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Enlevé Kidnapped, Enlevé ! Chapitre 28

Enlevé ! Chapitre 28

Tant bien que mal, je modifiai mon aspect ; et je fus enchanté en me regardant au miroir, de trouver que le chemineau était un souvenir du passé, et que David Balfour était ressuscité. Toutefois, je rougissais un peu de la métamorphose, et surtout de mon costume d'emprunt. Quand j'eus fini, M. Rankeillor vint me prendre sur l'escalier, me complimenta, et me remmena dans son bureau. – Asseyez-vous, monsieur Balfour, dit-il, et maintenant que vous ressemblez un peu plus à vous-même, voyons quelles nouvelles je puis bien avoir à vous conter. Vous vous demandez, à coup sûr, ce qui a pu se passer entre votre oncle et votre père. À coup sûr, l'histoire est singulière ; et je rougis presque de vous l'exposer. Car, ajouta-t-il, avec un réel embarras, tout repose sur une histoire d'amour. – En vérité, dis-je, cette histoire me paraît incompatible avec mon oncle. – Mais votre oncle, M. David, n'a pas toujours été vieux, répondit le notaire, et, ce qui vous étonnera peut-être davantage, il n'a pas toujours été laid. Il avait bel air, et galant ; on se mettait aux portes pour le regarder passer sur son cheval fringant. Je l'ai de mes yeux vu, et, je le confesse ingénument, pas toujours sans envie ; car je n'étais qu'un garçon du commun, tout ainsi que mon père ; à l'époque, c'était un motif de Odi te, quia bellus es, Sabelle[44]. – Cela me fait l'effet d'un rêve, dis-je. – Évidemment, dit le notaire, vous êtes jeune. Mais ce n'est pas tout, car il avait un caractère à lui qui semblait annoncer de grandes choses. En 1715, voilà-t-il pas qu'il s'enfuit pour aller rejoindre les rebelles. Ce fut votre père qui courut à sa poursuite, le trouva dans un fossé, et le ramena multum gementem[45], à la risée de tout le pays. Mais majora canamus[46] – les deux jeunes gens devinrent amoureux de la même dame. M. Ebenezer, qui était le joli-cœur et le chéri, – le gâté aussi, – ne pouvait aucunement douter de son triomphe ; et lorsqu'il découvrit son erreur, il poussa des cris de paon. Tout le pays le sut ; tantôt il restait à la maison, malade, avec tous ses benêts de parents autour de son lit, à pleurer ; tantôt il rôdait de cabaret en cabaret, et déposait ses tristesses dans le giron de Tom, Dick et Harry. Votre père, M. David, était un exquis gentilhomme, mais faible, d'une faiblesse déplorable. Il prit toutes ces folies au sérieux ; et un beau jour – excusez du peu ! – il renonça à la dame. Elle n'était pas si sotte, cependant ; c'est d'elle que vous tenez sans doute votre parfait bon sens ; et elle refusa d'être ainsi ballottée de l'un à l'autre. Ils allèrent tous deux la supplier à genoux ; et pour finir elle les mit tous deux à la porte. Cela se passait en août ; mon Dieu ! l'année même où je sortis du collège. La scène dut être du plus haut comique ! Je songeais à part moi que c'était là une sotte affaire, mais sans oublier que mon père y était mêlé. – Sans doute, monsieur, a-t-elle eu sa note de tragédie ? répondis-je. – Mais non, pas le moins du monde, riposta le notaire. Car la tragédie suppose quelque objet appréciable de dispute, quelque dignus vindice nodus[47] ; et ce beau coup-là était simplement dû à la pétulance d'un jeune âne qu'on a trop gâté, et qui aurait eu besoin plutôt d'être dûment sanglé et bâté. Mais ce n'était pas l'avis de votre père ; et pour finir, de concession en concession de la part de ce dernier, et d'un paroxysme à l'autre d'égoïsme sentimental chez votre oncle, ils en vinrent à conclure une espèce de marché, dont vous n'avez éprouvé que trop les fâcheux résultats. L'un prit la dame, l'autre le titre. Or, monsieur David, on parle beaucoup de charité et de générosité ; mais dans la triste condition humaine, je me dis souvent que tout va pour le mieux quand un gentleman consulte son homme d'affaires et use de tous les moyens que la loi lui offre. En tout cas cette prouesse donquichottesque de votre père, injuste en soi, a engendré une infinie ribambelle d'injustices. Vos père et mère ont vécu et sont morts pauvres ; vous avez été pauvrement élevé ; et pendant ce temps-là, de quel bon temps ont joui les tenanciers sur le domaine de Shaws ! Et je pourrais ajouter (si cela m'importait