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La science face au crime - Cold Cases Saison 1, Cold cases (5_8) l'affaire Christelle Maillery

Cold cases (5_8) l'affaire Christelle Maillery

Cold Case, la science face au crime.

Cinquième épisode, l'affaire Christelle Maheri et l'obstination d'un enquêteur.

Le 18 décembre 1986, dans la petite ville du Creuseau, en Saône-et-Loire,

Christelle Maheri quitte le collège, vers 11 heures. Elle rentre à pied, comme à son

habitude. À peine trois heures plus tard, son corps est découvert dans le local à vélo d'un

immeuble, à seulement 250 mètres de chez elle. L'adolescente a été tuée de 31 coups de couteau,

et il faudra attendre 25 ans avant que le meurtrier ne soit identifié et arrêté.

L'affaire Christelle Maheri et l'obstination d'un enquêteur, un récit de David Di Giacomo.

Le quartier de la Charmille au Creuseau, toujours sous le choc après la découverte hier du corps

d'une jeune fille de 16 ans, sauvagement poignardée dans une cave d'immeubles, et le meurtre a eu lieu en pleine journée.

Le service régional de police judiciaire de Dijon a été officiellement chargé de l'enquête.

L'hypothèse d'une tentative de viol a évidemment été évoquée, mais elle n'est pas la seule. Les

policiers ont éprouvé aujourd'hui beaucoup de difficultés à recueillir des témoignages. Personne

semble-t-il n'a rien remarqué à l'heure supposée du meurtre, entre 11h30 et 12h30. Il pleuvait à ce

moment-là. Christelle venait de traverser un petit square, ses proches affirment qu'elle n'aurait

jamais suivi un inconnu et qu'elle avait assez de caractère pour ne pas s'en laisser conter,

même par quelqu'un qu'elle connaissait. Au début de l'année 2009, la police judiciaire de Dijon

demande à un nouvel enquêteur de reprendre à zéro le dossier Christelle Mahery, une très vieille

affaire des années 80 qui a peu de chances d'aboutir. Mais cet enquêteur, qui vient du

36 quai des Orfèvres, est du genre obstiné. C'est le brigadier-chef Raphaël Nédilco.

Alors le périmètre d'un dossier criminel, c'est le temps. Surtout si pendant ce laps de temps,

rien n'est fait. Je relis le dossier à proprement parler à partir de février 2009. C'est un dossier

vraiment, moi je l'appelle les dossiers à papa. C'est une époque où la téléphonie mobile n'existe

pas, l'ADN, n'en parlons pas, ça n'existe pas. Et puis tout a été tapé à la machine à écrire,

conservé aux archives de l'hôtel de police de Dijon. C'est le cold case sur lequel personne ne

prendra le moindre pari. On est vraiment un jeudi midi, 18 décembre 1986. Il n'y a absolument

aucun mobile. Aucune raison ne peut permettre d'imaginer pourquoi une jeune fille comme elle

fait l'objet d'une agression mortelle aussi violente. Dans son rapport, le légiste souligne

qu'il n'y a eu aucune atteinte sexuelle. Un couteau à cran d'arrêt sera retrouvé deux mois plus

tard sous un buisson, pas loin de la scène de crime. Une arme mal aiguisée et compatible avec

les lésions constatées sur l'adolescente. A la même période, les enquêteurs reçoivent deux

cartes postales d'un mystérieux corbeau qui revendique le meurtre de Christelle Mahery.

Les investigations se poursuivent, des suspects sont interrogés mais aucune piste sérieuse

n'émerge. Et seulement trois ans après les faits, en 1990, le juge d'instruction décide de rendre

une ordonnance de non-lieu. Ce meurtre inexpliqué devient alors l'un des dossiers emblématiques des

disparus de l'Assis, ces douze jeunes femmes tuées en Bourgogne le long de l'autoroute entre 1984 et

2005. Oui, on est à une époque où finalement seule la statistique compte. Donc une affaire qui

fait l'objet d'un non-lieu, c'est une affaire résolue d'une certaine manière, puisqu'on la

verse dans le panier, c'est plus dans le stock. L'avocat parisien Didier Seban, spécialiste des

Cold Cases, va défendre la famille de Christelle. Donc c'est comme ça que se comporte à l'époque la

justice. Pourtant pour les affaires les plus graves, les plus punies par le code pénal, un meurtre,

un assassinat, c'est évidemment des bêtes très lourdes qui sont encourues par les auteurs, au

risque que l'auteur laissé libre, évidemment, recommence. Et donc la justice crée des Cold

Cases comme ça. On sait bien que quand il y a un non-lieu, plus personne ne s'intéresse à l'affaire,

il ne reste que la famille pour se battre. Didier Seban commence à faire des demandes d'actes pour

que la reprise de l'enquête au début des années 2000, on apprend que les scellés ont tout simplement

disparu, qu'ils ont été détruits. Donc on n'a absolument plus rien que deux cartons de papier

jaunis dans une archive, donc au fond des oubliettes pour parler des choses simplement.

Les destructions de scellés, c'est terrible pour nous puisque chaque fois qu'on rentre dans un

dossier, dans un crime oublié, on saisit immédiatement le procureur de la République

en disant s'il vous plaît, soyez gentil, ne détruisez pas les scellés, conservez-les. On

détruit tous les jours dans les tribunaux des preuves de crimes, des éléments qui permettraient

de résoudre les affaires. On est bien loin des experts qu'on voit à la télévision et donc

l'institution judiciaire ne s'est pas mise à la page. Dans cette affaire, ce qui est présenté et

ce qui va être retenu par la Cour d'Assise comme l'arme du crime, c'est terrible, a été détruit.

Les vêtements de Christelle, qui certes à l'époque ne pouvaient pas complètement parler parce que la

preuve ADN n'était pas encore en place, mais dont on pouvait se dire peut-être que plus tard,

les éléments scientifiques, les recherches sur ses amis pourraient donner une réponse,

tout a été détruit. Je mettrais un certain temps pour le découvrir, mais aucune explication

officielle, bien évidemment. La seule certitude qu'il y a, c'est qu'il n'y a pas d'ordonnance

de destruction. Donc bien évidemment, c'est quelque chose qui s'est fait au détour d'un couloir.

L'explication que j'ai pu avoir, c'est une fuite d'eau, donc une infiltration d'eau dans l'ancien

local asscellé du Palais de Justice. Donc la personne qui était en charge du gardiennage de

ces objets, voyant que les objets trempaient dans l'eau, a regardé quelle était la nature des

objets, surtout leur ancienneté. Et quand il a vu la date, est parti du principe que de toute

façon, c'était une affaire qui ne sortirait jamais, donc tout le monde avait oublié l'existence.

Et il prend sur lui de les détruire en les jetant ni plus ni moins la peine.

Pourquoi ils n'ont pas gardé ?

Marie Pichon, la mère de Christelle Mahery, sur France 3 en 2015.

C'est un assassinat, ce n'est pas un vol. Un assassinat, pourquoi ils ont détruit les scellés ?

Donc quand vous reprenez cette affaire, vous avez vos cartons de vieux procès verbaux,

et là vous essayez d'appliquer la méthode de l'oeil neuf sur cette affaire, de tout relire.

Oui, alors déjà c'est un préalable indispensable, mais évidemment un dossier,

on doit le relire et pas qu'une fois. Donc je pose une semaine de congé pour lire le dossier

au repos chez mes parents, au calme, comme ça je ne suis pas dérangé par quoi que ce soit,

et je me plonge dedans et je trouve très rapidement énormément de paramètres,

énormément de phénomènes d'histoire, de traits de personnages qui me font m'attacher

en profondeur au dossier et à la famille de Christelle.

Vous vous attachez aussi parce qu'il y a des liens géographiques aussi avec l'affaire,

le même âge, il y a différentes petites choses ?

Effectivement, donc elle est collégienne en classe de troisième en Saône-et-Loire,

et moi-même cette année-là, je suis collégien en classe de troisième,

donc pas dans la même ville, j'habite une petite ville de Saône-et-Loire qui s'appelle Sainte-Selle-Grand,

donc il aurait fallu bien peu de choses pour qu'on soit copains de classe.

