ils

pouvaient à peine croire que tout cela était leur

propriété.

Alors ils regagnèrent en file indienne les

bâtiments de la ferme, et devant le seuil de la

maison firent halte en silence. Oh, certes, elle

aussi leur appartenait, mais, intimidés, ils avaient

peur d'y pénétrer. Un instant plus tard,

cependant, Napoléon et Boule de Neige forcèrent

la porte de l'épaule, et les animaux les suivirent,

un par un, à pas précautionneux, par peur de

déranger. Et maintenant ils vont de pièce en pièce

sur la pointe des pieds, c'est à peine s'ils osent

chuchoter, et ils sont pris de stupeur devant un

luxe incroyable : lits matelassés de plume,

miroirs, divan en crin de cheval, moquette de

Bruxelles, estampe de la reine Victoria au-dessus

de la cheminée.

Quand ils redescendirent l'escalier. Lubie

n'était plus là. Revenant sur leurs pas, les autres

s'aperçurent qu'elle était restée dans la grande

chambre à coucher. Elle s'était emparée d'un

morceau de ruban bleu sur la coiffeuse de Mr.

Jones et s'admirait dans la glace en le tenant

contre son épaule, et tout le temps avec des poses

ridicules. Les autres la rabrouèrent vertement et

se retirèrent. Ils décrochèrent des jambons qui

pendaient dans la cuisine afin de les enterrer, et

d'un bon coup de sabot de Malabar creva le baril

de bière de l'office. Autrement, tout fut laissé

indemne. Une motion fut même votée à

l'unanimité, selon laquelle l'habitation serait

transformée en musée. Les animaux tombèrent

d'accord que jamais aucun d'eux ne s'y

installerait.

Ils prirent le petit déjeuner, puis Boule de

Neige et Napoléon les réunirent en séance

plénière.

« Camarades, dit Boule de Neige, il est six

heures et demie, et nous avons une longue

journée devant nous. Nous allons faire les foins

sans plus attendre, mais il y a une question dont

nous avons à décider tout d'abord. »

Les cochons révélèrent qu'ils avaient appris à

lire et à écrire, au cours des trois derniers mois,

dans un vieil abécédaire des enfants Jones (ceux-

ci l'avaient jeté sur un tas d'ordures, et c'est là

que les cochons l'avaient récupéré). Ensuite,

Napoléon demanda qu'on lui amène des pots de

peinture blanche et noire, et il entraîna les

animaux jusqu'à la clôture aux cinq barreaux. Là,

Boule de Neige (car c'était lui le plus doué pour

écrire) fixa un pinceau à sa patte et passa sur le

barreau supérieur une couche de peinture qui

recouvrit les mots : Ferme du Manoir. Puis à la

place il calligraphia : Ferme des Animaux. Car

dorénavant tel serait le nom de l'exploitation

agricole. Cette opération terminée, tout le monde

regagna les dépendances. Napoléon et Boule de

Neige firent alors venir une échelle qu'on dressa

contre le mur de la grange. Ils expliquèrent qu'au

terme de leurs trois mois d'études les cochons

étaient parvenus à réduire les principes de

l'Animalisme à Sept Commandements. Le

moment était venu d'inscrire les Sept

Commandements sur le mur. Ils constitueraient la

loi imprescriptible de la vie de tous sur le

territoire de la Ferme des Animaux.. Non sans

quelque mal (vu que, pour un cochon, se tenir en

équilibre sur une échelle n'est pas commode),

Boule de Neige escalada les barreaux et se mit au

travail ; Brille-Babil, quelques degrés plus bas,

lui tendait le pot de peinture. Et c'est de la sorte

que furent promulgués les Sept Commandements,

en gros caractères blancs, sur le mur goudronné.

On pouvait les lire à trente mètres de là. Voici

leur énoncé :

1. Tout deuxpattes est un ennemi.

2. Tout quatrepattes ou tout volatile, un ami.

3. Nul animal ne portera de vêtements.

4. Nul animal ne dormira dans un lit.

5. Nul animal ne boira d'alcool.

6. Nul animal ne tuera un autre animal.

7. Tous les animaux sont égaux.

C'était tout à fait bien calligraphié, si ce n'est

que volatile était devenu vole-t-il, et aussi à un s

près, formé à l'envers. Boule de Neige donna

lecture des Sept Commandements, à l'usage des

animaux qui n'avaient pas appris à lire. Et tous

donnèrent leur assentiment d'un signe de tête, et

les esprits les plus éveillés commencèrent aussitôt

à apprendre les Sept Commandements par coeur.