en rien) quel bon temps pour M. Ebenezer ! – Pourtant, le plus curieux de tout, dis-je, c'est que le caractère d'un homme puisse changer à ce point. – Exact, dit M. Rankeillor. Et toutefois j'imagine que cela se fit assez naturellement. Il ne pouvait se figurer avoir joué un beau rôle. Ceux qui étaient au courant lui battaient froid ; les autres, voyant un frère disparaître et l'autre succéder à son titre, firent courir des bruits d'assassinat ; et ainsi, de toutes parts il arriva qu'on le fuyait. L'argent était sa seule consolation. Il se mit donc à chérir l'argent. Il était égoïste durant sa jeunesse, il est toujours égoïste aujourd'hui qu'il est vieux ; et le résultat de toutes ces belles manières et de ces sentiments délicats, vous les avez éprouvés. – C'est parfait, monsieur, dis-je, mais dans tout ceci, qu'est-ce que je deviens ? – Le domaine est à vous, sans conteste, répondit le notaire. Peu importe ce que votre père a signé ; vous héritez du patrimoine[48]. Mais votre oncle est homme à défendre l'indéfendable ; et c'est, j'imagine, votre identité qu'il révoquerait en doute. Un procès est chose toujours coûteuse, et un procès de famille chose toujours scandaleuse ; en outre de quoi, si l'un ou l'autre de vos hauts faits avec votre ami M. Thomson venaient à être connus, nous pourrions bien nous brûler les doigts. L'enlèvement, à coup sûr, serait un bel atout dans notre jeu, pourvu toutefois que nous fussions à même de le prouver. Mais il peut être difficile à prouver ; et bref, mon avis est de passer un compromis avec votre oncle, peut-être même lui laissant Shaws où il s'est impatronisé depuis un quart de siècle, et de vous contenter, pour l'heure, d'une honnête provision. Je lui répondis que je ne demandais pas mieux que d'être accommodant, et que je répugnais naturellement à laver en public le linge sale de la famille. Et alors (à part moi) je commençai à entrevoir les premiers linéaments du plan que nous devions mettre en œuvre par la suite. – Le principal, dis-je, est de lui faire peur avec l'enlèvement. – À coup sûr, dit M. Rankeillor, et si possible en dehors des tribunaux. Car, notez-le, monsieur David, nous trouverions bien des hommes du Covenant qui jureraient de votre séquestration ; mais une fois devant les juges, il nous serait impossible d'arrêter leur déposition, et ils lâcheraient certainement un mot ou deux de votre ami M. Thomson. Chose que (d'après ce que vous avez laissé entendre) je ne crois nullement désirable. – Eh bien, monsieur, dis-je, voici mon idée. Et je lui développai mon projet. – Mais ceci impliquerait ma rencontre avec le Thomson, dit-il, quand j'eus fini. – Je le crois, en effet, monsieur. – Diable ! diable ! s'écria-t-il, en se frottant les sourcils. Non, monsieur David, j'ai bien peur que votre plan soit irréalisable. Je n'ai rien à dire contre votre ami, M. Thomson : je ne sais rien contre lui et si je savais quelque chose, – notez-le, monsieur David, – il serait de mon devoir de le faire arrêter. Or, je m'en remets à vous : est-il sage que nous nous rencontrions ? Il peut avoir quelque chose à se reprocher. Il peut ne vous avoir pas tout dit. Il ne s'appelle peut-être même pas Thomson ! s'écria le notaire, avec un clignement ; car il y a de ces individus qui vous ramassent leur nom au bord des routes, comme d'autres grappillent des baies de houx. – C'est à vous de décider, monsieur, répliquai-je. Mais il était clair que mon plan le séduisait, car il demeura tout pensif jusqu'à ce qu'on nous appelât pour dîner en compagnie de Mme Rankeillor, et cette dame nous eut à peine laissés seuls devant une bouteille de vin, qu'il se remit à discuter ma proposition. Quand et où devais-je retrouver mon ami M. Thomson ; étais-je assuré de sa discrétion ? À supposer que nous venions à bout de piper le vieux renard, consentirais-je à ceci et cela ? – telles furent les questions, et d'autres du même genre, qu'il me posait à de longs intervalles, tout en dégustant son vin, tout pensif. Quand j'eus résolu ses doutes, à son apparente satisfaction, il tomba dans une méditation plus profonde, en oubliant même son bordeaux. Il prit ensuite un crayon et une feuille de papier, et se mit à écrire en pesant chaque mot ; enfin, il appuya sur un timbre, et son clerc