En plus, on est un peu originaire du même milieu, on a des parents à la condition humble,

la maman de Christelle distribuait des prospectus dans les boîtes aux lettres

pour pouvoir arrondir les fins de mois, d'ailleurs Christelle lui prêtait la main,

ma maman avait fait la même chose quand j'étais petit,

lorsqu'on avait à fêter des événements familiaux, on allait manger à la Cafétéria Mamoute,

on appelait ça Mamoute à l'époque, donc encore une fois, une famille qui ne roulait pas sur l'or,

la même origine, les mêmes aspirations, les mêmes traits familiaux,

donc oui, tout me fait prendre part dans ce dossier et je suis en immersion totale dès le départ.

Raphaël Nédilco réexamine chaque piste et l'une d'entre elles retient plus particulièrement son attention,

l'hypothèse Jean-Pierre Murat.

Elle a été avancée par le détective privé Éric Bélauel, engagé par les proches de Christelle Maheri.

Il n'y avait pas le choix, assume aujourd'hui l'avocat Didier Sebault.

Oui, c'est à la fois un journaliste, un détective, notre souci est le suivant,

c'est que vous savez, pour obtenir de la justice qu'une nouvelle enquête soit relancée,

il faut disposer d'éléments nouveaux.

Si on ne dispose pas d'éléments nouveaux, si on se contente de dire,

telle chose n'a pas été faite dans le dossier tel autre, la justice nous dit,

ah ben non, on ne peut pas reprendre l'enquête et donc finalement,

on demande aux familles d'essayer de trouver quelque chose.

Alors souvent, c'est la presse, la médiatisation qui permet que des éléments remontent,

qui nous permettent cette fois d'interpeller la justice.

Mais quelquefois, il faut aller plus loin.

On l'a fait dans l'affaire de Christelle Maheri, il faut aller sur place.

Et donc, on demande à Éric Bélauel d'aller rencontrer les proches, les amis,

les relations que pouvait avoir Christelle Maheri à l'époque,

pour savoir s'il y a un renseignement qui a échappé aux enquêteurs.

Et il y en a un.

Et il y en a un majeur.

Le petit ami de Christelle Maheri à l'époque lui dit,

et nous tombons un peu de l'armoire en apprenant ça,

qu'après les faits, un homme s'est présenté à lui en disant,

je vais te dédommager parce que j'ai tué ta copine.

Ça paraît une démarche aberrante, mais en tout état de cause, il a gardé ça pour lui.

Et puis, il s'est dit, c'est peut-être un fou.

Donc, Éric Bélauel recueille son témoignage, nous l'adresse,

et évidemment, ça va fonder une nouvelle demande à la justice.

Là, on va dire, il faut y aller. Vérifions.

Il était dans le quartier à l'époque.

Pendant des années, on ne va pas travailler cette piste.

C'est terrible d'ailleurs de se dire, parce qu'il va chaque année,

à la date anniversaire de la mort de Christelle, au commissariat du coin,

dire, ah ben, j'ai un renseignement ou j'ai des choses à vous dire sur...

Donc, voilà quelqu'un qui est totalement obsédé par cette mort, par ce meurtre.

Et donc, le personnage aurait dû tout de suite intéressé.

Mais je crois qu'il faut vraiment des enquêteurs qui soient convaincus,

qui aient envie de se battre pour résoudre des cold cases.

Il faut que ça soit, pour eux, un enjeu presque personnel pour qu'on résolve l'affaire.

En tout cas, un enjeu très fort.

Malheureusement, avant Raphaël Nédilco, on n'y croit pas vraiment.

Donc, je vois que Jean-Pierre Murat est interrogé,

ça doit être courant 2007, en septembre 2007, de mémoire.

Il est placé quelques heures en garde à vue et il est écarté.

Pour l'essentiel de ce qu'il dit dans sa garde à vue, c'est que Estelle Maheri, il ne la connaissait pas,

il ne sait pas quoi elle ressemble.

Il n'est pas le meurtrier et quant à ce qu'il faisait le jour des faits,

il ne s'en souvient pas, mais il était très certainement en train de traîner dans les rues au Creusot.

Ensuite, vous, qu'est-ce qui fait que vous allez vous intéresser à nouveau particulièrement à lui ?

Alors, en fin de compte, avant d'en arriver à Jean-Pierre Murat,

bien évidemment, je fais une reprise exhaustive et très poussée du dossier.

J'ai ce fameux passage nécessaire, obligé, qui est de rencontrer la famille de Christelle,

donc sa maman, Marie Pichon, et puis sa soeur, Pascale Maheri.

Donc, c'est un moment qui n'est pas facile, puisque je sais que j'arrive avec un dossard de perdant,

puisque je vis en une institution dont la famille ne veut plus entendre parler,

elle souhaite le dessaisissement de la police judiciaire au profit de la gendarmerie.

Et je suis obligé de voir contact avec eux, ne fût-ce que par respect,

et puis leur dire qu'on ne les oublie pas.

Et puis, j'ai aussi des questions à leur poser, il y a peut-être des choses qui sont passées entre les mailles du filet.

Donc, pour moi, je dois redorer le blason de mon institution,

j'aime mon institution et je veux que la famille le sache.

Quant à la façon dont Jean-Pierre Murat revient dans l'oeil du cyclone,

en fin de compte, ça se passe en 2010 par un coup de fil du commissariat du Creusot

qui me fait part d'un appel anonyme au cours de la nuit précédente,

où un individu masculin, dont il note le numéro de téléphone portable,

prétend connaître le meurtrier de la petite Christelle,

et le lendemain ou le surlendemain, je reçois l'appel du juge d'instruction en charge du dossier,

monsieur Emmanuel Vion, qui me dit « écoutez Raphaël, j'ai reçu une lettre anonyme

qui évoque le meurtre de la petite Christelle à la Charmille,

écoutez, je vous fais un soin transmis, je vous envoie ça et puis enquêtez là-dessus ».

Donc je reçois cette lettre de la part du juge, et c'est une écriture manuscrite

qui est très particulière, une forme vraiment très particulière,

et pour avoir étudié maintes et maintes fois le dossier, je percute sur cette écriture-là

et je recherche dans mon carton de façon un petit peu fébrile,

et je me rends compte que cette écriture, et pourtant je ne suis pas expert en écriture,

donc il ne met pas dans mes attributions de faire un rapprochement formel,

mais elle est de toute évidence la même écriture qu'un individu qui a été placé en garde à vue

dans ce dossier-là, qui n'est autre que Jean-Pierre Murat.

Donc 24 ans après les faits, on a quelqu'un qui ressasse le meurtre de Christelle Mahery,

et ce quelqu'un n'est pas n'importe qui, c'est quelqu'un qui a été placé en garde à vue pour ça

et qui s'est rendu responsable du meurtre devant témoin.

Il faut donc très vite l'entendre.

Il faut très vite l'entendre, et bien évidemment, je vois que lorsqu'il a été entendu

au cours de sa garde à vue en 2007, il y a une personne dans sa famille

qui est un interlocuteur direct à son frère aîné, qui se prénomme Joseph,

et donc c'est ce que je fais assez rapidement.

Il m'explique son frère, qu'il a une schizophrénie qui est diagnostiquée

à partir du début des années 90, c'est quelqu'un qui est fan de couteaux,

et donc il me dit qu'effectivement, l'affaire Mahery, il en parle,

il le ressasse, généralement en fin d'année, en date anniversaire,

qu'il tient au sujet de cette mort un petit carnet dans lequel il note tout

ce qui peut avoir un lien, ce qu'il apprend par voie de presse,

ou ce qu'il peut inventer, ou ce qu'il peut délirer au sujet de la mort de Christelle.

Et puis j'en arrive à un moment où je lui dis, mais il est où votre frère aujourd'hui ?

Il me dit, ben écoutez, il est dans un hôpital psychiatrique,

et je lui demande la raison, ben c'est bien simple, au mois de mars dernier,

il est allé dans une station service sur la route express,

et il entendait des voix, qu'il insultait, et donc il était persuadé

que ces voix qu'il entendait dans sa tête étaient émises depuis une station service

dans laquelle il se rend, et il va voir la caissière, il sort son couteau,

et il lui dit, il va falloir arrêter de m'insulter.

