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Le Ciné-Club de M.Bobine, Le cinéma de Sam Raimi - l'analyse de M. Bobine (1)

Le cinéma de Sam Raimi - l'analyse de M. Bobine (1)

Adeptes de la grande toile bonjour,

Aujourd'hui nous n'allons pas parler d'un film mais d'un réalisateur.

Un touche à tout particulièrement inventif

ayant influencé bon nombres de ses confrères :

j'ai nommé Sam Raimi.

Avec bientôt 40 ans de carrière et 14 longs métrages à son actif,

il était temps de revenir sur la filmographie de ce réalisateur

qui, du film d'horreur bricolé au conte pour enfants,

en passant par le polar ou le blockbuster de super héros,

a oeuvré dans de nombreux genres.

Nous allons donc voir pourquoi le style de Raimi

est beaucoup plus personnel et plus riche qu'il n'y paraît,

mais surtout, nous allons tenter de comprendre ce qu'a voulu dire son vieil ami Joel Coen

lorsqu'il déclare que tout le monde sait que Sam Raimi est un génie sauf lui.

Sam Raimi étant principalement connu pour ses deux sagas

l'une culte, l'autre ayant cartonnée,

il pourrait tout à fait avoir une très haute opinion

de ses talents de réalisateur.

Mais, n'allez pas croire que le succès d'un film

fasse systématiquement tourner la tête de son réalisateur.

Nombreux sont les artistes à avoir du recul sur la réelle popularité de leurs oeuvres

et les cinéastes n'y font pas exception.

C'est d'autant plus évident pour Sam Raimi.

Les Evil Dead ont beau être considéré comme des classiques

par un solide réseau de fans (dont nous faisons parti)

et quelques analystes,

ces films n'ont jamais eu l'aura institutionnelle

qu'ont pu avoir des classiques beaucoup plus politiques

comme La nuit des morts vivants ou Massacre à la tronçonneuse.

Du côté des Spider-Man le constat est sensiblement le même,

puisque le succès de la 1ère trilogie n'a pas empêché les fans de Spider-man

de s'enthousiasmer pour les deux reboot qui ont suivi.

D'ailleurs, Spiderman Homecoming a même dépassé les recettes

du tout premier film sorti en 2002.

À la décharge de Raimi, Spider-Man c'est un peu comme James Bond

le personnage est tellement fort dans l'inconscient collectif

que le public répondra presque toujours présent

quelque soit l'interprète et le traitement qu'on lui accorde.

D'ailleurs le réalisateur considère lui-même avoir eu un coup de chance.

Rappelons que lorsqu'il a débarqué sur le projet en 2000,

il était le dernier d'une shortlist qui comprenait des cinéastes comme David Fincher,

Chris Columbus ou Roland Emmerich.

Autant dire que Raimi a parfaitement conscience des réalités du terrain

et de la manière dont ses oeuvres sont perçues aussi bien par le public

que par les professionnels.

N'ayant visiblement pas un univers artistique aussi identifiable que Guillermo del Toro,

et oeuvrant dans des genres très éloignés les uns et des autres,

le réalisateur semble souffrir du même syndrome que son confrère Peter Jackson,

c'est à dire d'être considéré au mieux

comme un simple exécutant assez malin pour gérer de grosses machines,

au pire comme un vendu ayant sacrifié la folie de ses débuts

au profit d'oeuvres jugées plus consensuelles.

Une situation qui l'a poussé à revenir vers des productions horrifiques

comme Jusqu'en enfer, qui succède à la trilogie Spider-Man,

ou plus récemment la série Ash vs Evil Dead

qui succède à la superproduction Disney Le monde fantastique d'Oz.

Pourtant à y regarder de plus prêt, quelque soit le sujet de ses films,

Sam Raimi, a souvent réussi à livrer une oeuvre éminemment personnelle,

traduisant de nombreuses obsessions artistiques aux sources parfois surprenantes.

Lorsqu'il entreprend le tournage de Evil Dead en novembre 1979,

Sam Raimi a à peine 20 ans et déjà plein de ressources en têtes.

Si l'intrigue de ce 1er long métrage, avec ses jeunes gens massacrés un à un

par une force démoniaque dans une cabane au fond d'une forêt,

ne brille guère par son originalité,

le film se distingue de nombreuses bandes horrifiques de l'époque

par son traitement à l'opposé des modes du moment.

