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Madame Bovary de Gustave Flaubert, Première Partie, 7

Première Partie, 7

Elle songeait quelquefois que c'étaient là pourtant les plus beaux jours de sa vie, la lune de miel, comme on disait. Pour en goûter la douceur, il eût fallu, sans doute, s'en aller vers ces pays à noms sonores où les lendemains de mariage ont de plus suaves paresses ! Dans des chaises de poste, sous des stores de soie bleue, on monte au pas des routes escarpées, écoutant la chanson du postillon, qui se répète dans la montagne avec les clochettes des chèvres et le bruit sourd de la cascade. Quand le soleil se couche, on respire au bord des golfes le parfum des citronniers ; puis, le soir, sur la terrasse des villas, seuls et les doigts confondus, on regarde les étoiles en faisant des projets. Il lui semblait que certains lieux sur la terre devaient produire du bonheur, comme une plante particulière au sol et qui pousse mal tout autre part. Que ne pouvait-elle s'accouder sur le balcon des chalets suisses ou enfermer sa tristesse dans un cottage écossais, avec un mari vêtu d'un habit de velours noir à longues basques, et qui porte des bottes [ 57 ] molles, un chapeau pointu et des manchettes !

Peut-être aurait-elle souhaité faire à quelqu'un la confidence de toutes ces choses. Mais comment dire un insaisissable malaise, qui change d'aspect comme les nuées, qui tourbillonne comme le vent ? Les mots lui manquaient donc, l'occasion, la hardiesse. Si Charles l'avait voulu cependant, s'il s'en fût douté, si son regard, une seule fois, fût venu à la rencontre de sa pensée, il lui semblait qu'une abondance subite se serait détachée de son cœur, comme tombe la récolte d'un espalier quand on y porte la main. Mais, à mesure que se serrait davantage l'intimité de leur vie, un détachement intérieur se faisait qui la déliait de lui. La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d'émotion, de rire ou de rêverie. Il n'avait jamais été curieux, disait-il, pendant qu'il habitait Rouen, d'aller voir au théâtre les acteurs de Paris. Il ne savait ni nager, ni faire des armes, ni tirer le pistolet, et il ne put, un jour, lui expliquer un terme d'équitation qu'elle avait rencontré dans un roman. Un homme, au contraire, ne devait-il pas, tout connaître, exceller en des activités multiples, vous initier aux énergies de la passion, aux raffinements de la vie, à tous les mystères ? Mais il n'enseignait rien, celui-là, ne savait rien, ne souhaitait rien. Il la croyait heureuse ; et elle lui en voulait de ce calme si bien assis, de cette pesanteur sereine, du bonheur même qu'elle lui donnait. [ 58 ] Elle dessinait quelquefois ; et c'était pour Charles un grand amusement que de rester là, tout debout à la regarder penchée sur son carton, clignant des yeux afin de mieux voir son ouvrage, ou arrondissant, sur son pouce, des boulettes de mie de pain. Quant au piano, plus les doigts y couraient vite, plus il s'émerveillait. Elle frappait sur les touches avec aplomb, et parcourait du haut en bas tout le clavier sans s'interrompre. Ainsi secoué par elle, le vieil instrument, dont les cordes frisaient, s'entendait jusqu'au bout du village si la fenêtre était ouverte, et souvent le clerc de l'huissier qui passait sur la grande route, nu-tête et en chaussons, s'arrêtait à l'écouter, sa feuille de papier à la main. Emma, d'autre part ; savait conduire sa maison.

Elle envoyait aux malades le compte des visites, dans des lettres bien tournées, qui ne sentaient pas la facture. Quand ils avaient, le dimanche, quelque voisin à dîner, elle trouvait moyen d'offrir un plat coquet, s'entendait à poser sur des feuilles de vigne les pyramides de reines-claudes, servait renversés les pots de confitures dans une assiette, et même elle parlait d'acheter des rince-bouche pour le dessert. Il rejaillissait de tout cela beaucoup de considération sur Bovary. Charles finissait par s'estimer davantage de ce qu'il possédait une pareille femme. Il montrait avec orgueil, dans la salle, deux petits croquis d'elle, à la mine de plomb, qu'il avait fait encadrer de cadres très larges et suspendus contre le papier de la muraille à de longs cordons verts. Au sortir de la messe, on le voyait sur sa porte avec de belles pantoufles en tapisserie. [ 59 ] Il rentrait tard, à dix heures, minuit quelquefois. Alors il demandait à manger, et, comme la bonne était couchée, c'était Emma qui le servait. Il retirait sa redingote pour dîner plus à son aise. Il disait les uns après les autres tous les gens qu'il avait rencontrés, les villages où il avait été, les ordonnances qu'il avait écrites, et satisfait de lui-même, il mangeait le reste du miroton, épluchait son fromage, croquait une pomme, vidait sa carafe, puis s'allait mettre au lit, se couchait sur le dos et ronflait. Comme il avait eu longtemps l'habitude du bonnet de coton, son foulard ne lui tenait pas aux oreilles ; aussi ses cheveux, le matin, étaient rabattus pêle-mêle sur sa figure et blanchis par le duvet de son oreiller, dont les cordons se dénouaient pendant la nuit. Il portait toujours de fortes bottes, qui avaient au cou-de-pied deux plis épais obliquant vers les chevilles, tandis que le reste de l'empeigne se continuait en ligne droite, tendu comme par un pied de bois. Il disait que c'était bien assez bon pour la campagne. Sa mère l'approuvait en cette économie ; car elle le venait voir comme autrefois, lorsqu'il y avait