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Enlevé Kidnapped, Chapitre 15

Chapitre 15

XV. Le garçon au bouton d'argent à travers l'île de Mull Le Ross de Mull, sur lequel je venais d'arriver, était raboteux et sans chemin frayé, juste comme l'île que je venais de quitter : ce n'était que boue, bruyère et grosses pierres. Il y a peut-être des routes dans ce pays, pour ceux qui le connaissent bien ; mais, pour ma part, je n'avais d'autre flair, ni d'autre point de ralliement que Ben More. Je me dirigeai tant bien que mal sur la fumée que j'avais vue si souvent de l'île ; ma fatigue extrême et les difficultés du chemin m'empêchèrent d'atteindre avant cinq ou six heures du soir la maison au fond du petit creux. Elle était basse et allongée, recouverte de gazon et bâtie en pierre sans mortier ; et devant, sur un tertre, un vieux gentleman était assis, fumant sa pipe au soleil.

Grâce au peu d'anglais qu'il savait, il me fit comprendre que mes compagnons de bord étaient arrivés à terre sains et saufs, et qu'ils avaient cassé la croûte dans cette maison même. – Y en avait-il un, demandai-je, vêtu comme un gentilhomme ?

Il me répondit que tous portaient de grands surtouts grossiers ; toutefois, celui qui était venu seul portait culottes et bas, tandis que les autres avaient des pantalons de matelots.

– Ah ! dis-je, et il avait sans doute aussi un chapeau à plume ?

Il me répondit que non, et qu'il était nu-tête, comme moi. Je crus d'abord qu'Alan avait perdu son chapeau ; mais ensuite je me souviens de la pluie, et jugeai plus vraisemblable qu'il l'avait mis à l'abri sous son surtout. L'idée me fit sourire, tant parce que mon ami était sauvé, qu'à cause de sa fatuité en matière de costume. Mais le vieux gentleman, se frappant le front, s'écria que je devais être le garçon au bouton d'argent. – Mais oui, répondis-je, un peu étonné.

– Eh bien, alors, dit le vieux gentleman, je suis chargé de vous dire que vous devez rejoindre votre ami dans son pays, près de Torosay.

Il me demanda ensuite comment je m'en étais tiré, et je lui contai mon histoire. Un homme du sud aurait certainement ri ; mais ce vieux gentleman (je l'appelle ainsi à cause de ses manières, car il n'avait que des loques sur le dos) m'écouta jusqu'au bout sans manifester autre chose qu'une compassion sérieuse. Quand j'eus fini, il me prit par la main, m'introduisit dans sa cahute (c'est le mot) et me présenta à sa femme comme si elle eût été la reine et moi un duc. La bonne ménagère posa devant moi un pain d'avoine et un coq de bruyère froid, tout en me tapotant l'épaule et me souriant, car elle ne savait pas l'anglais ; et le vieux gentleman (pour ne pas être en reste) me fit un punch très fort de leur eau-de-vie locale. Tout le temps que je mangeai, et ensuite en buvant le punch, je pouvais à peine croire à mon bonheur ; et la maison, bien qu'elle fût obscurcie par la fumée de la tourbe et pleine de trous comme une écumoire, me faisait l'effet d'un palais. Le punch me procura une forte transpiration et un sommeil sans rêves ; les bonnes gens me laissèrent dormir ; et il était près de midi, le lendemain, lorsque je repris la route, la gorge déjà en meilleur état, et mon courage tout à fait restauré par le bon gîte et les bonnes nouvelles. J'eus beau presser le vieux gentleman, il ne voulut pas accepter d'argent, et il me donna même un vieux bonnet pour me couvrir la tête ; mais je reconnais volontiers que je ne fus pas plus tôt hors de vue de sa maison, que je lavai soigneusement ce cadeau dans une fontaine au bord de la route. Et je me disais : « Si ce sont là les sauvages Highlanders, je souhaiterais voir mes compatriotes aussi sauvages. Non seulement j'étais parti tard, mais je dus me fourvoyer la moitié du chemin. À la vérité, je rencontrai beaucoup de gens, grattant leurs misérables carrés de terre incapables de nourrir un chat, où paissaient des vaches minuscules, de la taille à peu près d'un baudet. Le costume du Highland étant interdit par la loi depuis la rébellion, et le peuple condamné au vêtement des basses-terres, qu'il détestait, la variété des accoutrements faisait un curieux spectacle. Les uns allaient nus, à part un paletot flottant ou surtout, et portaient leur pantalon sur l'épaule comme un fardeau inutile ; d'autres s'étaient confectionné un simulacre de tartan avec d'étroites bandes d'étoffe bigarrée cousues ensemble comme un couvre-pied de vieille femme ; d'autres encore portaient toujours le philabeg[24] du Highland, mais, à l'aide de quelques points faufilés entre les jambes, l'avaient métamorphosé en une sorte de pantalon hollandais. Tous ces déguisements étaient prohibés et punis, car on appliquait la loi avec sévérité, dans l'espoir de briser l'esprit de clan ; mais dans cette île perdue au bout du monde, il y avait peu de gens pour y faire attention, et encore moins pour l'aller raconter. Tous semblaient être dans une grande pauvreté ; chose sans doute naturelle, à présent que l'on avait mis fin à la rapine, et que les chefs ne tenaient plus table ouverte. Les routes (jusqu'à cette piste rustique et sinueuse que je suivais) étaient infestées de mendiants. Et là encore je notai une différence avec la partie du pays où j'étais né. Car nos mendiants du Lowland – même ceux en robe, patentés – avaient une manière à eux de basse flagornerie, et si vous leur donniez un patard, en réclamant la monnaie, ils vous rendaient poliment un liard. Mais ces mendiants du Highland se drapaient dans leur dignité, ne demandaient l'aumône que pour acheter de la prise (à leur dire) et ne rendaient pas la monnaie. À coup sûr, je ne m'en souciais guère, à part l'intérêt que cela m'offrait chemin faisant. Mais ce qui m'ennuyait davantage, peu de gens savaient l'anglais, et ceux-là (à moins qu'ils ne fussent de la confrérie des mendiants) n'étaient guère désireux de mettre leur anglais à mon service. Je savais que j'allais à Torosay, et je leur redisais le mot avec un geste d'interrogation ; mais au lieu d'un geste de réponse, ils me répliquaient par une kyrielle de gaélique qui m'ahurissait ; il n'y a donc rien d'étonnant si je déviai de la bonne route aussi souvent que je la suivais. Enfin, vers huit heures du soir, et déjà recru de fatigue, j'arrivai à une maison isolée où je demandai l'hospitalité. Je venais d'essuyer un refus, lorsque je m'avisai de la puissance de l'argent dans un pays aussi pauvre, et présentai une de mes guinées entre le pouce et l'index. Aussitôt, l'homme de la maison, qui avait jusque-là fait semblant d'ignorer l'anglais et m'avait chassé de son seuil par gestes, se mit à parler aussi clairement qu'il en était besoin, et consentit, moyennant cinq shillings, à me donner le gîte pour la nuit et à me guider le lendemain jusqu'à Torosay. Je dormis mal cette nuit-là, dans la crainte d'être volé ; mais je n'avais pas besoin d'avoir peur, car mon hôte n'était pas larron, mais simplement très pauvre et des plus fourbes. Il n'était pas seul dans sa pauvreté, car le matin il nous fallut faire environ cinq milles jusqu'à la maison de ce qu'il appelait un riche homme pour changer une de mes guinées. Ce riche l'était peut-être pour Mull ; on ne l'aurait guère jugé tel dans le sud ; car il dut réunir toutes ses richesses, – la maison fut retournée de fond en comble et un voisin mis à contribution, avant de parfaire une somme de vingt shillings en argent. Le shilling de reste, il le garda pour lui, soutenant qu'il oserait à peine avoir chez lui « sous clef » une somme aussi importante. D'ailleurs, il se montra fort poli et bien élevé, nous fit asseoir tous deux avec sa famille pour dîner et prépara du punch dans un beau saladier de porcelaine, ce qui réjouit mon coquin de guide à un point tel qu'il ne voulut plus repartir. J'étais prêt à me mettre en colère, et pris à témoin le riche homme (il s'appelait Hector Maclean) qui venait d'assister à notre marché et au paiement des cinq shillings. Mais Maclean avait pris sa part du punch et il jura qu'aucun gentleman ne quitterait sa table une fois le saladier préparé. Il ne me resta plus qu'à me rasseoir et à écouter des toasts jacobites et des chants gaéliques, jusqu'à l'heure où tout le monde fut ivre et où chacun s'alla coucher dans son lit ou dans la grange. Le jour suivant (quatrième de mes pérégrinations) nous fûmes sur pied avant cinq heures ; mais mon coquin de guide se remit aussitôt à boire, car il était trois heures quand je parvins à le faire sortir de la maison, et cela (comme on va le voir) pour aboutir à un autre désagrément.

