Apprendre le français en couple, vivre à Paris... – avec le polyglotte Luca Lampariello (3)
Ce genre de formalités administratives, c'est toujours une prise de tête.
En Italie, c'est la même chose.
En Italie, c'est la même chose mais si tu le fais dans un autre pays,
dans une autre langue, tu n'es pas habitué.
Donc, mon ex-copine m'a aidé,
mais je me rappelle très bien que j'étais désespérée.
La chose la plus difficile, en fait, au moment où je suis arrivé en France,
c'était de trouver un appart.
On le sait, trouver un appart à Paris, c'est un cauchemar absolu.
Je ne sais pas si c'est encore un cauchemar.
C'est toujours le cas.
Ou c'est encore pire.
Mais quand je suis arrivé en 2010, en fait, j'étais chez elle
parce qu'avant de trouver un appart, j'ai employé beaucoup de temps.
Je me rappelle, j'ai trouvé un appart, après, j'ai déménagé.
La deuxième fois, on avait besoin d'un dossier.
Je me rappelle. J'ai appelé, par exemple, six annonces sur Internet.
Il y avait la femme qui m'a ...
Elle était une femme un peu vieille, un peu âgée, elle était très sympa,
on a bavardé au téléphone.
Après ma dit "ah le monsieur n'est pas français ?
Ben alors il y a un problème là parce que..."
Je ne sais pas, je n'ai pas bien compris, mais c'était compliqué.
Ça, c'est la chose la plus compliquée en absolu.
Après, la deuxième chose compliquée, c'était de ouvrir un compte en banque.
Si t'as pas un téléphone, tu ne peux pas ouvrir un compte en banque.
Si tu n'as pas un compte en banque, tu ne peux pas avoir un téléphone,
donc c'est un peu compliqué.
C'est vrai, j'avais eu exactement le même problème à Londres, en fait,
quand j'ai fait mon échange là bas.
Donc, je pense que c'est un peu le cas dans tous les pays finalement.
Oui, mais ce n'est pas des difficultés énormes en général,
je me rappelle avec ...
Quand j'ai passé 3 ansà Paris, et après j'ai passé...
Bon, j'ai vu Paris ...
J'ai fréquenté Paris, entre guillemets, pendant 7 ans, quelque chose comme ça.
Moi, j'adore. J'adore.
Mais c'est vrai que c'était un peu difficile de vivre à Paris pour plusieurs raisons et...
Mais je pense que l'une des façons en fait de grandir
non pas de grandir, de croître comme personne,
c'est de vivre des expériences.
C'est d'avoir des difficultés.
Et quand tu vas à l'étranger,
nécessairement tu auras des difficultés qui te font grandir.
Donc, je suis très content que je suis allé à Paris.
Je suis très content de toutes les expériences que j'ai eues à l'étranger
et en France en particulier.
Et justement, une des grandes difficultés
dont on parle souvent par rapport au français,
c'est la différence entre le français écrit et le français oral.
Est-ce que toi, justement, quand t'es arrivé à Paris,
tu avais cette impression que les gens parlent une autre langue
que celle que tu as apprise ?
Ou est-ce que grâce à ta copine,
tu étais déjà plutôt à l'aise avec le français plus informel ?
Non, je dois dire que grâce à ma copine, grâce à mon ex-copine
et au fait que j'ai passé beaucoup de temps avec sa famille,
avec ses potes, tout ça, j'étais déjà habitué.
En plus, j'avais regardé énormément de ...
Je me rappelle... de télévision, d'émissions, de films.
Et donc je me rappelle par exemple qu'il y avait deux films qui m'ont frappé
pour des raisons très différentes.
L'un, c'était "La Haine", parce que c'était du jargon.
En fait, le français, ça change très vite.
Donc comment on parlait il y a 20 ans, dans "La Haine", dans les banlieues,
dans les cités, c'était différent de comment on parle maintenant.
En général, ça m'a frappé parce que les gens parlaient le verlan.
En français, il y a ce phénomène de dire "femme" = "meuf",
"flic" = "keuf", et tout ça.
Donc ça, ça m'avait frappé parce que je me suis dit
"C'est pas la langue à laquelle je suis habitué à l'école".
