×

Mes naudojame slapukus, kad padėtume pagerinti LingQ. Apsilankę avetainėje Jūs sutinkate su mūsų slapukų politika.

image

Candide by Voltaire Part 2 (Read by Bernard), Candide: Chapitre 19

Candide: Chapitre 19

Ce qui leur arriva à Surinam, et comment Candide fit connaissance avec Martin.

La première journée de nos deux voyageurs fut assez agréable. Ils étaient encouragés par l'idée de se voir possesseurs de plus de trésors que l'Asie, l'Europe, et l'Afrique, n'en pouvaient rassembler. Candide transporté écrivit le nom de Cunégonde sur les arbres. A la seconde journée deux de leurs moutons s'enfoncèrent dans des marais, et y furent abîmés avec leurs charges; deux autres moutons moururent de fatigue quelques jours après; sept ou huit périrent ensuite de faim dans un désert; d'autres tombèrent au bout de quelques jours dans des précipices. Enfin, après cent jours de marche, il ne leur resta que deux moutons. Candide dit à Cacambo: Mon ami, vous voyez comme les richesses de ce monde sont périssables; il n'y a rien de solide que la vertu et le bonheur de revoir mademoiselle Cunégonde. Je l'avoue, dit Cacambo; mais il nous reste encore deux moutons avec plus de trésors que n'en aura jamais le roi d'Espagne; et je vois bien de loin une ville que je soupçonne être Surinam, appartenante aux Hollandais. Nous sommes au bout de nos peines et au commencement de notre félicité. En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. Eh! mon Dieu! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois? J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi? Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main: quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe: je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait: Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux; tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. Hélas! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes, et les perroquets, sont mille fois moins malheureux que nous: les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germain. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible. O Pangloss! s'écria Candide, tu n'avais pas deviné cette abomination; c'en est fait, il faudra qu'à la fin je renonce à ton optimisme. Qu'est-ce qu'optimisme? disait Cacambo. Hélas! dit Candide, c'est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal; et il versait des larmes en regardant son nègre; et en pleurant, il entra dans Surinam. La première chose dont ils s'informent, c'est s'il n'y a point au port quelque vaisseau qu'on pût envoyer à Buénos-Ayres. Celui à qui ils s'adressèrent était justement un patron espagnol qui s'offrit à faire avec eux un marché honnête. Il leur donna rendez-vous dans un cabaret. Candide et le fidèle Cacambo allèrent l'y attendre avec leurs deux moutons. Candide, qui avait le coeur sur les lèvres, conta à l'Espagnol toutes ses aventures, et lui avoua qu'il voulait enlever mademoiselle Cunégonde. Je me garderai bien de vous passer à Buénos-Ayres, dit le patron: je serais pendu, et vous aussi; la belle Cunégonde est la maîtresse favorite de monseigneur. Ce fut un coup de foudre pour Candide, il pleura longtemps; enfin il tira à part Cacambo. Voici, mon cher ami, lui dit-il, ce qu'il faut que tu fasses. Nous avons chacun dans nos poches pour cinq ou six millions de diamants, tu es plus habile que moi; va prendre mademoiselle Cunégonde à Buénos-Ayres. Si le gouverneur fait quelque difficulté, donne-lui un million: s'il ne se rend pas, donne-lui-en deux; tu n'as point tué d'inquisiteur, on ne se défiera point de toi. J'équiperai un autre vaisseau, j'irai t'attendre à Venise: c'est un pays libre où l'on n'a rien à craindre ni des Bulgares, ni des Abares, ni des Juifs, ni des inquisiteurs. Cacambo applaudit, à cette sage résolution. Il était au désespoir de se séparer d'un bon maître devenu son ami intime; mais le plaisir de lui être utile l'emporta sur la douleur de le quitter. Ils s'embrassèrent en versant des larmes: Candide lui recommanda de ne point oublier la bonne vieille. Cacambo partit dès le jour même: c'était un très bon homme que ce Cacambo. Candide resta encore quelque temps à Surinam, et attendit qu'un autre patron voulût le mener en Italie lui et les deux moutons qui lui restaient. Il prit des domestiques, et acheta tout ce qui lui était nécessaire pour un long voyage; enfin M. Vanderdendur, maître d'un gros vaisseau, vint se présenter à lui. Combien voulez-vous, demanda-t-il à cet homme, pour me mener en droiture à Venise, moi, mes gens, mon