Aussi longtemps que nous descendîmes un val de bruyère qui s'allongeait devant la maison de M. Maclean, tout alla bien ; si ce n'est que mon guide regardait sans cesse derrière lui, et lorsque je lui demandais pourquoi, il me répondait par une grimace. Mais à peine avions-nous franchi la crête d'une colline et perdu de vue les fenêtres de la maison, il me dit que j'avais Torosay juste devant moi et qu'un sommet (qu'il me désigna) était mon meilleur repère. – Peu m'importe, dis-je, puisque vous venez avec moi. L'impudent fourbe me répondit en gaélique qu'il ne savait pas l'anglais. – Mon bon ami, dis-je, je m'aperçois que votre anglais va et vient facilement. Dites-moi ce qui pourrait le ramener. Est-ce encore de l'argent qu'il vous faut ? – Cinq shillings de plus, dit-il, et je vous y conduis.

Après quelque réflexion, je lui offris deux, qu'il s'empressa d'accepter, mais il tint absolument à les avoir en main tout de suite, – « pour la chance », comme il disait, bien que ce fût plutôt pour le malheur. Les deux shillings ne le menèrent pas beaucoup plus loin qu'un nombre égal de milles, au bout desquels il s'assit au bord de la route et retira ses brogues[25] de ses pieds comme pour se reposer. J'étais à présent chauffé au rouge. – Ha ! dis-je ; vous ne savez plus l'anglais ? Il me répondit cyniquement :

– Non.

Ma colère déborda, et je levai la main pour le frapper. Lui, tirant un couteau de dessous ses haillons, se ramassa sur lui-même en soufflant comme un chat irrité. Alors, emporté par ma colère, je m'élançai sur lui, détournai son couteau de la main gauche et le frappai de mon poing droit sur la bouche. J'étais un garçon robuste et très en colère et lui un tout petit homme : il tomba pesamment à mes pieds. Par bonheur, il lâcha son couteau dans sa chute.