Donc la caissière est terrorisée, et bien évidemment, les autorités judiciaires,

sur la production d'une expertise psychiatrique effectuée en urgence,

le font hospitaliser d'office dans un établissement de sans aloi.

Donc bien évidemment, je me rends compte qu'il y a cette notion de station service.

Station service où travaillaient les parents de Christelle,

donc pas celle-là, mais encore une fois, Christelle, ses parents travaillaient,

étaient gérants d'une station service, elle allait se faire deux, trois sous

en allant laver les pare-brises dans une station service.

En étudiant les procédures, je vois que c'est pas la première fois

que Jean-Pierre Murat va agresser quelqu'un dans une station service.

Il y est déjà allé au cours des années 98, au cours des années 2000,

là, au cours des années, on est en 2010, il y a encore ces stations services,

donc on se retrouve avec de plus en plus de paramètres

qui viennent prendre accroche sur la ferme Airy.

Tout nous ramène à Jean-Pierre Murat.

Mais il n'y a pas d'élément matériel ?

Aucun élément matériel.

Et là, je pars pour une espèce de marathon qui va durer un an et demi,

qui est nécessaire à la stabilisation psychiatrique de Jean-Pierre Murat,

qui va me permettre d'établir quel était son véritable visage.

Au moment des faits, quelle était sa coiffure,

quelle était sa tenue vestimentaire particulière,

quelle était son appétence pour les couteaux,

et d'en arriver à trouver des témoins qui me disent

qu'au moment des faits, il possédait plusieurs couteaux à cran d'arrêt,

ils m'en décrivent un en particulier,

donc je laisse les gens me décrire ce couteau

avant de leur montrer la photo de celui qui a été découvert,

et je finis par présenter à ces témoins le couteau,

ils me disent « écoutez, je ne sais pas si c'est celui-là,

mais en tout cas, il en possédait un qui était en tout point similaire. »

« Si je ne peux pas faire la liaison entre le couteau et Christelle,

il faut que je fasse la liaison entre le couteau et Jean-Pierre Murat. »

Et là, je n'ai pas le couteau, mais je n'ai que la photo.

Donc, il me vient à l'idée une possibilité complètement saugrenue,

que je partage avec le juge d'instruction,

avec lequel j'ai une relation très étroite et très régulière,

je ne dirais pas quasi quotidienne, mais hebdomadaire,

et j'envisage avec lui la possibilité de faire un rapprochement

entre les stigmates d'affûtage des couteaux

dont Jean-Pierre Murat est trouvé possesseur en grand nombre

le jour de son interpellation en mars 2010.

Donc, cette fois-ci, il n'y a pas de doute,

ce sont bien les couteaux de Jean-Pierre Murat,

ceux qu'il utilise au quotidien, et ceux qu'il affûte.

Il n'y a que lui qui les affûte, il n'y a que lui qui les utilise.

Donc, je sens qu'il y a quelque chose à faire.

Donc, je propose ça de façon un petit peu osée au magistrat,

qui me suit, qui fait preuve de confiance.

Et on fait appel à un armurier, donc à la retraite,

expert en armes, armes à feu et armes blanches,

qui s'appelle Bernard Lucat.

Et je lui évoque ça par téléphone, je lui mets le marché en main,

en lui disant, bon, c'est un petit peu osé, parce que je n'ai pas la photo,

je n'ai que les négatifs et les supports papiers.

Il est suffisamment dingue pour me dire, ben, banco, on tente le coup.

C'est la première fois qu'une telle expertise est acceptée par la justice.

La comparaison de photos de la lame d'un couteau

présentée comme l'arme du crime, avec d'autres couteaux bien réels,

ceux-là, est saisie au domicile de Jean-Pierre Murat,

considéré alors comme le principal suspect.

Donc, je m'appelle Bernard Lucat, j'étais expert

près la Cour d'appel de Paris, dans les spécialités armes,

munitions balistiques et criminalistiques.

Je me sers de mes connaissances mécaniques,

d'examens de traces, notamment les traces de rayures,

les traces d'empreintes de percussions, pour essayer de faire parler la matière.

Parce qu'en fait, si on résume notre boulot en trois mots,

c'est faire parler la matière.

Et donc, je lui ai dit que moi, bien sûr, je ne demandais pas mieux qu'à le voir,

mais qu'il fallait qu'on ait un peu de biscuits.

Et là, je me souviens qu'il m'a répondu, justement, des biscuits, on en avait très peu,

puisqu'un couteau avait été retrouvé trois mois, deux mois après l'effet,

après avoir séjourné dans la neige.

Et il m'a dit, à l'époque, ne disposer que de photos,

qui plus est, de mauvaise qualité.

Alors là, je lui ai dit, mon garçon, on est quand même plutôt mal barré.

Mais j'ai dit, venez, j'aurais le plaisir de vous voir.

Et donc, je vois mon brave Raphaël Nédilco débarquer à moto,

ce qui est plutôt un point positif, parce que j'étais motard,

donc ça commence plutôt pas mal.

Et donc, il m'explique un petit peu les faits.

Et donc, le seul élément dont on disposait, c'était les quelques photos de mauvaise qualité,

qui avaient été réalisées à l'époque par ce qu'on appelle l'IGI, l'identité judiciaire,

qui sont donc les techniciens de la police.

Mais en les regardant de près, je lui dis, si mauvaise soit-elle,

on peut voir tout de même un certain nombre de choses.

Ah bon ? Lesquelles ?

Donc, étant armurier, j'étais aussi un petit peu coutelier,

et en plus, les couteaux m'intéressent,

aussi bien en plan technique qu'au plan affûtage, qu'au plan réparation.

Et donc, j'ai commencé à regarder cette photo,

et on avait à peu près tous les stigmates qu'on peut imaginer d'un mauvais affûtage.

Et je lui dis, donc, ça en soi, quand même, ça peut être intéressant.

Par contre, je ne peux, moi, l'exploiter que si je rapproche ces images de couteaux existants.

Donc, le couteau placé sous l'aile et scellé et éventuellement détruit,

je dis, moi, je peux vous faire, je peux établir un lien, pour autant qu'il y en ait,

entre le couteau de la photo et peut-être d'autres couteaux que vous me présenterez.

Je dis, donc, là, c'est à vous de voir enquêteur,

si vous êtes en mesure de me fournir des éléments de comparaison.

Il me rappelle quelques jours après, il me dit, bon, ben, voilà, on a 5 couteaux,

dans des états plus ou moins pitoyables.

Je lui dis, bon, ben, vous me les amenez,

et puis je lui dis, vous m'amenez également tous les moyens d'affûtage que vous avez pu trouver.

Ben, il me dit, on a justement une pierre à feu et une meule à eau.

Je lui dis, il me faut les deux.

Alors, la meule à eau, ça pèse 50 kg.

Donc, là, il a débarqué, non plus à moto, mais avec un fourgon,

et il m'a amené 5 lames de couteau qui avaient été saisies chez le mis en cause,

et la meule et la pierre à feu.

Là, ma mission consistait à dire s'il existait ou non des traces sur ces 5 couteaux

que l'on appelle techniquement des couteaux de question.

On se pose des questions quant à cet élément, ce scellé,

et voir si ces couteaux présentaient des stigmates analogues à ceux visibles sur la photo réalisée en 1986.

J'ai fait pour le rapport, pour des questions de compréhension, un tableau synoptique

dans lequel, en tête, je rappelais les 5 stigmates apparaissant sur le couteau de 1986.

Et ensuite, pour chacun des couteaux que j'examinais, je précisais dans une case

« Oui, présence de morphyles, oui, présence de lames de strie longitudinales ».

Et à l'arrivée en bas à droite, il y avait le nombre de stigmates concordants

entre les couteaux examinés et le couteau de 1986.

Et sur les 5 couteaux que j'examinais, le score allait de 3 à 5.

Ce qui ne me permettait pas de dire que le couteau de 1986 avait été affûté par la personne qui avait affûté ceux qui m'avaient été présentés,

mais qu'il y avait quand même beaucoup de similitudes,

et que le fait d'avoir 5 postes de similitudes pouvait ressembler à ce que j'appelle moi une signature.