bagage, et les deux moutons que voilà? Le patron s'accorda à dix mille piastres: Candide n'hésita pas. Oh! oh! dit à part soi le prudent Vanderdendur, cet étranger donne dix mille piastres tout d'un coup! il faut qu'il soit bien riche. Puis revenant un moment après, il signifia qu'il ne pouvait partir à moins de vingt mille. Eh bien! vous les aurez, dit Candide. Ouais, se dit tout bas le marchand, cet homme donne vingt mille piastres aussi aisément que dix mille. Il revint encore, et dit qu'il ne pouvait le conduire à Venise à moins de trente mille piastres. Vous en aurez donc trente mille, répondit Candide. Oh! oh! se dit encore le marchand hollandais, trente mille piastres ne coûtent rien à cet homme-ci; sans doute les deux moutons portent des trésors immenses; n'insistons pas davantage: faisons-nous d'abord payer les trente mille piastres, et puis nous verrons. Candide, vendit deux petits diamants, dont le moindre valait plus que tout l'argent que demandait le patron. Il le paya d'avance. Les deux moutons furent embarqués. Candide suivait dans un petit bateau pour joindre le vaisseau à la rade; le patron prend son temps, met à la voile, démarre; le vent le favorise. Candide éperdu et stupéfait le perd bientôt de vue. Hélas! cria-t-il, voilà un tour digne de l'Ancien Monde. Il retourne au rivage, abîmé dans la douleur; car enfin il avait perdu de quoi faire la fortune de vingt monarques. Il se transporte chez le juge hollandais; et, comme il était un peu troublé, il frappe rudement à la porte; il entre, expose son aventure, et crie un peu plus haut qu'il ne convenait. Le juge commença par lui faire payer dix mille piastres pour le bruit qu'il avait fait: ensuite il l'écouta patiemment, lui promit d'examiner son affaire sitôt que le marchand serait revenu, et se fit payer dix mille autres piastres pour les frais de l'audience. Ce procédé acheva de désespérer Candide; il avait à la vérité essuyé des malheurs mille fois plus douloureux; mais le sang froid du juge, et celui du patron dont il était volé, alluma sa bile, et le plongea dans une noire mélancolie. La méchanceté des hommes se présentait à son esprit dans toute sa laideur, il ne se nourrissait que d'idées tristes. Enfin un vaisseau français étant sur le point de partir pour Bordeaux, comme il n'avait plus de moutons chargés de diamants à embarquer, il loua une chambre du vaisseau à juste prix, et fit signifier dans la ville qu'il paierait le passage, la nourriture, et donnerait deux mille piastres à un honnête homme qui voudrait faire le voyage avec lui, à condition que cet homme serait le plus dégoûté de son état, et le plus malheureux de la province. Il se présenta une foule de prétendants qu'une flotte n'aurait pu contenir. Candide, voulant choisir entre les plus apparents, il distingua une vingtaine de personnes qui lui paraissaient sociables, et qui toutes prétendaient mériter la préférence. Il les assembla dans son cabaret, et leur donna à souper, à condition que chacun ferait serment de raconter fidèlement son histoire, promettant de choisir celui qui lui paraîtrait le plus à plaindre et le plus mécontent de son état, à plus juste titre, et de donner aux autres quelques gratifications. La séance dura jusqu'à quatre heures du matin. Candide, en écoutant toutes leurs aventures, se ressouvenait de ce que lui avait dit la vieille en allant à Buénos-Ayres, et de la gageure qu'elle avait faite, qu'il n'y avait personne sur le vaisseau à qui il ne fût arrivé de très grands malheurs. Il songeait à Pangloss à chaque aventure qu'on lui contait. Ce Pangloss, disait-il, serait bien embarrassé à démontrer son système. Je voudrais qu'il fût ici. Certainement si tout va bien, c'est dans Eldorado, et non pas dans le reste de la terre. Enfin il se détermina en faveur d'un pauvre savant qui avait travaillé dix ans pour les libraires à Amsterdam. Il jugea qu'il n'y avait point de métier au monde dont on dût être plus dégoûté. Ce savant, qui était d'ailleurs un bon-homme, avait été volé par sa femme, battu par son fils, et abandonné de sa fille, qui s'était fait enlever par un Portugais. Il venait d'être privé d'un petit emploi duquel il subsistait; et les prédicants de Surinam le persécutaient, parcequ'ils le prenaient pour un socinien. Il faut avouer que les autres étaient pour le moins aussi malheureux que lui; mais Candide espérait que le savant le désennuierait dans le voyage. Tous ses autres rivaux trouvèrent que Candide leur fesait une grande injustice; mais il les apaisa en leur donnant à chacun cent piastres.

