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Enlevé Kidnapped, chapitre 21

chapitre 21

XXI.La fuite dans la bruyère :la grotte de Corrynakiegh

Si tôt que vienne le jour, au début de juillet, il faisait encore noir quand nous atteignîmes notre but, une gorge à la cime d'une haute montagne, avec un ruisseau courant au milieu, et d'un côté une grotte peu profonde creusée dans le rocher. Des hêtres formaient en ce lieu un joli petit bois, qui se changeait, un peu plus loin, en sapinière. Le torrent était plein de truites, les bois de pigeons de roche ; sur l'autre flanc de la montagne, des huppes sifflaient sans arrêt et les coucous étaient nombreux. Du débouché de la gorge, nous dominions une partie de Mamore, et le loch maritime qui sépare Appin de ce district ; ce paysage, vu d'une telle hauteur, faisait mon délice et mon admiration.

La gorge se nommait le Heugh de Corrynakiegh ; et bien que, vu son élévation et sa proximité de la mer, elle fût soudain plongée dans les nuages, elle ne laissait pas d'être un lieu plaisant, et les cinq jours que nous y restâmes se passèrent agréablement.

Nous dormions dans la grotte, sur un lit de bruyère que nous coupions à cet effet et recouvert par le vaste surtout d'Alan. Il y avait, à un détour de la gorge, un endroit profondément caché, où nous nous risquions à faire du feu ; de sorte que nous pouvions nous réchauffer quand les nuages nous enveloppaient, et cuisiner du porridge chaud et faire griller les petites truites que nous attrapions à la main vers les pierres et les rives en surplomb du torrent. C'était là, du reste, notre plus grand plaisir et notre principale occupation ; et tant pour garder notre farine en prévision des mauvais jours que par un esprit de divertissante rivalité, nous passions une bonne partie de nos journées au bord de l'eau, le torse nu, et farfouillant dans l'eau à la recherche de ces poissons. Les plus gros que nous prîmes pesaient bien un quart de livre ; mais leur chair était très savoureuse, et une fois grillée sur les charbons, il s'en fallait d'une simple pincée de sel qu'elle ne fût exquise.

Alan ne laissait point passer une occasion de m'apprendre à user de mon épée, car mon ignorance le désolait ; et je crois aussi, comme je le battais souvent à la pêche, qu'il n'était pas fâché de passer à un exercice où il m'était si évidemment supérieur. Cette supériorité, il la déployait un peu plus peut-être qu'il n'eût fallu, car il me harcelait durant ces leçons de criailleries incessantes, et me pressait de si près que j'étais persuadé qu'il allait me donner de sa lame au travers du corps. Je fus souvent tenté de lui tourner les talons, mais néanmoins je tins bon, et tirai quelque profit de son enseignement ; ne fût-ce que de tomber en garde avec un air d'assurance, – et il n'en faut souvent pas davantage. Aussi, bien que je ne parvinsse jamais à satisfaire mon maître, je n'étais pas trop mécontent de moi-même.

Cependant, il ne faut pas croire que nous négligions notre affaire capitale, c'est-à-dire notre fuite.

– Il se passera du temps, me dit Alan le premier matin, avant que les habits-rouges s'avisent d'explorer Corrynakiegh ; il nous faut donc à présent faire dire à James qu'il doit nous trouver de l'argent.

– Et comment le lui faire dire ? demandai-je. Nous sommes ici dans un désert, et nous n'osons plus en sortir. À moins que les oiseaux du ciel ne deviennent nos messagers, je ne vois pas comment nous pourrions faire.

– Ouais ? dit Alan. Vous n'êtes guère un homme de ressource, David.

Et il se mit à réfléchir, en considérant les tisons du feu. Puis, ramassant un bout de bois, il en façonna une croix, dont il noircit les quatre extrémités sur les charbons. Après quoi, il me regarda d'un air un peu gêné.

– Voudriez-vous me prêter mon bouton, dit-il. Cela peut avoir l'air un peu bizarre, de redemander un cadeau, mais j'avoue que cela m'ennuierait d'en couper un autre.

Je lui donnai le bouton. Il le noua sur la lanière arrachée à son surtout, dont il s'était servi pour assembler la croix ; et quand il eut complété son œuvre en y attachant un petit rameau de hêtre et un de sapin, il considéra le tout avec satisfaction.

– Maintenant, dit-il, il y a un petit clachan (ce qu'on appelle un hameau, en Angleterre), pas très loin de Corrynakiegh, et il se nomme Koalisnacoan. Là demeurent quelques amis à moi auxquels je confierais ma vie, et d'autres dont je ne suis pas tout à fait aussi sûr. Voyez-vous, nos têtes valent de l'argent ; James lui-même a dû les mettre à prix ; et quant aux Campbells, ils n'épargneront rien pour nuire à un Stewart. S'il en était autrement, je redescendrais moi-même à Koalisnacoan, et remettrais ma vie entre les mains de ces gens, d'un cœur aussi léger que je confierais mon gant à d'autres.

– Mais les choses étant ainsi ?

– Les choses étant ainsi, je serais peu désireux qu'ils me voient. Il y a de mauvaises gens partout, et, qui pis est, des gens faibles. Quand donc l'obscurité reviendra, je me faufilerai jusque dans ce hameau et irai déposer cet objet que je viens de fabriquer à la fenêtre d'un bon ami à moi, John Breck Marccoll, métayer d'Appin.

– Parfait, dis-je ; et quand il aura trouvé cet objet, que pensera-t-il ?

