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Marcel Proust. Sur la Lecture ; Un Baiser & La madeleine de Proust., 10. Marcel Proust. Un Baiser. Partie 1/7.

10. Marcel Proust. Un Baiser. Partie 1/7.

Marcel Proust. Un baiser. Cette pièce a été publiée dans « La Nouvelle Revue Française » en 1921. (Tome XVI, pages 129 à 156)

Bien que ce fût simplement un dimanche d'automne, je venais de renaître, l'existence était intacte devant moi, car, dans la matinée, après une série de jours doux, il avait fait un brouillard froid qui ne s'était levé que vers midi : or un changement de temps suffit à récréer le monde et nous-mêmes. Jadis, quand le vent soufflait dans ma cheminée, j'écoutais les coups qu'il frappait contre la trappe avec autant d'émotion que si, pareils aux fameux coups d'archet par lesquels débute la cinquième Symphonie, ils avaient été les appels irrésistibles d'un mystérieux destin. Tout changement à vue de la nature nous offre une transformation semblable, en adaptant au mode nouveau des choses nos désirs harmonisés. La brume, dès le réveil, avait fait de moi, au lieu de l'être centrifuge qu'on est par les beaux jours, un homme replié, désireux du coin du feu et du lit partagé, Adam frileux en quête d'une Eve sédentaire, dans ce monde différent.

Entre la couleur grise et douce d'une campagne matinale et le goût d'une tasse de chocolat, je faisais tenir toute l'originalité de la vie physique, intellectuelle et morale que j'avais apportée une année environ auparavant à Doncières, et qui, blasonnée de la forme oblongue d'une colline pelée — toujours présente même quand elle était invisible — formait en moi une série de plaisirs entièrement distincte de tous autres, indicibles à des amis en ce sens que les impressions richement tissées les unes dans les autres qui les orchestraient, les caractérisaient bien plus pour moi et à mon insu que les faits que j'aurais pu raconter. À ce point de vue le monde nouveau dans lequel le brouillard de ce matin m'avait plongé était un monde déjà connu de moi, ce qui ne lui donnait que plus de vérité, et oublié depuis quelque temps, ce qui lui rendait toute sa fraîcheur. Et je pus regarder quelques-uns des tableaux de brume que ma mémoire avait acquis, notamment, des « Matin à Doncières », soit le premier jour au quartier, soit une autre fois, dans un château voisin où Saint-Loup m'avait emmené passer vingt-quatre heures : de la fenêtre dont j'avais soulevé les rideaux à l'aube, avant de me recoucher, dans le premier tableau, un cavalier, dans le second, un cocher en train d'astiquer une courroie sur une mince lisière d'étang ou de bois dont tout le reste était englouti dans la douceur uniforme et liquide de la brume, m'étaient apparus comme ces rares personnages, à peine distincts pour l'œil obligé de se faire au vague mystérieux des pénombres, et qui émergent d'une fresque effacée.

C'est de mon lit que je regardais aujourd'hui ces souvenirs, car je m'étais recouché pour attendre le moment où, profitant de l'absence de mes parents, partis pour quelques jours à Combray, je comptais ce soir même aller entendre une petite pièce qu'on jouait chez Mme de Villeparisis. Eux revenus, je n'aurais peut-être pas osé le faire ; ma mère, dans les scrupules de son respect pour le souvenir de ma grand'mère, voulait que les marques de regret qui lui étaient données, le fussent librement, sincèrement ; elle ne m'aurait pas défendu cette sortie, elle l'eût désapprouvée. De Combray au contraire, consultée, elle ne m'eût pas répondu par un triste : « Fais ce que tu veux, tu es assez grand pour savoir ce que tu dois faire », mais se reprochant de m'avoir laissé seul à Paris, et jugeant mon chagrin d'après le sien, elle eût souhaité pour lui des distractions qu'elle se fût refusées à. elle-même et qu'elle se persuadait que ma grand'mère, soucieuse avant tout de ma santé et de mon équilibre nerveux, m'eût conseillées. Depuis le matin on avait allumé le nouveau calorifère à eau. Son bruit désagréable qui poussait de temps à autre une sorte de hoquet n'avait aucun rapport avec mes souvenirs de Doncières. Mais sa rencontre prolongée avec eux, en moi, cet après-midi, allait lui faire contracter à leur égard une affinité telle que chaque fois que, déshabitué de lui j'entendrais de nouveau le chauffage central, il me les rappellerait.