Les photos que vous avez là sont des photos gauche-droite de la lame.

Donc on voit bien que les photos ne sont pas très nettes,

mais par contre, elles sont suffisamment nettes pour voir un certain nombre de choses.

Il y a un trait noir ici, là une zone blanche, ici une autre zone noire, des stries dans tous les sens.

Et dans le rapport, je reprends ensuite ces différentes stris pour expliquer ce que je peux en tirer comme conclusion.

Là, j'explique en mettant des pointillés autour des zones concernées que ces stigmates ont été provoqués par telle ou telle opération,

ou l'absence de telle opération.

Une fois terminé, j'ai prévenu le juge d'instruction, ça devait être monsieur Vion, si j'ai bonne mémoire,

et lui expliquer ce à quoi j'arrivais.

Il était plutôt satisfait parce qu'il y avait enfin quelque chose de technique dans le dossier.

Et dans ce contexte-là, c'est effectivement mon expertise qui a été déterminante, j'imagine, pour la décision des jurés et des magistrats.

Bien sûr, techniquement, je suis content d'avoir pu sortir tout ce que j'ai pu sortir.

C'était un coup de poker.

Pour moi, la morale citoyen à Varune, c'est qu'il faut toujours essayer, il ne faut jamais désespérer, c'est une règle de vie.

C'est ça aussi qui fait le côté attrayant, la beauté de l'enquête de police, c'est qu'il n'y a aucune limite.

Placé une nouvelle fois en garde à vue en décembre 2011, Jean-Pierre Murat, atteint de schizophrénie, affirme ne pas connaître Christelle Maheri.

Mais les lettres anonymes, ses déclarations antérieures et surtout ce coup de poker avec l'expertise des couteaux

finissent par convaincre la juge d'instruction, tout comme les jurés de la Cour d'Assise.

Un souvenir marquant pour l'avocat Didier Seban.

L'expert nous a expliqué qu'il avait fait de nombreux tests avec les couteaux,

comme quoi les indices de police scientifique sont très différents.

Dans certaines affaires, ça a été une plume qu'on a retrouvée de la terre, qu'on a retrouvée des fibres de vêtements qu'on a pu retrouver.

Dans celle-là, c'est les stigmates d'une meule.

Et il y a eu un moment fort, puisque l'expert disait finalement, dans son rapport, il y a quatre sur cinq stigmates qu'on peut espérer retrouver.

Et en réexaminant les originaux, il a dit, mais je retrouve aussi le cinquième stigmate, c'est-à-dire qu'en fait, ça collait complètement.

Et donc, on a pu dire que cet élément matériel avait compté.

Moi, je suis certain que ça a compté dans la conviction de la Cour d'Assise.

Alors effectivement, grâce à cette expertise-là, ça fait un élément de plus qui viendra s'ajouter à de nombreux autres éléments.

La charge de la preuve dans l'affaire Mailly est extrêmement complexe.

Moi, je l'ai exposée pendant près de cinq heures à la barre, au terme d'un rapport qui doit faire près d'une quarantaine de pages.

Et comme le dira à très juste titre un magistrat pour qui j'ai beaucoup d'admiration et de respect, qui s'appelle Christophe Rode,

qui a représenté l'avocat général lors du procès Mailly, le procès Jean-Pierre Murat.

Tout nous amène à Jean-Pierre Murat, rien ne nous en éloigne.

Donc, c'est une sorte de puzzle au terme duquel apparaît le visage de Jean-Pierre Murat.

Jean-Pierre Murat écope de 20 ans de réclusion devant les Assises, mais il fait appel.

Son deuxième procès se tient alors à Dijon, en 2016.

Il a 48 ans et les jurés le condamnent à la même peine qu'en première instance, lui qui se dit innocent.

Un verdict rendu 30 ans après les faits, la fin d'un très long combat judiciaire pour Didier Seban et les proches de l'adolescente.

Oui, pour nous, évidemment, d'une part, ça permet à la famille d'avoir une réponse et de connaître l'auteur de ce malheur.

De pouvoir se dire, au fond, ça n'est pas le voisin, ça n'est pas la personne que je fréquente tous les jours, ça n'est pas le cousin,

ça n'est pas telle personne qu'on a pu suspecter à un moment.

Je sais qui c'est, je sais ce qui est arrivé et celui-ci est sanctionné pour ses faits abominables.

Je crois que c'est vraiment le combat que je mène, cette idée de la justice.

On ne peut pas lâcher sur ces affaires et on peut les résoudre.

Ma conviction, c'est même qu'on peut résoudre toutes les affaires à condition d'y mettre les moyens et le temps nécessaires.

Le brigadier-chef Raphaël Nédilco, lui aussi, a mis toute sa détermination, toute son énergie pour aller jusqu'au bout de cette enquête

et permettre à la famille de Christelle d'enfin connaître la vérité.

Ce dossier, Mairi, et ces deux cartons de papier de procès vers Bojoni, jamais il n'aurait pensé le résoudre.

Un dossier qui reste, à ce jour, l'affaire de sa vie.

C'est sûr que quand le verdict est confirmé en appel, c'est un soulagement.

Moi, je sais que les nerfs sont tombés, j'ai sangloté dans le fond de la salle.

Je sors du tunnel, le tunnel à la lumière, j'ai Christelle au bout, une grosse libération.

Et à ce moment où Mairi dira devant les caméras, Raphaël c'est comme mon fils.

Merci beaucoup.

Je ne dis rien, j'ai fait mon travail, j'ai fait mon travail.

Raphaël, vous allez nous oublier maintenant. Non, jamais.

Parce que des liens se sont créés et c'est ça la difficulté du métier de police, c'est que vous y laissez des plumes, que vous le vouliez, que vous ne le vouliez pas.

Lorsque vous êtes vraiment investi par votre vocation, que vous soyez avocat, que vous soyez magistrat ou policier,

lorsque vous vous consacrez à la détresse humaine, vous y laissez des plumes.

Donc, ça a été très dur pour moi de réfréner l'attachement profond que j'avais pour ces familles-là.

J'ai attendu que les affaires aient atteint l'autorité de la chose jugée, pour en arriver à un peu plus de proximité, à savoir s'appeler par nos prénoms, se faire la bise.

Et puis, j'ai le plaisir encore aujourd'hui de revoir ces gens, mais juste pour le plaisir de les revoir.

Au détour d'un tour de moto, une petite parte de tarte aux pommes, un petit café, juste pour le plaisir de voir qu'ils vont bien et que j'ai été quelque chose d'utile dans leur vie.

C'était Cold Case, la science face au crime. Un podcast original France Info.

Cinquième épisode, l'affaire Christelle Maheri et l'obstination d'un enquêteur.

Sous-titrage Société Radio-Canada

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Cold cases (5_8) l’affaire Christelle Maillery ||||Maillery Cold cases (5_8)

Cold Case, la science face au crime.

Cinquième épisode, l'affaire Christelle Maheri et l'obstination d'un enquêteur. ||||Maheri||||

Le 18 décembre 1986, dans la petite ville du Creuseau, en Saône-et-Loire, |||||||Creuseau||||

Christelle Maheri quitte le collège, vers 11 heures. Elle rentre à pied, comme à son |Maheri||||||||||||

habitude. À peine trois heures plus tard, son corps est découvert dans le local à vélo d'un |||||||||||||local|||

immeuble, à seulement 250 mètres de chez elle. L'adolescente a été tuée de 31 coups de couteau, ||||||||||||stabs||

et il faudra attendre 25 ans avant que le meurtrier ne soit identifié et arrêté.

L'affaire Christelle Maheri et l'obstination d'un enquêteur, un récit de David Di Giacomo.

Le quartier de la Charmille au Creuseau, toujours sous le choc après la découverte hier du corps ||||Charmille||||||||||||

d'une jeune fille de 16 ans, sauvagement poignardée dans une cave d'immeubles, et le meurtre a eu lieu en pleine journée.

Le service régional de police judiciaire de Dijon a été officiellement chargé de l'enquête.