Dans un premier temps le film opte pour une caractérisation façon Alien le 8e passager,

dans lequel un personnage présenté comme secondaire,

ici Ash Williams campé par Bruce Campbell,

devient le protagoniste principal.

Mais la ressemblance avec Ellen Ripley s'arrête ici

car Ash est un personnage maladroit, malmené en permanence

et qui ne doit son salut qu'à la chance.

L'autre particularité d'Evil Dead est la mise en scène.

Du fait de son maigre budget, 350 000 dollars,

le réalisateur va devoir faire preuve d'inventivité

afin que son film puisse se démarquer du tout venant.

Dans Evil Dead

cette inventivité passe par une caméra sans cesse en mouvement,

qui fait office de personnage à part entière.

La force maléfique qui hante chaque coin de la forêt

n'est ni plus ni moins que cette machine en action,

rendant la narration du film indissociable de son découpage.

Ce souci d'inventivité doit beaucoup aux inventions bricolé par l'équipe,

et il se retrouve également dans le son.

Qu'il s'agisse du score de Joseph LoDuca ou du sound design,

chaque élément audio épouse cette caméra en mouvement

ainsi que les actions des personnages,

au point de donner par moment l'impression d'une comédie musicale.

Une mise en scène que l'on pourrait qualifier de sensitive

et dont le plan final constitue l'apothéose.

Et oui, ce plan signature a grandement contribué à la popularité du film

au point d'être cité là où l'on ne l'attends pas forcément...

Cette approche singulière de la réalisation ne quittera jamais le cinéaste,

ajustant ce style en fonction du sujet de ses films,

lui permettant de démontrer que ces effets peuvent également être subtils.

Ce style baroque trouve son origine dans le cinéma muet.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire,

le muet ne se limite pas à des d'interprètes agitant leurs bras dans des plans fixes

entrecoupés de cartons expliquant l'intrigue, bien au contraire.

Les débuts du cinéma était propices à des expérimentations complètement folles

qui touchait tous les genres et tous les pays.

L'absence de son, mais aussi la liberté acquise par les caméras

obligeait les cinéastes et leurs équipes à faire preuve d'imagination

pour retranscrire visuellement les émotions vécus par leurs personnages

et faire comprendre l'histoire dans laquelle ils évoluaient.

L'arrivée du parlant et de sa machinerie beaucoup plus lourde

ayant mis un frein radical à ces expérimentations,

les cinéastes ne cessent depuis plus d'un siècle

d'essayer de retrouver cette liberté de mouvements,

mais aussi de jeu actoral.

Dans le cas de Sam Raimi cet héritage du cinéma des origines se traduit sur plusieurs plans.

Il y a d'abord des clins d'oeils directs à cette période.

Comme la cascade effectué par le réalisateur lui-même

dans le film Indian Summer de Mike Bender

qui renvoie au Cadet d'eau douce de Buster Keaton

ou encore l'arrivée de l'armée des ténèbres qui renvoie à celle des morts

dans le Faust de Murnau.

C'est d'ailleurs auprès du cinéaste de Nosferatu

que le réalisateur emprunte l'une de ses transitions les plus ingénieuses.

En dehors de ces emprunts,

c'est avant tout la volonté de créer une mise en scène qui extrapole par l'image

les sentiments, souvent exacerbés de ses protagonistes,

qui tend à rapprocher le plus Raimi du génie allemand.

« J'essaie de ressentir les émotions de mes personnages,

j'ai besoin de voir à travers leurs yeux et de croire en leur existence à 100%.

Si je sens quelque chose de faux, quelque chose qui ne fonctionne pas, c'est râpé.

Je crois qu'en fait, c'est une démarche assez proche de celle du public :

les spectateurs ont besoin de ressentir

et d'expérimenter ce que vivent les personnages. »

L'autre point d'accroche avec le cinéma muet se situe du côté de Dziga Vertov,

un constructiviste russe connu pour expérimenter un montage frénétique

et placer sa caméra n'importe où,

si possible dans les endroits les plus improbables,

ce que Raimi n'a eu de cesse de faire dans son cinéma.

Cette approche expérimentale rapproche le réalisateur américain

d'un autre mouvement ayant démarré quasiment à la même époque que lui,

la nouvelle vague Hong Kongaise.

Qu'il s'agisse de Tsui Hark, Jackie Chan et bien d'autres génies,

ces cinéastes avait l'ambition similaire de renouer avec les expérimentations d'autrefois

à travers des oeuvres tributaires du cinéma cantonais

et de l'âge d'or Hollywoodien.