eu chez elle quelque bourrasque un peu violente ; et cependant Mme Bovary mère semblait prévenue contre sa bru. Elle lui trouvait un genre trop relevé pour leur position de fortune : le bois, le sucre et la chandelle filaient comme dans une grande maison, et la quantité de braise qui se brûlait à la cuisine aurait suffi pour vingt-cinq plats ! Elle rangeait son linge dans les armoires et lui apprenait à surveiller le boucher quand il apportait la viande. Emma recevait ces leçons ; [ 60 ] Mme Bovary les prodiguait ; et les mots de ma fille et de ma mère s'échangeaient tout le long du jour, accompagnés d'un petit frémissement des lèvres, chacune lançant des paroles douces d'une voix tremblante de colère. Du temps de Mme Dubuc, la vieille femme se sentait encore la préférée ; mais, à présent, l'amour de Charles pour Emma lui semblait une désertion de sa tendresse, un envahissement sur ce qui lui appartenait ; et elle observait le bonheur de son fils avec un silence triste, comme quelqu'un de ruiné qui regarde, à travers les carreaux, des gens attablés dans son ancienne maison. Elle lui rappelait, en manière de souvenirs, ses peines et ses sacrifices, et, les comparant aux négligences d'Emma, concluait qu'il n'était point raisonnable de l'adorer d'une façon si exclusive. Charles ne savait que répondre ; il respectait sa mère, et il aimait infiniment sa femme ; il considérait le jugement de l'une comme infaillible, et cependant il trouvait l'autre irréprochable. Quand Mme Bovary était partie, il essayait de hasarder timidement, et dans les mêmes termes, une ou deux des plus anodines observations qu'il avait entendu faire à sa maman ; Emma, lui prouvant d'un mot qu'il se trompait, le renvoyait à ses malades. Cependant, d'après des théories qu'elle croyait bonnes, elle voulut se donner de l'amour. Au clair de lune, dans le jardin, elle récitait tout ce qu'elle savait par cœur de rimes passionnées et lui chantait en soupirant des adagios mélancoliques ; mais elle se trouvait ensuite aussi calme [ 61 ] qu'auparavant, et Charles n'en paraissait ni plus amoureux ni plus remué. Quand elle eut ainsi un peu battu le briquet sur son cœur sans en faire jaillir une étincelle, incapable, du reste, de comprendre ce qu'elle n'éprouvait pas, comme de croire à tout ce qui ne se manifestait point par des formes convenues, elle se persuada sans peine que la passion de Charles n'avait plus rien d'exorbitant. Ses expansions étaient devenues régulières ; il l'embrassait à de certaines heures. C'était une habitude parmi les autres, et comme un dessert prévu d'avance, après la monotonie du dîner. Un garde-chasse, guéri par Monsieur, d'une fluxion de poitrine, avait donné à Madame une petite levrette d'Italie ; elle la prenait pour se promener, car elle sortait quelquefois, afin d'être seule un instant et de n'avoir plus sous les yeux l'éternel jardin avec la route poudreuse. Elle allait jusqu'à la hétraie de Banneville, près du pavillon abandonné qui fait l'angle du mur, du côté des champs. Il y a dans le saut-de-loup, parmi les herbes, de longs roseaux à feuilles coupantes. Elle commençait par regarder tout alentour, pour voir si rien n'avait changé depuis la dernière fois qu'elle était venue. Elle retrouvait aux mêmes places les digitales et les ravenelles, les bouquets d'orties entourant les gros cailloux, et les plaques de lichen le long des trois fenêtres, dont les volets toujours clos s'égrenaient de pourriture, sur leurs barres de fer rouillées. Sa pensée, sans but d'abord, vagabondait au hasard, comme sa levrette, qui faisait des cercles dans la [ 62 ] campagne, jappait après les papillons jaunes, donnait la chasse aux musaraignes ou mordillait les coquelicots sur le bord d'une pièce de blé. Puis ses idées peu à peu se fixaient, et, assise sur le gazon, qu'elle fouillait à petits coups avec le bout de son ombrelle, Emma se répétait : — Pourquoi, mon Dieu !

me suis-je mariée ? Elle se demandait s'il n'y aurait pas eu moyen, par d'autres combinaisons du hasard, de rencontrer un autre homme ; et elle cherchait à imaginer quels eussent été ces événements non survenus, cette vie différente, ce mari qu'elle ne connaissait pas. Tous, en effet, ne ressemblaient pas à celui-là. Il aurait pu être beau, spirituel, distingué, attirant, tels qu'ils étaient sans doute, ceux qu'avaient épousés ses anciennes camarades du couvent. Que faisaient-elles maintenant ? À la ville, avec le bruit des rues, le bourdonnement des théâtres et les clartés du bal, elles avaient des existences où le cœur se dilate, où les sens s'épanouissent. Mais elle, sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au nord, et l'ennui, araignée silencieuse, filait sa toile dans l'ombre à tous les coins de son cœur. Elle se rappelait les jours de distribution de prix, où elle montait sur l'estrade pour aller chercher ses petites couronnes. Avec ses cheveux en tresse, sa robe blanche et ses souliers de prunelle découverts, elle avait une façon gentille, et les messieurs, quand elle regagnait sa place, se penchaient pour lui faire des compliments ; la cour était pleine de calèches, on lui disait adieu par les portières, le maître de musique passait en [ 63 ] saluant, avec sa boîte à violon. Comme c'était loin, tout cela ! comme c'était loin ! Elle appelait Djali, la prenait entre ses genoux, passait ses doigts sur sa longue tête fine et lui disait :

— Allons, baisez maîtresse, vous qui n'avez pas de chagrins.