L'hypothèse d'une tentative de viol a évidemment été évoquée, mais elle n'est pas la seule. Les ||||||||evoked|||||||

policiers ont éprouvé aujourd'hui beaucoup de difficultés à recueillir des témoignages. Personne ||experienced|||||||||

semble-t-il n'a rien remarqué à l'heure supposée du meurtre, entre 11h30 et 12h30. Il pleuvait à ce

moment-là. Christelle venait de traverser un petit square, ses proches affirment qu'elle n'aurait |||||||||||affirm||

jamais suivi un inconnu et qu'elle avait assez de caractère pour ne pas s'en laisser conter, ||||||had|||||not||let||tell

même par quelqu'un qu'elle connaissait. Au début de l'année 2009, la police judiciaire de Dijon

demande à un nouvel enquêteur de reprendre à zéro le dossier Christelle Mahery, une très vieille ||||||||||||Mahery|||

affaire des années 80 qui a peu de chances d'aboutir. Mais cet enquêteur, qui vient du ||||||||succeed||||||

36 quai des Orfèvres, est du genre obstiné. C'est le brigadier-chef Raphaël Nédilco.

Alors le périmètre d'un dossier criminel, c'est le temps. Surtout si pendant ce laps de temps, ||perimeter|||||||||||span||

rien n'est fait. Je relis le dossier à proprement parler à partir de février 2009. C'est un dossier |||||||in|||||||||

vraiment, moi je l'appelle les dossiers à papa. C'est une époque où la téléphonie mobile n'existe

pas, l'ADN, n'en parlons pas, ça n'existe pas. Et puis tout a été tapé à la machine à écrire,

conservé aux archives de l'hôtel de police de Dijon. C'est le cold case sur lequel personne ne

prendra le moindre pari. On est vraiment un jeudi midi, 18 décembre 1986. Il n'y a absolument

aucun mobile. Aucune raison ne peut permettre d'imaginer pourquoi une jeune fille comme elle

fait l'objet d'une agression mortelle aussi violente. Dans son rapport, le légiste souligne

qu'il n'y a eu aucune atteinte sexuelle. Un couteau à cran d'arrêt sera retrouvé deux mois plus

tard sous un buisson, pas loin de la scène de crime. Une arme mal aiguisée et compatible avec ||||||||||||||sharpened|||

les lésions constatées sur l'adolescente. A la même période, les enquêteurs reçoivent deux |lesions|||||||||||

cartes postales d'un mystérieux corbeau qui revendique le meurtre de Christelle Mahery. ||||raven||claims|||||

Les investigations se poursuivent, des suspects sont interrogés mais aucune piste sérieuse

n'émerge. Et seulement trois ans après les faits, en 1990, le juge d'instruction décide de rendre

une ordonnance de non-lieu. Ce meurtre inexpliqué devient alors l'un des dossiers emblématiques des |order||not||||||||||emblematic|

disparus de l'Assis, ces douze jeunes femmes tuées en Bourgogne le long de l'autoroute entre 1984 et ||the Assis|||||||||||||

2005. Oui, on est à une époque où finalement seule la statistique compte. Donc une affaire qui

fait l'objet d'un non-lieu, c'est une affaire résolue d'une certaine manière, puisqu'on la ||||||a|||||||

verse dans le panier, c'est plus dans le stock. L'avocat parisien Didier Seban, spécialiste des ||||||in||stock||||||

Cold Cases, va défendre la famille de Christelle. Donc c'est comme ça que se comporte à l'époque la

justice. Pourtant pour les affaires les plus graves, les plus punies par le code pénal, un meurtre, ||||||||||punished||||||

un assassinat, c'est évidemment des bêtes très lourdes qui sont encourues par les auteurs, au |||||beasts|||||incurred||||

risque que l'auteur laissé libre, évidemment, recommence. Et donc la justice crée des Cold

Cases comme ça. On sait bien que quand il y a un non-lieu, plus personne ne s'intéresse à l'affaire,

il ne reste que la famille pour se battre. Didier Seban commence à faire des demandes d'actes pour |||||||||||||||requests||

que la reprise de l'enquête au début des années 2000, on apprend que les scellés ont tout simplement

disparu, qu'ils ont été détruits. Donc on n'a absolument plus rien que deux cartons de papier

jaunis dans une archive, donc au fond des oubliettes pour parler des choses simplement. yellowed|||||||||||||

Les destructions de scellés, c'est terrible pour nous puisque chaque fois qu'on rentre dans un

dossier, dans un crime oublié, on saisit immédiatement le procureur de la République

en disant s'il vous plaît, soyez gentil, ne détruisez pas les scellés, conservez-les. On ||||||||destroy||||||

détruit tous les jours dans les tribunaux des preuves de crimes, des éléments qui permettraient ||||||courts||||||||

de résoudre les affaires. On est bien loin des experts qu'on voit à la télévision et donc

l'institution judiciaire ne s'est pas mise à la page. Dans cette affaire, ce qui est présenté et ||does||||||page||||||||

ce qui va être retenu par la Cour d'Assise comme l'arme du crime, c'est terrible, a été détruit.

Les vêtements de Christelle, qui certes à l'époque ne pouvaient pas complètement parler parce que la

preuve ADN n'était pas encore en place, mais dont on pouvait se dire peut-être que plus tard,

les éléments scientifiques, les recherches sur ses amis pourraient donner une réponse,

tout a été détruit. Je mettrais un certain temps pour le découvrir, mais aucune explication ||||||||||||but||

officielle, bien évidemment. La seule certitude qu'il y a, c'est qu'il n'y a pas d'ordonnance ||||||||||||||of prescription

de destruction. Donc bien évidemment, c'est quelque chose qui s'est fait au détour d'un couloir. ||||||||||||detour||

L'explication que j'ai pu avoir, c'est une fuite d'eau, donc une infiltration d'eau dans l'ancien

local asscellé du Palais de Justice. Donc la personne qui était en charge du gardiennage de local|sealed|||||||||||||guarding|

ces objets, voyant que les objets trempaient dans l'eau, a regardé quelle était la nature des ||||||were soaking|||||||||

objets, surtout leur ancienneté. Et quand il a vu la date, est parti du principe que de toute |||age||||||||||||||

façon, c'était une affaire qui ne sortirait jamais, donc tout le monde avait oublié l'existence.

Et il prend sur lui de les détruire en les jetant ni plus ni moins la peine. |||||||||||nor|||||

Pourquoi ils n'ont pas gardé ?

Marie Pichon, la mère de Christelle Mahery, sur France 3 en 2015. |Pichon||||||||

C'est un assassinat, ce n'est pas un vol. Un assassinat, pourquoi ils ont détruit les scellés ?

Donc quand vous reprenez cette affaire, vous avez vos cartons de vieux procès verbaux,

et là vous essayez d'appliquer la méthode de l'oeil neuf sur cette affaire, de tout relire.

Oui, alors déjà c'est un préalable indispensable, mais évidemment un dossier, |||||preliminary|||||

on doit le relire et pas qu'une fois. Donc je pose une semaine de congé pour lire le dossier

au repos chez mes parents, au calme, comme ça je ne suis pas dérangé par quoi que ce soit,

et je me plonge dedans et je trouve très rapidement énormément de paramètres,

énormément de phénomènes d'histoire, de traits de personnages qui me font m'attacher

en profondeur au dossier et à la famille de Christelle.

Vous vous attachez aussi parce qu'il y a des liens géographiques aussi avec l'affaire,

le même âge, il y a différentes petites choses ?

Effectivement, donc elle est collégienne en classe de troisième en Saône-et-Loire,

et moi-même cette année-là, je suis collégien en classe de troisième,

donc pas dans la même ville, j'habite une petite ville de Saône-et-Loire qui s'appelle Sainte-Selle-Grand,

donc il aurait fallu bien peu de choses pour qu'on soit copains de classe.

En plus, on est un peu originaire du même milieu, on a des parents à la condition humble,

la maman de Christelle distribuait des prospectus dans les boîtes aux lettres ||||||leaflets|||||

pour pouvoir arrondir les fins de mois, d'ailleurs Christelle lui prêtait la main,

ma maman avait fait la même chose quand j'étais petit,

lorsqu'on avait à fêter des événements familiaux, on allait manger à la Cafétéria Mamoute, |||||||||||||Mamoute

on appelait ça Mamoute à l'époque, donc encore une fois, une famille qui ne roulait pas sur l'or, |||||||||||||did||||

la même origine, les mêmes aspirations, les mêmes traits familiaux,

donc oui, tout me fait prendre part dans ce dossier et je suis en immersion totale dès le départ.