parut. – Torrance, dit-il, vous me rédigerez ceci dans les formes, pour ce soir ; et quand vous aurez fini, vous aurez l'obligeance de vous tenir prêt avec votre chapeau à nous accompagner, ce monsieur et moi, car on aura sans doute besoin de vous comme témoin. – Hé quoi ! monsieur, dis-je sitôt le clerc sorti, vous risquez la chose ? – Ma foi, on le dirait, me répondit-il en remplissant mon verre. Mais assez parlé affaires. D'avoir vu Torrance me rappelle une joyeuse petite aventure d'il y a quelques années, un jour où j'étais allé procéder avec ce brave nigaud à la Croix d'Édimbourg. Nous avions été chacun de notre côté, et lorsque arrivèrent les quatre heures, Torrance avait bu un coup de trop, et il ne reconnaissait plus son maître ; et moi, qui avais oublié mes lunettes, j'y voyais si peu sans elles, que, je vous en donne ma parole, je ne reconnaissais pas mon clerc. Et il se mit à rire de tout son cœur. Je lui avouai que la rencontre était bizarre, et souris par complaisance ; mais ce qui m'étonna beaucoup, tout au long de l'après-midi, il ne cessa de revenir et d'appuyer sur son anecdote, qu'il ressassait avec des détails et des rires toujours nouveaux ; si bien que je ne savais plus, à la longue, que croire, et rougissais de la niaiserie de mon ami. Environ l'heure que j'avais fixée à Alan, nous quittâmes la maison, M. Rankeillor et moi, bras dessus bras dessous, suivis par Torrance qui portait l'acte dans sa poche et à la main un panier fermé. Dans la traversée de la ville, le notaire distribua des saluts à droite et à gauche, et fut arrêté vingt fois par des gentlemen qui l'entretenaient des intérêts publics ou de leurs affaires privées ; et je vis à quel point il était populaire dans le comté. Enfin, les maisons dépassées, nous nous dirigeâmes le long des quais vers l'auberge Hawes et l'embarcadère du bac, théâtre de mon infortune. Je ne pus voir l'endroit sans émotion, me rappelant combien de ceux qui s'y étaient trouvés avec moi ce jour-là avaient disparu depuis : Ransome, préservé ainsi, j'aimais à le croire, du mal à venir ; Shuan, parti où je n'oserais le suivre ; et les pauvres âmes que le brick avait entraînées avec lui lors de son suprême plongeon. À tous ceux-là, j'avais survécu ; et j'avais traversé indemne toutes ces épreuves et ces mortels dangers. Mon seul sentiment eût dû être la gratitude ; et pourtant, il me fut impossible de considérer ces lieux sans compassion pour autrui et sans un frisson d'horreur rétrospective. J'en étais là, lorsque soudain M. Rankeillor, poussant un cri, porta sa main à sa poche, et se mit à rire. – Eh bien, dit-il, si ce n'est pas grotesque. Après tout ce que j'ai dit, voilà que j'ai oublié mes besicles ! Là-dessus, naturellement, je pénétrai le sens de son anecdote, et vis que s'il avait laissé chez lui ses lunettes, c'était à dessein, de façon à se donner l'avantage de l'aide d'Alan, sans l'inconvénient de le reconnaître. Et de fait, c'était bien imaginé ; car (à supposer que les choses vinssent à tourner mal) comment Rankeillor eût-il pu jurer de l'identité de mon ami, et comment eût-on pu le forcer à porter un témoignage contre moi ? Malgré tout, il avait mis du temps à s'apercevoir de cet oubli, et il avait entretenu et reconnu assez de gens au cours de notre traversée de la ville ; et je ne doutais pas qu'il n'y vît très convenablement. Dès que nous eûmes dépassé le Hawes (où je reconnus le patron qui fumait sa pipe sur le seuil, et m'étonnai de ne pas le trouver plus vieilli), M. Rankeillor changea l'ordre de marche, passa derrière Torrance et m'envoya en éclaireur. Je gravis la pente, sifflant de temps à autre mon air gaélique ; et à la fin j'eus la joie d'obtenir une réponse et de voir Alan se lever de derrière un buisson.Il était un peu démoralisé d'avoir passé tout un long jour à rôder par le comté, et fait un triste repas dans une auberge proche de Dundas. Mais au seul aspect de mes vêtements, son visage se rasséréna ; et lorsque je lui eus fait part de la prospérité de mes affaires, et du rôle que j'entendais lui faire jouer pour le reste, il devint tout à coup un nouvel homme. – Vous avez eu une excellente idée, dit-il, et je dois ajouter que vous n'auriez pu mettre la main sur quelqu'un de plus propre à tout arranger qu'Alan Breck. Ce n'est pas