Une proximité que Raimi a parfaitement comprise,

puisqu'il cite le carnage final du Syndicat du crime 2 de John Woo

dans l'ouverture de Darkman,

puis il produit avec Jean Claude Van Damme le 1er film américain du maître Hong Kongais.

Ce dernier lui rendant la donne quelques années plus tard.

Cette affection pour le cinéma Hong Kongais se retrouve aussi dans le combat final d'Oz

qui n'est pas sans rappeler celui de Zu les guerriers de la montagne magique.

C'est également dans cette commande pour Disney

que le réalisateur fait des origines foraines du cinéma l'épicentre de son récit,

par exemple en faisant du climax une projection de lanterne magique à grande échelle.

En dehors de cette riche culture cinématographique,

l'autre facteur majeur qui irrigue le cinéma de Sam Raimi est l'humour.

Depuis ses courts métrages étudiants jusqu'à aujourd'hui

toute son oeuvre est travaillée par cet art.

Bien qu'il ait grandi avec le cinéma d'horreur,

c'est avant tout la comédie qui constitue le fer de lance de son amour pour le 7ème art.

Un amour qui provient essentiellement des Trois Stooges

un trio de comiques américains quasi inconnu chez nous

dont l'apogée se situe entre les années 30 et 50,

et qui vont voir certains de leurs gags détournés par le cinéaste.

Si on voulait pousser l'analogie avec les Stooges de manière plus méta,

on pourrait dire que le trio fondé par Raimi, Robert Tapert et Bruce Campbell,

s'apparente à une relecture des Stooges,

avec pour point central le comédien faisant office de souffre douleur pour la bande.

En parlant de Campbell, vous aurez probablement remarqué

que le comédien s'en prend souvent plein la tronche dans la trilogie Evil Dead,

en particulier dans le second opus qui le voit se faire propulser à travers les arbres,

casser des assiettes sur sa tête,

recevoir des geysers de sang

ou affronter sa propre main.

Ce sadisme débridé présent dans quasiment tous les films de Sam Raimi,

ça ne vous rappelle rien ?

Et oui, dans Evil Dead 2, cette incursion de l'humour dans le registre de l'horreur

donne lieu à des scènes qui n'aurait pas dépareillées

chez Chuck Jones et ses Looney Tunes.

On retrouve évidemment ce côté cartoon dans L'Armée des Ténèbres

ou à l'instar d'un Daffy Duck, Ash est devenu un vantard

qui va voir son désir de célébrité auprès de la population moyenâgeuse mis à mal

par son incompétence.

Il poussera l'exercice encore plus loins avec la comédie cartoonesque Mort sur le grill

co-écrite avec les frères Coen

ou chaque gag, s'apparente à une déclaration d'amour à Tex Avery,

allant jusqu'à jouer du contraste entre des personnages tantôt imposant,

tantôt gringalet pour créer une dynamique d'humour visuel.

Plus tard le cinéaste usera de la comédie pour détourner des contraintes.

Les nombreux excréments lâchés par Madame Ganush dans Jusqu'en enfer

lui permettront de contourner le classement R

tout en gardant l'aspect bien craspec de nombreuses scènes.

Autant d'éléments qui tendent à rapprocher son oeuvre du mouvement surréaliste,

un parallèle plus pertinent qu'il en as l'air,

si l'on en juge les nombreuses transitions baroques qui ponctue ses films

et l'emprunt direct à l'un des plus célèbres représentants de ce mouvement.

Je précise qu'il n'y a pas de tronçonneuse dans celui là.

Du surréalisme au surnaturel il n'y a qu'un pas,

que Raimi franchit allègrement en faisant la part belle à toutes sortes d'horreurs

comme les deadites de Evil Dead

et surtout les sorcières présentes dans L'Armée des ténèbres,

Jusqu'en enfer ou encore Le monde fantastique d'Oz.

Toutes ces figures du mal tournent cependant autour d'une même chose,

des êtres autrefois bons devenus des démons à la folie incontrôlable et communicative.

Une dimension tragique qui peut prendre d'autres aspects comme dans Mort ou Vif

à travers la relation qu'entretient le kid et son père Herod,

qui ira jusqu'à l'affronter en duel.

Il en va de même pour Ellen qui dissimule un lourd passé.

La dimension tragique, voir opératique des duels est soulignée

par une horloge dominant une ruelle faisant office de couloir de la mort.