Et deuxième... La chose qui m'a frappé, c'était...
J'ai regardé un film qui s'appelle "Le Déclin de l'empire américain".
C'est un film québécois
et j'étais persuadé que c'étaient des Français qui étaient bourrés.
Alors, j'adore le québécois,
mais quand j'avais 15 ans (14 ans, je ne me rappelle pas),
je n'avais pas trop...
mes expériences, mes horizons, disons, culturels, n'étaient pas...
Voilà, donc.
Je ne sais même pas si je savais qu'au Québec, qu'au Canada,
on parlait français.
Donc j'étais persuadé que ces gens...
Il y avait quelque chose qui n'allait pas bien tout au long du film.
On passe le bonjour à tous nos amis québécois.
C'est un accent très joli, qu'on apprécie.
J'adore absolument.
Le film, c'était génial. Et j'ai vu d'autres films.
Après, je me suis habitué.
J'ai rencontré aussi des Canadiens, des Québécois.
C'est génial, de toute façon.
Qu'est-ce que je voulais dire ? Qu'est ce que tu m'avais dit ?
Par rapport aux difficultés,
la différence entre français oral et français écrit ?
Non...
Disons que... Non, non, non. C'est grâce à ma copine, en fait,
et grâce aux films que j'ai eu...
En fait, j'avais de la chance parce qu'à l'école,
on a fait beaucoup de grammaire et surtout beaucoup de dictées.
Donc la prof, Haussmann, nous enseignait.
J'avais une bonne vision, disons, du français écrit
et le rapport entre le français écrit et la langue parlée et la langue écrite.
Je me rappelle qu'il y avait Sébastien, qui était un pote à moi, qui était
dans la même classe. Il était français.
Lui, il avait des difficultés énormes parce qu'il avait déménagé en Italie.
Donc il était français, français de souche,
mais il était en Italie parce que ses parents, ils avaient déménagé à Rome.
Il avait des difficultés énormes à l'écrit.
Il parlait parfaitement, mais il avait des soucis énormes à l'écrit
parce qu'ils avaient jamais écrit le français.
Il l'avait entendu, mais pas écrit.
Donc, mon conseil en général :
moi, quant à l'apprentissage des langues en général, je dis tout le temps :
"Si tu peux, apprends la langue écrite pendant que tu apprends la langue parlée,
c'est-à-dire tu as la possibilité de lire et écouter".
Hugo, il a des podcasts avec des transcriptions,
donc je suis sûr que vous le faites.
Tu écris et tu lis, tu écris et tu lis.
Et naturellement, le cerveau apprend comment la langue écrite fonctionne
par rapport à la langue orale ou le contraire.
Ça, pour moi, c'est très important.
Après, si tu veux parler et entendre la langue parlée et pas la langue écrite,
c'est OK, tu peux le faire.
Mais je pense que ça vaut le coup aussi d'apprendre comment...
la beauté de la langue écrite, surtout le français.
Vous faites des dictées en Italie pour l'italien ?
Non, on ne fait pas de dictées.
L'italien, ça s'écrit comme ça se parle, comme ça se prononce.
Donc il n'y a pas de souci.
Mais j'ai fait beaucoup de dictées pour le français
Et pour finir, je voulais qu'on parle un peu de la correction.
On dit souvent que les Français ont tendance à beaucoup corriger,
aussi bien à se corriger entre eux.
Donc, on corrige beaucoup les enfants quand ils font des erreurs.
J'ai remarqué que ce n'était plus le cas qu'en Pologne, par exemple.
En Pologne, on laisse les enfants faire des erreurs et
se corriger eux mêmes au fur et à mesure.
Ce qu'il fonctionne plutôt bien, d'ailleurs, c'est tout aussi efficace.
Est-ce que toi, quand tu étais en France,
tu avais l'impression queles Français te corrigeaient beaucoup
ou pas plus qu'avec les autres langues que tu as apprises ?
C'est une très bonne question.
La vérité, c'est que ma copine me corrigeait de temps en temps,
son papa me corrigeait de temps en temps,
les gens dans la rue, pas trop.
Mais ce que j'ai remarqué, en fait, avec les Français, ils sont très ...
Au moins la famille de mon ex-copine, mais en général, j'ai remarqué.