Je le ramassai, ainsi que les brogues, lui souhaitai le bonjour, et me remis en route, le laissant pieds nus et désarmé. Je riais tout seul, chemin faisant, car j'étais assuré d'en avoir fini avec le drôle, pour plusieurs raisons. D'abord, il savait bien qu'il n'aurait plus de mon argent ; puis les brogues ne valaient guère dans ce pays que quelques sous ; et enfin, le couteau, – en réalité un poignard, – était de port interdit par la loi. Après une demi-heure de marche environ, je rattrapai un homme grand, déguenillé, qui allait assez vite, mais en tâtant devant lui avec un bâton. C'était un aveugle ; et il me raconta qu'il était catéchiste, ce qui eût dû me rassurer. Mais sa physionomie me prévenait contre lui : elle était sombre, menaçante et fausse ; et, de plus, je vis l'acier d'une crosse de pistolet dépasser le rabat de sa poche de paletot. Le port de cet objet entraînait une amende de quinze livres sterling à la première contravention, et la déportation aux colonies en cas de récidive. Je ne voyais pas non plus très bien la nécessité d'être armé pour enseigner la religion, ni ce qu'un aveugle pouvait faire d'un pistolet. Je lui racontai mes démêlés avec mon guide, car j'étais fier de mon exploit, et ma vanité fut plus forte que ma prudence. La mention des cinq shillings le fit se récrier si haut que je résolus de passer les deux autres sous silence, et me félicitai de ce qu'il ne pût me voir rougir. – C'était donc trop, demandai-je, assez penaud. – Trop ! s'écria-t-il. Hé quoi, je vous guiderai moi-même jusqu'à Torosay pour un coup d'eau-de-vie. Et vous aurez le plaisir de ma société (celle d'un homme instruit) par-dessus le marché. Je lui répondis que je ne voyais pas très bien comment un aveugle pouvait servir de guide ; mais il se mit à rire et dit que son bâton valait pour lui des yeux d'aigle, ajoutant : – Dans l'île de Mull, en tout cas, où je connais par cœur chaque pierre et chaque buisson de bruyère. Ainsi tenez, dit-il en agitant son bâton de droite et de gauche comme pour s'en assurer, – par là-bas coule un torrent, et il provient de cette petite colline qui a sur son sommet une pierre penchée ; et c'est juste au pied de cette colline que passe la route de Torosay ; et le chemin où nous sommes, destiné aux troupeaux, est tout piétiné, tandis que l'herbe y pousse, à la traversée de la lande. Je dus reconnaître qu'il avait raison de tous points, et lui avouai mon étonnement. – Ha ! dit-il, ceci n'est rien. Croiriez-vous qu'avant la promulgation de la loi, et quand on avait des armes dans le pays, je savais tirer. Oui, je savais ! s'écria-t-il, puis, d'un air sournois : – Si j'avais quelque chose qui ressemblât à un pistolet, je vous montrerais comment je fais. Je lui répondis que je n'avais rien de ce genre, et m'écartai de lui davantage. Il ne savait pas que son pistolet dépassait alors très visiblement de sa poche, et que je voyais reluire au soleil l'acier de la crosse. Mais par bonheur pour moi, il n'en savait rien, et, se figurant que l'arme était cachée, il mentait effrontément. Il se mit ensuite à me poser des questions insidieuses, pour savoir d'où je venais, si j'étais riche, si je pouvais lui changer une pièce de cinq shillings (qu'il avait à cette heure même dans sa poche, affirmait-il) ; et cependant il ne cessait d'appuyer dans ma direction, tandis que je m'efforçais de l'éviter. Nous cheminions alors sur une sorte de piste à bestiaux herbeuse, qui franchissait les collines vers Torosay, et nous changions de côté sans arrêt, tels des danseurs dans un chassé-croisé. J'avais si clairement le dessus que je m'enhardis, et pris un réel plaisir à ce jeu de colin-maillard ; mais le catéchiste se mettait plus en colère à mesure, et finalement il lança des jurons en gaélique et s'efforça de m'envoyer son bâton dans les jambes. Alors je lui annonçai qu'à vrai dire j'avais un pistolet tout comme lui, et que s'il n'obliquait pas vers le sud à travers la colline, je lui ferais sauter la cervelle. Il devint aussitôt des plus polis ; et après avoir un moment tâché de m'amadouer, sans succès, il me maudit une fois de plus en gaélique, et s'éloigna. Je suivis du regard ses enjambées parmi les flaques et la bruyère, qu'il tapotait avec son bâton, jusqu'à ce qu'il eût tourné le bout d'une colline et disparu dans le prochain creux. Puis je me remis en route vers Torosay, trouvant bien plus agréable d'être seul que de voyager avec cet homme de savoir. J'avais joué de malheur, ce jour-là, car ces deux hommes dont je venais de me débarrasser, l'un après l'autre, étaient les pires que je rencontrai jamais dans les Highlands. À Torosay, sur le Sound de Mull et orientée vers la terre ferme de Morven, il y avait une auberge dont le patron était un Maclean, et, paraît-il, de très grande famille ; car dans les Highlands plus que chez nous encore, on estime que tenir une auberge est un métier distingué, à cause peut-être qu'il participe de l'hospitalité, ou encore parce qu'on y est ivrogne et fainéant. Il parlait bien anglais, et découvrant que j'avais quelque instruction, m'essaya d'abord en français, où il me battit sans peine, puis en latin, où nous fûmes, je crois, égaux. Cet agréable tournoi nous mit dès l'abord sur un pied amical ; et je m'assis à boire du punch avec lui (ou, pour être plus exact, je m'assis et le regardai boire) tant qu'il fut ivre au point de pleurer sur mon épaule. Comme sans y songer, je lui montrai, pour voir, le bouton d'Alan ; mais je me rendis compte qu'il ne l'avait ni vu ni connu. D'ailleurs, il avait quelque grief contre la famille et les amis d'Ardshiel, et avant d'être ivre, il me lut une satire, en très bon latin, mais des plus mordantes, qu'il avait composée en vers élégiaques contre une personne de ce nom. Quand je lui parlai de mon catéchiste, il branla la tête, et me dit que j'avais eu de la chance de m'en dépêtrer. – C'est un homme des plus dangereux, dit-il, que ce Duncan MacKrieg ; il sait tirer au jugé à plusieurs yards, et on l'a souvent accusé de vols sur les grands chemins, et une fois même d'assassinat. – Mais le bouquet, dis-je, c'est qu'il se prétend catéchiste. – Et pourquoi pas ? répliqua mon hôte. Il l'est bien en effet. C'est Maclean de Duart qui l'a nommé à ces fonctions, à cause de son infirmité. Mais peut-être est-ce regrettable, car il est toujours par les routes, allant d'un endroit à un autre pour faire réciter leur catéchisme aux jeunes personnes ; et sans nul doute, c'est pour le pauvre diable une grande tentation. Finalement, lorsqu'il fut incapable de boire davantage, notre homme me conduisit à un lit, où je me couchai d'excellente humeur, ayant traversé la plus grande partie de cette longue et recourbée île de Mull, d'Earraid à Torosay, et fait cinquante milles à vol d'oiseau, mais (vu mes erreurs) beaucoup plus près de cent, en quatre jours et sans trop de fatigue. Du reste, je me trouvais en bien meilleures dispositions, de corps et d'esprit, au bout de cette longue marche, que je ne l'étais au commencement.