– Eh bien, dit Alan, il serait à souhaiter qu'il eût un peu plus de jugeote, car j'ai ma foi bien peur qu'il n'y voie pas grand-chose. Mais voici ce que j'ai eu dans l'esprit. Cette croix ressemble à la croix goudronnée, ou croix de feu, qui est le signal du rassemblement, dans nos clans ; mais il comprendra bien que le clan ne doit pas se soulever, car ma croix sera posée sur sa fenêtre, sans aucune inscription. Il se dira donc en lui-même : Le clan ne doit pas se soulever, mais il se passe quelque chose. Puis il verra mon bouton, et qu'il a appartenu à Duncan Stewart. Et alors il se dira en lui-même : Le fils de Duncan est dans la bruyère et il a besoin de moi.

– Bon, dis-je, c'est entendu. Mais à supposer qu'il se le dise, il y a pas mal de bruyère depuis ici jusqu'au Forth.

– Très juste, dit Alan. Mais alors John Breck verra la branche de hêtre et le rameau de sapin, et il se dira (s'il a la moindre jugeote, ce dont malheureusement je doute) : Alan doit être caché dans un bois où il y a des sapins et des hêtres. Alors, il pensera : La chose n'est pas tellement commune dans ces parages ; et puis il viendra nous donner un coup d'œil dans Corrynakiegh. Et s'il ne le fait pas, David, le diable peut bien l'emporter, pour ce que je me soucie de lui, car il ne vaudrait pas alors le sel de son porridge.

– Eh, ami, dis-je pour rire un brin, vous êtes très ingénieux ! Mais ne serait-il pas plus simple de lui laisser quelques mots d'écrit ?

– Votre observation est excellente, monsieur Balfour de Shaws, dit Alan, plaisantant à son tour. Oui, ce serait à coup sûr beaucoup plus simple pour moi de lui écrire, mais ce serait pour John Breck un rude travail que de me lire… Il lui faudrait aller à l'école pendant deux ou trois ans, et possible serions-nous fatigués de l'attendre.

Cette nuit-là donc, Alan emporta sa « croix de feu » et la déposa sur la fenêtre du métayer. Il revint tout soucieux ; car les chiens avaient aboyé et des gens étaient sortis des maisons, et il avait cru entendre un cliquetis d'armes et voir un habit-rouge venir sur l'un des seuils. À tout événement, nous nous tînmes le lendemain sur la lisière du bois et guettâmes, afin, si c'était John Breck qui arrivait, de nous trouver là pour le guider, et si c'étaient des habits-rouges, d'avoir le temps de déguerpir.

Vers midi, un homme apparut, gravissant le flanc pelé de la montagne, en plein soleil, et surveillant en même temps les environs, de dessous sa main en visière. Alan, dès qu'il le vit, siffla ; l'homme se détourna et s'avança quelque peu vers nous ; alors mon ami lança un autre « pîîp ! » et l'homme se rapprocha encore ; et ainsi, de proche en proche, les coups de sifflet le guidèrent jusqu'à nous.

C'était un petit homme haillonneux, hirsute et barbu, d'environ quarante ans, fortement marqué de petite vérole, et l'air à la fois endormi et farouche. Bien que son anglais fût très mauvais et rudimentaire, Alan (suivant sa très noble coutume chaque fois que je me trouvais là) ne lui permit pas d'employer le gaélique. Peut-être ce langage étranger le fit-il paraître plus rustre qu'il ne l'était en effet ; mais je crus voir qu'il avait bien médiocre bonne volonté de nous servir, et que le peu qu'il en avait provenait de la crainte.

Alan prétendait lui faire porter un message à James ; mais le métayer ne voulut pas entendre parler de message. « Il oublier lui », dit-il, de sa voix graillonnante, et, faute d'une lettre, il se laverait les mains de nous.

Je m'attendais à voir Alan pris au dépourvu, car nous n'avions pas de quoi écrire dans ce désert. Mais il était plus inventif que je ne l'imaginais. Il chercha dans les bois tant qu'il eût trouvé une rémige de pigeons de roche, qu'il tailla en guise de plume ; il se fit une manière d'encre en délayant un peu de poudre de sa poire dans quelques gouttes d'eau du torrent ; et déchirant un coin de son brevet militaire de français (qu'il gardait dans sa poche, comme un talisman contre le gibet) il s'assit et écrivit ce qui suit :

Cher Parent,

Veuillez envoyer l'argent par le porteur à l'endroit qu'il sait.

Votre affectionné cousin, À. S.

Et il remit le papier au métayer qui promit de faire toute diligence, et, l'emportant avec lui, redescendit la hauteur.

Il fut trois longs jours parti, mais dans l'après-midi du troisième, vers cinq heures, nous entendîmes sortir du bois un coup de sifflet, auquel Alan répondit, et le métayer remonta le bord du cours d'eau, en regardant après nous de droite et de gauche. Il semblait moins lourd que l'autre fois, et de fait, il était apparemment bien aise d'en avoir fini avec une aussi dangereuse mission.

Il nous apportait les nouvelles du pays : celui-ci grouillait d'habits-rouges ; on découvrait des armes, et le pauvre monde avait des ennuis chaque jour ; et James avec plusieurs de ses serviteurs étaient déjà emprisonnés à Fort-William, véhémentement soupçonnés de complicité. Le bruit courait de tous côtés qu'Alan Breck avait tiré le coup de feu ; et il y avait un arrêté contre lui et moi, stipulant cent livres de récompense.

