La saga Mission Impossible : l'analyse de M. Bobine (2)
mais doit au contraire compter sur les autres membre de son équipe,
composée désormais de vrais personnages et non plus de faire valoir.
C'est aussi l'occasion pour Brad Bird de mettre à profit son savoir faire dans l'animation
via ces petites touches qui finissent par avoir un impact sur l'ensemble du récit,
telle une catastrophe que l'équipe tente de rattraper en permanence :
L'ouverture du train,
les gadgets qui ne fonctionnent pas,
la tempête de sable…
Tout est propice au dysfonctionnement y compris dans l'équipe.
En cela Hunt et ses collègues
ne sont pas si éloignés de la famille Parr des Indestructibles
jusque dans son final où les personnages découvrent qu'ils sont complémentaires.
Bien que restant le chef,
Ethan Hunt est désormais indissociable de son équipe,
un peu comme si le comédien souhaitait désormais mettre de côté son narcissisme
pour faire confiance aux autres.
Une impression confirmé dans le climax qui voit Brandt effectuer une opération
assez proche de Hunt dans le 1er opus.
Cette volonté d'humilité se retrouve également sur l'affiche
où l'acteur ne pose plus seul sur sa posture de profil,
mais se fond aux côté des autres membres de l'équipe.
Non content d'amorcer un véritable renouveau
l'approche de Bird et de McQuarrie va permettre à la franchise
d'obtenir la stabilité nécessaire pour pouvoir réussir
ce qui dès le départ semblait être son objectif,
marcher sur les traces d'un des plus illustres personnages de la pop culture.
Que ce soit la menace d'une nouvelle guerre froide,
la présence d'un scientifique souhaitant déclencher un conflit atomique,
d'une mystérieuse tueuse ou même les gadgets aidant nos héros…
tout renvoie à l'univers du plus célèbre des agents secrets,
dont le succès mondial dans les 60s fut le fer de lance
de toute la vague d'espionnage pop dont est issue la série Mission: Impossible.
Décidément tout est une question de cycle.
Il suffit de voir l'arrivée de Ethan Hunt au bras de Jane Carter dans un palace à Bombay
pour comprendre que la franchise assume pleinement cet héritage.
L'opus suivant où McQuarrie passe désormais à la réalisation
va poursuivre intelligemment cette voie en faisant du Syndicat,
une organisation criminelle avide d'un nouvel ordre mondial,
l'équivalent du Spectre chez 007
avec à sa tête Solomon Lane, ni plus ni moins que le Blofeld de Ethan Hunt.
Le film marque également des points via l'agent du MI6: Isla Faust.
À travers ce personnage
McQuarrie en profite à nouveau pour rendre hommage à la saga James Bond
Mais surtout,
il propose ce que la concurrence peine à concrétiser depuis des années.
En effet Faust apparaît davantage comme l'égal de Hunt.
A l'instar de ce dernier,
elle est sans cesse désavouée par sa hiérarchie,
et s'avère aussi habile que lui pour les plus périlleuses missions
en agissant seule dans l'ombre.
S'il y a évidemment un petit jeu de séduction entre les deux personnages,
McQuarrie à l'intelligence de le laisser au second plan,
et de miser sur un rapport d'égal à égal
faisant de Faust un personnage beaucoup plus riche qu'il n'y paraît.
C'est d'ailleurs par le soin apporté aux protagonistes
que McQuarrie signe une oeuvre personnelle,
en continuant de développer l'importance prise par les acolytes de Hunt
notamment Benji Dunn
qui passe de simple génie du gadget à celui d'apprenti de Hunt.
sans oublier Brandt et bien sur Luther Stickell,
seul autre personnage présent de la franchise depuis le 1er opus.
Et c'est justement cette dynamique de groupe
qui comme son prédécesseur rend le long métrage particulièrement attachant.
Quand à Solomon Lane,
il s'inscrit dans la continuité du Bad Guy froid et glacial agissant dans l'ombre
qu'incarnait Werner Herzog dans Jack Reacher.
Par ailleurs sans faire preuve de l'inventivité de Brad Bird,
McQuarrie propose des scènes d'actions efficaces
reposant sur de vrais enjeux narratifs,
tout en montrant à nouveau son amour pour le film noir
comme en témoigne la partie londonienne du film.