Chapitre 15 Kapitel 15 Chapter 15 Capítulo 15 Глава 15

XV. XV. Le garçon au bouton d'argent à travers l'île de Mull The boy with the silver button across the Isle of Mull Le Ross de Mull, sur lequel je venais d'arriver, était raboteux et sans chemin frayé, juste comme l'île que je venais de quitter : ce n'était que boue, bruyère et grosses pierres. The Ross de Mull, on which I had just arrived, was rough and pathless, just like the island I had just left: it was all mud, heather and large stones. Il y a peut-être des routes dans ce pays, pour ceux qui le connaissent bien ; mais, pour ma part, je n'avais d'autre flair, ni d'autre point de ralliement que Ben More. There may be roads in this country, for those who know it well; but, for my part, I had no other flair, no other rallying point than Ben More. Je me dirigeai tant bien que mal sur la fumée que j'avais vue si souvent de l'île ; ma fatigue extrême et les difficultés du chemin m'empêchèrent d'atteindre avant cinq ou six heures du soir la maison au fond du petit creux. I made my way as best I could along the smoke I'd seen so often from the island; my extreme fatigue and the difficulties of the path prevented me from reaching the house at the bottom of the little hollow before five or six o'clock in the evening. Elle était basse et allongée, recouverte de gazon et bâtie en pierre sans mortier ; et devant, sur un tertre, un vieux gentleman était assis, fumant sa pipe au soleil. It was low and elongated, covered with grass and built of stone without mortar; and in front of it, on a mound, sat an old gentleman, smoking his pipe in the sun.

Grâce au peu d'anglais qu'il savait, il me fit comprendre que mes compagnons de bord étaient arrivés à terre sains et saufs, et qu'ils avaient cassé la croûte dans cette maison même. With the little English he knew, he let me know that my shipmates had arrived safely ashore, and that they'd broken bread in this very house. – Y en avait-il un, demandai-je, vêtu comme un gentilhomme ? - Was there one, I asked, dressed like a gentleman?

Il me répondit que tous portaient de grands surtouts grossiers ; toutefois, celui qui était venu seul portait culottes et bas, tandis que les autres avaient des pantalons de matelots. He replied that they were all wearing large, coarse overcoats; however, the one who had come alone was wearing breeches and stockings, while the others had sailors' pants.

– Ah ! - Ah! dis-je, et il avait sans doute aussi un chapeau à plume ? I said, and he probably also had a feathered hat?

Il me répondit que non, et qu'il était nu-tête, comme moi. He told me no, and that he had no head, like me. Je crus d'abord qu'Alan avait perdu son chapeau ; mais ensuite je me souviens de la pluie, et jugeai plus vraisemblable qu'il l'avait mis à l'abri sous son surtout. At first I thought Alan had lost his hat, but then I remembered the rain, and judged it more likely that he had sheltered it under his hat. L'idée me fit sourire, tant parce que mon ami était sauvé, qu'à cause de sa fatuité en matière de costume. The idea made me smile, both because my friend was saved and because of his fatuity when it came to costume. Mais le vieux gentleman, se frappant le front, s'écria que je devais être le garçon au bouton d'argent. But the old gentleman, smacking his forehead, exclaimed that I must be the boy with the silver button. – Mais oui, répondis-je, un peu étonné. - But yes," I replied, a little astonished.

– Eh bien, alors, dit le vieux gentleman, je suis chargé de vous dire que vous devez rejoindre votre ami dans son pays, près de Torosay. - Well, then," said the old gentleman, "I'm instructed to tell you that you must join your friend in his country, near Torosay.