Le tout était aussi mauvais que possible, et le petit billet que le métayer nous remit, de la part de Mme Stewart, était d'une tristesse déplorable. Par ce billet, elle conjurait Alan de ne pas se laisser prendre, lui affirmant que, s'il tombait aux mains des troupes, elle le tenait, ainsi que James, pour mort. L'argent qu'elle nous envoyait était tout ce qu'elle avait pu réunir ou emprunter, et elle priait le ciel qu'il nous suffit. Enfin, elle joignait à son envoi une des affiches qui donnaient notre signalement.

Nous parcourûmes celui-ci avec beaucoup de curiosité et une crainte non moins grande, en partie comme on se regarde dans un miroir, en partie comme on regarderait dans l'âme d'un canon de fusil braqué sur soi, pour juger si sa visée est correcte. On nous décrivait Alan comme « un homme petit, grêlé, remuant, de trente-cinq ans à peu près, portant chapeau à plumes, habit à la française, bleu, à boutons d'argent, et à dentelles fort détériorées, gilet rouge et culottes de peluche noire » ; et moi comme « un garçon grand et fort d'environ dix-huit ans, portant un vieil habit bleu en haillons, un vieux bonnet de Highlander, un long gilet de laine grossière, des culottes bleues ; jambes nues, souliers des Basses-Terres, sans empeigne ; parle comme un Lowlander ; de barbe, point ».

Alan était très flatté de voir ses beaux effets si bien décrits et détaillés ; toutefois, quand il en arriva au mot « détériorées », il eut pour ses dentelles un coup d'œil plutôt mortifié. Pour moi, je trouvai que je faisais bien piètre figure sur l'affiche ; mais j'en étais d'ailleurs assez heureux, car depuis que j'avais quitté ces nippes, le signalement avait cessé d'être un danger pour devenir une source de sécurité.

– Alan, dis-je, il vous faudra changer de costume.

– Non, ma foi ! dit Alan, je n'en ai pas d'autre. Ce serait du joli, si je retournais en France avec un bonnet.

Cela me fit faire une autre réflexion ; à savoir que, si je venais à me séparer d'Alan et de ses vêtements révélateurs, je serais à l'abri d'une arrestation, et pourrais, sans plus me cacher, aller à mes affaires. Et ce n'était pas tout ; car à supposer que l'on m'arrêtât une fois seul, il n'y avait contre moi guère de présomption ; mais à supposer que je fusse pris en société de l'assassin présumé, mon cas prendrait mauvaise tournure. Par générosité, je m'abstins de dire mon avis sur ce sujet ; mais je n'en pensais pas moins.

J'en pensai d'autant plus encore, lorsque le métayer tira d'une bourse verte quatre guinées d'or, plus la majeure partie d'une cinquième, en petites pièces. C'était, à vrai dire, au-delà de ce que je possédais. Mais Alan, avec moins de cinq guinées, devait aller jusqu'en France ; moi, avec deux à peine, je ne dépasserais pas Queensferry, en sorte que, toutes proportions gardées, la société d'Alan était non seulement un danger pour ma vie, mais un fardeau pour ma bourse.

Mais il n'y avait aucune considération de ce genre dans l'honnête cervelle de mon compagnon. Il se figurait me servir, m'aider, me protéger. Et que pouvais-je faire, sinon enrager en silence et courir ma chance avec lui ?

– C'est bien peu, dit Alan, mettant la bourse dans sa poche, mais cela suffira pour ce que j'ai à faire. Et maintenant, John Breck, vous allez me rendre mon bouton, car ce gentilhomme et moi nous remettons en route.

Mais le métayer, après avoir fouillé dans la sacoche de crin pendue devant lui, à la façon highlander (quoique par ailleurs il portât le costume des Basses-Terres, avec un pantalon de matelot), se mit à rouler des yeux ahuris, et prononça enfin : « Son idée, il l'aura perdu », voulant signifier qu'il croyait l'avoir perdu.

– Quoi ! s'écria Alan, vous auriez perdu mon bouton, qui appartint à mon père avant moi ? Mais je vais vous dire ce que j'ai dans l'idée, John Breck, j'ai dans l'idée que c'est là le pire coup que vous ayez fait depuis le jour de votre naissance.

Et, tout en parlant, il se mit les mains à plat sur les genoux, et regarda le métayer, avec un sourire sur les lèvres, mais dans les yeux cette lueur dansante qui prédisait malheur à ses ennemis.

Peut-être le métayer était-il honnête ; ou bien il avait eu intention de le tromper, et alors, se trouvant seul avec nous deux dans un lieu désert, il revint à l'honnêteté comme au procédé le plus sûr ; du moins, et soudain, il retrouva le bouton, qu'il rendit à Alan.

– Eh bien, cela vaut mieux pour l'honneur des Maccolls, dit Alan. Puis à moi :

– Voici mon bouton que je vous rends et je vous sais gré de vous en être séparé, ce qui va bien de pair avec toutes vos amitiés envers moi.

Puis il prit très chaleureusement congé du métayer :

– Car, dit-il, vous m'avez fort bien servi, et avez hasardé votre tête, et je vous considérerai toujours comme un brave homme.

Finalement, le métayer s'en alla d'un côté ; et Alan et moi (ayant rassemblé nos effets) partîmes par un autre, pour reprendre notre fuite.