« Et maintenant, camarades, aux foins ! s'écria

Boule de Neige. Il y va de notre honneur

d'engranger la récolte plus vite que ne le feraient

Jones et ses acolytes. »

Mais à cet instant les trois vaches, qui avaient

paru mal à l'aise depuis un certain temps,

gémirent de façon lamentable. Il y avait vingt-

quatre heures qu'elles n'avaient pas été traites,

leurs pis étaient sur le point d'éclater. Après

brève réflexion, les cochons firent venir des

seaux et se mirent à la besogne. Ils s'en tirèrent

assez bien, car les pieds des cochons convenaient

à cette tâche. Bientôt furent remplis cinq seaux de

lait crémeux et mousseux que maints animaux

lorgnaient avec l'intérêt le plus vif. L'un d'eux

dit :

« Qu'est-ce qu'on va faire avec tout ce lait ? »

Et l'une des poules :

« Quelquefois, Jones en ajoutait à la pâtée. »

Napoléon se planta devant les seaux et

s'écria :

« Ne vous en faites pas pour le lait,

camarades ! On va s'en occuper. La récolte, c'est

ce qui compte. Boule de Neige va vous montrer

le chemin. Moi, je serai sur place dans quelques

minutes. En avant, camarades ! Le foin vous

attend. »

Aussi les animaux gagnèrent les champs et ils

commencèrent la fenaison, mais quand, au soir,

ils s'en retournèrent ils s'aperçurent que le lait

n'était plus là.

Chapitre 2

Trois nuits plus tard, Sage l'Ancien s'éteignait ||||||was fading

paisiblement dans son sommeil. peacefully||| Son corps fut

enterré en bas du verger.

On était au début mars. Pendant les trois mois During|||

qui suivirent, ce fut une intense activité

clandestine. clandestine Le discours de Sage l'Ancien avait

éveillé chez les esprits les plus ouverts des

perspectives d'une nouveauté bouleversante. |of a|| Les

animaux ne savaient pas quand aurait lieu le

soulèvement annoncé par le prophète, et

n'avaient pas lieu de croire que ce serait de leur

vivant, mais ils voyaient bien leur devoir d'en

jeter les bases. La double tâche d'instruire et

d'organiser échut bien normalement aux cochons, to organize|fell||||

qu'en général on regardait comme l'espèce la |||||the species|

plus intelligente. Et, entre les cochons, les plus

éminents étaient Boule de Neige et Napoléon, eminent||Ball||||Napoleon

deux jeunes verrats que Mr. Jones élevait pour en

tirer bon prix. Napoléon était un grand et

imposant Berkshire, le seul de la ferme. Avare de Greedy|

paroles, il avait la réputation de savoir ce qu'il words||||||||

voulait. Boule de Neige, plus vif, d'esprit plus |||more|||

délié et plus inventif, passait pour avoir moins de

caractère. Tous les autres cochons de la ferme

étaient à l'engrais. Le plus connu d'entre eux,

Brille-Babil, un goret bien en chair et de petite ||a|||||||

taille, forçait l'attention par sa voix perçante et

son oeil malin. his|| On remarquait aussi ses joues

rebondies et la grande vivacité de ses

mouvements. Brille-Babil, enfin, était un causeur

éblouissant qui, dans les débats épineux, sautillait

sur place et battait l'air de la queue. Cet art

exerçait son plein effet au cours de discussion.

On s'accordait à dire que Brille-Babil pourrait One|agreed|||that|||

bien vous faire prendre des vessies pour des

lanternes.

À partir des enseignements de Sage l'Ancien,

tous trois – Napoléon, Boule de Neige et Brille- |||||||Shine

Babil – avaient élaboré un système philosophique Babylon|||||

sans faille qu'ils appelaient l'Animalisme.