Il me demanda ensuite comment je m'en étais tiré, et je lui contai mon histoire. Then he asked me how I'd fared, and I told him my story. Un homme du sud aurait certainement ri ; mais ce vieux gentleman (je l'appelle ainsi à cause de ses manières, car il n'avait que des loques sur le dos) m'écouta jusqu'au bout sans manifester autre chose qu'une compassion sérieuse. A southern gentleman would certainly have laughed; but this old gentleman (I call him that because of his manners, for he had nothing but rags on his back) listened to me to the end without showing anything but serious compassion. Quand j'eus fini, il me prit par la main, m'introduisit dans sa cahute (c'est le mot) et me présenta à sa femme comme si elle eût été la reine et moi un duc. When I'd finished, he took me by the hand, ushered me into his cahute (that's the word) and introduced me to his wife as if she'd been the queen and I a duke. La bonne ménagère posa devant moi un pain d'avoine et un coq de bruyère froid, tout en me tapotant l'épaule et me souriant, car elle ne savait pas l'anglais ; et le vieux gentleman (pour ne pas être en reste) me fit un punch très fort de leur eau-de-vie locale. The good housewife placed an oat loaf and a cold cockerel before me, patting me on the shoulder and smiling, for she knew no English; and the old gentleman (not to be outdone) made me a very strong punch of their local brandy. Tout le temps que je mangeai, et ensuite en buvant le punch, je pouvais à peine croire à mon bonheur ; et la maison, bien qu'elle fût obscurcie par la fumée de la tourbe et pleine de trous comme une écumoire, me faisait l'effet d'un palais. All the time I ate, and then drank the punch, I could hardly believe my happiness; and the house, though obscured by peat smoke and full of holes like a skimmer, felt like a palace. Le punch me procura une forte transpiration et un sommeil sans rêves ; les bonnes gens me laissèrent dormir ; et il était près de midi, le lendemain, lorsque je repris la route, la gorge déjà en meilleur état, et mon courage tout à fait restauré par le bon gîte et les bonnes nouvelles. The punch gave me a heavy perspiration and a dreamless sleep; the good people let me sleep; and it was nearly noon the next day when I took to the road again, my throat already in better condition, and my courage quite restored by the good lodging and the good news. J'eus beau presser le vieux gentleman, il ne voulut pas accepter d'argent, et il me donna même un vieux bonnet pour me couvrir la tête ; mais je reconnais volontiers que je ne fus pas plus tôt hors de vue de sa maison, que je lavai soigneusement ce cadeau dans une fontaine au bord de la route. However much I pressed the old gentleman, he would not accept money, and even gave me an old bonnet to cover my head; but I readily admit that I was no sooner out of sight of his house, than I carefully washed this gift in a roadside fountain. Et je me disais : « Si ce sont là les sauvages Highlanders, je souhaiterais voir mes compatriotes aussi sauvages. And I thought, "If these are the wild Highlanders, I wish my countrymen were as wild. Non seulement j'étais parti tard, mais je dus me fourvoyer la moitié du chemin. Not only had I left late, but I had to make a mistake halfway along the way. À la vérité, je rencontrai beaucoup de gens, grattant leurs misérables carrés de terre incapables de nourrir un chat, où paissaient des vaches minuscules, de la taille à peu près d'un baudet. To tell the truth, I met a lot of people, scratching away at their miserable patches of land incapable of feeding a cat, where tiny cows, about the size of a jackass, grazed. Le costume du Highland étant interdit par la loi depuis la rébellion, et le peuple condamné au vêtement des basses-terres, qu'il détestait, la variété des accoutrements faisait un curieux spectacle. With Highland costume forbidden by law since the rebellion, and the people condemned to the lowland garb they detested, the variety of accoutrements made for a curious spectacle. Les uns allaient nus, à part un paletot flottant ou surtout, et portaient leur pantalon sur l'épaule comme un fardeau inutile ; d'autres s'étaient confectionné un simulacre de tartan avec d'étroites bandes d'étoffe bigarrée cousues ensemble comme un couvre-pied de vieille femme ; d'autres encore portaient toujours le philabeg[24] du Highland, mais, à l'aide de quelques points faufilés entre les jambes, l'avaient métamorphosé en une sorte de pantalon hollandais. Some went naked, apart from a floating or mostly floating paletot, and wore their pants over their shoulders like a useless burden; others had made themselves a mock tartan with narrow strips of variegated cloth sewn together like an old woman's foot-covering; still others still wore the Highland philabeg[24], but, with the help of a few stitches threaded between the legs, had metamorphosed it into a kind of Dutch trouser. Tous ces déguisements étaient prohibés et punis, car on appliquait la loi avec sévérité, dans l'espoir de briser l'esprit de clan ; mais dans cette île perdue au bout du monde, il y avait peu de gens pour y faire attention, et encore moins pour l'aller raconter. All such disguises were forbidden and punished, as the law was strictly enforced in the hope of breaking the clan spirit; but on this lost island at the end of the world, there were few people to take notice, and even fewer to tell. Tous semblaient être dans une grande pauvreté ; chose sans doute naturelle, à présent que l'on avait mis fin à la rapine, et que les chefs ne tenaient plus table ouverte. All seemed to be in great poverty, which was no doubt natural now that the rapine had been stopped and the chiefs no longer kept an open table. Les routes (jusqu'à cette piste rustique et sinueuse que je suivais) étaient infestées de mendiants. The roads (up to this rustic, winding track I was following) were infested with beggars. Et là encore je notai une différence avec la partie du pays où j'étais né. And here again I noticed a difference with the part of the country where I was born. Car nos mendiants du Lowland – même ceux en robe, patentés – avaient une manière à eux de basse flagornerie, et si vous leur donniez un patard, en réclamant la monnaie, ils vous rendaient poliment un liard. For our Lowland beggars - even the robed, patent ones - had their own way of low sycophancy, and if you gave them a patard, asking for change, they would politely give you back a liard. Mais ces mendiants du Highland se drapaient dans leur dignité, ne demandaient l'aumône que pour acheter de la prise (à leur dire) et ne rendaient pas la monnaie. But these Highland beggars draped themselves in dignity, asked for alms only to buy catch (so they said) and didn't give change. À coup sûr, je ne m'en souciais guère, à part l'intérêt que cela m'offrait chemin faisant. I certainly didn't care, apart from the interest it offered me along the way. Mais ce qui m'ennuyait davantage, peu de gens savaient l'anglais, et ceux-là (à moins qu'ils ne fussent de la confrérie des mendiants) n'étaient guère désireux de mettre leur anglais à mon service. But what bothered me even more was that few people knew English, and those who did (unless they were from the beggar's fraternity) were hardly eager to put their English to use for me. Je savais que j'allais à Torosay, et je leur redisais le mot avec un geste d'interrogation ; mais au lieu d'un geste de réponse, ils me répliquaient par une kyrielle de gaélique qui m'ahurissait ; il n'y a donc rien d'étonnant si je déviai de la bonne route aussi souvent que je la suivais. I knew I was going to Torosay, and I'd say the word again with a gesture of questioning; but instead of a gesture of response, they'd reply with a slew of Gaelic that bewildered me; so it's no wonder that I deviated from the right road as often as I followed it. Enfin, vers huit heures du soir, et déjà recru de fatigue, j'arrivai à une maison isolée où je demandai l'hospitalité. Finally, around eight o'clock in the evening, and already exhausted, I arrived at an isolated house where I asked for hospitality. Je venais d'essuyer un refus, lorsque je m'avisai de la puissance de l'argent dans un pays aussi pauvre, et présentai une de mes guinées entre le pouce et l'index. I had just been refused, when I realized the power of money in such a poor country, and held up one of my guineas between thumb and forefinger. Aussitôt, l'homme de la maison, qui avait jusque-là fait semblant d'ignorer l'anglais et m'avait chassé de son seuil par gestes, se mit à parler aussi clairement qu'il en était besoin, et consentit, moyennant cinq shillings, à me donner le gîte pour la nuit et à me guider le lendemain jusqu'à Torosay. At once, the man of the house, who had hitherto pretended ignorance of English and gestured me away from his doorstep, began to speak as clearly as was necessary, and agreed, for five shillings, to give me lodgings for the night and to guide me the next day as far as Torosay. Je dormis mal cette nuit-là, dans la crainte d'être volé ; mais je n'avais pas besoin d'avoir peur, car mon hôte n'était pas larron, mais simplement très pauvre et des plus fourbes. I slept badly that night, in fear of being robbed; but I needn't have feared, for my host was no thief, but simply very poor and most deceitful. Il n'était pas seul dans sa pauvreté, car le matin il nous fallut faire environ cinq milles jusqu'à la maison de ce qu'il appelait un riche homme pour changer une de mes guinées. He was not alone in his poverty, for in the morning we had to walk about five miles to the house of what he called a rich man to change one of my guineas. Ce riche l'était peut-être pour Mull ; on ne l'aurait guère jugé tel dans le sud ; car il dut réunir toutes ses richesses, – la maison fut retournée de fond en comble et un voisin mis à contribution, avant de parfaire une somme de vingt shillings en argent. He may have been rich for Mull, but in the south he would hardly have been considered so, for he had to gather all his wealth - the house was turned upside down and a neighbor was put to work, before he could complete a sum of twenty shillings in silver. Le shilling de reste, il le garda pour lui, soutenant qu'il oserait à peine avoir chez lui « sous clef » une somme aussi importante. He kept the remaining shilling for himself, arguing that he would hardly dare have such a large sum "under lock and key" at home. D'ailleurs, il se montra fort poli et bien élevé, nous fit asseoir tous deux avec sa famille pour dîner et prépara du punch dans un beau saladier de porcelaine, ce qui réjouit mon coquin de guide à un point tel qu'il ne voulut plus repartir. Moreover, he was very polite and well-mannered, seated us both with his family for dinner and prepared punch in a beautiful porcelain bowl, which delighted my rascal of a guide to such an extent that he didn't want to leave. J'étais prêt à me mettre en colère, et pris à témoin le riche homme (il s'appelait Hector Maclean) qui venait d'assister à notre marché et au paiement des cinq shillings. I was ready to get angry, and took as my witness the rich man (his name was Hector Maclean) who had just witnessed our deal and the payment of the five shillings. Mais Maclean avait pris sa part du punch et il jura qu'aucun gentleman ne quitterait sa table une fois le saladier préparé. But Maclean had taken his share of the punch and vowed that no gentleman would leave his table once the salad bowl was prepared. Il ne me resta plus qu'à me rasseoir et à écouter des toasts jacobites et des chants gaéliques, jusqu'à l'heure où tout le monde fut ivre et où chacun s'alla coucher dans son lit ou dans la grange. All I had to do was sit back and listen to Jacobite toasts and Gaelic songs, until it was time for everyone to get drunk and go to bed in their own beds or in the barn. Le jour suivant (quatrième de mes pérégrinations) nous fûmes sur pied avant cinq heures ; mais mon coquin de guide se remit aussitôt à boire, car il était trois heures quand je parvins à le faire sortir de la maison, et cela (comme on va le voir) pour aboutir à un autre désagrément. The next day (the fourth of my peregrinations) we were on our feet before five o'clock; but my rascal of a guide immediately started drinking again, for it was three o'clock when I managed to get him out of the house, and this (as we shall see) led to another unpleasantness.