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XXI.La fuite dans la bruyère :la grotte de Corrynakiegh XXI Escape into the heather: Corrynakiegh cave

Si tôt que vienne le jour, au début de juillet, il faisait encore noir quand nous atteignîmes notre but, une gorge à la cime d’une haute montagne, avec un ruisseau courant au milieu, et d’un côté une grotte peu profonde creusée dans le rocher. However early in the day it was, in early July, it was still dark when we reached our goal, a gorge at the top of a high mountain, with a stream running through the middle, and on one side a shallow cave cut into the rock. Des hêtres formaient en ce lieu un joli petit bois, qui se changeait, un peu plus loin, en sapinière. Beech trees formed a pretty little wood here, which turned into a fir grove a little further on. Le torrent était plein de truites, les bois de pigeons de roche ; sur l’autre flanc de la montagne, des huppes sifflaient sans arrêt et les coucous étaient nombreux. The stream was full of trout, the woods of rock pigeons; on the other side of the mountain, hoopoes whistled incessantly and cuckoos were numerous. Du débouché de la gorge, nous dominions une partie de Mamore, et le loch maritime qui sépare Appin de ce district ; ce paysage, vu d’une telle hauteur, faisait mon délice et mon admiration. From the mouth of the gorge, we overlooked part of Mamore, and the sea loch that separates Appin from this district; this landscape, seen from such a height, was my delight and admiration.

La gorge se nommait le Heugh de Corrynakiegh ; et bien que, vu son élévation et sa proximité de la mer, elle fût soudain plongée dans les nuages, elle ne laissait pas d’être un lieu plaisant, et les cinq jours que nous y restâmes se passèrent agréablement. The gorge was called the Corrynakiegh Heugh; and although, given its elevation and proximity to the sea, it was suddenly immersed in clouds, it was a pleasant place to be, and the five days we stayed there were pleasantly spent.

Nous dormions dans la grotte, sur un lit de bruyère que nous coupions à cet effet et recouvert par le vaste surtout d’Alan. We slept in the cave, on a bed of heather that we cut for the purpose and covered by Alan's vast bulk. Il y avait, à un détour de la gorge, un endroit profondément caché, où nous nous risquions à faire du feu ; de sorte que nous pouvions nous réchauffer quand les nuages nous enveloppaient, et cuisiner du porridge chaud et faire griller les petites truites que nous attrapions à la main vers les pierres et les rives en surplomb du torrent. There was, at a bend in the gorge, a deeply hidden spot where we ventured to build a fire; so we could keep warm when the clouds enveloped us, and cook hot porridge and grill the little trout we caught by hand towards the stones and overhanging banks of the torrent. C’était là, du reste, notre plus grand plaisir et notre principale occupation ; et tant pour garder notre farine en prévision des mauvais jours que par un esprit de divertissante rivalité, nous passions une bonne partie de nos journées au bord de l’eau, le torse nu, et farfouillant dans l’eau à la recherche de ces poissons. This, incidentally, was our greatest pleasure and our main occupation; and both to keep our flour up for a rainy day and in a spirit of entertaining rivalry, we spent a good part of our days at the water's edge, bare-chested and poking around in the water in search of these fish. Les plus gros que nous prîmes pesaient bien un quart de livre ; mais leur chair était très savoureuse, et une fois grillée sur les charbons, il s’en fallait d’une simple pincée de sel qu’elle ne fût exquise. The biggest we took weighed a quarter of a pound, but their flesh was very tasty, and once grilled over the coals, it needed only a pinch of salt to be exquisite.

Alan ne laissait point passer une occasion de m’apprendre à user de mon épée, car mon ignorance le désolait ; et je crois aussi, comme je le battais souvent à la pêche, qu’il n’était pas fâché de passer à un exercice où il m’était si évidemment supérieur. Alan never passed up an opportunity to teach me how to use my sword, as my ignorance dismayed him; and I also believe, as I often beat him at fishing, that he wasn't pleased to move on to an exercise where he was so obviously superior to me. Cette supériorité, il la déployait un peu plus peut-être qu’il n’eût fallu, car il me harcelait durant ces leçons de criailleries incessantes, et me pressait de si près que j’étais persuadé qu’il allait me donner de sa lame au travers du corps. He displayed this superiority perhaps a little more than he should have, for during these lessons he pestered me with incessant shouting, and pressed me so closely that I was convinced he was going to thrust his blade through my body. Je fus souvent tenté de lui tourner les talons, mais néanmoins je tins bon, et tirai quelque profit de son enseignement ; ne fût-ce que de tomber en garde avec un air d’assurance, – et il n’en faut souvent pas davantage. I was often tempted to turn my back on him, but nevertheless I held firm, and gained something from his teaching; if only to fall on guard with an air of assurance, - and that's often all it takes. Aussi, bien que je ne parvinsse jamais à satisfaire mon maître, je n’étais pas trop mécontent de moi-même. So, although I could never satisfy my master, I wasn't too unhappy with myself.

Cependant, il ne faut pas croire que nous négligions notre affaire capitale, c’est-à-dire notre fuite. However, we mustn't be fooled into thinking that we're neglecting our most important business: our escape.

– Il se passera du temps, me dit Alan le premier matin, avant que les habits-rouges s’avisent d’explorer Corrynakiegh ; il nous faut donc à présent faire dire à James qu’il doit nous trouver de l’argent. - It'll be a long time," Alan told me on the first morning, "before the redcoats think of exploring Corrynakiegh, so now we've got to get James to tell us he's got to find us some money.