Puis, considérant la mine mélancolique du svelte animal qui bâillait avec lenteur, elle s'attendrissait, et, le comparant à elle-même, lui parlait tout haut, comme à quelqu'un d'affligé que l'on console. Il arrivait parfois des rafales de vent, brises de la mer qui, roulant d'un bond sur tout le plateau du pays de Caux, apportaient, jusqu'au loin dans les champs, une fraîcheur salée. Les joncs sifflaient à ras de terre, et les feuilles des hêtres bruissaient en un frisson rapide, tandis que les cimes, se balançant toujours, continuaient leur grand murmure. Emma serrait son châle contre ses épaules et se levait. Dans l'avenue, un jour vert rabattu par le feuillage éclairait la mousse rase qui craquait doucement sous ses pieds. Le soleil se couchait ; le ciel était rouge entre les branches, et les troncs pareils des arbres plantés en ligne droite semblaient une colonnade brune se détachant sur un fond d'or ; une peur la prenait, elle appelait Djali, s'en retournait vite à Tostes par la grande route, s'affaissait dans un fauteuil, et de toute la soirée ne parlait pas. Mais, vers la fin de septembre, quelque chose d'extraordinaire tomba dans sa vie : elle fut invitée à la Vaubyessard, chez le marquis d'Andervilliers. [ 64 ] Secrétaire d'État sous la Restauration, le marquis, cherchant à rentrer dans la vie politique, préparait de longue main sa candidature à la Chambre des députés. Il faisait, l'hiver, de nombreuses distributions de fagots, et, au Conseil général, réclamait avec exaltation toujours des routes pour son arrondissement. Il avait eu, lors des grandes chaleurs, un abcès dans la bouche, dont Charles l'avait soulagé comme par miracle, en y donnant à point un coup de lancette. L'homme d'affaires, envoyé à Tostes pour payer l'opération, conta, le soir, qu'il avait vu dans le jardinet du médecin des cerises superbes. Or, les cerisiers poussaient mal à la Vaubyessard, M. le Marquis demanda quelques boutures à Bovary, se fit un devoir de l'en remercier lui-même, aperçut Emma, trouva qu'elle avait une jolie taille et qu'elle ne saluait point en paysanne ; si bien qu'on ne crut pas au château outrepasser les bornes de la condescendance, ni d'autre part commettre une maladresse, en invitant le jeune ménage. Un mercredi, à trois heures, M. et Mme Bovary, montés dans leur boc, partirent pour la Vaubyessard, avec une grande malle attachée par derrière et une boîte à chapeau qui était posée devant le tablier. Charles avait, de plus, un carton entre les jambes. Ils arrivèrent à la nuit tombante, comme on commençait à allumer des lampions dans le parc, afin d'éclairer les voitures.

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Première Partie, 7 Erster Teil, 7 Part 1, 7 Prima parte, 7

Elle songeait quelquefois que c’étaient là pourtant les plus beaux jours de sa vie, la lune de miel, comme on disait. Sie dachte manchmal, dass dies doch die schönsten Tage ihres Lebens waren, die Hochzeitsreise, wie man sagte. Pour en goûter la douceur, il eût fallu, sans doute, s’en aller vers ces pays à noms sonores où les lendemains de mariage ont de plus suaves paresses ! ||||||||||||||||||||||||||sanfter| ||||||||||||||||||||||||||more suave|paresses Um die Süße davon zu kosten, hätte man ohne Zweifel in die klangvollen Länder reisen müssen, wo die Morgen nach der Hochzeit angenehmere Müßiggänge haben! To taste the sweetness, it would have been necessary, no doubt, to go to these countries with sound names where the aftermath of marriage has more sweet laziness! Dans des chaises de poste, sous des stores de soie bleue, on monte au pas des routes escarpées, écoutant la chanson du postillon, qui se répète dans la montagne avec les clochettes des chèvres et le bruit sourd de la cascade. |||||||||||||||||steil|||||||||||||||||||||||cascade ||chairs|||||||||||||||escarpments|||||postilion|||||||||||||||||| In Postkutschen, unter blauen Seidenvorhängen, fährt man im langsamen Schritt die steilen Straßen hinauf, hört das Lied des Postillons, das sich in den Bergen mit dem Glockenläuten der Ziegen und dem dumpfen Geräusch des Wasserfalls wiederholt. In post office chairs, under blue silk blinds, one climbs the steep roads, listening to the song of the postman, which is repeated in the mountain with the bells of the goats and the dull sound of the waterfall. Quand le soleil se couche, on respire au bord des golfes le parfum des citronniers ; puis, le soir, sur la terrasse des villas, seuls et les doigts confondus, on regarde les étoiles en faisant des projets. ||||||||||gulf||||||||||||||||||||||||| Il lui semblait que certains lieux sur la terre devaient produire du bonheur, comme une plante particulière au sol et qui pousse mal tout autre part. Que ne pouvait-elle s’accouder sur le balcon des chalets suisses ou enfermer sa tristesse dans un cottage écossais, avec un mari vêtu d’un habit de velours noir à longues basques, et qui porte des bottes What||||lean|||||chalets||||||in|||||||||||||||||||| [ 57 ] molles, un chapeau pointu et des manchettes ! ||||||Ärmelchen ||||||cuffs