Learn languages from TV shows, movies, news, articles and more! Try LingQ for FREE

Candide: Chapitre 19 Candide: Kapitel 19 Candide: Chapter 19 Cándido: Capítulo 19

Ce qui leur arriva à Surinam, et comment Candide fit connaissance avec Martin. |||||Surinam|||||knowledge||Martin What happened to them in Surinam, and how Candide met Martin.

La première journée de nos deux voyageurs fut assez agréable. |first||||||||pleasant The first day of our two travelers was quite pleasant. Ils étaient encouragés par l'idée de se voir possesseurs de plus de trésors que l'Asie, l'Europe, et l'Afrique, n'en pouvaient rassembler. ||encouraged||the idea||||owners||||treasures||Asia|||Africa|could|could|gather They were encouraged by the thought of being in possession of more treasures than Asia, Europe, and Africa could gather. Candide transporté écrivit le nom de Cunégonde sur les arbres. ||||||Cunégonde|||Bäume |transported|wrote||||||| Candide was transported and wrote Cunégonde's name on the trees. A la seconde journée deux de leurs moutons s'enfoncèrent dans des marais, et y furent abîmés avec leurs charges; deux autres moutons moururent de fatigue quelques jours après; sept ou huit périrent ensuite de faim dans un désert; d'autres tombèrent au bout de quelques jours dans des précipices. |||||||||||marsh|and|||damaged|||loads||||died|||||||||perished|then|||||desert||fell|||||||| On the second day, two of their sheep sank into marshes and were lost along with their burdens; two other sheep died from fatigue a few days later; seven or eight perished from hunger in a desert; others fell into abysses after a few days. Enfin, après cent jours de marche, il ne leur resta que deux moutons. |||||||||remained||| Finally, after a hundred days of travel, only two sheep remained. Candide dit à Cacambo: Mon ami, vous voyez comme les richesses de ce monde sont périssables; il n'y a rien de solide que la vertu et le bonheur de revoir mademoiselle Cunégonde. ||||||||as||riches|||||perishable||||||solid|||virtue|||||see|| Candide said to Cacambo: My friend, you see how the riches of this world are perishable; there is nothing solid except virtue and the happiness of seeing Miss Cunégonde again. Je l'avoue, dit Cacambo; mais il nous reste encore deux moutons avec plus de trésors que n'en aura jamais le roi d'Espagne; et je vois bien de loin une ville que je soupçonne être Surinam, appartenante aux Hollandais. ||||||||||||||||||||||||||||||||подозреваю||||| |admits it||||||remains|still||sheep||more||treasures||has||never|||of Spain||||||||city|||suspect||Suriname|belonging|to the|Dutch I admit it, said Cacambo; but we still have two sheep left with more treasures than the King of Spain will ever have; and I can see from afar a city that I suspect to be Surinam, belonging to the Dutch. Nous sommes au bout de nos peines et au commencement de notre félicité. ||||||страдания|||начале|||счастья ||||||troubles|||beginning||| We are at the end of our troubles and at the beginning of our happiness. En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. |approaching||||||||extended|||||||||||||||breeches|||||was missing||this|poor||||left|||| As they approached the city, they encountered a Black man lying on the ground, having only half of his clothing left, that is to say a pair of blue linen shorts; this poor man was missing his left leg and his right hand. Eh! mon Dieu! My God! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois? Candide said to him in Dutch, what are you doing there, my friend, in the horrible state in which I see you? J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. ||||Vanderdendur||famous|trader||| I am waiting for my master, Mr. Vanderdendur, the famous merchant, replied the black man. Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi? ||||||||treated| Is it Mr. Vanderdendur, said Candide, who treated you this way? Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. Yes, sir, said the black man, it is the custom. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. ||||шорты|||||||| ||||short||canvas|||clothing||| We are given a pair of canvas trousers as our only clothing twice a year. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main: quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe: je me suis trouvé dans les deux cas. ||работаем||сахарных завод||||молотовая машина||захватывает||||||||||||убежать||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||fand mich|||| ||work||sweets||||grindstone|we|catches||finger|one||cuts|||when|we|want||flee||||||||||||| When we're working on the sweets, and the millstone catches our finger, they cut off our hand; when we want to run away, they cut off our leg: I've found myself in both cases. Cuando estamos trabajando en los dulces, y la piedra de molino nos coge el dedo, nos cortan la mano; cuando queremos huir, nos cortan la pierna: me he encontrado en ambos casos. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. It's|||price|||eat||sugar|| This is the price you pay for eating sugar in Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait: Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux; tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. ||||||||патагоны|||||Гвинея|||||||благослови||фетиши|||||||||||||||||||||||||||||||| |||||sold||ducats|patagons|||||Guinea|||||||bless||fetishes|adores|||||will||||||to be|slave||||||||||||||||||| However, when my mother sold me ten Patagonian crowns on the coast of Guinea, she said to me: My dear child, bless our fetishes, always worship them, they will make you live happily; you have the honor of being the slave of our lords the whites, and in doing so, you make the fortune of your father and mother. Hélas! Alas Alas! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. |||||||||||haben|||| |||||||||||||||mine I don't know if I made their fortune, but they didn't make mine. Les chiens, les singes, et les perroquets, sont mille fois moins malheureux que nous: les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. |||||||||||несчастны||||идолы||||обратили|||||||||||||| |||||||||||||||fetishes||||converted|||||Sundays||||||of Adam||| Dogs, monkeys, and parrots are a thousand times less unhappy than we are: the Dutch fetishes that converted me tell me every Sunday that we are all children of Adam, white and black. Je ne suis pas généalogiste; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germain. ||||генеалогом||||проповедники|||||||дальние родственники||братский ||||genealogist||||preachers|say|true||||cousins|of germ|of|germain I am not a genealogist; but if these preachers are telling the truth, we are all first cousins. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible. ||признаетесь||||||вы||||||| ||will admit||||||||||||| Now you will admit that one cannot treat one's parents in a more horrible way. O Pangloss! s'écria Candide, tu n'avais pas deviné cette abomination; c'en est fait, il faudra qu'à la fin je renonce à ton optimisme. |||||||abomination|it||||will|||||renounce|||optimism Candide exclaimed, you couldn't have guessed this abomination; it's over, in the end I will have to give up your optimism. Qu'est-ce qu'optimisme? ||optimism What is optimism? disait Cacambo. Cacambo said. Hélas! dit Candide, c'est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal; et il versait des larmes en regardant son nègre; et en pleurant, il entra dans Surinam. ||||rage||support|||||when|||bad|||was pouring||tears|in|looking||negro|||||||Suriname said Candide, it is the rage to maintain that all is well when one is suffering; and he shed tears while looking at his black servant; and while crying, he entered Surinam. La première chose dont ils s'informent, c'est s'il n'y a point au port quelque vaisseau qu'on pût envoyer à Buénos-Ayres. ||thing|||inquire||||||at|port|some|vessel||could|send||| The first thing they inquire about is whether there is any ship at the port that could be sent to Buenos Aires. Celui à qui ils s'adressèrent était justement un patron espagnol qui s'offrit à faire avec eux un marché honnête. |||||||||||||einen||||| ||||addressed||just||patron|Spanish|who|offered||||||market| The