– Et comment le lui faire dire ? - And how do you get him to say it? demandai-je. I asked. Nous sommes ici dans un désert, et nous n’osons plus en sortir. We're in a desert here, and we don't dare come out. À moins que les oiseaux du ciel ne deviennent nos messagers, je ne vois pas comment nous pourrions faire. Unless the birds of the air become our messengers, I don't see how we can do it.

– Ouais ? - Yeah? dit Alan. says Alan. Vous n’êtes guère un homme de ressource, David. You're not a very resourceful man, David.

Et il se mit à réfléchir, en considérant les tisons du feu. And he began to think, considering the firebrands. Puis, ramassant un bout de bois, il en façonna une croix, dont il noircit les quatre extrémités sur les charbons. Then, picking up a piece of wood, he fashioned a cross, blackening its four ends on the coals. Après quoi, il me regarda d’un air un peu gêné. After which, he looked at me a little embarrassed.

– Voudriez-vous me prêter mon bouton, dit-il. - Would you mind lending me my button," he says. Cela peut avoir l’air un peu bizarre, de redemander un cadeau, mais j’avoue que cela m’ennuierait d’en couper un autre. It may seem a little odd, asking for a gift again, but I must admit I'd hate to cut another one.

Je lui donnai le bouton. I gave him the button. Il le noua sur la lanière arrachée à son surtout, dont il s’était servi pour assembler la croix ; et quand il eut complété son œuvre en y attachant un petit rameau de hêtre et un de sapin, il considéra le tout avec satisfaction. He tied it onto the strap he'd used to assemble the cross; and when he'd completed his work by attaching a small branch of beech and one of fir, he regarded the whole with satisfaction.

– Maintenant, dit-il, il y a un petit clachan (ce qu’on appelle un hameau, en Angleterre), pas très loin de Corrynakiegh, et il se nomme Koalisnacoan. - Now, he says, there's a little clachan (what we call a hamlet, in England), not far from Corrynakiegh, and it's called Koalisnacoan. Là demeurent quelques amis à moi auxquels je confierais ma vie, et d’autres dont je ne suis pas tout à fait aussi sûr. There remain a few friends of mine to whom I would entrust my life, and others of whom I'm not quite so sure. Voyez-vous, nos têtes valent de l’argent ; James lui-même a dû les mettre à prix ; et quant aux Campbells, ils n’épargneront rien pour nuire à un Stewart. You see, our heads are worth money; James himself had to put a price on them; and as for the Campbells, they'll spare nothing to harm a Stewart. S’il en était autrement, je redescendrais moi-même à Koalisnacoan, et remettrais ma vie entre les mains de ces gens, d’un cœur aussi léger que je confierais mon gant à d’autres. If it were otherwise, I'd go back down to Koalisnacoan myself, and put my life in the hands of these people, as light-heartedly as I'd entrust my glove to others.

– Mais les choses étant ainsi ? - But things being as they are?

– Les choses étant ainsi, je serais peu désireux qu’ils me voient. - Things being as they are, I wouldn't want them to see me. Il y a de mauvaises gens partout, et, qui pis est, des gens faibles. There are bad people everywhere, and what's worse, weak people. Quand donc l’obscurité reviendra, je me faufilerai jusque dans ce hameau et irai déposer cet objet que je viens de fabriquer à la fenêtre d’un bon ami à moi, John Breck Marccoll, métayer d’Appin. So when darkness returns, I'm going to sneak into this hamlet and drop this object I've just made at the window of a good friend of mine, John Breck Marccoll, tenant farmer of Appin.

– Parfait, dis-je ; et quand il aura trouvé cet objet, que pensera-t-il ? - Perfect," I said, "and when he finds it, what will he think?

– Eh bien, dit Alan, il serait à souhaiter qu’il eût un peu plus de jugeote, car j’ai ma foi bien peur qu’il n’y voie pas grand-chose. - Well," says Alan, "I wish he had a little more gumption, because I'm afraid he doesn't see much. Mais voici ce que j’ai eu dans l’esprit. But here's what I had in mind. Cette croix ressemble à la croix goudronnée, ou croix de feu, qui est le signal du rassemblement, dans nos clans ; mais il comprendra bien que le clan ne doit pas se soulever, car ma croix sera posée sur sa fenêtre, sans aucune inscription. This cross resembles the tarred cross, or cross of fire, which is the signal for the gathering, in our clans; but he will understand that the clan must not rise, because my cross will be placed on his window, without any inscription. Il se dira donc en lui-même : Le clan ne doit pas se soulever, mais il se passe quelque chose. So he'll say to himself: The clan doesn't have to rise up, but something's going on. Puis il verra mon bouton, et qu’il a appartenu à Duncan Stewart. Then he'll see my button, and that it belonged to Duncan Stewart. Et alors il se dira en lui-même : Le fils de Duncan est dans la bruyère et il a besoin de moi. And then he'll say to himself: Duncan's son is in the heather and he needs me.

– Bon, dis-je, c’est entendu. - Well," I said, "it's understood. Mais à supposer qu’il se le dise, il y a pas mal de bruyère depuis ici jusqu’au Forth. But assuming he tells himself, there's quite a bit of heather from here to the Forth.