Et tant qu'à faire, il perpétue une des traditions de la saga
en citant de nouveau le maître du suspense :
Mais c'est surtout le climax
qui parachève la note d'intention de la franchise Mission: Impossible
vis à vis de la concurrence.
Plutôt que de tomber dans le piège du destruction porn
désormais commun à la majorité des Blockbusters actuels,
McQuarrie préfère miser sur la simplicité et l'intelligence de son équipe
en démontrant qu'une simple prison de Plexiglas
à plus d'impact sur le spectateur que toute une ville détruite.
Cette approche payante artistiquement aura également permis à la franchise
de renouer avec l'espionnage pop et glamour
délaissé justement par James Bond depuis bien des décennies
au profit d'une approche psychologisante superficielle
tout en continuant à courir vers les modes du moment.
D'un point de vue plus théorique, Hunt comme Bond,
dans leurs meilleurs épisodes, représentent les deux faces d'une même pièce
quant à la vision de l'espionnage sur grand écran.
Leurs univers respectifs reposent
sur des codes visuels et narratifs pas si éloignés que ça.
Que ce soit un motif récurrent ouvrant chaque épisode,
l'infiltration d'environnements luxueux et dépaysants etc…
Quand ce n'est pas carrément des interprètes qui passent d'une franchise à l'autre.
Thématiquement nos deux héros sont cependant diamétralement opposés.
Bond est un individualiste n'hésitant pas à tuer
quiconque se met en travers de son chemin,
et qui n'a recours qu'à sa seule intelligence pour réussir sa mission.
Ethan Hunt, lui, mise sur l'esprit d'équipe et le collectif
pour se sortir de situations difficiles en essayant de rester le plus discret possible.
L'un des autres avantage des Mission: Impossible ces dernières années
est de laisser une certaine marge de manoeuvre aux cinéastes oeuvrant sur la franchise,
chose qui n'est pas trop possible avec James Bond ou même sur d'autres licences.
Autant dire que tout cela doit bien faire marrer Tom Cruise.
L'autre atout majeur des Mission: Impossible et bien c'est justement son interprète.
Tom Cruise n'aura jamais la classe légendaire de Sean Connery,
mais dispose de qualités devenues trop rares à l'heure actuelle
comme son affection pour les cascades en tous genres,
au point d'en avoir fait sa marque de fabrique
et un argument marketing parfois éventé.
Contrairement à ce qu'aime montrer les featurettes depuis le 2ème opus,
le comédien a recours à des doublures physiques ou numériques
parfois bien visibles quand la situation l'exige.
Cependant loin de nous l'idée de minimiser l'investissement de l'acteur
parce que mine de rien, ce dernier, en grand cinéphile,
s'efforce de ressusciter une tradition du cinéma des origines.
Nous avions déjà évoqué dans divers épisodes
l'importance qu'ont pu avoir les maîtres du burlesque sur des générations d'artistes,
et Tom Cruise n'échappe pas à la règle.
«Avec Tom Cruise, nous sommes tous les deux très fans de Harold Lloyd
et nous déplorons qu'il ait été quelque peu oublié.
Tout le monde parle de Buster Keaton et de Charlie Chaplin,
mais personne n'évoque Lloyd alors qu'il était formidable. »
En cela le comédien américain se rapproche de deux autres héritiers du burlesque :
Jean-Paul Belmondo et Jackie Chan.
Pour ce qui est du premier
je vous renvoie à l'article qu'à consacré Alexis Hyaumet
dans le numéro 1 de Revues et Corrigés
qui trace un parallèle dans le parcours des deux comédiens.
Pour ce qui est de Chan
ce qui est passionnant c'est de voir à quel point la carrière de Tom Cruise a fini
par rejoindre celle de son homologue Hongkongais
pour le meilleur mais aussi pour le pire, comme l'on également fait remarquer certains.
« Jackie Chan, c'est un génie. Jackie Chan est définitivement un génie.
Il connaît absolument tout sur la fabrication d'un film.
Et ses films d'actions sont insurpassables.
Il est unique. J'admire tout ce qu'il a fait.
Nous partageons une chose en commun,
c'est la volonté d'offrir une expérience unique au public ».
La saga Mission: Impossible tient une place aussi importante pour Tom Cruise
qu'à pu l'être celle des Police Story pour Jackie Chan.
Ces deux franchises ont était le signe d'une véritable indépendance pour ces artistes
qui leur a permis de fonder leur boite de production au côté de leurs anciens agents.