Il n'y avait à la maison que Françoise. Le jour gris tombant comme une pluie fine, tissait sans arrêt de transparents filets dans lesquels les promeneurs dominicaux semblaient s'argenter. Malgré l'absence du soleil, l'intensité du jour m'indiquait que nous n'étions encore qu'au milieu de l'après-midi. Les rideaux de tulle de la fenêtre, vaporeux et friables, comme ils n'auraient pas été par un beau temps, avaient ce même mélange de douceur et de cassant qu'ont les ailes de libellules et les verres de Venise. Il me pesait d'autant plus d'être seul ce dimanche-là que j'avais fait porter le matin une lettre à Mlle de Stermaria. Robert de Saint-Loup, que sa mère avait réussi à faire rompre, après de douloureuses tentatives avortées, avec sa maîtresse, et qui depuis ce moment avait été envoyé au Maroc pour oublier celle qu'il n'aimait déjà plus depuis quelque temps, m'avait écrit un mot, reçu la veille, où il m'annonçait sa prochaine arrivée en France pour un congé très court. Comme il ne ferait que toucher barre à Paris (où sa famille craignait sans doute de le voir renouer avec Rachel), il m'avertissait, pour me montrer qu'il avait pensé à moi, qu'il avait rencontré à Tanger, Mlle ou plutôt Mme de Stermaria, car elle avait divorcé après trois mois de mariage. Et Robert se souvenant de ce que je lui avais dit à Balbec, avait demandé de ma part un rendez-vous à la jeune femme. Elle dînerait très volontiers avec moi, lui avait-elle répondu, l'un des jours que, avant de regagner la Bretagne, elle passerait à Paris. Il me disait de me hâter d'écrire à Mademoiselle de Stermaria car elle était certainement arrivée. La lettre de Saint-Loup ne m'avait pas étonné bien que je n'eusse pas reçu de nouvelles de lui, depuis qu'au moment de la maladie de ma grand'mère il m'avait accusé de perfidie et de trahison, j'avais très bien compris alors ce qui s'était passé. Rachel qui aimait à exciter sa jalousie — elle avait des raisons accessoires aussi de m'en vouloir — avait persuadé à son amant que j'avais tait des tentatives sournoises pour avoir, pendant l'absence de Robert, des relations avec elle, il est probable qu'il continuait à croire que c'était vrai, mais il avait cessé d'être épris d'elle, de sorte que vrai ou non cela lui était devenu parfaitement égal et que notre amitié seule subsistait. Quand une fois que je l'eus revu, je voulus essayer de lui parler de ses reproches, il eut seulement un bon et tendre sourire par lequel il avait l'air de s'excuser, puis il changea de conversation. Ce n'est pas qu'il ne dût un peu plus tard, quand il fut à Paris, revoir quelquefois Rachel. Les créatures qui ont joué un grand rôle dans notre vie, il est rare qu'elles en sortent tout d'un coup d'une façon définitive. Elles reviennent s'y poser par moments (au point que certains croient à un recommencement d'amour) avant de la quitter à jamais. La rupture de Saint-Loup avec Rachel lui était très vite devenue moins douloureuse, grâce au plaisir apaisant que lui apportaient les incessantes demandes d'argent de son amie. La jalousie, qui prolonge l'amour ne peut pas contenir beaucoup plus de choses que les autres formes de l'imagination. Si l'on emporte, quand on part en voyage, trois ou quatre images, qui du reste se perdront en route (les lys et les anémones du Ponte Vecchio, l'église persane dans les brumes, etc. ), la malle est déjà bien pleine. Quand on quitte une maîtresse, on voudrait bien, jusqu'à ce qu'on l'ait un peu oubliée, qu'elle ne devînt pas la possession de trois ou quatre entreteneurs possibles et qu'on se figure, c'est-à- dire dont on est jaloux. Tous ceux qu'on ne se figure pas ne sont rien. Or, les demandes d'argent fréquentes d'une maîtresse quittée ne vous donnent pas plus une idée complète de sa vie que des feuilles de température élevée ne donneraient de sa maladie. Mais les secondes seraient tout de même un signe qu'elle est malade et les premières fournissent une présomption, assez vague, il est vrai, que la délaissée ou délaisseuse n'a pas dû trouver grand'chose comme riche protecteur. Aussi, chaque demande est-elle accueillie avec la joie que produit une accalmie dans la souffrance du jaloux, et suivie immédiatement d'envois d'argent, car on veut qu'elle ne manque de rien, sauf d'amants (d'un des trois amants qu'on se figure), le temps de se rétablir un peu soi-même et de pouvoir apprendre sans faiblesse le nom du successeur. Quelquefois Rachel revint assez tard dans la soirée pour demander à son ancien amant la permission de dormir à côté de lui jusqu'au matin. C'était une grande douceur pour Robert, car il se rendait compte combien ils avaient tout de même vécu intimement ensemble, rien qu'à voir que, même s'il prenait à lui seul une grande moitié du lit, il ne la dérangeait en rien pour dormir. Il comprenait qu'elle était, près de son corps, plus commodément qu'elle n'eût été ailleurs, qu'elle se retrouvait à son côté — fût-ce à l'hôtel — comme dans une chambre anciennement connue où l'on a ses habitudes, où on dort mieux. Il sentait que ses épaules, ses jambes, tout lui, étaient pour elle, même quand il remuait trop par insomnie ou travail à faire, de ces choses si parfaitement usuelles qu'elles ne peuvent gêner et que leur perception ajoute encore à la sensation du repos.