Plusieurs nuits chaque semaine, une fois Mr.

Jones endormi, ils tenaient des réunions secrètes

dans la grange afin d'exposer aux autres les

principes de l'Animalisme. Dans les débuts, ils se

heurtèrent à une apathie et à une bêtise des plus hit||||||an|||

crasses. Certains animaux invoquaient le devoir

d'être fidèle à Mr. Jones, qu'ils disaient être leur

maître, ou bien ils faisaient des remarques

simplistes, disant, par exemple : « C'est Mr.

Jones qui nous nourrit, sans lui nous ||||||us

dépéririons », ou bien : « Pourquoi s'en faire pour would wither|or|||||

ce qui arrivera quand nous n'y serons plus ? », ou

bien encore : « Si le soulèvement doit se produire

de toute façon, qu'on s'en mêle ou pas c'est tout

un » –, de sorte que les cochons avaient le plus

grand mal à leur montrer que ces façons de voir

étaient contraires à l'esprit de l'Animalisme. Les

questions les plus stupides étaient encore celles

de Lubie, la jument blanche. ||the|| Elle commença par

demander à Boule de Neige :

« Après le soulèvement, est-ce qu'il y aura |the||||||

toujours du sucre ?

– Non, lui répondit Boule de Neige, d'un ton

sans réplique. Dans cette ferme, nous n'avons pas

les moyens de fabriquer du sucre. De toute façon,

le sucre est du superflu. the|||| Tu auras tout le foin et |||the||

toute l'avoine que tu voudras. |the oats|||

– Et est-ce que j'aurai la permission de porter

des rubans dans ma crinière ? some||||

– Camarade, repartit Boule de Neige, ces

rubans qui te tiennent tant à coeur sont l'emblème

de ton esclavage. Tu ne peux pas te mettre en tête

que la liberté a plus de prix que ces colifichets ? ||||||||these| »

Lubie acquiesça sans paraître bien convaincue. ||without|||

Les cochons eurent encore plus de mal à

réfuter les mensonges colportés par Moïse, le

corbeau apprivoisé, qui était le chouchou de Mr. raven||||the|||

Jones. Moïse, un rapporteur, et même un

véritable espion, avait la langue bien pendue. À

l'en croire, il existait un pays mystérieux, dit

Montagne de Sucrecandi, où tous les animaux

vivaient après la mort. D'après Moïse, la

Montagne de Sucrecandi se trouvait au ciel, un

peu au-delà des nuages. C'était tous les jours

dimanche, dans ce séjour. Le trèfle y poussait à

longueur d'année, le sucre en morceaux abondait

aux haies des champs. Les animaux haïssaient The||

Moïse à cause de ses sornettes et parce qu'il

n'avait pas à trimer comme eux, mais malgré tout ||to||||||

certains se prirent à croire à l'existence de cette

Montagne de Sucrecandi et les cochons eurent

beaucoup de mal à les en dissuader.

Ceux-ci avaient pour plus fidèles disciples les

deux chevaux de trait, Malabar et Douce. Tous

deux éprouvaient grande difficulté à se faire une

opinion par eux-mêmes, mais, une fois les

cochons devenus leurs maîtres à penser, ils

assimilèrent tout l'enseignement, et le transmirent ||the teaching|||

aux autres animaux avec des arguments d'une

honnête simplicité. Ils ne manquaient pas une

seule des réunions clandestines de la grange, et là

entraînaient les autres à chanter Bêtes trained|||||

d'Angleterre. Sur cet hymne les réunions

prenaient toujours fin.

Or il advint que le soulèvement s'accomplit

bien plus tôt et bien plus facilement que personne

ne s'y attendait. Au long des années, Mr. Jones, Over the|||||

quoique dur avec les animaux, s'était montré à la although||||||||

hauteur de sa tâche, mais depuis quelque temps il

était entré dans une période funeste. |||a|| Il avait perdu

coeur à l'ouvrage après un procès où il avait laissé

des plumes, et s'était mis à boire plus que de |||had||||||

raison. Il passait des journées entières dans le

fauteuil de la cuisine à lire le journal, un verre de

bière à portée de la main dans lequel de temps à

autre il trempait pour Moïse des miettes de pain

d'oiseau. Ses ouvriers agricoles étaient des filous

et des fainéants, les champs étaient envahis par

les mauvaises herbes, les haies restaient à

l'abandon, les toits des bâtiments menaçaient

ruine, les animaux eux-mêmes n'avaient plus leur

suffisance de nourriture.