Aussi longtemps que nous descendîmes un val de bruyère qui s'allongeait devant la maison de M. Maclean, tout alla bien ; si ce n'est que mon guide regardait sans cesse derrière lui, et lorsque je lui demandais pourquoi, il me répondait par une grimace. As long as we descended a heather valley that stretched out in front of Mr. Maclean's house, all went well; except that my guide kept looking behind him, and when I asked him why, he replied with a grimace. Mais à peine avions-nous franchi la crête d'une colline et perdu de vue les fenêtres de la maison, il me dit que j'avais Torosay juste devant moi et qu'un sommet (qu'il me désigna) était mon meilleur repère. But no sooner had we crested a hill and lost sight of the house windows than he told me I had Torosay right in front of me, and that a peak (which he pointed out) was my best landmark. – Peu m'importe, dis-je, puisque vous venez avec moi. - I don't mind," I said, "since you're coming with me. L'impudent fourbe me répondit en gaélique qu'il ne savait pas l'anglais. The impudent deceiver replied in Gaelic that he didn't know English. – Mon bon ami, dis-je, je m'aperçois que votre anglais va et vient facilement. - My good friend," I said, "I realize that your English comes and goes easily. Dites-moi ce qui pourrait le ramener. Tell me what would bring him back. Est-ce encore de l'argent qu'il vous faut ? Do you still need money? – Cinq shillings de plus, dit-il, et je vous y conduis. - Five shillings more," he says, "and I'll take you there.

Après quelque réflexion, je lui offris deux, qu'il s'empressa d'accepter, mais il tint absolument à les avoir en main tout de suite, – « pour la chance », comme il disait, bien que ce fût plutôt pour le malheur. After some thought, I offered him two, which he readily accepted, but insisted on having them in his hand right away, - "for luck", as he put it, although it was more for misfortune. Les deux shillings ne le menèrent pas beaucoup plus loin qu'un nombre égal de milles, au bout desquels il s'assit au bord de la route et retira ses brogues[25] de ses pieds comme pour se reposer. The two shillings didn't take him much further than an equal number of miles, at the end of which he sat down by the roadside and pulled his brogues[25] off his feet as if to rest. J'étais à présent chauffé au rouge. I was now red-hot. – Ha ! - Ha! dis-je ; vous ne savez plus l'anglais ? I said; don't you know any English? Il me répondit cyniquement : He replied cynically:

– Non. - No.

Ma colère déborda, et je levai la main pour le frapper. My anger boiled over, and I raised my hand to strike him. Lui, tirant un couteau de dessous ses haillons, se ramassa sur lui-même en soufflant comme un chat irrité. He drew a knife from under his rags and huffed and puffed like an irritated cat. Alors, emporté par ma colère, je m'élançai sur lui, détournai son couteau de la main gauche et le frappai de mon poing droit sur la bouche. Then, carried away by my anger, I lunged at him, turned his knife away with my left hand and struck him across the mouth with my right fist. J'étais un garçon robuste et très en colère et lui un tout petit homme : il tomba pesamment à mes pieds. I was a very angry, robust boy, and he was a very small man: he fell heavily at my feet. Par bonheur, il lâcha son couteau dans sa chute. Luckily, he dropped his knife in his fall.