Pour revenir en arrière, j'avais été d'autant plus troublé par la lettre de Robert que je lisais entre les lignes ce qu'il n'avait pas osé écrire plus explicitement. « Tu peux très bien l'inviter en cabinet particulier, me disait-il. C'est une jeune personne charmante, d'un délicieux caractère, vous vous entendrez parfaitement et je suis certain d'avance que tu passeras une très bonne soirée. » Comme mes parents rentraient à la fin de la semaine, samedi ou dimanche, et qu'après je serais forcé de dîner tous les soirs à la maison, j'avais aussitôt écrit à Mademoiselle de Stermaria pour lui proposer le jour qu'elle voudrait, jusqu'à vendredi. On avait répondu que j'aurais une lettre, vers huit heures ce soir même. Je l'aurais atteint assez vite si j'avais eu pendant l'après-midi qui me séparait de lui le secours d'une visite. Quand les heures s'enveloppent de causeries, on ne peut plus les mesurer, même les voir, elles s'évanouissent et tout d'un coup c'est bien loin du point où il vous avait échappé que reparaît devant votre attention le temps agile et escamoté. Mais si nous sommes seuls, en préoccupation en ramenant devant nous le moment encore éloigné et sans cesse attendu, avec la fréquence et l'uniformité d'un tic-tac, divise ou plutôt multiplie les heures par toutes les minutes qu'entre amis nous n'aurions pas comptées. Et confronté, par le retour incessant de mon désir, à l'ardent plaisir que je goûterais dans quelques jours seulement, hélas ! avec Mademoiselle de Stermaria, cet après-midi que j'allais achever seul, me paraissait bien vide et bien mélancolique.

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10. Marcel Proust. Un Baiser. Partie 1/7. 10. Marcel Proust. Un Baiser. Part 1/7. 10. Marcel Proust. Een kus. Deel 1/7. 10. Marcel Proust. Um beijo. Parte 1/7. 10. Marcel Proust. En kyss. Del 1/7. 10.马塞尔·普鲁斯特。一个吻。第 1/7 部分。

Marcel Proust. Un baiser. Cette pièce a été publiée dans « La Nouvelle Revue Française » en 1921. (Tome XVI, pages 129 à 156)

Bien que ce fût simplement un dimanche d’automne, je venais de renaître, l’existence était intacte devant moi, car, dans la matinée, après une série de jours doux, il avait fait un brouillard froid qui ne s’était levé que vers midi : or un changement de temps suffit à récréer le monde et nous-mêmes. Although it was just an autumn Sunday, I had just been reborn, existence was intact before me, for in the morning, after a series of balmy days, there had been a cold fog that had only lifted. around noon: a change of weather is enough to recreate the world and ourselves. Jadis, quand le vent soufflait dans ma cheminée, j’écoutais les coups qu’il frappait contre la trappe avec autant d’émotion que si, pareils aux fameux coups d’archet par lesquels débute la cinquième Symphonie, ils avaient été les appels irrésistibles d’un mystérieux destin. |||||||||||||||||||||||||of bow||||||||||||||| Tout changement à vue de la nature nous offre une transformation semblable, en adaptant au mode nouveau des choses nos désirs harmonisés. Any change in sight of nature offers us a similar transformation, adapting our harmonized desires to the new mode of things. La brume, dès le réveil, avait fait de moi, au lieu de l’être centrifuge qu’on est par les beaux jours, un homme replié, désireux du coin du feu et du lit partagé, Adam frileux en quête d’une Eve sédentaire, dans ce monde différent. |||||||||||||centrifugal|||||||||||||||||||||||||sedentary|||| The mist, as soon as I woke up, had made me, instead of the centrifugal being that we are in fine weather, a withdrawn man, eager for the fireside and the shared bed, a chilly Adam in search of an Eve sedentary, in this different world.