Vint le mois de juin, et bientôt la fenaison. |||||||the| La

veille de la Saint-Jean, qui tombait un samedi,

Mr. Jones se rendit à Willingdon. Là, il se saoula

si bien à la taverne du Lion-Rouge qu'il ne rentra

chez lui que le lendemain dimanche, en fin de

matinée. Ses ouvriers avaient trait les vaches de

bonne heure, puis s'en étaient allés tirer les

lapins, sans souci de donner aux animaux leur

nourriture. À son retour, Mr. Jones s'affala sur le Upon|||||||

canapé de la salle à manger et s'endormit, un

hebdomadaire à sensation sur le visage, et quand

vint le soir les bêtes n'avaient toujours rien eu à

manger. À la fin, elles ne purent y tenir plus At||||||||

longtemps. Alors l'une des vaches enfonça ses

cornes dans la porte de la resserre et bientôt

toutes les bêtes se mirent à fourrager dans les |||||to|||

huches et les boîtes à ordures. hutches||||| À ce moment,

Jones se réveilla. L'instant d'après, il se précipita

dans la remise avec ses quatre ouvriers, chacun le

fouet à la main. Et tout de suite une volée de

coups s'abattit de tous côtés. C'était plus que

n'en pouvaient souffrir des affamés. D'un

commun accord et sans s'être concertés, les

meurt-la-faim se jetèrent sur leurs bourreaux. Et

voici les cinq hommes en butte aux ruades et

coups de corne, changés en souffre-douleur. Une

situation inextricable. |inextricable Car de leur vie leurs

maîtres n'avaient vu les animaux se conduire

pareillement. similarly Ceux qui avaient coutume de les

maltraiter, de les rosser à qui mieux mieux, voilà

qu'ils avaient peur. Devant le soulèvement, les Before|||

hommes perdirent la tête, et bientôt, renonçant au

combat, prirent leurs jambes à leur cou. En pleine

déroute, ils filèrent par le chemin de terre qui

mène à la route, les animaux triomphants à leurs

trousses.

De la fenêtre de la chambre, Mrs. Jones,

voyant ce qu'il en était, jeta précipitamment

quelques affaires dans un sac et se faufila hors de

la ferme, ni vu ni connu. Moïse bondit de son

perchoir, battit des ailes et la suivit en croassant à

plein gosier. Entre-temps, toujours pourchassant Meanwhile|||

les cinq hommes, et les voyant fuir sur la route,

les animaux avaient claqué derrière eux la clôture

aux cinq barreaux. Ainsi, et presque avant qu'ils

s'en soient rendu compte, le soulèvement s'était

accompli : Jones expulsé, la Ferme du Manoir |Jones|||||

était à eux.

Quelques minutes durant, ils eurent peine à

croire à leur bonne fortune. Leur première

réaction fut de se lancer au galop tout autour de la

propriété, comme pour s'assurer qu'aucun

humain ne s'y cachait plus. Ensuite, le cortège |the|

repartit grand train vers les dépendances de la

ferme pour effacer les derniers vestiges d'un |||the|||

régime haï. |hated Les animaux enfoncèrent la porte de

la sellerie qui se trouvait à l'extrémité des |||||||of the

écuries, puis précipitèrent dans le puits, mors, stables||||||

nasières et laisses, et ces couteaux meurtriers

dont Jones et ses acolytes s'étaient servis pour |||its||||

châtrer cochons et agnelets. castrate|||lambs Rênes, licous, Reins|halters

oeillères, muselières humiliantes furent jetés au blinders|muzzles||||

tas d'ordures qui brûlaient dans la cour. Ainsi des

fouets, et, voyant les fouets flamber, les animaux,

joyeusement, se prirent à gambader. Boule de

Neige livra aussi aux flammes ces rubans dont on

pare la crinière et la queue des chevaux, les jours

de marché.