one they addressed was indeed a Spanish captain who offered to make an honest deal with them. Il leur donna rendez-vous dans un cabaret. |||||||cabin He arranged to meet them in a cabaret. Candide et le fidèle Cacambo allèrent l'y attendre avec leurs deux moutons. ||||||there|wait|||| Candide and his loyal Cacambo went there to wait with their two sheep. Candide, qui avait le coeur sur les lèvres, conta à l'Espagnol toutes ses aventures, et lui avoua qu'il voulait enlever mademoiselle Cunégonde. ||||||||||||||||confessed||wanted|kidnap|miss| Candide, who had his heart on his lips, told the Spaniard all his adventures, and confessed to him that he wanted to abduct Miss Cunégonde. Je me garderai bien de vous passer à Buénos-Ayres, dit le patron: je serais pendu, et vous aussi; la belle Cunégonde est la maîtresse favorite de monseigneur. ||will|||you|||||||||would be|hung|||also||||||mistress|favorite|| I'll be careful not to pass you on to Buénos-Ayres," says the owner, "I'd be hanged, and so would you; the beautiful Cunégonde is my lord's favorite mistress. Ce fut un coup de foudre pour Candide, il pleura longtemps; enfin il tira à part Cacambo. This||a|strike||lightning||||wept|long|||pulled||| It was love at first sight for Candide, he cried for a long time; finally, he took Cacambo aside. Voici, mon cher ami, lui dit-il, ce qu'il faut que tu fasses. ||||||||||||do Here it is, my dear friend, he said to him, this is what you must do. Nous avons chacun dans nos poches pour cinq ou six millions de diamants, tu es plus habile que moi; va prendre mademoiselle Cunégonde à Buénos-Ayres. We each have five or six million diamonds in our pockets, you are more skillful than I am; go take Miss Cunégonde from Buenos Aires. Si le gouverneur fait quelque difficulté, donne-lui un million: s'il ne se rend pas, donne-lui-en deux; tu n'as point tué d'inquisiteur, on ne se défiera point de toi. |||||||||||||||||||||||of inquisitor||||will not defy||| If the governor makes any difficulty, give him a million: if he does not yield, give him two; you haven't killed any inquisitor, they will not be afraid of you. Si el gobernador pone alguna dificultad, dale un millón: si no se rinde, dale dos; no has matado a un inquisidor, nadie desconfiará de ti. J'équiperai un autre vaisseau, j'irai t'attendre à Venise: c'est un pays libre où l'on n'a rien à craindre ni des Bulgares, ni des Abares, ni des Juifs, ni des inquisiteurs. |||корабль|||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||den Inquisitoren I will equip|||vessel|I will go|wait|in|Venice||||free|where|||||fear|||Bulgarians|||Avars||||||inquisitors I will equip another ship, I will come to wait for you in Venice: it is a free country where one has nothing to fear from the Bulgarians, nor from the Avars, nor from the Jews, nor from the inquisitors. Cacambo applaudit, à cette sage résolution. |applauds||this||resolution Cacambo applauded this wise resolution. Il était au désespoir de se séparer d'un bon maître devenu son ami intime; mais le plaisir de lui être utile l'emporta sur la douleur de le quitter. |||despair|||separate|||master|become|his|friend|intimate|||pleasure|||be|useful|prevailed|||||| He was in despair at parting from a good master who had become his close friend; but the pleasure of being useful to him outweighed the pain of leaving him. Ils s'embrassèrent en versant des larmes: Candide lui recommanda de ne point oublier la bonne vieille. |embraced||pour||tears|||recommended|||not|forget|||old They embraced each other while shedding tears: Candide advised him not to forget the good old woman. Cacambo partit dès le jour même: c'était un très bon homme que ce Cacambo. Cacambo left the very same day: he was a very good man, that Cacambo. Candide resta encore quelque temps à Surinam, et attendit qu'un autre patron voulût le mener en Italie lui et les deux moutons qui lui restaient. ||||||||||||wanted||lead|||||||sheep|||remained Candide stayed a little longer in Surinam, and waited for another master who would take him to Italy along with the two sheep