Entre la couleur grise et douce d’une campagne matinale et le goût d’une tasse de chocolat, je faisais tenir toute l’originalité de la vie physique, intellectuelle et morale que j’avais apportée une année environ auparavant à Doncières, et qui, blasonnée de la forme oblongue d’une colline pelée — toujours présente même quand elle était invisible — formait en moi une série de plaisirs entièrement distincte de tous autres, indicibles à des amis en ce sens que les impressions richement tissées les unes dans les autres qui les orchestraient, les caractérisaient bien plus pour moi et à mon insu que les faits que j’aurais pu raconter. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||coated||||oblong|||peeled|||||||||||||||||||||||||||||||woven||||||||orchestrated||||||||||||||||| Between the gray and soft color of a morning countryside and the taste of a cup of chocolate, I brought together all the originality of the physical, intellectual and moral life that I had brought about a year before to Doncières, and which , emblazoned with the oblong shape of a peeled hill - always present even when it was invisible - formed in me a series of pleasures entirely distinct from all others, unspeakable to friends in the sense that the impressions richly woven into each other who orchestrated them, characterized them much more to me and without my knowing it than the facts that I could have related. À ce point de vue le monde nouveau dans lequel le brouillard de ce matin m’avait plongé était un monde déjà connu de moi, ce qui ne lui donnait que plus de vérité, et oublié depuis quelque temps, ce qui lui rendait toute sa fraîcheur. Et je pus regarder quelques-uns des tableaux de brume que ma mémoire avait acquis, notamment, des « Matin à Doncières », soit le premier jour au quartier, soit une autre fois, dans un château voisin où Saint-Loup m’avait emmené passer vingt-quatre heures : de la fenêtre dont j’avais soulevé les rideaux à l’aube, avant de me recoucher, dans le premier tableau, un cavalier, dans le second, un cocher en train d’astiquer une courroie sur une mince lisière d’étang ou de bois dont tout le reste était englouti dans la douceur uniforme et liquide de la brume, m’étaient apparus comme ces rares personnages, à peine distincts pour l’œil obligé de se faire au vague mystérieux des pénombres, et qui émergent d’une fresque effacée. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||repaint||||||||||||||of polishing||belt||||border|of pond|||||||||swallowed|||softness||||||||||||||||||||||||||shadows|||||mural|erased And I was able to look at some of the misty pictures that my memory had acquired, notably, 'Morning at Doncières,' either the first day in the neighborhood or another time in a nearby castle where Saint-Loup had taken me to spend twenty-four hours: from the window whose curtains I had lifted at dawn, before getting back into bed, in the first picture, a horseman, in the second, a coachman polishing a strap by a thin edge of a pond or woods, of which all the rest was submerged in the uniform and liquid softness of the mist, appeared to me like those rare figures, barely distinct to the eye forced to acclimate to the mysterious vagueness of the shadows, and which emerge from a faded fresco. 我可以回忆起一些我的记忆中获得的朦胧画面,特别是《在唐西耶的早晨》,无论是第一次在我的区里,还是另一次在圣卢普带我去的一个邻近城堡里度过二十四小时:在我清晨拉开窗帘之前的窗户里,在第一个画面中出现了一位骑士,在第二个画面中,一个马车夫正在对着一条细小的池塘或林边的带子擦拭,而其余的一切则淹没在朦胧的温柔液体中,像这些稀有的人物,几乎无法被迫眼睛适应模糊神秘的阴影,渐渐浮现于一幅淡忘的壁画中。