« Les rubans, déclara-t-il, sont assimilés aux

habits. Et ceux-ci montrent la marque de |those|||||

l'homme. Tous les animaux doivent aller nus. |||||naked »

Entendant ces paroles, Malabar s'en fut

chercher le petit galurin de paille qu'il portait

l'été pour se protéger des mouches, et le flanqua ||||||and||

au feu, avec le reste.

Bientôt les animaux eurent détruit tout ce qui

pouvait leur rappeler Mr. Jones. Alors Napoléon

les ramena à la resserre, et il distribua à chacun

double picotin de blé, plus deux biscuits par

chien. Et ensuite les animaux chantèrent Bêtes

d'Angleterre, du commencement à la fin, sept ||||||seven

fois de suite. |of| Après quoi, s'étant bien installés

pour la nuit, ils dormirent comme jamais encore.

Mais ils se réveillèrent à l'aube, comme

d'habitude. Et, se ressouvenant soudain de leur

gloire nouvelle, c'est au galop que tous

coururent aux pâturages. Puis ils filèrent vers le

monticule d'où l'on a vue sur presque toute la

ferme. Une fois au sommet, ils découvrirent leur A||||||

domaine dans la claire lumière du matin. Oui, il

était bien à eux désormais – tout ce qu'ils avaient

sous les yeux leur appartenait. À cette pensée, ils

exultaient, ils bondissaient et caracolaient, ils se

roulaient dans la rosée et broutaient l'herbe douce ||||||the grass|

de l'été. Et, à coups de sabot, ils arrachaient des ||kicks|||||

mottes de terre, pour mieux renifler l'humus bien

odorant. Puis ils firent l'inspection de la ferme,

et, muets d'admiration, embrassèrent tout du

regard les labours, les foins, le verger, l'étang, le

boqueteau. C'était comme si, de tout le domaine,

ils n'avaient rien vu encore, et même alors ils

pouvaient à peine croire que tout cela était leur

propriété.

Alors ils regagnèrent en file indienne les

bâtiments de la ferme, et devant le seuil de la

maison firent halte en silence. Oh, certes, elle

aussi leur appartenait, mais, intimidés, ils avaient

peur d'y pénétrer. Un instant plus tard,

cependant, Napoléon et Boule de Neige forcèrent

la porte de l'épaule, et les animaux les suivirent, ||||||||followed

un par un, à pas précautionneux, par peur de

déranger. Et maintenant ils vont de pièce en pièce

sur la pointe des pieds, c'est à peine s'ils osent

chuchoter, et ils sont pris de stupeur devant un

luxe incroyable : lits matelassés de plume,

miroirs, divan en crin de cheval, moquette de

Bruxelles, estampe de la reine Victoria au-dessus

de la cheminée.

Quand ils redescendirent l'escalier. Lubie

n'était plus là. Revenant sur leurs pas, les autres

s'aperçurent qu'elle était restée dans la grande

chambre à coucher. Elle s'était emparée d'un

morceau de ruban bleu sur la coiffeuse de Mr. |of|||||||

Jones et s'admirait dans la glace en le tenant

contre son épaule, et tout le temps avec des poses

ridicules. Les autres la rabrouèrent vertement et

se retirèrent. Ils décrochèrent des jambons qui

pendaient dans la cuisine afin de les enterrer, et

d'un bon coup de sabot de Malabar creva le baril of a|||||||||

de bière de l'office. Autrement, tout fut laissé

indemne. Une motion fut même votée à

l'unanimité, selon laquelle l'habitation serait

transformée en musée. Les animaux tombèrent

d'accord que jamais aucun d'eux ne s'y

installerait.

Ils prirent le petit déjeuner, puis Boule de

Neige et Napoléon les réunirent en séance

plénière.