– Très juste, dit Alan. - Quite right," says Alan. Mais alors John Breck verra la branche de hêtre et le rameau de sapin, et il se dira (s’il a la moindre jugeote, ce dont malheureusement je doute) : Alan doit être caché dans un bois où il y a des sapins et des hêtres. But then John Breck will see the beech branch and the fir twig, and he'll say to himself (if he's got any sense, which unfortunately I doubt): Alan must be hiding in a wood where there are fir trees and beech trees. Alors, il pensera : La chose n’est pas tellement commune dans ces parages ; et puis il viendra nous donner un coup d’œil dans Corrynakiegh. Then he'll think: The thing is not so common in these parts; and then he'll come and give us a peek into Corrynakiegh. Et s’il ne le fait pas, David, le diable peut bien l’emporter, pour ce que je me soucie de lui, car il ne vaudrait pas alors le sel de son porridge. And if he doesn't, David, the devil may well take him, for all I care, for then he wouldn't be worth the salt in his porridge.

– Eh, ami, dis-je pour rire un brin, vous êtes très ingénieux ! - Hey, friend," I said, laughing a little, "you're very ingenious! Mais ne serait-il pas plus simple de lui laisser quelques mots d’écrit ? But wouldn't it be simpler to leave her a few words in writing?

– Votre observation est excellente, monsieur Balfour de Shaws, dit Alan, plaisantant à son tour. - Your observation is excellent, Mr Balfour de Shaws," said Alan, joking in his turn. Oui, ce serait à coup sûr beaucoup plus simple pour moi de lui écrire, mais ce serait pour John Breck un rude travail que de me lire… Il lui faudrait aller à l’école pendant deux ou trois ans, et possible serions-nous fatigués de l’attendre. Yes, it would certainly be much easier for me to write to him, but it would be hard work for John Breck to read me... He'd have to go to school for two or three years, and maybe we'd get tired of waiting for him.

Cette nuit-là donc, Alan emporta sa « croix de feu » et la déposa sur la fenêtre du métayer. That night, Alan took his "cross of fire" and placed it on the tenant farmer's window. Il revint tout soucieux ; car les chiens avaient aboyé et des gens étaient sortis des maisons, et il avait cru entendre un cliquetis d’armes et voir un habit-rouge venir sur l’un des seuils. He returned worried; for the dogs had barked and people had come out of the houses, and he'd thought he heard a clatter of weapons and seen a redcoat coming over one of the thresholds. À tout événement, nous nous tînmes le lendemain sur la lisière du bois et guettâmes, afin, si c’était John Breck qui arrivait, de nous trouver là pour le guider, et si c’étaient des habits-rouges, d’avoir le temps de déguerpir. At all events, we stood on the edge of the wood the next day and watched, so that if it was John Breck arriving, we'd be there to guide him, and if it was redcoats, we'd have time to get out.

Vers midi, un homme apparut, gravissant le flanc pelé de la montagne, en plein soleil, et surveillant en même temps les environs, de dessous sa main en visière. Around midday, a man appeared, climbing the peeling mountainside in full sunlight, and at the same time surveying the surroundings from under his visored hand. Alan, dès qu’il le vit, siffla ; l’homme se détourna et s’avança quelque peu vers nous ; alors mon ami lança un autre « pîîp ! Alan, as soon as he saw him, whistled; the man turned away and walked a little towards us; then my friend let out another "pîîp! » et l’homme se rapprocha encore ; et ainsi, de proche en proche, les coups de sifflet le guidèrent jusqu’à nous. "And so, closer and closer, the whistles guided him to us.

C’était un petit homme haillonneux, hirsute et barbu, d’environ quarante ans, fortement marqué de petite vérole, et l’air à la fois endormi et farouche. He was a small, shaggy, bearded man of about forty, heavily marked with smallpox, and looking both sleepy and fierce. Bien que son anglais fût très mauvais et rudimentaire, Alan (suivant sa très noble coutume chaque fois que je me trouvais là) ne lui permit pas d’employer le gaélique. Although his English was very poor and rudimentary, Alan (following his very noble custom whenever I was there) would not allow him to use Gaelic. Peut-être ce langage étranger le fit-il paraître plus rustre qu’il ne l’était en effet ; mais je crus voir qu’il avait bien médiocre bonne volonté de nous servir, et que le peu qu’il en avait provenait de la crainte. Perhaps this foreign language made him seem more boorish than he actually was; but I could see that he had very little desire to serve us, and that what little he had came from fear.

Alan prétendait lui faire porter un message à James ; mais le métayer ne voulut pas entendre parler de message. Alan wanted him to take a message to James, but the tenant farmer wouldn't hear of a message. « Il oublier lui », dit-il, de sa voix graillonnante, et, faute d’une lettre, il se laverait les mains de nous. "He forget him," he said, in his gravelly voice, and, for want of a letter, he'd wash his hands of us.

Je m’attendais à voir Alan pris au dépourvu, car nous n’avions pas de quoi écrire dans ce désert. I expected Alan to be caught off guard, as we didn't have anything to write about in this desert. Mais il était plus inventif que je ne l’imaginais. But he was more inventive than I'd imagined. Il chercha dans les bois tant qu’il eût trouvé une rémige de pigeons de roche, qu’il tailla en guise de plume ; il se fit une manière d’encre en délayant un peu de poudre de sa poire dans quelques gouttes d’eau du torrent ; et déchirant un coin de son brevet militaire de français (qu’il gardait dans sa poche, comme un talisman contre le gibet) il s’assit et écrivit ce qui suit : He searched the woods for as long as he could find a rock pigeon's remige, which he carved as a quill; he made himself a kind of ink by diluting a little powder from his pear in a few drops of water from the torrent; and tearing off a corner of his French military brevet (which he kept in his pocket, like a talisman against the gallows) he sat down and wrote the following:

Cher Parent, Dear Parent,

Veuillez envoyer l’argent par le porteur à l’endroit qu’il sait. Please send the money by bearer to the place he knows.