C’est de mon lit que je regardais aujourd’hui ces souvenirs, car je m’étais recouché pour attendre le moment où, profitant de l’absence de mes parents, partis pour quelques jours à Combray, je comptais ce soir même aller entendre une petite pièce qu’on jouait chez Mme de Villeparisis. |||||||||||||reclined||||||||||||||||||||||||||||||||| It was from my bed that I looked at these memories today, for I had gotten back into bed to wait for the moment when, taking advantage of my parents' absence, who had gone for a few days to Combray, I planned to go hear a small play that was being performed at Madame de Villeparisis’s this very evening. 今天我是从床上看这些回忆的,因为我又躺下等待时机,当时我的父母去康布雷待了几天,我打算今晚去听一出在维尔帕里斯夫人家演出的小戏剧。 Eux revenus, je n’aurais peut-être pas osé le faire ; ma mère, dans les scrupules de son respect pour le souvenir de ma grand’mère, voulait que les marques de regret qui lui étaient données, le fussent librement, sincèrement ; elle ne m’aurait pas défendu cette sortie, elle l’eût désapprouvée. |||||||||||||||||||||||grandmother|||||||||||||||||||||||| Once they returned, I perhaps would not have dared to do so; my mother, in her scruples of respect for my grandmother's memory, wanted the marks of regret expressed to her to be freely and sincerely given; she would not have forbidden me this outing, but she would have disapproved of it. 他们回来时,我也许不敢这么做;我的母亲,在对我祖母记忆的尊重中有些顾虑,希望给她的遗憾标志是自由的、真诚的;她不会阻止我去,但她会不赞同这个想法。 De Combray au contraire, consultée, elle ne m’eût pas répondu par un triste : « Fais ce que tu veux, tu es assez grand pour savoir ce que tu dois faire », mais se reprochant de m’avoir laissé seul à Paris, et jugeant mon chagrin d’après le sien, elle eût souhaité pour lui des distractions qu’elle se fût refusées à. elle-même et qu’elle se persuadait que ma grand’mère, soucieuse avant tout de ma santé et de mon équilibre nerveux, m’eût conseillées. ||||consulted||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||worried||||||||||||advised De Combray, on the contrary, consulted, she would not have answered me with a sad: "Do what you want, you are old enough to know what to do", but reproach herself for having left me alone in Paris, and judging my grief by hers, she would have wished for him distractions which she would have refused herself. herself and that she convinced herself that my grandmother, anxious above all for my health and my nervous equilibrium, had advised me. 相反地,如果咨询自康布雷,她不会以悲哀的口气回应我:“随便你吧,你已经长大,知道自己该做什么”,而是会自责自己让我要独自一人在巴黎,按她自己的痛苦来判断我的悲伤,她会希望我得到一些她本来拒绝自己的消遣,并且她会说服自己,我的祖母关心我健康和神经平衡,应该会建议我这样做。 Depuis le matin on avait allumé le nouveau calorifère à eau. Since the morning, we had turned on the new water heater. 从早上起,就已经点燃了新的水暖器。 Son bruit désagréable qui poussait de temps à autre une sorte de hoquet n’avait aucun rapport avec mes souvenirs de Doncières. ||||||||||||hiccup|||||||| Its unpleasant noise that occasionally emitted a sort of hiccup had no connection to my memories of Doncières. 那种偶尔发出一种怪异的噪音的噪声与我对东西耶尔的记忆毫无关系。 Mais sa rencontre prolongée avec eux, en moi, cet après-midi, allait lui faire contracter à leur égard une affinité telle que chaque fois que, déshabitué de lui j’entendrais de nouveau le chauffage central, il me les rappellerait. But its prolonged encounter with them, within me, this afternoon, would cause it to develop such an affinity for them that each time I would hear the central heating again, unaccustomed to it, it would remind me of them. 但是,今天下午与他们的长时间相处,会让我对他们产生一种依恋,以至于每当我失去这种感觉而重新听到中央供暖的时候,它们就会让我想起他们。

Il n’y avait à la maison que Françoise. |||||||Françoise 家里只有弗朗索瓦兹。 Le jour gris tombant comme une pluie fine, tissait sans arrêt de transparents filets dans lesquels les promeneurs dominicaux semblaient s’argenter. ||||||||was weaving||||||||||domiciliary||silver The gray day, falling like a fine rain, was constantly weaving transparent nets in which the Sunday strollers seemed to be silvery. 灰色的日子像细雨一样下着,不停地编织着透明的网,周日的散步者仿佛被镀上了一层银。 Malgré l’absence du soleil, l’intensité du jour m’indiquait que nous n’étions encore qu’au milieu de l’après-midi. 尽管没有阳光,白天的强度告诉我我们还只是下午的中间。 Les rideaux de tulle de la fenêtre, vaporeux et friables, comme ils n’auraient pas été par un beau temps, avaient ce même mélange de douceur et de cassant qu’ont les ailes de libellules et les verres de Venise. |||||||vaporous|||||||||||||this|||||||brittleness||the|||dragonflies||||| 窗户上的薄纱窗帘,轻盈而易碎,正如在美好天气下那样,拥有着与蜻蜓翅膀和威尼斯玻璃相同的柔和与脆弱的混合感。 