Peut-être aurait-elle souhaité faire à quelqu’un la confidence de toutes ces choses. kann|sein||||||||Vertraulichkeit|||| Vielleicht hätte sie jemandem anvertrauen wollen, all diese Dinge. Perhaps she would have liked to tell someone about all these things. Mais comment dire un insaisissable malaise, qui change d’aspect comme les nuées, qui tourbillonne comme le vent ? ||||||||||||||||wind Aber wie sagt man ein ungreifbares Unbehagen, das sein Aussehen wie die Wolken ändert, das wirbelt wie der Wind? Les mots lui manquaient donc, l’occasion, la hardiesse. The|||||the opportunity|| Ihr fehlten also die Worte, die Gelegenheit, der Mut. He lacked the words, the opportunity, the boldness. Si Charles l’avait voulu cependant, s’il s’en fût douté, si son regard, une seule fois, fût venu à la rencontre de sa pensée, il lui semblait qu’une abondance subite se serait détachée de son cœur, comme tombe la récolte d’un espalier quand on y porte la main. |||||||||||||||||||||||||||||||détachée||||||||||||||| If(1)|||||if he|||||||||||||||||||||||||||||||||harvest||espalier|||||| Wenn Charles es jedoch gewollt hätte, wenn er es geahnt hätte, wenn sein Blick, einmal, seiner Gedanken begegnet wäre, schien es ihm, dass eine plötzliche Fülle von seinem Herzen abgefallen wäre, wie die Ernte von einem Spalier fällt, wenn man die Hand darauf legt. If Charles had wanted it, however, if he had suspected it, if his gaze, just once, had come to meet her thought, it seemed to him that a sudden abundance would have fallen from his heart, as the crop falls from an espalier when one puts one's hand on it. Mais, à mesure que se serrait davantage l’intimité de leur vie, un détachement intérieur se faisait qui la déliait de lui. |||||tightened|||||||||||||united|| Aber je enger die Vertrautheit ihres Lebens wurde, desto mehr stellte sich eine innere Loslösung ein, die sie von ihm befreite. But, as the intimacy of their life tightened more, an inner detachment was taking place that loosened it from him. La conversation de Charles était plate comme un trottoir de rue, et les idées de tout le monde y défilaient dans leur costume ordinaire, sans exciter d’émotion, de rire ou de rêverie. |||||||||||||||||||||||||excite|||||| Charles' Gespräche waren flach wie ein Bürgersteig, und die Ideen aller gingen darin mit ihrem gewohnten Gewand vorüber, ohne Emotion, Lachen oder Träumerei zu erregen. Charles's conversation was as flat as a sidewalk, and everyone's ideas paraded by in their ordinary attire, without exciting any emotion, laughter, or daydreaming. Il n’avait jamais été curieux, disait-il, pendant qu’il habitait Rouen, d’aller voir au théâtre les acteurs de Paris. Er hatte nie neugierig, sagte er, während er in Rouen lebte, danach gestrebt, die Schauspieler aus Paris im Theater zu sehen. He had never been curious, he said, while living in Rouen, to go see the actors from Paris at the theater. Il ne savait ni nager, ni faire des armes, ni tirer le pistolet, et il ne put, un jour, lui expliquer un terme d’équitation qu’elle avait rencontré dans un roman. |||||||||||||||||||||||Reiten|||||| |||||||||||||||||||||||of horseback riding|||||| Un homme, au contraire, ne devait-il pas, tout connaître, exceller en des activités multiples, vous initier aux énergies de la passion, aux raffinements de la vie, à tous les mystères ? ||||||||||excel|||||||||||||refinements||||||| Mais il n’enseignait rien, celui-là, ne savait rien, ne souhaitait rien. ||unterrichtete||||||||| ||didn't teach||||||||| Il la croyait heureuse ; et elle lui en voulait de ce calme si bien assis, de cette pesanteur sereine, du bonheur même qu’elle lui donnait. ||||and|it||||||||||||||||even||| Er glaubte, sie wäre glücklich; und sie war ihm böse wegen dieser so ruhigen Gelassenheit, dieser heiteren Schwere, des Glücks, das sie ihm selbst gab. He believed her to be happy; and she resented him for that calm that was so settled, for that serene weight, for the happiness that she even gave him. [ 58 ] Elle dessinait quelquefois ; et c’était pour Charles un grand amusement que de rester là, tout debout à la regarder penchée sur son carton, clignant des yeux afin de mieux voir son ouvrage, ou arrondissant, sur son pouce, des boulettes de mie de pain. |||||||||||||||||||||||blinzelnd||||||||||arrondissant|||||Bouletten||sie|| |||||||||||||||||||||||blinking||||||||||||||||||| [ 58 ] Sie zeichnete manchmal; und es war für Charles ein großes Vergnügen, dort einfach zu stehen und sie zu beobachten, wie sie über ihren Karton gebeugt war, die Augen zusammenkneifend, um ihre Arbeit besser zu sehen, oder kleine Brötchen aus Brotkrumen auf ihrem Daumen zu formen. [ 58 ] She would sometimes draw; and it was a great amusement for Charles to stand there, watching her bent over her board, squinting to see her work better, or rolling, on her thumb, little balls of bread crust. Quant au piano, plus les doigts y couraient vite, plus il s’émerveillait. |||||||||||sich wunderte Was das Klavier betrifft, je schneller die Finger darüber flogen, desto mehr wunderte er sich. As for the piano, the faster the fingers ran over it, the more he marveled. Elle frappait sur les touches avec aplomb, et parcourait du haut en bas tout le clavier sans s’interrompre. ||||keys||||||||||||| Sie schlug mit Selbstbewusstsein auf die Tasten und durchlief das gesamte Klavier von oben nach unten, ohne sich zu unterbrechen. Ainsi secoué par elle, le vieil instrument, dont les cordes frisaient, s’entendait jusqu’au bout du village si la fenêtre était ouverte, et souvent le clerc de l’huissier qui passait sur la grande route, nu-tête et en chaussons, s’arrêtait à l’écouter, sa feuille de papier à la main. Thus||||||||||sizzled||||||||||||||||||||||||||||||||||||| So erschüttert von ihr, konnte man das alte Instrument, dessen Saiten zitterten, bis ans Ende des Dorfes hören, wenn das Fenster offen war, und oft hielt der Gerichtsschreiber, der auf der großen Straße vorbeikam, kopf- und pantoffelträger, an, um zuzuhören, mit einem Blatt Papier in der Hand. Emma, d’autre part ; savait conduire sa maison. Emma hingegen wusste, wie man ihr Haus führt.