Je le ramassai, ainsi que les brogues, lui souhaitai le bonjour, et me remis en route, le laissant pieds nus et désarmé. I picked him up, along with the brogues, wished him good morning and set off again, leaving him barefoot and unarmed. Je riais tout seul, chemin faisant, car j'étais assuré d'en avoir fini avec le drôle, pour plusieurs raisons. I laughed to myself as I went along, because I was sure I'd finished with the funny man for several reasons. D'abord, il savait bien qu'il n'aurait plus de mon argent ; puis les brogues ne valaient guère dans ce pays que quelques sous ; et enfin, le couteau, – en réalité un poignard, – était de port interdit par la loi. Firstly, he knew he wouldn't have any more of my money; secondly, brogues in this country were hardly worth more than a few pennies; and thirdly, the knife - in reality a dagger - was forbidden by law to wear. Après une demi-heure de marche environ, je rattrapai un homme grand, déguenillé, qui allait assez vite, mais en tâtant devant lui avec un bâton. After about half an hour's walk, I caught up with a tall, ragged man who was moving quite fast, but feeling his way ahead with a stick. C'était un aveugle ; et il me raconta qu'il était catéchiste, ce qui eût dû me rassurer. He was a blind man and told me he was a catechist, which should have reassured me. Mais sa physionomie me prévenait contre lui : elle était sombre, menaçante et fausse ; et, de plus, je vis l'acier d'une crosse de pistolet dépasser le rabat de sa poche de paletot. But his countenance warned me against him: it was dark, menacing and false; and, what's more, I saw the steel of a pistol grip protruding from the flap of his paletot pocket. Le port de cet objet entraînait une amende de quinze livres sterling à la première contravention, et la déportation aux colonies en cas de récidive. Wearing this object carried a fine of fifteen pounds sterling for the first offence, and deportation to the colonies for a second offence. Je ne voyais pas non plus très bien la nécessité d'être armé pour enseigner la religion, ni ce qu'un aveugle pouvait faire d'un pistolet. Nor could I see the need to be armed to teach religion, or what a blind man could do with a pistol. Je lui racontai mes démêlés avec mon guide, car j'étais fier de mon exploit, et ma vanité fut plus forte que ma prudence. I told him about my troubles with my guide, for I was proud of my exploit, and my vanity was stronger than my prudence. La mention des cinq shillings le fit se récrier si haut que je résolus de passer les deux autres sous silence, et me félicitai de ce qu'il ne pût me voir rougir. At the mention of the five shillings, he cried out so loudly that I decided to pass over the other two in silence, and congratulated myself on the fact that he couldn't see me blush. – C'était donc trop, demandai-je, assez penaud. - So it was too much," I asked, rather sheepishly. – Trop ! - Too many! s'écria-t-il. he exclaimed. Hé quoi, je vous guiderai moi-même jusqu'à Torosay pour un coup d'eau-de-vie. Hey, I'll guide you to Torosay myself for a shot of brandy. Et vous aurez le plaisir de ma société (celle d'un homme instruit) par-dessus le marché. And you'll have the pleasure of my (an educated man's) company to boot. Je lui répondis que je ne voyais pas très bien comment un aveugle pouvait servir de guide ; mais il se mit à rire et dit que son bâton valait pour lui des yeux d'aigle, ajoutant : I replied that I didn't quite see how a blind man could serve as a guide; but he laughed and said that his stick was worth eagle eyes to him, adding: – Dans l'île de Mull, en tout cas, où je connais par cœur chaque pierre et chaque buisson de bruyère. - On the Isle of Mull, at least, where I know every stone and heather bush by heart. Ainsi tenez, dit-il en agitant son bâton de droite et de gauche comme pour s'en assurer, – par là-bas coule un torrent, et il provient de cette petite colline qui a sur son sommet une pierre penchée ; et c'est juste au pied de cette colline que passe la route de Torosay ; et le chemin où nous sommes, destiné aux troupeaux, est tout piétiné, tandis que l'herbe y pousse, à la traversée de la lande. So there," he said, waving his stick back and forth as if to make sure, "over there flows a torrent, and it comes from that little hill that has on its top a leaning stone; and it's right at the foot of that hill that the road to Torosay passes; and the path we're on, meant for the flocks, is all trampled underfoot, while the grass grows on it, as it crosses the moor. Je dus reconnaître qu'il avait raison de tous points, et lui avouai mon étonnement. I had to admit that he was right on all counts, and confessed my astonishment. – Ha ! - Ha! dit-il, ceci n'est rien. he says, this is nothing. Croiriez-vous qu'avant la promulgation de la loi, et quand on avait des armes dans le pays, je savais tirer. Would you believe that before the law was passed, and when there were guns in the country, I knew how to shoot. Oui, je savais ! Yes, I knew! s'écria-t-il, puis, d'un air sournois : – Si j'avais quelque chose qui ressemblât à un pistolet, je vous montrerais comment je fais. he exclaimed, then, slyly: - If I had something that looked like a gun, I'd show you how it's done. Je lui répondis que je n'avais rien de ce genre, et m'écartai de lui davantage. I replied that I had nothing of the kind, and moved further away from him. Il ne savait pas que son pistolet dépassait alors très visiblement de sa poche, et que je voyais reluire au soleil l'acier de la crosse. Little did he know that his pistol was sticking out of his pocket, and that I could see the steel of the grip gleaming in the sun. Mais par bonheur pour moi, il n'en savait rien, et, se figurant que l'arme était cachée, il mentait effrontément. But fortunately for me, he knew nothing about it, and, figuring that the weapon was hidden, he lied brazenly. Il se mit ensuite à me poser des questions insidieuses, pour savoir d'où je venais, si j'étais riche, si je pouvais lui changer une pièce de cinq shillings (qu'il avait à cette heure même dans sa poche, affirmait-il) ; et cependant il ne cessait d'appuyer dans ma direction, tandis que je m'efforçais de l'éviter. He then began to ask me insidious questions, about where I was from, whether I was rich, whether I could change a five-shilling coin for him (which he claimed he had in his pocket at that very moment); and yet he kept pressing in my direction, while I tried to avoid him. Nous cheminions alors sur une sorte de piste à bestiaux herbeuse, qui franchissait les collines vers Torosay, et nous changions de côté sans arrêt, tels des danseurs