Paula Wagner pour l'un, Willy Chan pour l'autre.
Le 4ème opus marque dans les deux cas un virage du côté de James Bond,
tandis que le 5ème opus de la franchise, New Police Story
est l'occasion pour Chan de démontrer son registre dramatique,
de la même manière que Rogue Nation permet à Cruise de faire preuve d'humilité.
Mais les deux hommes se rejoignent également
dans leurs récentes casseroles cinématographiques
avec leurs tentatives désastreuses de concurrencer
les productions Marvel de Kevin Feige.
Si Jackie Chan semble continuer sa descente aux enfers,
Cruise semble malgré tout s'accrocher à sa franchise,
désormais sa seule source de succès auprès de la critique et du public,
comme l'atteste le récent Fallout.
À ce titre ce dernier opus montre clairement que l'image de marque
qu'à voulu véhiculer le comédien à travers les Mission: Impossible
peut se retourner contre lui.
Ce n'est d'ailleurs pas nouveau
car certains personnages qu'à incarné Cruise par le passé
semblent être des miroirs de sa propre vie
où du moins des questions qui entourent cette dernière.
Alors que des rumeurs sur sa supposé homosexualité éclatent dans la presse people
il incarne un immortel à la sexualité ambiguë dans Entretien avec un vampire.
Lorsqu'il devient l'un des VRP de la scientologie au milieu des années 90,
Paul Thomas Anderson lui offre le rôle d'un gourou dans Magnolia.
Sans oublier les problèmes que rencontre le couple qu'il forme
avec son épouse de l'époque Nicole Kidman dans Eyes Wide Shut.
Qu'il s'agisse d'une démarche consciente ou non,
cette dimension à su être utilisé ingénieusement
par des cinéastes qui ne dépendait pas de l'acteur.
Ce qui n'est pas tout à fait le cas pour les Mission: Impossible
comme l'illustre le personnage de Julia présent depuis le 3ème volet.
Visiblement écrit pour aller de pair avec l'image de mari modèle
que souhaitait montrer l'acteur alors en pleine idylle avec Katie Holmes,
ce personnage est devenu pour les opus suivants
un vrai problème que Bird et McQuarrie ont tenté tant bien que mal de gérer
en la reléguant à une simple apparition dans Protocole fantôme
ou en l'ignorant comme dans Rogue Nation.
Bref un véritable obstacle pour la franchise
que le comédien semble bien décidé à abandonner
en concluant Fallout sur une espèce de passation de relai assez cheloue
entre Julia et Ilsa Faust,
qui risque fort de perdre son statut d'égal de Hunt en cours de route.
On retrouve également dans Fallout cette tendance très actuelle
à complexifier inutilement les péripéties et les personnages,
alors que la franchise se distinguait du tout venant par ses intrigues linéaires,
concises et efficaces.
D'autant qu'à contrario des deux précédents volets,
Fallout joue ouvertement la carte du blockbuster plus conventionnel.
Mais malgré les défauts du film,
McQuarrie parvient à garder une certaine tenue,
par exemple dans l'escapade parisienne qui joue la carte de l'humour,
lors d'une baston dans les toilettes qui n'aurait pas dépareillé dans True Lies
ou encore dans son ambiance visuelle anachronique
donnant l'impression de revisiter le cinéma français des sixties
celui des Henri Verneuil et autres Jean-Pierre Melville,
sans oublier le climax au Cachemire qui offre à chaque personnage
un vrai morceau de bravoure à la limite du burlesque.
Si le film ne s'écroule pas sous son propre poids,
c'est probablement parce qu'à contrario des autres cinéastes
avec lesquel Cruise a tourné ces dernières années,
McQuarrie est un vrai homme de confiance
mue d'un désir de cinéma commun avec son interprète
et non le premier Yes Man venu.
Mais malheureusement
le fait que le cinéaste rempile à nouveau pour deux autres épisodes,
confirme la tournure d'une saga qui préfère s'enfermer
dans une routine coutumière du blockbuster contemporain,
plutôt que de prendre des risques, ce qui était jusque là son créneau.
Il y a fort à parier que l'âge de Tom Cruise,
qui atteindra les 60 ans au moment de la sortie du huitième épisode,
y soit pour quelque chose dans cette décision de livrer au plus vite des nouveaux opus
en jouant la sécurité avec un cinéaste qu'il connait bien.