« Camarades, dit Boule de Neige, il est six

heures et demie, et nous avons une longue

journée devant nous. Nous allons faire les foins ||make||

sans plus attendre, mais il y a une question dont

nous avons à décider tout d'abord. »

Les cochons révélèrent qu'ils avaient appris à ||revealed|||learned|

lire et à écrire, au cours des trois derniers mois, ||||in|||||months

dans un vieil abécédaire des enfants Jones (ceux- |a||||||

ci l'avaient jeté sur un tas d'ordures, et c'est là

que les cochons l'avaient récupéré). Ensuite,

Napoléon demanda qu'on lui amène des pots de

peinture blanche et noire, et il entraîna les

animaux jusqu'à la clôture aux cinq barreaux. Là,

Boule de Neige (car c'était lui le plus doué pour

écrire) fixa un pinceau à sa patte et passa sur le ||a||||||||

barreau supérieur une couche de peinture qui

recouvrit les mots : Ferme du Manoir. Puis à la

place il calligraphia : Ferme des Animaux. Car

dorénavant tel serait le nom de l'exploitation from now on||||||

agricole. Cette opération terminée, tout le monde

regagna les dépendances. Napoléon et Boule de

Neige firent alors venir une échelle qu'on dressa ||||a|||

contre le mur de la grange. against||||| Ils expliquèrent qu'au

terme de leurs trois mois d'études les cochons

étaient parvenus à réduire les principes de

l'Animalisme à Sept Commandements. Le

moment était venu d'inscrire les Sept

Commandements sur le mur. Ils constitueraient la They||

loi imprescriptible de la vie de tous sur le |imprescriptible|||||||

territoire de la Ferme des Animaux.. Non sans

quelque mal (vu que, pour un cochon, se tenir en some|||||||||

équilibre sur une échelle n'est pas commode),

Boule de Neige escalada les barreaux et se mit au

travail ; Brille-Babil, quelques degrés plus bas,

lui tendait le pot de peinture. Et c'est de la sorte

que furent promulgués les Sept Commandements,

en gros caractères blancs, sur le mur goudronné. ||||on|||

On pouvait les lire à trente mètres de là. Voici

leur énoncé :

1. Tout deuxpattes est un ennemi.

2. Tout quatrepattes ou tout volatile, un ami. ||or||||

3. Nul animal ne portera de vêtements.

4. Nul animal ne dormira dans un lit.

5. Nul animal ne boira d'alcool.

6. Nul animal ne tuera un autre animal.

7. Tous les animaux sont égaux.

C'était tout à fait bien calligraphié, si ce n'est It was||||||||

que volatile était devenu vole-t-il, et aussi à un s

près, formé à l'envers. Boule de Neige donna

lecture des Sept Commandements, à l'usage des

animaux qui n'avaient pas appris à lire. Et tous

donnèrent leur assentiment d'un signe de tête, et ||assent|||||

les esprits les plus éveillés commencèrent aussitôt

à apprendre les Sept Commandements par coeur.

« Et maintenant, camarades, aux foins ! |||to the| s'écria

Boule de Neige. Il y va de notre honneur

d'engranger la récolte plus vite que ne le feraient

Jones et ses acolytes. »

Mais à cet instant les trois vaches, qui avaient

paru mal à l'aise depuis un certain temps,

gémirent de façon lamentable. Il y avait vingt-

quatre heures qu'elles n'avaient pas été traites,

leurs pis étaient sur le point d'éclater. Après

brève réflexion, les cochons firent venir des

seaux et se mirent à la besogne. Ils s'en tirèrent

assez bien, car les pieds des cochons convenaient

à cette tâche. Bientôt furent remplis cinq seaux de

lait crémeux et mousseux que maints animaux

lorgnaient avec l'intérêt le plus vif. |||the|| L'un d'eux

dit :

« Qu'est-ce qu'on va faire avec tout ce lait ? »

Et l'une des poules :

« Quelquefois, Jones en ajoutait à la pâtée. Sometimes|||||the| »

Napoléon se planta devant les seaux et

s'écria :

« Ne vous en faites pas pour le lait,

camarades ! On va s'en occuper. We'll||| La récolte, c'est

ce qui compte. Boule de Neige va vous montrer

le chemin. Moi, je serai sur place dans quelques

minutes. En avant, camarades ! Le foin vous

attend. »

Aussi les animaux gagnèrent les champs et ils

commencèrent la fenaison, mais quand, au soir,

ils s'en retournèrent ils s'aperçurent que le lait

n'était plus là.