une chose (notez-le) que n'importe qui pourrait faire, il y faut un gentleman de sens. Mais j'ai idée que votre notaire languit de me voir. Donc, je hélai à grands gestes M. Rankeillor, qui arriva seul et que je présentai à M. Thomson. – Monsieur Thomson, enchanté de faire votre connaissance, dit-il. Mais j'ai oublié mes besicles ; et notre ami, M. David que voici (il me frappa sur l'épaule) vous dira que je suis quasi aveugle et que vous ne devrez pas être surpris si je vous croise demain sans vous reconnaître. Il croyait, par ce discours, faire plaisir à Alan ; mais la fatuité du Highlander était prête à s'insurger devant moins que cela. – Eh bien, monsieur, dit-il d'un ton rogue, je dirai que la chose importe d'autant moins que nous nous rencontrons ici pour une fin particulière, qui est de faire rendre justice à M. Balfour : et à ce que je puis augurer, il est peu vraisemblable que nous ayons jamais, vous et moi, d'autres relations. Mais j'accepte votre excuse, qui était fort opportune. – Je n'en attendais pas moins de vous, monsieur Thomson, dit Rankeillor cordialement. Et maintenant, comme vous et moi sommes les principaux acteurs dans cette entreprise, il est nécessaire que nous soyons bien d'accord : à quelle fin je vous prierai de me donner le bras, car, tant à cause de l'obscurité que par le défaut de mes besicles, je n'y vois guère à me conduire. Quant à vous, monsieur David, vous trouverez en Torrance un agréable conteur. Je dois néanmoins vous rappeler qu'il est tout à fait superflu qu'il en sache plus, tant sur vos aventures que sur celles de M… hum ! de M. Thomson. En conséquence, tous deux nous précédèrent, enfoncés bientôt dans leur conversation, et Torrance et moi leur fîmes escorte. La nuit était tout à fait tombée quand nous arrivâmes en vue du château de Shaws. Dix heures devaient être sonnées ; il faisait doux et obscur, avec un agréable zéphyr du sud-ouest dont le bruit dans les feuilles couvrait celui de nos pas ; et en approchant, nous n'aperçûmes aucune trace de lumière sur toute la façade. Sans doute, mon oncle était-il déjà au lit, ce qui convenait mieux pour notre plan. À une cinquantaine de yards de la porte, nous chuchotâmes nos dernières dispositions ; puis le notaire, Torrance et moi, nous avançâmes en silence et nous dissimulâmes derrière l'angle de la maison. Dès que nous fûmes en place, Alan marcha vers la porte sans se cacher et se mit à frapper.


Enlevé ! Chapitre 28 Entführt! Kapitel 28 Kidnapped! Chapter 28 Secuestrados Capítulo 28 Sequestrado! Capítulo 28

Tant bien que mal, je modifiai mon aspect ; et je fus enchanté en me regardant au miroir, de trouver que le chemineau était un souvenir du passé, et que David Balfour était ressuscité. As best I could, I altered my appearance; and I was delighted, looking at myself in the mirror, to find that the tramp was a memory of the past, and that David Balfour had been resurrected. Toutefois, je rougissais un peu de la métamorphose, et surtout de mon costume d'emprunt. However, I blushed a little at the metamorphosis, and especially at my borrowed costume. Quand j'eus fini, M. Rankeillor vint me prendre sur l'escalier, me complimenta, et me remmena dans son bureau. When I'd finished, Mr. Rankeillor picked me up on the stairs, complimented me, and took me back to his office. – Asseyez-vous, monsieur Balfour, dit-il, et maintenant que vous ressemblez un peu plus à vous-même, voyons quelles nouvelles je puis bien avoir à vous conter. - Sit down, Mr. Balfour," he said, "and now that you're looking a little more like yourself, let's see what news I have to tell you. Vous vous demandez, à coup sûr, ce qui a pu se passer entre votre oncle et votre père. You're probably wondering what happened between your uncle and your father. À coup sûr, l'histoire est singulière ; et je rougis presque de vous l'exposer. It's certainly a peculiar story, and I'm almost ashamed to tell it. Car, ajouta-t-il, avec un réel embarras, tout repose sur une histoire d'amour. Because," he added, with real embarrassment, "it's all based on a love story. – En vérité, dis-je, cette histoire me paraît incompatible avec mon oncle. - In truth," I said, "this story seems incompatible with my uncle. – Mais votre oncle, M. David, n'a pas toujours été