that he had left. Il prit des domestiques, et acheta tout ce qui lui était nécessaire pour un long voyage; enfin M. Vanderdendur, maître d'un gros vaisseau, vint se présenter à lui. |||domestics||bought||||||necessary||||||||master|||vessel|||present||him He took some servants and bought everything he needed for a long journey; finally, Mr. Vanderdendur, master of a big ship, came to present himself to him. Combien voulez-vous, demanda-t-il à cet homme, pour me mener en droiture à Venise, moi, mes gens, mon bagage, et les deux moutons que voilà? How|want|you|asked|||||||me|lead||straight||Venice|||||baggage||||||here How much do you want, he asked this man, to take me straight to Venice, me, my people, my luggage, and these two sheep? Le patron s'accorda à dix mille piastres: Candide n'hésita pas. ||agreed||||piastres||| The captain agreed on ten thousand piastres: Candide did not hesitate. Oh! Oh! oh! oh! dit à part soi le prudent Vanderdendur, cet étranger donne dix mille piastres tout d'un coup! says||part|himself|the|prudent|||||||||| Aside from being cautious, Vanderdendur, this foreigner is giving ten thousand piastres all at once! il faut qu'il soit bien riche. he must be quite rich. Puis revenant un moment après, il signifia qu'il ne pouvait partir à moins de vingt mille. |return|||||signified|||could|leave||||| Then, returning a moment later, he indicated that he could not leave for less than twenty thousand. Luego, volviendo un momento después, dijo que no podía irse con menos de veinte mil. Eh bien! Well! vous les aurez, dit Candide. ||will have|| you will have them, said Candide. Ouais, se dit tout bas le marchand, cet homme donne vingt mille piastres aussi aisément que dix mille. ||||low||||||||piastres||easily||| Yeah, the merchant said to himself quietly, this man gives twenty thousand pistoles as easily as ten thousand. Il revint encore, et dit qu'il ne pouvait le conduire à Venise à moins de trente mille piastres. |||||||||drive|||||||| He came back again and said that he could not take him to Venice for less than thirty thousand pistoles. Vous en aurez donc trente mille, répondit Candide. You will have thirty thousand, replied Candide. Oh! Oh! oh! oh! se dit encore le marchand hollandais, trente mille piastres ne coûtent rien à cet homme-ci; sans doute les deux moutons portent des trésors immenses; n'insistons pas davantage: faisons-nous d'abord payer les trente mille piastres, et puis nous verrons. ||||||thirty||piastres||cost|nothing||||||doubt|||sheep|||treasures|immense|let's not insist||more|let's||first|pay||thirty||piastres||||will see The Dutch merchant says again, thirty thousand piastres cost nothing for this man; undoubtedly the two sheep carry immense treasures; let's not insist any further: let's first get paid the thirty thousand piastres, and then we will see. Candide, vendit deux petits diamants, dont le moindre valait plus que tout l'argent que demandait le patron. |sold||small|diamonds|of which||least|was||that|all||that|requested||patron Candide sold two small diamonds, the least of which was worth more than all the money the boss was asking for. Il le paya d'avance. ||paid| He paid him in advance. Les deux moutons furent embarqués. |||were|embarked The two sheep were loaded onto the ship. Candide suivait dans un petit bateau pour joindre le vaisseau à la rade; le patron prend son temps, met à la voile, démarre; le vent le favorise. ||||||||||||harbor|||||||||sail|starts||||favours Candide followed in a small boat to join the ship in the harbor; the captain takes his time, sets sail, starts; the wind favors him. Candide éperdu et stupéfait le perd bientôt de vue. |lost||stunned||loses|soon|| Candide, bewildered and stunned, soon loses sight of him. Hélas! cria-t-il, voilà un tour digne de l'Ancien Monde. |||||tour|||| he shouted, here is a feat worthy of the Old World. Il retourne au rivage, abîmé dans la douleur; car enfin il avait perdu de quoi faire la fortune de vingt monarques. |returns||shore|damaged|in||||finally||had|lost|||make||fortune|||monarchs He returns to the