Raphaël Nédilco réexamine chaque piste et l'une d'entre elles retient plus particulièrement son attention, ||reexamines|||||||||||

l'hypothèse Jean-Pierre Murat.

Elle a été avancée par le détective privé Éric Bélauel, engagé par les proches de Christelle Maheri. |||||||||Bélauel|||||||

Il n'y avait pas le choix, assume aujourd'hui l'avocat Didier Sebault. ||||||||||Sebault

Oui, c'est à la fois un journaliste, un détective, notre souci est le suivant,

c'est que vous savez, pour obtenir de la justice qu'une nouvelle enquête soit relancée,

il faut disposer d'éléments nouveaux.

Si on ne dispose pas d'éléments nouveaux, si on se contente de dire,

telle chose n'a pas été faite dans le dossier tel autre, la justice nous dit,

ah ben non, on ne peut pas reprendre l'enquête et donc finalement,

on demande aux familles d'essayer de trouver quelque chose.

Alors souvent, c'est la presse, la médiatisation qui permet que des éléments remontent, ||||||media||||||

qui nous permettent cette fois d'interpeller la justice. |||||to call||

Mais quelquefois, il faut aller plus loin.

On l'a fait dans l'affaire de Christelle Maheri, il faut aller sur place.

Et donc, on demande à Éric Bélauel d'aller rencontrer les proches, les amis,

les relations que pouvait avoir Christelle Maheri à l'époque,

pour savoir s'il y a un renseignement qui a échappé aux enquêteurs.

Et il y en a un.

Et il y en a un majeur.

Le petit ami de Christelle Maheri à l'époque lui dit,

et nous tombons un peu de l'armoire en apprenant ça, ||fall|||||||

qu'après les faits, un homme s'est présenté à lui en disant,

je vais te dédommager parce que j'ai tué ta copine. |||compensate||||||

Ça paraît une démarche aberrante, mais en tout état de cause, il a gardé ça pour lui. |||approach|aberrant||||||||||||

Et puis, il s'est dit, c'est peut-être un fou.

Donc, Éric Bélauel recueille son témoignage, nous l'adresse,

et évidemment, ça va fonder une nouvelle demande à la justice. ||||found||||||

Là, on va dire, il faut y aller. Vérifions.

Il était dans le quartier à l'époque.

Pendant des années, on ne va pas travailler cette piste.

C'est terrible d'ailleurs de se dire, parce qu'il va chaque année,

à la date anniversaire de la mort de Christelle, au commissariat du coin,

dire, ah ben, j'ai un renseignement ou j'ai des choses à vous dire sur...

Donc, voilà quelqu'un qui est totalement obsédé par cette mort, par ce meurtre.

Et donc, le personnage aurait dû tout de suite intéressé.

Mais je crois qu'il faut vraiment des enquêteurs qui soient convaincus,

qui aient envie de se battre pour résoudre des cold cases.

Il faut que ça soit, pour eux, un enjeu presque personnel pour qu'on résolve l'affaire.

En tout cas, un enjeu très fort.

Malheureusement, avant Raphaël Nédilco, on n'y croit pas vraiment.

Donc, je vois que Jean-Pierre Murat est interrogé,

ça doit être courant 2007, en septembre 2007, de mémoire.

Il est placé quelques heures en garde à vue et il est écarté.

Pour l'essentiel de ce qu'il dit dans sa garde à vue, c'est que Estelle Maheri, il ne la connaissait pas,

il ne sait pas quoi elle ressemble.

Il n'est pas le meurtrier et quant à ce qu'il faisait le jour des faits,

il ne s'en souvient pas, mais il était très certainement en train de traîner dans les rues au Creusot. ||||||||||||||||||Creusot

Ensuite, vous, qu'est-ce qui fait que vous allez vous intéresser à nouveau particulièrement à lui ?

Alors, en fin de compte, avant d'en arriver à Jean-Pierre Murat,

bien évidemment, je fais une reprise exhaustive et très poussée du dossier.

J'ai ce fameux passage nécessaire, obligé, qui est de rencontrer la famille de Christelle,

donc sa maman, Marie Pichon, et puis sa soeur, Pascale Maheri.

Donc, c'est un moment qui n'est pas facile, puisque je sais que j'arrive avec un dossard de perdant, |||||||||||||||bib||loser

puisque je vis en une institution dont la famille ne veut plus entendre parler,

elle souhaite le dessaisissement de la police judiciaire au profit de la gendarmerie. |||divestment|||||||||

Et je suis obligé de voir contact avec eux, ne fût-ce que par respect,

et puis leur dire qu'on ne les oublie pas.

Et puis, j'ai aussi des questions à leur poser, il y a peut-être des choses qui sont passées entre les mailles du filet. ||||||||ask||||||some|||||||mesh||

Donc, pour moi, je dois redorer le blason de mon institution, |||||restore||coat|||

j'aime mon institution et je veux que la famille le sache.

Quant à la façon dont Jean-Pierre Murat revient dans l'oeil du cyclone,

en fin de compte, ça se passe en 2010 par un coup de fil du commissariat du Creusot

qui me fait part d'un appel anonyme au cours de la nuit précédente,

où un individu masculin, dont il note le numéro de téléphone portable,

prétend connaître le meurtrier de la petite Christelle,

et le lendemain ou le surlendemain, je reçois l'appel du juge d'instruction en charge du dossier,

monsieur Emmanuel Vion, qui me dit « écoutez Raphaël, j'ai reçu une lettre anonyme ||Vion||||||||||

qui évoque le meurtre de la petite Christelle à la Charmille,

écoutez, je vous fais un soin transmis, je vous envoie ça et puis enquêtez là-dessus ». |||||care||||||||investigate||

Donc je reçois cette lettre de la part du juge, et c'est une écriture manuscrite |||||||||judge|||||

qui est très particulière, une forme vraiment très particulière,

et pour avoir étudié maintes et maintes fois le dossier, je percute sur cette écriture-là |||||||||||hit||||

et je recherche dans mon carton de façon un petit peu fébrile, |||||||||||feverish

et je me rends compte que cette écriture, et pourtant je ne suis pas expert en écriture, ||||||||and||||||||

donc il ne met pas dans mes attributions de faire un rapprochement formel, |||||||attributions|||||

mais elle est de toute évidence la même écriture qu'un individu qui a été placé en garde à vue

dans ce dossier-là, qui n'est autre que Jean-Pierre Murat.

Donc 24 ans après les faits, on a quelqu'un qui ressasse le meurtre de Christelle Mahery, |||||||||rehash|||||

et ce quelqu'un n'est pas n'importe qui, c'est quelqu'un qui a été placé en garde à vue pour ça

et qui s'est rendu responsable du meurtre devant témoin.

Il faut donc très vite l'entendre.

Il faut très vite l'entendre, et bien évidemment, je vois que lorsqu'il a été entendu

au cours de sa garde à vue en 2007, il y a une personne dans sa famille

qui est un interlocuteur direct à son frère aîné, qui se prénomme Joseph, |||interlocutor|||||||is|is named|

et donc c'est ce que je fais assez rapidement.

Il m'explique son frère, qu'il a une schizophrénie qui est diagnostiquée

à partir du début des années 90, c'est quelqu'un qui est fan de couteaux,

et donc il me dit qu'effectivement, l'affaire Mahery, il en parle,

il le ressasse, généralement en fin d'année, en date anniversaire,

qu'il tient au sujet de cette mort un petit carnet dans lequel il note tout |||||||||notebook|||||

ce qui peut avoir un lien, ce qu'il apprend par voie de presse,

ou ce qu'il peut inventer, ou ce qu'il peut délirer au sujet de la mort de Christelle. |||||||||delirate|||||||

Et puis j'en arrive à un moment où je lui dis, mais il est où votre frère aujourd'hui ?