Il me pesait d’autant plus d’être seul ce dimanche-là que j’avais fait porter le matin une lettre à Mlle de Stermaria. ||weighed||||||||||||||||||| Robert de Saint-Loup, que sa mère avait réussi à faire rompre, après de douloureuses tentatives avortées, avec sa maîtresse, et qui depuis ce moment avait été envoyé au Maroc pour oublier celle qu’il n’aimait déjà plus depuis quelque temps, m’avait écrit un mot, reçu la veille, où il m’annonçait sa prochaine arrivée en France pour un congé très court. ||||||||||||||||averted||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Comme il ne ferait que toucher barre à Paris (où sa famille craignait sans doute de le voir renouer avec Rachel), il m’avertissait, pour me montrer qu’il avait pensé à moi, qu’il avait rencontré à Tanger, Mlle ou plutôt Mme de Stermaria, car elle avait divorcé après trois mois de mariage. ||||||bar||||||||||||||||was warning|||||||||||||||||||||||||||| Et Robert se souvenant de ce que je lui avais dit à Balbec, avait demandé de ma part un rendez-vous à la jeune femme. |||remembering||||||||||||||||||||| Elle dînerait très volontiers avec moi, lui avait-elle répondu, l’un des jours que, avant de regagner la Bretagne, elle passerait à Paris. Il me disait de me hâter d’écrire à Mademoiselle de Stermaria car elle était certainement arrivée. ||||||||||Stermaria||||| He told me to hurry to write to Mademoiselle de Stermaria because she had certainly arrived. La lettre de Saint-Loup ne m’avait pas étonné bien que je n’eusse pas reçu de nouvelles de lui, depuis qu’au moment de la maladie de ma grand’mère il m’avait accusé de perfidie et de trahison, j’avais très bien compris alors ce qui s’était passé. ||||||||||||||||||||||||||||||||perfidiousness|||||||||||| Rachel qui aimait à exciter sa jalousie — elle avait des raisons accessoires aussi de m’en vouloir — avait persuadé à son amant que j’avais tait des tentatives sournoises pour avoir, pendant l’absence de Robert, des relations avec elle, il est probable qu’il continuait à croire que c’était vrai, mais il avait cessé d’être épris d’elle, de sorte que vrai ou non cela lui était devenu parfaitement égal et que notre amitié seule subsistait. Rachel||||||||||||||||||||||||||sneaky||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Quand une fois que je l’eus revu, je voulus essayer de lui parler de ses reproches, il eut seulement un bon et tendre sourire par lequel il avait l’air de s’excuser, puis il changea de conversation. When once I saw him again, I wanted to try to talk to him about his reproaches, he only gave a kind, tender smile that seemed to apologize, then he changed the conversation. Ce n’est pas qu’il ne dût un peu plus tard, quand il fut à Paris, revoir quelquefois Rachel. |||||||||||||||||Rachel Les créatures qui ont joué un grand rôle dans notre vie, il est rare qu’elles en sortent tout d’un coup d’une façon définitive. ||||played|||||||||||in||all|||||definitive The creatures that have played a big part in our life, it is rare that they come out suddenly in a definitive way. 在我们生活中扮演重要角色的生物,突然彻底离开是很少见的。 Elles reviennent s’y poser par moments (au point que certains croient à un recommencement d’amour) avant de la quitter à jamais. 它们时不时会重新出现(以至于有些人相信爱情的重新开始),然后永远离开。 La rupture de Saint-Loup avec Rachel lui était très vite devenue moins douloureuse, grâce au plaisir apaisant que lui apportaient les incessantes demandes d’argent de son amie. ||||||Rachel|||||||||||soothing|||||||||| Saint-Loup's break with Rachel had quickly become less painful for him, thanks to the soothing pleasure brought to him by his friend's incessant demands for money. 圣-卢普与拉谢尔的分手很快就变得不那么痛苦了,这得益于他朋友不断的金钱请求所带来的安慰和乐趣。 