Votre affectionné cousin, À. S. Your affectionate cousin, À. S.

Et il remit le papier au métayer qui promit de faire toute diligence, et, l’emportant avec lui, redescendit la hauteur. And he handed the paper to the tenant farmer, who promised to do his utmost, and took it with him down the hill.

Il fut trois longs jours parti, mais dans l’après-midi du troisième, vers cinq heures, nous entendîmes sortir du bois un coup de sifflet, auquel Alan répondit, et le métayer remonta le bord du cours d’eau, en regardant après nous de droite et de gauche. He was gone for three long days, but on the afternoon of the third, around five o'clock, we heard a whistle come out of the woods, to which Alan answered, and the tenant farmer walked up the bank of the stream, looking right and left after us. Il semblait moins lourd que l’autre fois, et de fait, il était apparemment bien aise d’en avoir fini avec une aussi dangereuse mission. He didn't seem as heavy as last time, and in fact was apparently quite happy to be done with such a dangerous mission.

Il nous apportait les nouvelles du pays : celui-ci grouillait d’habits-rouges ; on découvrait des armes, et le pauvre monde avait des ennuis chaque jour ; et James avec plusieurs de ses serviteurs étaient déjà emprisonnés à Fort-William, véhémentement soupçonnés de complicité. He brought us news from the country: it was swarming with redcoats; weapons were being discovered, and the poor world was in trouble every day; and James with several of his servants were already imprisoned in Fort-William, vehemently suspected of complicity. Le bruit courait de tous côtés qu’Alan Breck avait tiré le coup de feu ; et il y avait un arrêté contre lui et moi, stipulant cent livres de récompense. It was rumored on all sides that Alan Breck had fired the shot; and there was a decree against him and me, stipulating a hundred pounds reward.

Le tout était aussi mauvais que possible, et le petit billet que le métayer nous remit, de la part de Mme Stewart, était d’une tristesse déplorable. The whole thing was as bad as it could get, and the little bill the tenant gave us, from Mrs Stewart, was deplorably sad. Par ce billet, elle conjurait Alan de ne pas se laisser prendre, lui affirmant que, s’il tombait aux mains des troupes, elle le tenait, ainsi que James, pour mort. With this bill, she begged Alan not to let himself be caught, telling him that if he fell into the hands of the troops, she'd take him, and James, for dead. L’argent qu’elle nous envoyait était tout ce qu’elle avait pu réunir ou emprunter, et elle priait le ciel qu’il nous suffit. The money she sent us was all she could raise or borrow, and she prayed to heaven that it would be enough for us. Enfin, elle joignait à son envoi une des affiches qui donnaient notre signalement. Finally, she enclosed one of the posters giving our description.

Nous parcourûmes celui-ci avec beaucoup de curiosité et une crainte non moins grande, en partie comme on se regarde dans un miroir, en partie comme on regarderait dans l’âme d’un canon de fusil braqué sur soi, pour juger si sa visée est correcte. We went through it with great curiosity and no less fear, partly as one would look at oneself in a mirror, partly as one would look into the soul of a rifle barrel pointed at oneself, to judge whether one's aim was correct. On nous décrivait Alan comme « un homme petit, grêlé, remuant, de trente-cinq ans à peu près, portant chapeau à plumes, habit à la française, bleu, à boutons d’argent, et à dentelles fort détériorées, gilet rouge et culottes de peluche noire » ; et moi comme « un garçon grand et fort d’environ dix-huit ans, portant un vieil habit bleu en haillons, un vieux bonnet de Highlander, un long gilet de laine grossière, des culottes bleues ; jambes nues, souliers des Basses-Terres, sans empeigne ; parle comme un Lowlander ; de barbe, point ». We were described by Alan as "a short, lanky, fidgety man of about thirty-five, wearing a feathered hat, a French blue suit with silver buttons and much deteriorated lace, a red vest and black plush breeches" ; and I as "a tall, strong boy of about eighteen, wearing a ragged old blue suit, an old Highlander's cap, a long coarse woollen vest, blue breeches; bare-legged, Lowlander shoes, no vamp; talks like a Lowlander; no beard".

Alan était très flatté de voir ses beaux effets si bien décrits et détaillés ; toutefois, quand il en arriva au mot « détériorées », il eut pour ses dentelles un coup d’œil plutôt mortifié. Alan was very flattered to see his beautiful effects so well described and detailed; however, when he came to the word "deteriorated", he had a rather mortified look for his laces. Pour moi, je trouvai que je faisais bien piètre figure sur l’affiche ; mais j’en étais d’ailleurs assez heureux, car depuis que j’avais quitté ces nippes, le signalement avait cessé d’être un danger pour devenir une source de sécurité. As for me, I thought I looked pretty bad on the poster, but I was quite happy about that, because since I'd left those skivvies, the description had gone from being a danger to a source of security.

– Alan, dis-je, il vous faudra changer de costume. - Alan," I said, "you'll have to change your costume.

– Non, ma foi ! - No, my goodness! dit Alan, je n’en ai pas d’autre. says Alan, "I don't have another one. Ce serait du joli, si je retournais en France avec un bonnet. It would be nice if I went back to France wearing a bonnet.