Il me dit, ben écoutez, il est dans un hôpital psychiatrique,

et je lui demande la raison, ben c'est bien simple, au mois de mars dernier,

il est allé dans une station service sur la route express,

et il entendait des voix, qu'il insultait, et donc il était persuadé

que ces voix qu'il entendait dans sa tête étaient émises depuis une station service

dans laquelle il se rend, et il va voir la caissière, il sort son couteau,

et il lui dit, il va falloir arrêter de m'insulter.

Donc la caissière est terrorisée, et bien évidemment, les autorités judiciaires,

sur la production d'une expertise psychiatrique effectuée en urgence,

le font hospitaliser d'office dans un établissement de sans aloi. ||||||||without|lacking

Donc bien évidemment, je me rends compte qu'il y a cette notion de station service.

Station service où travaillaient les parents de Christelle,

donc pas celle-là, mais encore une fois, Christelle, ses parents travaillaient,

étaient gérants d'une station service, elle allait se faire deux, trois sous

en allant laver les pare-brises dans une station service. ||||windshields|||||

En étudiant les procédures, je vois que c'est pas la première fois

que Jean-Pierre Murat va agresser quelqu'un dans une station service.

Il y est déjà allé au cours des années 98, au cours des années 2000,

là, au cours des années, on est en 2010, il y a encore ces stations services,

donc on se retrouve avec de plus en plus de paramètres

qui viennent prendre accroche sur la ferme Airy. |||hook||||Airy

Tout nous ramène à Jean-Pierre Murat.

Mais il n'y a pas d'élément matériel ?

Aucun élément matériel.

Et là, je pars pour une espèce de marathon qui va durer un an et demi,

qui est nécessaire à la stabilisation psychiatrique de Jean-Pierre Murat,

qui va me permettre d'établir quel était son véritable visage.

Au moment des faits, quelle était sa coiffure, |||||||hairstyle

quelle était sa tenue vestimentaire particulière, ||||clothing|

quelle était son appétence pour les couteaux, |||appetite|||

et d'en arriver à trouver des témoins qui me disent

qu'au moment des faits, il possédait plusieurs couteaux à cran d'arrêt, ||||||||with||

ils m'en décrivent un en particulier,

donc je laisse les gens me décrire ce couteau

avant de leur montrer la photo de celui qui a été découvert,

et je finis par présenter à ces témoins le couteau, ||finish|||||||

ils me disent « écoutez, je ne sais pas si c'est celui-là,

mais en tout cas, il en possédait un qui était en tout point similaire. »

« Si je ne peux pas faire la liaison entre le couteau et Christelle,

il faut que je fasse la liaison entre le couteau et Jean-Pierre Murat. »

Et là, je n'ai pas le couteau, mais je n'ai que la photo.

Donc, il me vient à l'idée une possibilité complètement saugrenue, |||||||||saucy

que je partage avec le juge d'instruction,

avec lequel j'ai une relation très étroite et très régulière,

je ne dirais pas quasi quotidienne, mais hebdomadaire, ||||almost|||weekly

et j'envisage avec lui la possibilité de faire un rapprochement |||||||||reconciliation

entre les stigmates d'affûtage des couteaux ||stigmas|of sharpening||

dont Jean-Pierre Murat est trouvé possesseur en grand nombre ||||||owner|||

le jour de son interpellation en mars 2010.

Donc, cette fois-ci, il n'y a pas de doute,

ce sont bien les couteaux de Jean-Pierre Murat,

ceux qu'il utilise au quotidien, et ceux qu'il affûte. ||||||||sharpens

Il n'y a que lui qui les affûte, il n'y a que lui qui les utilise.

Donc, je sens qu'il y a quelque chose à faire.

Donc, je propose ça de façon un petit peu osée au magistrat, |||||||||bold||

qui me suit, qui fait preuve de confiance.

Et on fait appel à un armurier, donc à la retraite, ||||||gunsmith||||

expert en armes, armes à feu et armes blanches,

qui s'appelle Bernard Lucat. |||Lucat

Et je lui évoque ça par téléphone, je lui mets le marché en main,

en lui disant, bon, c'est un petit peu osé, parce que je n'ai pas la photo, ||||||||risky|||||||

je n'ai que les négatifs et les supports papiers.

Il est suffisamment dingue pour me dire, ben, banco, on tente le coup. |||crazy|||||bank||||

C'est la première fois qu'une telle expertise est acceptée par la justice.

La comparaison de photos de la lame d'un couteau

présentée comme l'arme du crime, avec d'autres couteaux bien réels,

ceux-là, est saisie au domicile de Jean-Pierre Murat,

considéré alors comme le principal suspect.

Donc, je m'appelle Bernard Lucat, j'étais expert

près la Cour d'appel de Paris, dans les spécialités armes,

munitions balistiques et criminalistiques. |||criminalistic

Je me sers de mes connaissances mécaniques,

d'examens de traces, notamment les traces de rayures, |||||||stripes

les traces d'empreintes de percussions, pour essayer de faire parler la matière. ||of footprints||percussions|||||||

Parce qu'en fait, si on résume notre boulot en trois mots,

c'est faire parler la matière.

Et donc, je lui ai dit que moi, bien sûr, je ne demandais pas mieux qu'à le voir,

mais qu'il fallait qu'on ait un peu de biscuits. ||||||||cookies

Et là, je me souviens qu'il m'a répondu, justement, des biscuits, on en avait très peu,

puisqu'un couteau avait été retrouvé trois mois, deux mois après l'effet,

après avoir séjourné dans la neige.

Et il m'a dit, à l'époque, ne disposer que de photos,

qui plus est, de mauvaise qualité.

Alors là, je lui ai dit, mon garçon, on est quand même plutôt mal barré.

Mais j'ai dit, venez, j'aurais le plaisir de vous voir.

Et donc, je vois mon brave Raphaël Nédilco débarquer à moto,

ce qui est plutôt un point positif, parce que j'étais motard,

donc ça commence plutôt pas mal.

Et donc, il m'explique un petit peu les faits.

Et donc, le seul élément dont on disposait, c'était les quelques photos de mauvaise qualité,

qui avaient été réalisées à l'époque par ce qu'on appelle l'IGI, l'identité judiciaire, ||||||||||the IGI||

qui sont donc les techniciens de la police.

Mais en les regardant de près, je lui dis, si mauvaise soit-elle,

on peut voir tout de même un certain nombre de choses.

Ah bon ? Lesquelles ?

Donc, étant armurier, j'étais aussi un petit peu coutelier, ||||||||cutler

et en plus, les couteaux m'intéressent,

aussi bien en plan technique qu'au plan affûtage, qu'au plan réparation. |||||||sharpening|||repair

Et donc, j'ai commencé à regarder cette photo,

et on avait à peu près tous les stigmates qu'on peut imaginer d'un mauvais affûtage. ||||||||stigmas||||||

Et je lui dis, donc, ça en soi, quand même, ça peut être intéressant.

Par contre, je ne peux, moi, l'exploiter que si je rapproche ces images de couteaux existants.

Donc, le couteau placé sous l'aile et scellé et éventuellement détruit, |||||the wing|||||

je dis, moi, je peux vous faire, je peux établir un lien, pour autant qu'il y en ait,

entre le couteau de la photo et peut-être d'autres couteaux que vous me présenterez.

Je dis, donc, là, c'est à vous de voir enquêteur,

si vous êtes en mesure de me fournir des éléments de comparaison.

Il me rappelle quelques jours après, il me dit, bon, ben, voilà, on a 5 couteaux,

dans des états plus ou moins pitoyables.

Je lui dis, bon, ben, vous me les amenez,

et puis je lui dis, vous m'amenez également tous les moyens d'affûtage que vous avez pu trouver. ||||||bring||||||||||

Ben, il me dit, on a justement une pierre à feu et une meule à eau. ||||||||stone|||||grinder||

Je lui dis, il me faut les deux.

Alors, la meule à eau, ça pèse 50 kg.

Donc, là, il a débarqué, non plus à moto, mais avec un fourgon, ||||||||||||van

et il m'a amené 5 lames de couteau qui avaient été saisies chez le mis en cause,

et la meule et la pierre à feu.

Là, ma mission consistait à dire s'il existait ou non des traces sur ces 5 couteaux

que l'on appelle techniquement des couteaux de question.