La jalousie, qui prolonge l’amour ne peut pas contenir beaucoup plus de choses que les autres formes de l’imagination. Si l’on emporte, quand on part en voyage, trois ou quatre images, qui du reste se perdront en route (les lys et les anémones du Ponte Vecchio, l’église persane dans les brumes, etc. ||||||||||||||||will lose||||lilies|||anemones|||Vecchio||Persian|||| If we take, when we go on a trip, three or four images, which will be lost on the way (the lilies and anemones of Ponte Vecchio, the Persian church in the mists, etc. 如果在旅行时带上三四幅图像,尽管它们在路上会遗失(如波桥的百合和风信子、雾中的波斯教堂等), ), la malle est déjà bien pleine. ), the trunk is already full. 那么箱子已经装得很满了。 Quand on quitte une maîtresse, on voudrait bien, jusqu’à ce qu’on l’ait un peu oubliée, qu’elle ne devînt pas la possession de trois ou quatre entreteneurs possibles et qu’on se figure, c’est-à- dire dont on est jaloux. |||||||||||has||||||||||||||maintainers|||||||||||| When we leave a mistress, we would like, until we have forgotten her a little, that she does not become the possession of three or four possible keepers and that we imagine, that is to say - say that we are jealous of. 当我们离开一个情人时,希望直到我们稍微忘记她之前,她不会成为三个或四个可能的情人的所有物,而我们又会想象,她正是我们嫉妒的对象。 Tous ceux qu’on ne se figure pas ne sont rien. All those that we cannot imagine are nothing. 我们无法想象的所有人都是无足轻重的。 Or, les demandes d’argent fréquentes d’une maîtresse quittée ne vous donnent pas plus une idée complète de sa vie que des feuilles de température élevée ne donneraient de sa maladie. ||||frequent||||||||more||||||||||||||would||| However, the frequent requests for money of a departed mistress do not give you a complete idea of her life any more than sheets of high temperature would give of her illness. 然而,一个被抛弃的情人的频繁金钱要求并不能让你对她的生活有更全面的了解,就像高温的体温单并不能揭示她的病情一样。 Mais les secondes seraient tout de même un signe qu’elle est malade et les premières fournissent une présomption, assez vague, il est vrai, que la délaissée ou délaisseuse n’a pas dû trouver grand’chose comme riche protecteur. ||||||||||||||||||||||true|||neglected||leaver|||||||| But the seconds would still be a sign that she is unwell, and the first provide a presumption, quite vague it is true, that the abandoned or abandoning one must not have found much of a wealthy protector. 但后者仍然是她生病的一个迹象,而前者则提供了一个相当模糊的假设,确实如此,被遗弃者或抛弃者应该没有找到什么富有的保护者。 Aussi, chaque demande est-elle accueillie avec la joie que produit une accalmie dans la souffrance du jaloux, et suivie immédiatement d’envois d’argent, car on veut qu’elle ne manque de rien, sauf d’amants (d’un des trois amants qu’on se figure), le temps de se rétablir un peu soi-même et de pouvoir apprendre sans faiblesse le nom du successeur. ||||||||||||calm|||||||||of shipments|||||||||||||||||||||||reestablish|||||||||||||| Thus, each request is met with the joy that comes from a lull in the suffering of the jealous, and is immediately followed by money transfers, for one wants her to want for nothing, except for lovers (one of the three lovers imagined), during the time to recover a little oneself and to be able to learn without weakness the name of the successor. 另外,每一个请求都是带着嫉妒者内心痛苦缓解所带来的喜悦而受到欢迎,紧接着便是金钱的汇送,因为大家希望她一无所缺,除了情人(其中一个想象中的三位情人),以便在自己稍微恢复一下的同时能够毫不软弱地学会接班人的名字。 Quelquefois Rachel revint assez tard dans la soirée pour demander à son ancien amant la permission de dormir à côté de lui jusqu’au matin. |Rachel|||||||||||||||||||||| Sometimes Rachel returned quite late in the evening to ask her former lover for permission to sleep next to him until morning. 有时,瑞秋会在晚上很晚的时候回来,请求她的前情人允许她在他身边睡到早晨。 C’était une grande douceur pour Robert, car il se rendait compte combien ils avaient tout de même vécu intimement ensemble, rien qu’à voir que, même s’il prenait à lui seul une grande moitié du lit, il ne la dérangeait en rien pour dormir. 对罗伯特来说,这是一种巨大的温柔,因为他意识到他们毕竟是何等亲密地生活在一起,仅仅通过看到他自己占据了大半个床的位置,却一点也没有打扰她的睡眠。 Il comprenait qu’elle était, près de son corps, plus commodément qu’elle n’eût été ailleurs, qu’elle se retrouvait à son côté — fût-ce à l’hôtel — comme dans une chambre anciennement connue où l’on a ses habitudes, où on dort mieux. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||on|slept| He understood that she was, close to his body, more conveniently than she would have been elsewhere, that she found herself at his side - even at the hotel - as in a room formerly known where one has its habits, where we sleep better. Il sentait que ses épaules, ses jambes, tout lui, étaient pour elle, même quand il remuait trop par insomnie ou travail à faire, de ces choses si parfaitement usuelles qu’elles ne peuvent gêner et que leur perception ajoute encore à la sensation du repos. ||||||||||||||||||insomnia||||||||||usual|||||||||||||||rest

Pour revenir en arrière, j’avais été d’autant plus troublé par la lettre de Robert que je lisais entre les lignes ce qu’il n’avait pas osé écrire plus explicitement. To go back, I had been all the more disturbed by Robert's letter as I read between the lines what he had not dared to write more explicitly. « Tu peux très bien l’inviter en cabinet particulier, me disait-il. ||||invite|||||| C’est une jeune personne charmante, d’un délicieux caractère, vous vous entendrez parfaitement et je suis certain d’avance que tu passeras une très bonne soirée. |||||||||||||||||||will spend|||| She is a charming young person, with a delicious character, you will get along perfectly and I am sure in advance that you will have a very good evening. » Comme mes parents rentraient à la fin de la semaine, samedi ou dimanche, et qu’après je serais forcé de dîner tous les soirs à la maison, j’avais aussitôt écrit à Mademoiselle de Stermaria pour lui proposer le jour qu’elle voudrait, jusqu’à vendredi. |||returned|||||||||||||||||||||||||||||||||||||| On avait répondu que j’aurais une lettre, vers huit heures ce soir même. Je l’aurais atteint assez vite si j’avais eu pendant l’après-midi qui me séparait de lui le secours d’une visite. I would have reached him quite quickly if I had had the help of a visit during the afternoon that separated me from him. 如果在我与他之间的那段下午,我能得到一场拜访的帮助,我会很快就能赶上他。 Quand les heures s’enveloppent de causeries, on ne peut plus les mesurer, même les voir, elles s’évanouissent et tout d’un coup c’est bien loin du point où il vous avait échappé que reparaît devant votre attention le temps agile et escamoté. ||||||||||||||||vanish||||||||||||||||||||||||vanished When hours are enveloped in conversations, they can no longer be measured, not even seen; they vanish, and suddenly the agile and elusive time reappears before your attention, far from the point where it had slipped away from you. 当时间被谈话包围时,我们无法再衡量它,甚至看见它,它们消失了,突然间,在你失去它的那个时刻,敏捷且隐秘的时间再次出现在你的注意之中,离你所失去的时刻相去甚远。 Mais si nous sommes seuls, en préoccupation en ramenant devant nous le moment encore éloigné et sans cesse attendu, avec la fréquence et l’uniformité d’un tic-tac, divise ou plutôt multiplie les heures par toutes les minutes qu’entre amis nous n’aurions pas comptées. |||||||||||||||||||||||||||divides|||||||||||||||counted But if we are alone, preoccupied in bringing before us the still distant and endlessly awaited moment, with the frequency and uniformity of a tick-tock, it divides or rather multiplies the hours by all the minutes that among friends we would not have counted. 但是如果我们独自一人,忧虑着将远未到来的时刻不断地拉到眼前,像滴答声一样频繁而均匀地划分,或者更确切地说,是将时间的每一小时与我们在朋友之间不会计算的每一分钟相乘。 Et confronté, par le retour incessant de mon désir, à l’ardent plaisir que je goûterais dans quelques jours seulement, hélas ! |||||incessant|||||||||would taste||||| 面对我不断回归的欲望,只有几天后才能品味到的热烈快乐,唉! avec Mademoiselle de Stermaria, cet après-midi que j’allais achever seul, me paraissait bien vide et bien mélancolique. |||Stermaria|||||||||||||| with Mademoiselle de Stermaria, this afternoon which I was going to finish alone, seemed to me very empty and very melancholy. 与斯特玛莉亚小姐一同度过的这个下午,我即将独自结束,显得非常空虚而凄凉。