Elle envoyait aux malades le compte des visites, dans des lettres bien tournées, qui ne sentaient pas la facture. ||||||||||||||||||Rechnung |||||||||||||that||||| Sie schickte den Kranken einen Überblick über die Besuche in wohlformulierten Briefen, die nicht nach Rechnung rochen. Quand ils avaient, le dimanche, quelque voisin à dîner, elle trouvait moyen d’offrir un plat coquet, s’entendait à poser sur des feuilles de vigne les pyramides de reines-claudes, servait renversés les pots de confitures dans une assiette, et même elle parlait d’acheter des rince-bouche pour le dessert. |||||||||||||||elegant||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||a||fancy|was agreed|||||||vine||||reines|greengages||||||||||||it||||rinses|||| Wenn sie am Sonntag einen Nachbarn zum Abendessen hatte, fand sie einen Weg, ein schickes Gericht anzubieten, verstand es, die Pyramiden von Renekloden auf Weinblätter zu legen, servierte die Gläser mit Marmelade umgedreht auf einem Teller, und sie sprach sogar davon, Mundspülungen für das Dessert zu kaufen. When they had some neighbor on Sunday for dinner, she found a way to offer a pretty dish, agreed to place the pyramids of lump queens on vine leaves, served the jars of jams upside down on a plate, and even she was talking about buying mouthwash for dessert. Il rejaillissait de tout cela beaucoup de considération sur Bovary. |sprang hervor|||||||| It||||||||| Von alldem floss viel Ansehen auf Bovary zurück. He reflected a lot of consideration on all of this on Bovary. Charles finissait par s’estimer davantage de ce qu’il possédait une pareille femme. Charles schätzte sich schließlich mehr wegen des Besitzes einer solchen Frau. Charles ended up esteeming himself more for the fact that he owned such a woman. Il montrait avec orgueil, dans la salle, deux petits croquis d’elle, à la mine de plomb, qu’il avait fait encadrer de cadres très larges et suspendus contre le papier de la muraille à de longs cordons verts. |||||||||Skizzen||||||||||||||||||||||||||| |||||||||sketch||||||||||||||||||||||||||| Er zeigte stolz in der Halle zwei kleine Zeichnungen von ihr, in Bleistift, die er in sehr breiten Rahmen gefasst und mit langen grünen Schnüren an das Wandpapier aufgehängt hatte. Au sortir de la messe, on le voyait sur sa porte avec de belles pantoufles en tapisserie. ||||||||||||||slippers|| Nach dem Gottesdienst sah man ihn an seiner Tür mit schönen Pantoffeln aus Tapisserie. At the end of the mass, we saw him on his door with beautiful tapestry slippers. [ 59 ] Il rentrait tard, à dix heures, minuit quelquefois. Alors il demandait à manger, et, comme la bonne était couchée, c’était Emma qui le servait. Il retirait sa redingote pour dîner plus à son aise. Er zog seine Gehrock aus, um bequemer zu essen. Il disait les uns après les autres tous les gens qu’il avait rencontrés, les villages où il avait été, les ordonnances qu’il avait écrites, et satisfait de lui-même, il mangeait le reste du miroton, épluchait son fromage, croquait une pomme, vidait sa carafe, puis s’allait mettre au lit, se couchait sur le dos et ronflait. ||||||||||||||||||||||||||||||||||Miroton|plückte|||croquait||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||miroton|peeled|||crunched|||||||went|||||||||| Er nannte nacheinander alle Leute, die er getroffen hatte, die Dörfer, in denen er gewesen war, die Verordnungen, die er geschrieben hatte, und zufrieden mit sich selbst, aß er den Rest des Miroton, schälte seinen Käse, biss in einen Apfel, leerte seine Karaffe und ging dann ins Bett, legte sich auf den Rücken und schnarchte. Comme il avait eu longtemps l’habitude du bonnet de coton, son foulard ne lui tenait pas aux oreilles ; aussi ses cheveux, le matin, étaient rabattus pêle-mêle sur sa figure et blanchis par le duvet de son oreiller, dont les cordons se dénouaient pendant la nuit. |||||||||||||||||||||||||pêle-mêle|||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||down|||pillow|||||unraveled||| Da er lange Zeit an die Baumwollmütze gewöhnt war, hielt sein Schal nicht an den Ohren; so waren seine Haare am Morgen durcheinander über sein Gesicht gefallen und durch das Flaum seines Kopfkissens, dessen Bänder sich in der Nacht gelöst hatten, ergraut. Il portait toujours de fortes bottes, qui avaient au cou-de-pied deux plis épais obliquant vers les chevilles, tandis que le reste de l’empeigne se continuait en ligne droite, tendu comme par un pied de bois. |||||||||Fußrücken|||||dick||||||||||der Schaft|||||||||||| |||||||||instep|||||||||||||||the upper|||||||||||| Er trug immer starke Stiefel, die am Knöchel zwei dicke Falten hatten, die schräg zu den Knöcheln führten, während der Rest des Schafts in einer geraden Linie weiterging, gespannt wie von einem Holzfuß. He still wore heavy boots, which had two thick pleats at the instep, slanting towards the ankles, while the rest of the vamp continued in a straight line, stretched as if by a wooden foot. Il disait que c’était bien assez bon pour la campagne. Er sagte, das sei gut genug für die Landschaft. Sa mère l’approuvait en cette économie ; car elle le venait voir comme autrefois, lorsqu’il y avait eu chez elle quelque bourrasque un peu violente ; et cependant Mme Bovary mère semblait prévenue contre sa bru. ||sie|||||||||||||||||||||||||||||||von ||approved|||||||||||when it|||||||gust||||||||||||| Seine