shore, engulfed in pain; for he had finally lost enough to make the fortune of twenty monarchs. Il se transporte chez le juge hollandais; et, comme il était un peu troublé, il frappe rudement à la porte; il entre, expose son aventure, et crie un peu plus haut qu'il ne convenait. ||transports||||||||||||||roughly||||||exposes||adventure||cries|||||||should He goes to the Dutch judge; and, being a bit agitated, he knocks loudly on the door; he enters, recounts his adventure, and shouts a little louder than appropriate. Le juge commença par lui faire payer dix mille piastres pour le bruit qu'il avait fait: ensuite il l'écouta patiemment, lui promit d'examiner son affaire sitôt que le marchand serait revenu, et se fit payer dix mille autres piastres pour les frais de l'audience. ||began|||make||||piastres|||noise||||||listened|patiently||promised|examine|his||as soon||||would|returned||||pay||thousand|other|piastres|||fees||the hearing The judge began by making him pay ten thousand piastres for the noise he had made: then he listened to him patiently, promised to examine his case as soon as the merchant returned, and had him pay another ten thousand piastres for the costs of the hearing. Ce procédé acheva de désespérer Candide; il avait à la vérité essuyé des malheurs mille fois plus douloureux; mais le sang froid du juge, et celui du patron dont il était volé, alluma sa bile, et le plongea dans une noire mélancolie. ||||||||||||||||||||||||||||||||||Galle||||||| ||finished||despair||||||truth|suffered||miseries||||painful||||cold||||that||patron|||||kindled||bile||||||| This process completed Candide's despair; he had indeed endured misfortunes a thousand times more painful; but the cold blood of the judge, and that of the patron from whom he was robbed, ignited his bile and plunged him into a dark melancholy. La méchanceté des hommes se présentait à son esprit dans toute sa laideur, il ne se nourrissait que d'idées tristes. |wickedness||||presented|||mind||||ugliness||||nourished||of ideas|sad The wickedness of men presented itself to his mind in all its ugliness, and he fed only on sad ideas. Enfin un vaisseau français étant sur le point de partir pour Bordeaux, comme il n'avait plus de moutons chargés de diamants à embarquer, il loua une chambre du vaisseau à juste prix, et fit signifier dans la ville qu'il paierait le passage, la nourriture, et donnerait deux mille piastres à un honnête homme qui voudrait faire le voyage avec lui, à condition que cet homme serait le plus dégoûté de son état, et le plus malheureux de la province. ||vessel|French|being|on||point||||Bordeaux|as||had|||sheep|||diamonds||embark||rented||cabin||vessel||just|price|||sign||||that it|would pay||||||would give||thousand|dollars|||honest|||would|make||voyage||||condition||||would|||disgusted|||state||||unfortunate|||province Finally, a French ship was about to leave for Bordeaux, and as he had no more sheep loaded with diamonds to take on board, he rented a room on the ship at a fair price, and sent word to the town that he would pay for passage, food, and give two thousand piastres to an honest man who wanted to make the voyage with him, on condition that this man would be the most disgusted with his state, and the most unfortunate in the province. Il se présenta une foule de prétendants qu'une flotte n'aurait pu contenir. ||present||||pretenders|||would|been|contain A crowd of suitors presented themselves, which a fleet could not have contained. Candide, voulant choisir entre les plus apparents, il distingua une vingtaine de personnes qui lui paraissaient sociables, et qui toutes prétendaient mériter la préférence. |||||||||||||||||||alle|behaupteten||| |wanting|choose||||apparent||distinguished||twenty|of|||||social||||claimed|deserve|| Candide, wanting to choose among the most apparent, distinguished about twenty people who seemed sociable and all claimed to deserve preference. Il les assembla dans son cabaret, et leur donna à souper, à condition que chacun ferait serment de raconter fidèlement son histoire, promettant de choisir celui qui lui paraîtrait le plus à plaindre et le plus mécontent de son état, à plus juste titre, et de donner aux autres quelques gratifications. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||вознаграждения ||assembled|in||cabin|||gave||supper||||each|would|swear||tell|||history|promising||choose||||would seem||||pity||||discontent||||to|||title|||give||others||gratifications He gathered them in his tavern and gave them dinner, on the condition that each would swear to faithfully tell his story, promising to choose the one who seemed most pitiable and most dissatisfied with his situation, more justly, and to give the others some rewards. La séance dura jusqu'à quatre heures du matin. |session|||||| The session lasted until four o'clock in the morning. Candide, en écoutant toutes leurs aventures, se ressouvenait de ce que lui avait dit la vieille en allant à Buénos-Ayres, et de la gageure qu'elle avait faite, qu'il n'y avait personne sur le vaisseau à qui il ne fût arrivé de très grands malheurs. |||||||вспоминал|||||||||||||||||пари|||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||Wette|||||||||||||||||||| |||||||remembered|||||||||||||||||wager|||made|||||||vessel||||||||||misfortunes Candide, while listening to all their adventures, remembered what the old woman had told him on the way to Buenos Aires, and the wager she had made, that there was no one on the ship who had not experienced very great misfortunes. Il songeait à Pangloss à chaque aventure qu'on lui contait. |thought||||||||told He thought of Pangloss with each adventure that was told to him. Ce Pangloss, disait-il, serait bien embarrassé à démontrer son système. ||||||||demonstrate|| This Pangloss, he said, would be quite embarrassed to demonstrate his system. Je voudrais qu'il fût ici. I wish he were here. Certainement si tout va bien, c'est dans Eldorado, et non pas dans le reste de la terre. Certainly if all goes well, it is in Eldorado, and not in the rest of the earth. Enfin il se détermina en faveur d'un pauvre savant qui avait travaillé dix ans pour les libraires à Amsterdam. Finally|||determined||favor||poor|scholar||had|worked|||||publishers||Amsterdam Finally, he decided in favor of a poor scholar who had worked for ten years for the booksellers in Amsterdam. Il jugea qu'il n'y avait point de métier au monde dont on dût être plus dégoûté. |judged||||||profession|||||should|||disgusted He judged that there was no profession in the world one could be more disgusted with. Ce savant, qui était d'ailleurs un bon-homme, avait été volé par sa femme, battu par son fils, et abandonné de sa fille, qui s'était fait enlever par un Portugais. ||||by the way||||||stolen||||beaten|||||abandoned|||daughter||had||remove||| This scholar, who was also a good man, had been robbed by his wife, beaten by his son, and abandoned by his daughter, who had been taken away by a Portuguese man. Il venait d'être privé d'un petit emploi duquel il subsistait; et les prédicants de Surinam le persécutaient, parcequ'ils le prenaient pour un socinien. |||||||||существовал|||проповедники||||преследовали||||||сочинианец ||||||||||||||||||||||Socinianer |||||||||subsisted|||preachers||||persecuted|because they||took|||Socinian He had just been deprived of a small job on which he depended; and the preachers of Suriname were persecuting him because they took him for a Socinian. Il faut avouer que les autres étaient pour le moins aussi malheureux que lui; mais Candide espérait que le savant le désennuierait dans le voyage. |||||||||||||||||||ученый||развлечет его||| ||admit|||||||||||||||||||would entertain||| It must be admitted that the others were at least as unhappy as he was; but Candide hoped that the learned man would distract him during the journey. Tous ses autres rivaux trouvèrent que Candide leur fesait une grande injustice; mais il les apaisa en leur donnant à chacun cent piastres. |||rivals|||||was doing|||||||calmed||||||| All his other rivals found that Candide was doing them a great injustice; but he calmed them down by giving each of them a hundred piastres.