Le cinéma de Sam Raimi - l'analyse de M. Bobine (1) Sam Raimi's cinema - Mr. Coil's analysis (1)

Adeptes de la grande toile bonjour,

Aujourd'hui nous n'allons pas parler d'un film mais d'un réalisateur.

Un touche à tout particulièrement inventif

ayant influencé bon nombres de ses confrères :

j'ai nommé Sam Raimi.

Avec bientôt 40 ans de carrière et 14 longs métrages à son actif,

il était temps de revenir sur la filmographie de ce réalisateur

qui, du film d'horreur bricolé au conte pour enfants,

en passant par le polar ou le blockbuster de super héros,

a oeuvré dans de nombreux genres.

Nous allons donc voir pourquoi le style de Raimi

est beaucoup plus personnel et plus riche qu'il n'y paraît,

mais surtout, nous allons tenter de comprendre ce qu'a voulu dire son vieil ami Joel Coen

lorsqu'il déclare que tout le monde sait que Sam Raimi est un génie sauf lui.

Sam Raimi étant principalement connu pour ses deux sagas

l'une culte, l'autre ayant cartonnée,

il pourrait tout à fait avoir une très haute opinion

de ses talents de réalisateur.

Mais, n'allez pas croire que le succès d'un film

fasse systématiquement tourner la tête de son réalisateur.

Nombreux sont les artistes à avoir du recul sur la réelle popularité de leurs oeuvres

et les cinéastes n'y font pas exception.

C'est d'autant plus évident pour Sam Raimi.

Les Evil Dead ont beau être considéré comme des classiques

par un solide réseau de fans (dont nous faisons parti)

et quelques analystes,

ces films n'ont jamais eu l'aura institutionnelle

qu'ont pu avoir des classiques beaucoup plus politiques

comme La nuit des morts vivants ou Massacre à la tronçonneuse.

Du côté des Spider-Man le constat est sensiblement le même,

puisque le succès de la 1ère trilogie n'a pas empêché les fans de Spider-man

de s'enthousiasmer pour les deux reboot qui ont suivi.

D'ailleurs, Spiderman Homecoming a même dépassé les recettes

du tout premier film sorti en 2002.

À la décharge de Raimi, Spider-Man c'est un peu comme James Bond

le personnage est tellement fort dans l'inconscient collectif

que le public répondra presque toujours présent

quelque soit l'interprète et le traitement qu'on lui accorde.

D'ailleurs le réalisateur considère lui-même avoir eu un coup de chance.

Rappelons que lorsqu'il a débarqué sur le projet en 2000,

il était le dernier d'une shortlist qui comprenait des cinéastes comme David Fincher,

Chris Columbus ou Roland Emmerich.

Autant dire que Raimi a parfaitement conscience des réalités du terrain

et de la manière dont ses oeuvres sont perçues aussi bien par le public

que par les professionnels.

N'ayant visiblement pas un univers artistique aussi identifiable que Guillermo del Toro,

et oeuvrant dans des genres très éloignés les uns et des autres,

le réalisateur semble souffrir du même syndrome que son confrère Peter Jackson,

c'est à dire d'être considéré au mieux

comme un simple exécutant assez malin pour gérer de grosses machines,

au pire comme un vendu ayant sacrifié la folie de ses débuts

au profit d'oeuvres jugées plus consensuelles.

Une situation qui l'a poussé à revenir vers des productions horrifiques

comme Jusqu'en enfer, qui succède à la trilogie Spider-Man,

ou plus récemment la série Ash vs Evil Dead

qui succède à la superproduction Disney Le monde fantastique d'Oz.

Pourtant à y regarder de plus prêt, quelque soit le sujet de ses films,

Sam Raimi, a souvent réussi à livrer une oeuvre éminemment personnelle,

traduisant de nombreuses obsessions artistiques aux sources parfois surprenantes.

Lorsqu'il entreprend le tournage de Evil Dead en novembre 1979,

Sam Raimi a à peine 20 ans et déjà plein de ressources en têtes.

Si l'intrigue de ce 1er long métrage, avec ses jeunes gens massacrés un à un

par une force démoniaque dans une cabane au fond d'une forêt,

ne brille guère par son originalité,

le film se distingue de nombreuses bandes horrifiques de l'époque

par son traitement à l'opposé des modes du moment.

Dans un premier temps le film opte pour une caractérisation façon Alien le 8e passager,

dans lequel un personnage présenté comme secondaire,

ici Ash Williams campé par Bruce Campbell,

devient le protagoniste principal.

