Arts de l'Islam : regarder le passé pour comprendre le présent
Il est fondamental de s'intéresser, sur le passé,
dans la longue durée, au Moyen-Orient
pour comprendre une actualité qui, trop souvent, nous submerge
par sa violence, sa complexité.
Parce qu'on voit, en retournant vers ce temps long,
que les propagandes de guerre de ce temps
n'ont, au fond, pas grand sens,
qu'elles sont de construction récente.
J'en donnerais juste quelques exemples.
L'Orient islamique a été très longtemps majoritairement chrétien.
Les sunnites et les chiites, pendant pratiquement un millénaire,
se sont affrontés entre sunnites et entre chiites.
Le politique et le religieux, dans l'Islam,
on prétend que c'est intrinsèquement théocratique.
En fait, depuis le début, il y a des pouvoirs politiques
qui essaient de s'imposer à des institutions religieuses
et réciproquement.
On voit que le Moyen-Orient s'organise, au cours des siècles,
voire des millénaires, autour de 3 pôles :
la Mésopotamie, donc l'Irak actuel,
la Syrie, au sens large, et la vallée du Nil, c'est-à-dire l'Égypte.
Il y a une compétition entre ces 3 pôles
et on voit qu'après que le Moyen-Orient s'islamise,
la compétition
se poursuit.
Le premier empire de l'Islam s'établit
à Damas, en Syrie,
et il récupère une bonne partie de la pompe byzantine.
Ensuite, c'est l'Irak,
et on fonde une capitale impériale à Bagdad.
Après,
c'est l'Égypte, avec une nouvelle capitale impériale, Le Caire,
qui est en compétition avec Bagdad.
On a cette organisation de l'espace,
à cheval sur 3 continents,
qui fait qu'on a, effectivement, une économie-monde,
une société-monde,
un empire-monde,
qui s'impose à l'ensemble de ses contemporains.
C'est important de dire « l'Europe »,
parce que, pendant longtemps,
l'empire romain d'Orient a été un empire d'Orient,
donc les Byzantins, face à l'Islam.
Et quand l'Europe s'intéresse
à cette partie du monde, c'est souvent pour un rapprochement
de revers contre les Byzantins.
On sait que du temps de Charlemagne, il y avait
cette tentation avec Haroun al-Rachid,
le calife de Bagdad.
Quand les croisades sont mobilisées,
c'est avant tout un problème européen,
qui affectera le Moyen-Orient assez marginalement,
en tout cas beaucoup moins que les immenses tourments
et bouleversements des invasions mogholes.
Et du temps de François Ier,
la France va nouer, pour le coup, une vraie alliance de revers
avec l'empire ottoman
contre la puissance européenne dominante que sont les Habsbourg.
Cette alliance va durer près de 3 siècles,
et on oublie souvent que,
quand les Français attaquent Nice, attaquent la Corse, au XVIe siècle,
c'est avec la flotte ottomane.
Et tout ça va évidemment changer
à l'époque moderne,
avec l'expédition d'Égypte de la République française,
et de son général Bonaparte,
où la France va choisir l'Égypte
alors que la Grande-Bretagne choisira l'empire ottoman
jusqu'à l'aventure coloniale, plus récente.
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