Mutter billigte ihn in dieser Sparsamkeit; denn sie kam ihn besuchen wie einst, als es bei ihr einen etwas heftigen Sturm gegeben hatte; und dennoch schien Mme Bovary, die Mutter, gegen ihre Schwiegertochter voreingenommen. His mother approved of it in this economy; for she came to see him as formerly, when there had been a somewhat violent gust in her; and yet Mrs. Bovary mother seemed warned against her daughter-in-law. Elle lui trouvait un genre trop relevé pour leur position de fortune : le bois, le sucre et la chandelle filaient comme dans une grande maison, et la quantité de braise qui se brûlait à la cuisine aurait suffi pour vingt-cinq plats ! ||||||erhöht|||||||||||||||||||||||Kohle|||||||||||| ||||||||||||||||||candle|were cooking||||||||||ember|||||||||||| Sie fand, dass sie einen zu hohen Stil für ihre Vermögenslage hatte: das Holz, der Zucker und die Kerze flogen wie in einem großen Haus, und die Menge an Glut, die in der Küche verbrannte, hätte für fünfundzwanzig Gerichte gereicht! Elle rangeait son linge dans les armoires et lui apprenait à surveiller le boucher quand il apportait la viande. |||||||||||monitor||butcher||||| Sie räumte ihre Wäsche in die Schränke und brachte ihm bei, den Metzger zu beobachten, wenn er das Fleisch brachte. She put her clothes in the cupboards and taught him to watch the butcher when he brought the meat. Emma recevait ces leçons ; [ 60 ] Mme Bovary les prodiguait ; et les mots de ma fille et de ma mère s’échangeaient tout le long du jour, accompagnés d’un petit frémissement des lèvres, chacune lançant des paroles douces d’une voix tremblante de colère. |||||||bestowed|||||||||||||||||||||||||||||||| Emma erhielt diese Lektionen; [60] Mme Bovary gab sie weiter; und die Worte meiner Tochter und meiner Mutter wurden den ganzen Tag über ausgetauscht, begleitet von einem kleinen Zucken der Lippen, wobei jede sanfte Worte mit zitternder, wütender Stimme ausstieß. Du temps de Mme Dubuc, la vieille femme se sentait encore la préférée ; mais, à présent, l’amour de Charles pour Emma lui semblait une désertion de sa tendresse, un envahissement sur ce qui lui appartenait ; et elle observait le bonheur de son fils avec un silence triste, comme quelqu’un de ruiné qui regarde, à travers les carreaux, des gens attablés dans son ancienne maison. |time|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||tiles||||||| In the time of Mrs. Dubuc, the old woman still felt like the favorite; but now, Charles's love for Emma seemed to her a desertion of his affection, an invasion of what belonged to her; and she observed her son's happiness with a sad silence, like someone who has been ruined watching, through the windows, people seated at a table in their former home. Elle lui rappelait, en manière de souvenirs, ses peines et ses sacrifices, et, les comparant aux négligences d’Emma, concluait qu’il n’était point raisonnable de l’adorer d’une façon si exclusive. ||||||||||||||||negligences||||||||adoring him|||| She reminded him, in a manner of reminiscence, of his struggles and sacrifices, and, comparing them to Emma's neglect, concluded that it was unreasonable to adore her in such an exclusive way. Charles ne savait que répondre ; il respectait sa mère, et il aimait infiniment sa femme ; il considérait le jugement de l’une comme infaillible, et cependant il trouvait l’autre irréprochable. Charles did not know what to say; he respected his mother, and he loved his wife infinitely; he considered the judgment of the former as infallible, and yet he found the latter irreproachable. Quand Mme Bovary était partie, il essayait de hasarder timidement, et dans les mêmes termes, une ou deux des plus anodines observations qu’il avait entendu faire à sa maman ; Emma, lui prouvant d’un mot qu’il se trompait, le renvoyait à ses malades. ||||||||||||||||||||||||||||||her||||||||||| When Mme Bovary had left, he tried to timidly venture, using the same words, one or two of the most innocuous observations he had heard his mother make; Emma, proving to him with a word that he was mistaken, sent him back to his patients. Cependant, d’après des théories qu’elle croyait bonnes, elle voulut se donner de l’amour. |||||||it||||| However, based on theories she believed to be good, she wanted to give herself love. Au clair de lune, dans le jardin, elle récitait tout ce qu’elle savait par cœur de rimes passionnées et lui chantait en soupirant des adagios mélancoliques ; mais elle se trouvait ensuite aussi calme [ 61 ] qu’auparavant, et Charles n’en paraissait ni plus amoureux ni plus remué. |||||||||||||||||||him|||||adagios||||||||||||||||||| In the moonlight, in the garden, she recited everything she knew by heart of passionate rhymes and sang to him, sighing, melancholic adagios; but she found herself as calm as before, and Charles seemed neither more in love nor more stirred. Quand elle eut ainsi un peu battu le briquet sur son cœur sans en faire jaillir une étincelle, incapable, du reste, de comprendre ce qu’elle n’éprouvait pas, comme de croire à tout ce qui ne se manifestait point par des formes convenues, elle se persuada sans peine que la passion de Charles n’avait plus rien d’exorbitant. ||||||beaten||lighter|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||exorbitant When she had thus beaten the lighter on her heart a little without sparking a