Mais la ressemblance avec Ellen Ripley s'arrête ici

car Ash est un personnage maladroit, malmené en permanence

et qui ne doit son salut qu'à la chance.

L'autre particularité d'Evil Dead est la mise en scène.

Du fait de son maigre budget, 350 000 dollars,

le réalisateur va devoir faire preuve d'inventivité

afin que son film puisse se démarquer du tout venant.

Dans Evil Dead

cette inventivité passe par une caméra sans cesse en mouvement,

qui fait office de personnage à part entière.

La force maléfique qui hante chaque coin de la forêt

n'est ni plus ni moins que cette machine en action,

rendant la narration du film indissociable de son découpage.

Ce souci d'inventivité doit beaucoup aux inventions bricolé par l'équipe,

et il se retrouve également dans le son.

Qu'il s'agisse du score de Joseph LoDuca ou du sound design,

chaque élément audio épouse cette caméra en mouvement

ainsi que les actions des personnages,

au point de donner par moment l'impression d'une comédie musicale.

Une mise en scène que l'on pourrait qualifier de sensitive

et dont le plan final constitue l'apothéose.

Et oui, ce plan signature a grandement contribué à la popularité du film

au point d'être cité là où l'on ne l'attends pas forcément...

Cette approche singulière de la réalisation ne quittera jamais le cinéaste,

ajustant ce style en fonction du sujet de ses films,

lui permettant de démontrer que ces effets peuvent également être subtils.

Ce style baroque trouve son origine dans le cinéma muet.

Contrairement à ce que l'on pourrait croire,

le muet ne se limite pas à des d'interprètes agitant leurs bras dans des plans fixes

entrecoupés de cartons expliquant l'intrigue, bien au contraire.

Les débuts du cinéma était propices à des expérimentations complètement folles

qui touchait tous les genres et tous les pays.

L'absence de son, mais aussi la liberté acquise par les caméras

obligeait les cinéastes et leurs équipes à faire preuve d'imagination

pour retranscrire visuellement les émotions vécus par leurs personnages

et faire comprendre l'histoire dans laquelle ils évoluaient.

L'arrivée du parlant et de sa machinerie beaucoup plus lourde

ayant mis un frein radical à ces expérimentations,

les cinéastes ne cessent depuis plus d'un siècle

d'essayer de retrouver cette liberté de mouvements,

mais aussi de jeu actoral.

Dans le cas de Sam Raimi cet héritage du cinéma des origines se traduit sur plusieurs plans.

Il y a d'abord des clins d'oeils directs à cette période.

Comme la cascade effectué par le réalisateur lui-même

dans le film Indian Summer de Mike Bender

qui renvoie au Cadet d'eau douce de Buster Keaton

ou encore l'arrivée de l'armée des ténèbres qui renvoie à celle des morts

dans le Faust de Murnau.

C'est d'ailleurs auprès du cinéaste de Nosferatu

que le réalisateur emprunte l'une de ses transitions les plus ingénieuses.

En dehors de ces emprunts,

c'est avant tout la volonté de créer une mise en scène qui extrapole par l'image

les sentiments, souvent exacerbés de ses protagonistes,

qui tend à rapprocher le plus Raimi du génie allemand.

« J'essaie de ressentir les émotions de mes personnages,

j'ai besoin de voir à travers leurs yeux et de croire en leur existence à 100%.

Si je sens quelque chose de faux, quelque chose qui ne fonctionne pas, c'est râpé.

Je crois qu'en fait, c'est une démarche assez proche de celle du public :

les spectateurs ont besoin de ressentir

et d'expérimenter ce que vivent les personnages. »

L'autre point d'accroche avec le cinéma muet se situe du côté de Dziga Vertov,

un constructiviste russe connu pour expérimenter un montage frénétique

et placer sa caméra n'importe où,

si possible dans les endroits les plus improbables,

ce que Raimi n'a eu de cesse de faire dans son cinéma.

Cette approche expérimentale rapproche le réalisateur américain

d'un autre mouvement ayant démarré quasiment à la même époque que lui,

la nouvelle vague Hong Kongaise.

Qu'il s'agisse de Tsui Hark, Jackie Chan et bien d'autres génies,

ces cinéastes avait l'ambition similaire de renouer avec les expérimentations d'autrefois

à travers des oeuvres tributaires du cinéma cantonais

et de l'âge d'or Hollywoodien.