dans un chassé-croisé. We'd walk along a sort of grassy cattle track, over the hills towards Torosay, and we'd change sides all the time, like dancers in a chassé-croisé. J'avais si clairement le dessus que je m'enhardis, et pris un réel plaisir à ce jeu de colin-maillard ; mais le catéchiste se mettait plus en colère à mesure, et finalement il lança des jurons en gaélique et s'efforça de m'envoyer son bâton dans les jambes. I clearly had the upper hand, so I grew bolder, and took real pleasure in this game of blind man's bluff; but the catechist grew angrier as he went on, and finally he hurled curses in Gaelic and endeavored to send his stick through my legs. Alors je lui annonçai qu'à vrai dire j'avais un pistolet tout comme lui, et que s'il n'obliquait pas vers le sud à travers la colline, je lui ferais sauter la cervelle. So I told him I had a pistol just like him, and if he didn't head south over the hill, I'd blow his brains out. Il devint aussitôt des plus polis ; et après avoir un moment tâché de m'amadouer, sans succès, il me maudit une fois de plus en gaélique, et s'éloigna. He immediately became most polite; and after a moment's unsuccessful attempt to coax me, he cursed me once more in Gaelic, and walked away. Je suivis du regard ses enjambées parmi les flaques et la bruyère, qu'il tapotait avec son bâton, jusqu'à ce qu'il eût tourné le bout d'une colline et disparu dans le prochain creux. I followed his strides through the puddles and heather, which he patted with his stick, until he had turned the end of a hill and disappeared into the next hollow. Puis je me remis en route vers Torosay, trouvant bien plus agréable d'être seul que de voyager avec cet homme de savoir. Then I set off again for Torosay, finding it far more pleasant to be alone than to travel with this man of knowledge. J'avais joué de malheur, ce jour-là, car ces deux hommes dont je venais de me débarrasser, l'un après l'autre, étaient les pires que je rencontrai jamais dans les Highlands. I'd been unlucky that day, for those two men I'd just got rid of, one after the other, were the worst I'd ever met in the Highlands. À Torosay, sur le Sound de Mull et orientée vers la terre ferme de Morven, il y avait une auberge dont le patron était un Maclean, et, paraît-il, de très grande famille ; car dans les Highlands plus que chez nous encore, on estime que tenir une auberge est un métier distingué, à cause peut-être qu'il participe de l'hospitalité, ou encore parce qu'on y est ivrogne et fainéant. At Torosay, on the Sound of Mull and facing the mainland of Morven, there was an inn owned by a Maclean, and, it seems, from a very large family; for in the Highlands, even more than at home, running an inn is considered a distinguished profession, perhaps because it's part of hospitality, or because it's drunken and lazy. Il parlait bien anglais, et découvrant que j'avais quelque instruction, m'essaya d'abord en français, où il me battit sans peine, puis en latin, où nous fûmes, je crois, égaux. He spoke English well, and discovering that I had some education, tried me first in French, where he beat me without difficulty, then in Latin, where we were, I believe, equals. Cet agréable tournoi nous mit dès l'abord sur un pied amical ; et je m'assis à boire du punch avec lui (ou, pour être plus exact, je m'assis et le regardai boire) tant qu'il fut ivre au point de pleurer sur mon épaule. This pleasant tournament put us on a friendly footing from the start; and I sat drinking punch with him (or, to be more exact, sat and watched him drink) until he was drunk enough to cry on my shoulder. Comme sans y songer, je lui montrai, pour voir, le bouton d'Alan ; mais je me rendis compte qu'il ne l'avait ni vu ni connu. As if without thinking, I showed him Alan's button, but I realized he hadn't seen or known it. D'ailleurs, il avait quelque grief contre la famille et les amis d'Ardshiel, et avant d'être ivre, il me lut une satire, en très bon latin, mais des plus mordantes, qu'il avait composée en vers élégiaques contre une personne de ce nom. Besides, he had some grievance against Ardshiel's family and friends, and before he got drunk, he read me a satire, in very good Latin, but most biting, that he had composed in elegiac verse against a person of that name. Quand je lui parlai de mon catéchiste, il branla la tête, et me dit que j'avais eu de la chance de m'en dépêtrer. When I told him about my catechist, he shook his head and told me I'd been lucky to get away with it. – C'est un homme des plus dangereux, dit-il, que ce Duncan MacKrieg ; il sait tirer au jugé à plusieurs yards, et on l'a souvent accusé de vols sur les grands chemins, et une fois même d'assassinat. - He's a most dangerous man," he says, "this Duncan MacKrieg; he can shoot at a guess at several yards, and he's often been accused of highway robbery, and once even of murder. – Mais le bouquet, dis-je, c'est qu'il se prétend catéchiste. - But the best part, I say, is that he claims to be a catechist. – Et pourquoi pas ? - And why not? répliqua mon hôte. replied my host. Il l'est bien en effet. It is indeed. C'est Maclean de Duart qui l'a nommé à ces fonctions, à cause de son infirmité. It was Maclean de Duart who appointed him to this position, due to his infirmity. Mais peut-être est-ce regrettable, car il est toujours par les routes, allant d'un endroit à un autre pour faire réciter leur catéchisme aux jeunes personnes ; et sans nul doute, c'est pour le pauvre diable une grande tentation. But perhaps it's a pity, because he's always on the road, going from one place to another to make young people recite their catechism; and no doubt this is a great temptation for the poor devil. Finalement, lorsqu'il fut incapable de boire davantage, notre homme me conduisit à un lit, où je me couchai d'excellente humeur, ayant traversé la plus grande partie de cette longue et recourbée île de Mull, d'Earraid à Torosay, et fait cinquante milles à vol d'oiseau, mais (vu mes erreurs) beaucoup plus près de cent, en quatre jours et sans trop de fatigue. Finally, when he was unable to drink any more, our man led me to a bed, where I lay down in excellent spirits, having crossed most of that long and curving Isle of Mull, from Earraid to Torosay, and made fifty miles as the crow flies, but (given my errors) much nearer a hundred, in four days and without too much fatigue. Du reste, je me trouvais en bien meilleures dispositions, de corps et d'esprit, au bout de cette longue marche, que je ne l'étais au commencement. Besides, I was in a much better frame of mind and body at the end of the long walk than I had been at the start.