Ils sont très fiers de leur langue, de leur culture,
de leur bouffe, de leur cuisine.
Donc si tu parles français, c'est important de parler bien.
Donc, c'est pas comme en Italie.
En Italie, la différence c'est que les gens te corrigent pas trop.
Et surtout, ils sont très contents si tu parles,
si tu dis deux ou trois phrases en Italie,
ils commencent à te raconter l'histoire de leur vie.
Même chose ici, en Pologne, parce qu'on est à Varsovie.
La chose qui m'a frappé, par exemple, c'est qu'au début, tu vois par exemple,
je suis entré dans des taxis
et le mec là, normalement ils ont sur la cinquantaine,
ils sont 50 ans, 60 ans.
Au début, ils te voient, surtout moi, ils se disent
"OK, ce mec, il est étranger".
Donc ils parlent pas trop.
Après, quand ils s'aperçoivent, en fait, que je parle polonais,
ils commencent à te raconter une histoire toute leur vie.
Toute leur vie.
Il y a un mec qui avait, je sais pas 70 ans,
il m'a raconté le communisme.
J'étais fier de pouvoir parler avec lui.
Après, je me rappelle à l'aéroport, il m'a dit
"mec, les Polonaises elles sont très, très mignonnes,
tu devrais trouver une Polonaise".
Il m'a dit un truc comme ça.
Il était très sympa, donc il est passé...
Mais ce n'est pas la première fois, il est passé vraiment, c'était un peu, tu vois...
Il n'avait pas trop envie de parler.
Après, il m'a raconté l'histoire de leur vie...
En France, ça m'est arrivé la dernière fois, il y avait des manifs
et je me rappelle je suis allé à l'aéroport en taxi
avec un mec qui m'a raconté toute sa vie.
Mais en général, je pense qu'il faut...
Au moins, c'était mon impression, moi, je ne veux pas créer des stéréotypes...
En France, si tu parles français bien, c'est mieux.
Si tu parles français un peu comme ça, tu cherches à dire de trucs,
alors les gens ne sont pas...
Je ne sais pas, ils sont pas trop...
Parfois, ils sont un peu froids.
Surtout à Paris, dans d'autres endroits, ça dépend.
Et en ce qui concerne les corrections, c'est un sujet très intéressant.
Moi, je pense qu'en ce qui concerne les enfants, tu as raison.
J'ai aussi remarqué.
En France, quand j'étais à l'école d'interprétation de conférence, là-bas oui,
parce que... on devenait des professionnels,
donc on nous corrigeait tout ça.
Mais j'ai remarqué qu'il y avait cette tendance extra, disons,
à corriger, à être très précis avec la langue.
Surtout parce que moi, j'avais deux, trois langues actives,
donc c'était l'anglais, le français et l'allemand vers l'italien.
Et il faut dire la classe de français, c'était vraiment, ils allaient...
C'est le détail.
Le détail de détail.
Mais en général, moi je pense que corriger ou pas corriger,
surtout les enfants, ça ne change pas trop.
Les adultes, c'est un peu différent.
Peut-être on va en parler maintenant.
Ouais, justement, toi, en tant que prof et coach,
quelle relation tu as avec la correction ?
Est-ce que tu corriges systématiquement tes élèves ?
Comment tu fais pour leur donner du feedback, justement, sans les décourager,
sans les démotiver ?
Alors moi, je suis coach, je ne suis pas prof.
Donc normalement, il y a des conversations...
Je peux faire des conversations avec eux en langue.
Mais en général, je leur enseigne
comment avoir des conversations avec leurs tuteurs
et je leur dis tout le temps qu'en fait,
il y a deux ou trois trucs, détails, qui font la différence.
Moi, je pense qu'être corrigé c'est pas mal en général
parce que dans mon cas, ça m'a aidé, par exemple,
à arriver à un niveau un peu plus élevé dans certaines langues.
Mais il faut savoir comment, qui va te donner les corrections,
comment, quand et comment tu vas les intégrer.
Donc, je leur dis tout le temps de faire quelque chose de très simple :
trouver une personne avec qui parler, parler de sujets qui l'intéressent.
Ça c'est la chose principale :
se concentrer sur la communication et pas sur la langue.