On se pose des questions quant à cet élément, ce scellé,

et voir si ces couteaux présentaient des stigmates analogues à ceux visibles sur la photo réalisée en 1986. ||||||||analogous||||||||

J'ai fait pour le rapport, pour des questions de compréhension, un tableau synoptique ||||||||||||synoptic

dans lequel, en tête, je rappelais les 5 stigmates apparaissant sur le couteau de 1986.

Et ensuite, pour chacun des couteaux que j'examinais, je précisais dans une case

« Oui, présence de morphyles, oui, présence de lames de strie longitudinales ». |||morphs|||||||

Et à l'arrivée en bas à droite, il y avait le nombre de stigmates concordants

entre les couteaux examinés et le couteau de 1986.

Et sur les 5 couteaux que j'examinais, le score allait de 3 à 5.

Ce qui ne me permettait pas de dire que le couteau de 1986 avait été affûté par la personne qui avait affûté ceux qui m'avaient été présentés,

mais qu'il y avait quand même beaucoup de similitudes,

et que le fait d'avoir 5 postes de similitudes pouvait ressembler à ce que j'appelle moi une signature.

Les photos que vous avez là sont des photos gauche-droite de la lame.

Donc on voit bien que les photos ne sont pas très nettes,

mais par contre, elles sont suffisamment nettes pour voir un certain nombre de choses.

Il y a un trait noir ici, là une zone blanche, ici une autre zone noire, des stries dans tous les sens.

Et dans le rapport, je reprends ensuite ces différentes stris pour expliquer ce que je peux en tirer comme conclusion.

Là, j'explique en mettant des pointillés autour des zones concernées que ces stigmates ont été provoqués par telle ou telle opération, |||||dotted|||||||||||||||

ou l'absence de telle opération.

Une fois terminé, j'ai prévenu le juge d'instruction, ça devait être monsieur Vion, si j'ai bonne mémoire, ||||warned||||||||||||

et lui expliquer ce à quoi j'arrivais.

Il était plutôt satisfait parce qu'il y avait enfin quelque chose de technique dans le dossier.

Et dans ce contexte-là, c'est effectivement mon expertise qui a été déterminante, j'imagine, pour la décision des jurés et des magistrats.

Bien sûr, techniquement, je suis content d'avoir pu sortir tout ce que j'ai pu sortir.

C'était un coup de poker.

Pour moi, la morale citoyen à Varune, c'est qu'il faut toujours essayer, il ne faut jamais désespérer, c'est une règle de vie. ||||||Varune||||||||||despair|||||

C'est ça aussi qui fait le côté attrayant, la beauté de l'enquête de police, c'est qu'il n'y a aucune limite.

Placé une nouvelle fois en garde à vue en décembre 2011, Jean-Pierre Murat, atteint de schizophrénie, affirme ne pas connaître Christelle Maheri.

Mais les lettres anonymes, ses déclarations antérieures et surtout ce coup de poker avec l'expertise des couteaux

finissent par convaincre la juge d'instruction, tout comme les jurés de la Cour d'Assise.

Un souvenir marquant pour l'avocat Didier Seban.

L'expert nous a expliqué qu'il avait fait de nombreux tests avec les couteaux,

comme quoi les indices de police scientifique sont très différents.

Dans certaines affaires, ça a été une plume qu'on a retrouvée de la terre, qu'on a retrouvée des fibres de vêtements qu'on a pu retrouver.

Dans celle-là, c'est les stigmates d'une meule.

Et il y a eu un moment fort, puisque l'expert disait finalement, dans son rapport, il y a quatre sur cinq stigmates qu'on peut espérer retrouver.

Et en réexaminant les originaux, il a dit, mais je retrouve aussi le cinquième stigmate, c'est-à-dire qu'en fait, ça collait complètement.

Et donc, on a pu dire que cet élément matériel avait compté.

Moi, je suis certain que ça a compté dans la conviction de la Cour d'Assise.

Alors effectivement, grâce à cette expertise-là, ça fait un élément de plus qui viendra s'ajouter à de nombreux autres éléments.

La charge de la preuve dans l'affaire Mailly est extrêmement complexe. |charge||||||Mailly|||

Moi, je l'ai exposée pendant près de cinq heures à la barre, au terme d'un rapport qui doit faire près d'une quarantaine de pages.

Et comme le dira à très juste titre un magistrat pour qui j'ai beaucoup d'admiration et de respect, qui s'appelle Christophe Rode,

qui a représenté l'avocat général lors du procès Mailly, le procès Jean-Pierre Murat.

Tout nous amène à Jean-Pierre Murat, rien ne nous en éloigne.

Donc, c'est une sorte de puzzle au terme duquel apparaît le visage de Jean-Pierre Murat.

Jean-Pierre Murat écope de 20 ans de réclusion devant les Assises, mais il fait appel. |||scoops|||||||||||

Son deuxième procès se tient alors à Dijon, en 2016.

Il a 48 ans et les jurés le condamnent à la même peine qu'en première instance, lui qui se dit innocent. |||||||condemn||||||||||||

Un verdict rendu 30 ans après les faits, la fin d'un très long combat judiciaire pour Didier Seban et les proches de l'adolescente.

Oui, pour nous, évidemment, d'une part, ça permet à la famille d'avoir une réponse et de connaître l'auteur de ce malheur.

De pouvoir se dire, au fond, ça n'est pas le voisin, ça n'est pas la personne que je fréquente tous les jours, ça n'est pas le cousin,

ça n'est pas telle personne qu'on a pu suspecter à un moment.

Je sais qui c'est, je sais ce qui est arrivé et celui-ci est sanctionné pour ses faits abominables.

Je crois que c'est vraiment le combat que je mène, cette idée de la justice.

On ne peut pas lâcher sur ces affaires et on peut les résoudre.

Ma conviction, c'est même qu'on peut résoudre toutes les affaires à condition d'y mettre les moyens et le temps nécessaires.

Le brigadier-chef Raphaël Nédilco, lui aussi, a mis toute sa détermination, toute son énergie pour aller jusqu'au bout de cette enquête

et permettre à la famille de Christelle d'enfin connaître la vérité.

Ce dossier, Mairi, et ces deux cartons de papier de procès vers Bojoni, jamais il n'aurait pensé le résoudre. ||Mairi||||||||||Bojoni||||||

Un dossier qui reste, à ce jour, l'affaire de sa vie.

C'est sûr que quand le verdict est confirmé en appel, c'est un soulagement.

Moi, je sais que les nerfs sont tombés, j'ai sangloté dans le fond de la salle. |||||||||sobbed||||||

Je sors du tunnel, le tunnel à la lumière, j'ai Christelle au bout, une grosse libération.

Et à ce moment où Mairi dira devant les caméras, Raphaël c'est comme mon fils.

Merci beaucoup.

Je ne dis rien, j'ai fait mon travail, j'ai fait mon travail.

Raphaël, vous allez nous oublier maintenant. Non, jamais.

Parce que des liens se sont créés et c'est ça la difficulté du métier de police, c'est que vous y laissez des plumes, que vous le vouliez, que vous ne le vouliez pas. ||||||||||||||||||||||feathers||||||||||

Lorsque vous êtes vraiment investi par votre vocation, que vous soyez avocat, que vous soyez magistrat ou policier,

lorsque vous vous consacrez à la détresse humaine, vous y laissez des plumes.

Donc, ça a été très dur pour moi de réfréner l'attachement profond que j'avais pour ces familles-là. |||||||||refrain||||||||

J'ai attendu que les affaires aient atteint l'autorité de la chose jugée, pour en arriver à un peu plus de proximité, à savoir s'appeler par nos prénoms, se faire la bise.

Et puis, j'ai le plaisir encore aujourd'hui de revoir ces gens, mais juste pour le plaisir de les revoir.

Au détour d'un tour de moto, une petite parte de tarte aux pommes, un petit café, juste pour le plaisir de voir qu'ils vont bien et que j'ai été quelque chose d'utile dans leur vie. |||||||||||||||||||||||||||||||useful|||

C'était Cold Case, la science face au crime. Un podcast original France Info.

Cinquième épisode, l'affaire Christelle Maheri et l'obstination d'un enquêteur. ||||||the stubbornness||

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