flame, unable, moreover, to understand what she did not feel, just as to believe in anything that did not manifest itself through conventional forms, she easily convinced herself that Charles's passion had nothing exorbitant about it. Ses expansions étaient devenues régulières ; il l’embrassait à de certaines heures. |expansions||||||||| His affections had become regular; he kissed her at certain hours. C’était une habitude parmi les autres, et comme un dessert prévu d’avance, après la monotonie du dîner. It had become a habit among others, and like a dessert planned in advance, after the monotony of dinner. Un garde-chasse, guéri par Monsieur, d’une fluxion de poitrine, avait donné à Madame une petite levrette d’Italie ; elle la prenait pour se promener, car elle sortait quelquefois, afin d’être seule un instant et de n’avoir plus sous les yeux l’éternel jardin avec la route poudreuse. A|guard||healed||||flux|||||||a||greyhound||||||||||||||||||||||||||||| Elle allait jusqu’à la hétraie de Banneville, près du pavillon abandonné qui fait l’angle du mur, du côté des champs. ||||beech||Banneville||||||||||||| It went as far as the beech forest of Banneville, near the abandoned pavilion at the corner of the wall, on the side of the fields. Il y a dans le saut-de-loup, parmi les herbes, de longs roseaux à feuilles coupantes. |||||||||||||reeds|||cutting Elle commençait par regarder tout alentour, pour voir si rien n’avait changé depuis la dernière fois qu’elle était venue. Elle retrouvait aux mêmes places les digitales et les ravenelles, les bouquets d’orties entourant les gros cailloux, et les plaques de lichen le long des trois fenêtres, dont les volets toujours clos s’égrenaient de pourriture, sur leurs barres de fer rouillées. ||||||digital|||ravenelles|||of nettles|||||||||lichen|||||||||||were crumbling|||||||| She found in the same places the digital and the ravenelles, the bouquets of nettles surrounding the large stones, and the lichen plates along the three windows, whose shutters always closed were rotting, on their rusty iron bars. Sa pensée, sans but d’abord, vagabondait au hasard, comme sa levrette, qui faisait des cercles dans la [ 62 ] campagne, jappait après les papillons jaunes, donnait la chasse aux musaraignes ou mordillait les coquelicots sur le bord d’une pièce de blé. ||||||||||||||||||barked|||||||||shrews||nibbled||poppies||||||| His thought, aimless at first, wandered randomly, like his greyhound, which made circles in the countryside, [...] of wheat. Puis ses idées peu à peu se fixaient, et, assise sur le gazon, qu’elle fouillait à petits coups avec le bout de son ombrelle, Emma se répétait : ||||||||||||||||small|||||||||| — Pourquoi, mon Dieu !

me suis-je mariée ? did i get married Elle se demandait s’il n’y aurait pas eu moyen, par d’autres combinaisons du hasard, de rencontrer un autre homme ; et elle cherchait à imaginer quels eussent été ces événements non survenus, cette vie différente, ce mari qu’elle ne connaissait pas. She wondered if there might have been a way, through other combinations of chance, to meet another man; and she tried to imagine what those non-occurring events would have been, that different life, that husband she did not know. Tous, en effet, ne ressemblaient pas à celui-là. Indeed, not all resembled that one. Il aurait pu être beau, spirituel, distingué, attirant, tels qu’ils étaient sans doute, ceux qu’avaient épousés ses anciennes camarades du couvent. ||||||||such|||||||married||||| He could have been handsome, witty, distinguished, attractive, like those whom her former convent classmates had undoubtedly married. Que faisaient-elles maintenant ? À la ville, avec le bruit des rues, le bourdonnement des théâtres et les clartés du bal, elles avaient des existences où le cœur se dilate, où les sens s’épanouissent. ||||||||||||||clarities|||||||||||dilates||||thrive In the city, with the noise of the streets, the buzzing of theaters and the light of the ball, they had existences where the heart expands, where the senses flourish. Mais elle, sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au nord, et l’ennui, araignée silencieuse, filait sa toile dans l’ombre à tous les coins de son cœur. |||||||||||||||||spider||||||||||||| Elle se rappelait les jours de distribution de prix, où elle montait sur l’estrade pour aller chercher ses petites couronnes. |||||||||||||the podium|||||| She remembered the days of prize distribution, when she climbed the platform to fetch her little crowns. Avec ses cheveux en tresse, sa robe blanche et ses souliers de prunelle découverts, elle avait une façon gentille, et les messieurs, quand elle regagnait sa place, se penchaient pour lui faire des compliments ; la cour était pleine de calèches, on lui disait adieu par les portières, le maître de musique passait en [ 63 ] saluant, avec sa boîte à violon. ||||braid||||||||prunelle|||||||||||||||||||||||||||carriages||||||||||||||||||| Comme c’était loin, tout cela ! comme c’était loin ! Elle appelait Djali, la prenait entre ses genoux, passait ses doigts sur sa longue tête fine et lui disait : ||Djali|||||||||||||||| She called Djali, took her between her knees, ran her fingers over her long, fine head and said to her:

— Allons, baisez maîtresse, vous qui n’avez pas de chagrins. |kiss||||||| — Come now, kiss my mistress, you who have no sorrows.