Cela me fit faire une autre réflexion ; à savoir que, si je venais à me séparer d’Alan et de ses vêtements révélateurs, je serais à l’abri d’une arrestation, et pourrais, sans plus me cacher, aller à mes affaires. This made me think again, that if I were to part with Alan and his revealing clothes, I'd be safe from arrest, and could go about my business without further concealment. Et ce n’était pas tout ; car à supposer que l’on m’arrêtât une fois seul, il n’y avait contre moi guère de présomption ; mais à supposer que je fusse pris en société de l’assassin présumé, mon cas prendrait mauvaise tournure. And that wasn't all; for supposing I were arrested once alone, there was little presumption against me; but supposing I were caught in the company of the presumed assassin, my case would take a bad turn. Par générosité, je m’abstins de dire mon avis sur ce sujet ; mais je n’en pensais pas moins. Out of generosity, I refrained from expressing my opinion on the subject, but I didn't think any less of it.

J’en pensai d’autant plus encore, lorsque le métayer tira d’une bourse verte quatre guinées d’or, plus la majeure partie d’une cinquième, en petites pièces. I thought even more so, when the tenant farmer drew from a green purse four gold guineas, plus most of a fifth, in small coins. C’était, à vrai dire, au-delà de ce que je possédais. It was, to tell the truth, beyond what I had. Mais Alan, avec moins de cinq guinées, devait aller jusqu’en France ; moi, avec deux à peine, je ne dépasserais pas Queensferry, en sorte que, toutes proportions gardées, la société d’Alan était non seulement un danger pour ma vie, mais un fardeau pour ma bourse. But Alan, with less than five guineas, would have to go all the way to France; I, with barely two, wouldn't get beyond Queensferry, so that, all things considered, Alan's company was not only a danger to my life, but a burden on my purse.

Mais il n’y avait aucune considération de ce genre dans l’honnête cervelle de mon compagnon. But there was no such consideration in my companion's honest brain. Il se figurait me servir, m’aider, me protéger. He imagined himself serving me, helping me, protecting me. Et que pouvais-je faire, sinon enrager en silence et courir ma chance avec lui ? And what could I do but rage in silence and take my chances with him?

– C’est bien peu, dit Alan, mettant la bourse dans sa poche, mais cela suffira pour ce que j’ai à faire. - It's not much," says Alan, putting the purse in his pocket, "but it's enough for what I have to do. Et maintenant, John Breck, vous allez me rendre mon bouton, car ce gentilhomme et moi nous remettons en route. And now, John Breck, you're going to give me back my button, because this gentleman and I are getting back on the road.

Mais le métayer, après avoir fouillé dans la sacoche de crin pendue devant lui, à la façon highlander (quoique par ailleurs il portât le costume des Basses-Terres, avec un pantalon de matelot), se mit à rouler des yeux ahuris, et prononça enfin : « Son idée, il l’aura perdu », voulant signifier qu’il croyait l’avoir perdu. But the tenant farmer, after rummaging through the horsehair saddlebag hanging in front of him, highlander-style (although he was otherwise wearing the costume of the Lowlands, with sailor pants), began to roll his eyes in bewilderment, and finally uttered: "His idea, he'll have lost it," meaning that he thought he'd lost it.

– Quoi ! - What! s’écria Alan, vous auriez perdu mon bouton, qui appartint à mon père avant moi ? exclaimed Alan, you've lost my button, which belonged to my father before me? Mais je vais vous dire ce que j’ai dans l’idée, John Breck, j’ai dans l’idée que c’est là le pire coup que vous ayez fait depuis le jour de votre naissance. But I'll tell you what I have in mind, John Breck, I have in mind that this is the worst move you've made since the day you were born.

Et, tout en parlant, il se mit les mains à plat sur les genoux, et regarda le métayer, avec un sourire sur les lèvres, mais dans les yeux cette lueur dansante qui prédisait malheur à ses ennemis. And, as he spoke, he put his hands flat on his knees, and looked at the tenant farmer, with a smile on his lips, but in his eyes that dancing gleam that foretold misfortune to his enemies.

Peut-être le métayer était-il honnête ; ou bien il avait eu intention de le tromper, et alors, se trouvant seul avec nous deux dans un lieu désert, il revint à l’honnêteté comme au procédé le plus sûr ; du moins, et soudain, il retrouva le bouton, qu’il rendit à Alan. Perhaps the tenant farmer was honest; or perhaps he had intended to deceive him, and then, finding himself alone with both of us in a deserted place, he reverted to honesty as the safest procedure; at least, and suddenly, he found the button, which he returned to Alan.

– Eh bien, cela vaut mieux pour l’honneur des Maccolls, dit Alan. - Well, it's better for the Maccolls' honor," says Alan. Puis à moi : Then to me:

– Voici mon bouton que je vous rends et je vous sais gré de vous en être séparé, ce qui va bien de pair avec toutes vos amitiés envers moi. - This is my button that I'm giving back to you, and I'm grateful to you for parting with it, which goes well with all your friendships towards me.

Puis il prit très chaleureusement congé du métayer : Then he bid the tenant farmer a fond farewell:

– Car, dit-il, vous m’avez fort bien servi, et avez hasardé votre tête, et je vous considérerai toujours comme un brave homme. - For," he said, "you have served me well, and risked your head, and I shall always consider you a good man.

Finalement, le métayer s’en alla d’un côté ; et Alan et moi (ayant rassemblé nos effets) partîmes par un autre, pour reprendre notre fuite. Finally, the tenant farmer went off to one side; and Alan and I (having gathered our belongings) left by another, to resume our escape.