Une proximité que Raimi a parfaitement comprise,

puisqu'il cite le carnage final du Syndicat du crime 2 de John Woo

dans l'ouverture de Darkman,

puis il produit avec Jean Claude Van Damme le 1er film américain du maître Hong Kongais.

Ce dernier lui rendant la donne quelques années plus tard.

Cette affection pour le cinéma Hong Kongais se retrouve aussi dans le combat final d'Oz

qui n'est pas sans rappeler celui de Zu les guerriers de la montagne magique.

C'est également dans cette commande pour Disney

que le réalisateur fait des origines foraines du cinéma l'épicentre de son récit,

par exemple en faisant du climax une projection de lanterne magique à grande échelle.

En dehors de cette riche culture cinématographique,

l'autre facteur majeur qui irrigue le cinéma de Sam Raimi est l'humour.

Depuis ses courts métrages étudiants jusqu'à aujourd'hui

toute son oeuvre est travaillée par cet art.

Bien qu'il ait grandi avec le cinéma d'horreur,

c'est avant tout la comédie qui constitue le fer de lance de son amour pour le 7ème art.

Un amour qui provient essentiellement des Trois Stooges

un trio de comiques américains quasi inconnu chez nous

dont l'apogée se situe entre les années 30 et 50,

et qui vont voir certains de leurs gags détournés par le cinéaste.

Si on voulait pousser l'analogie avec les Stooges de manière plus méta,

on pourrait dire que le trio fondé par Raimi, Robert Tapert et Bruce Campbell,

s'apparente à une relecture des Stooges,

avec pour point central le comédien faisant office de souffre douleur pour la bande.

En parlant de Campbell, vous aurez probablement remarqué

que le comédien s'en prend souvent plein la tronche dans la trilogie Evil Dead,

en particulier dans le second opus qui le voit se faire propulser à travers les arbres,

casser des assiettes sur sa tête,

recevoir des geysers de sang

ou affronter sa propre main.

Ce sadisme débridé présent dans quasiment tous les films de Sam Raimi,

ça ne vous rappelle rien ?

Et oui, dans Evil Dead 2, cette incursion de l'humour dans le registre de l'horreur

donne lieu à des scènes qui n'aurait pas dépareillées

chez Chuck Jones et ses Looney Tunes.

On retrouve évidemment ce côté cartoon dans L'Armée des Ténèbres

ou à l'instar d'un Daffy Duck, Ash est devenu un vantard

qui va voir son désir de célébrité auprès de la population moyenâgeuse mis à mal

par son incompétence.

Il poussera l'exercice encore plus loins avec la comédie cartoonesque Mort sur le grill

co-écrite avec les frères Coen

ou chaque gag, s'apparente à une déclaration d'amour à Tex Avery,

allant jusqu'à jouer du contraste entre des personnages tantôt imposant,

tantôt gringalet pour créer une dynamique d'humour visuel.

Plus tard le cinéaste usera de la comédie pour détourner des contraintes.

Les nombreux excréments lâchés par Madame Ganush dans Jusqu'en enfer

lui permettront de contourner le classement R

tout en gardant l'aspect bien craspec de nombreuses scènes.

Autant d'éléments qui tendent à rapprocher son oeuvre du mouvement surréaliste,

un parallèle plus pertinent qu'il en as l'air,

si l'on en juge les nombreuses transitions baroques qui ponctue ses films

et l'emprunt direct à l'un des plus célèbres représentants de ce mouvement.

Je précise qu'il n'y a pas de tronçonneuse dans celui là.

Du surréalisme au surnaturel il n'y a qu'un pas,

que Raimi franchit allègrement en faisant la part belle à toutes sortes d'horreurs

comme les deadites de Evil Dead

et surtout les sorcières présentes dans L'Armée des ténèbres,

Jusqu'en enfer ou encore Le monde fantastique d'Oz.

Toutes ces figures du mal tournent cependant autour d'une même chose,

des êtres autrefois bons devenus des démons à la folie incontrôlable et communicative.

Une dimension tragique qui peut prendre d'autres aspects comme dans Mort ou Vif

à travers la relation qu'entretient le kid et son père Herod,

qui ira jusqu'à l'affronter en duel.

Il en va de même pour Ellen qui dissimule un lourd passé.

La dimension tragique, voir opératique des duels est soulignée

par une horloge dominant une ruelle faisant office de couloir de la mort.