Puis, considérant la mine mélancolique du svelte animal qui bâillait avec lenteur, elle s’attendrissait, et, le comparant à elle-même, lui parlait tout haut, comme à quelqu’un d’affligé que l’on console. |||||||||yawned||||softened||||||||||||||of the afflicted||| Then, seeing the melancholic appearance of the slender animal who yawned slowly, she became tender, and, comparing her to herself, spoke to her aloud, as if to someone sorrowful whom one consoles. Il arrivait parfois des rafales de vent, brises de la mer qui, roulant d’un bond sur tout le plateau du pays de Caux, apportaient, jusqu’au loin dans les champs, une fraîcheur salée. |||||||breezes|||||||||||||||||||||||| Sometimes gusts of wind arrived, breezes of the sea which, rolling with a leap over the whole plateau of the country of Caux, brought, far into the fields, a salty freshness. Les joncs sifflaient à ras de terre, et les feuilles des hêtres bruissaient en un frisson rapide, tandis que les cimes, se balançant toujours, continuaient leur grand murmure. |reeds||||||||||beech|rustled||||||||||||||| The rushes hissed close to the ground, and the beech leaves rustled in a swift shiver, while the treetops, still swaying, continued their loud murmur. Emma serrait son châle contre ses épaules et se levait. Emma pulled her shawl tightly around her shoulders and stood up. Dans l’avenue, un jour vert rabattu par le feuillage éclairait la mousse rase qui craquait doucement sous ses pieds. |||||reduced||||illuminated|||sparse|||||| In the avenue, a green day subdued by the foliage illuminated the short moss that cracked softly under her feet. Le soleil se couchait ; le ciel était rouge entre les branches, et les troncs pareils des arbres plantés en ligne droite semblaient une colonnade brune se détachant sur un fond d’or ; une peur la prenait, elle appelait Djali, s’en retournait vite à Tostes par la grande route, s’affaissait dans un fauteuil, et de toute la soirée ne parlait pas. |sun||||||||||||||||||||||colonnade||||||||||||||||||||||||||||||||||| The sun was setting; the sky was red between the branches, and the similar trunks of the trees planted in a straight line resembled a brown colonnade standing out against a golden background; a fear gripped her, she called out for Djali, hurried back to Tostes along the main road, collapsed into an armchair, and didn't speak all evening. Mais, vers la fin de septembre, quelque chose d’extraordinaire tomba dans sa vie : elle fut invitée à la Vaubyessard, chez le marquis d’Andervilliers. ||||||||||||||||||Vaubyessard||||of Andervilliers But, towards the end of September, something extraordinary occurred in her life: she was invited to Vaubyessard, at the home of the Marquis d'Andervilliers. [ 64 ] Secrétaire d’État sous la Restauration, le marquis, cherchant à rentrer dans la vie politique, préparait de longue main sa candidature à la Chambre des députés. ||||||||||||||was preparing|||||||||| Il faisait, l’hiver, de nombreuses distributions de fagots, et, au Conseil général, réclamait avec exaltation toujours des routes pour son arrondissement. |||||distributions||bundles||||||||||||| In winter, he made numerous distributions of fagots, and at the General Council always demanded with exaltation roads for his district. Il avait eu, lors des grandes chaleurs, un abcès dans la bouche, dont Charles l’avait soulagé comme par miracle, en y donnant à point un coup de lancette. |||||||||||||||||||||||||||lancet He had had, during the great heat, an abscess in his mouth, which Charles had miraculously relieved by giving it a timely puncture with a lancet. L’homme d’affaires, envoyé à Tostes pour payer l’opération, conta, le soir, qu’il avait vu dans le jardinet du médecin des cerises superbes. ||||||||||||||||||||cherries| The businessman, sent to Tostes to pay for the operation, told in the evening that he had seen superb cherries in the doctor's garden. Or, les cerisiers poussaient mal à la Vaubyessard, M. le Marquis demanda quelques boutures à Bovary, se fit un devoir de l’en remercier lui-même, aperçut Emma, trouva qu’elle avait une jolie taille et qu’elle ne saluait point en paysanne ; si bien qu’on ne crut pas au château outrepasser les bornes de la condescendance, ni d’autre part commettre une maladresse, en invitant le jeune ménage. ||cherry trees|||||||||||cuttings||||||||||||||||||||and|||||||||one||||||overstep|||||||||||||||| Now, the cherry trees did not grow well at Vaubyessard, Mr. the Marquis asked Bovary for some cuttings, made it a point to thank him personally, caught sight of Emma, found that she had a nice figure and that she did not greet him like a peasant; so much so that it was not believed at the castle to overstep the limits of condescension, nor to commit a blunder by inviting the young couple. Un mercredi, à trois heures, M. et Mme Bovary, montés dans leur boc, partirent pour la Vaubyessard, avec une grande malle attachée par derrière et une boîte à chapeau qui était posée devant le tablier. ||||||||||||car||||Vaubyessard||||||||||box|||||||| One Wednesday, at three o'clock, Mr. and Mrs. Bovary, mounted in their boc, left for Vaubyessard, with a large trunk tied from behind and a hatbox which was placed in front of the apron. Charles avait, de plus, un carton entre les jambes. Ils arrivèrent à la nuit tombante, comme on commençait à allumer des lampions dans le parc, afin d’éclairer les voitures. |arrived|||||||||||||||||| They arrived at nightfall, as people were starting to light lanterns in the park to light the cars.