vieux, répondit le notaire, et, ce qui vous étonnera peut-être davantage, il n'a pas toujours été laid. - But your uncle, Mr. David, wasn't always old," replied the notary, "and, what may surprise you even more, he wasn't always ugly. Il avait bel air, et galant ; on se mettait aux portes pour le regarder passer sur son cheval fringant. He was handsome and gallant, and people stood at the gates to watch him ride by on his dashing horse. Je l'ai de mes yeux vu, et, je le confesse ingénument, pas toujours sans envie ; car je n'étais qu'un garçon du commun, tout ainsi que mon père ; à l'époque, c'était un motif de Odi te, quia bellus es, Sabelle[44]. I saw it with my own eyes, and, I confess ingenuously, not always without envy; for I was just a common boy, as was my father; in those days, it was a reason for Odi te, quia bellus es, Sabelle[44]. – Cela me fait l'effet d'un rêve, dis-je. - It feels like a dream," I say. – Évidemment, dit le notaire, vous êtes jeune. - Obviously," says the notary, "you're young. Mais ce n'est pas tout, car il avait un caractère à lui qui semblait annoncer de grandes choses. But that's not all, for he had a character of his own that seemed to herald great things. En 1715, voilà-t-il pas qu'il s'enfuit pour aller rejoindre les rebelles. In 1715, he fled to join the rebels. Ce fut votre père qui courut à sa poursuite, le trouva dans un fossé, et le ramena multum gementem[45], à la risée de tout le pays. It was your father who ran after him, found him in a ditch, and brought him back multum gementem[45], to the laughter of the whole country. Mais majora canamus[46] – les deux jeunes gens devinrent amoureux de la même dame. But majora canamus[46] - the two young men fell in love with the same lady. M. Ebenezer, qui était le joli-cœur et le chéri, – le gâté aussi, – ne pouvait aucunement douter de son triomphe ; et lorsqu'il découvrit son erreur, il poussa des cris de paon. Mr. Ebenezer, who was the pretty-hearted and the darling, - the spoiled one too, - could in no way doubt his triumph; and when he discovered his mistake, he peacocked. Tout le pays le sut ; tantôt il restait à la maison, malade, avec tous ses benêts de parents autour de son lit, à pleurer ; tantôt il rôdait de cabaret en cabaret, et déposait ses tristesses dans le giron de Tom, Dick et Harry. The whole country knew it; sometimes he stayed at home, sick, with all his silly relatives around his bed, weeping; sometimes he prowled from cabaret to cabaret, depositing his sadness in the bosom of Tom, Dick and Harry. Votre père, M. David, était un exquis gentilhomme, mais faible, d'une faiblesse déplorable. Your father, Mr. David, was an exquisite gentleman, but weak, deplorably weak. Il prit toutes ces folies au sérieux ; et un beau jour – excusez du peu ! He took all this madness seriously, and one fine day - excuse the pun! – il renonça à la dame. - he renounced the lady. Elle n'était pas si sotte, cependant ; c'est d'elle que vous tenez sans doute votre parfait bon sens ; et elle refusa d'être ainsi ballottée de l'un à l'autre. She wasn't such a fool, though; you probably got your perfect common sense from her, and she refused to be tossed from one to the other like that. Ils allèrent tous deux la supplier à genoux ; et pour finir elle les mit tous deux à la porte. They both went on their knees to beg her, and finally she threw them both out. Cela se passait en août ; mon Dieu ! It was August; my God! l'année même où je sortis du collège. the same year I graduated from college. La scène dut être du plus haut comique ! It must have been a highly comic scene! Je songeais à part moi que c'était là une sotte affaire, mais sans oublier que mon père y était mêlé. I thought to myself that it was a silly affair, but I didn't forget that my father was involved. – Sans doute, monsieur, a-t-elle eu sa note de tragédie ? - No doubt, sir, it has had its note of tragedy? répondis-je. I replied. – Mais non, pas le moins du monde, riposta le notaire. - Not in the least," retorted the notary. Car la tragédie suppose quelque objet appréciable de dispute, quelque dignus vindice nodus[47] ; et ce beau coup-là était simplement dû à la pétulance d'un jeune âne qu'on a trop gâté, et qui aurait eu besoin plutôt d'être dûment sanglé et bâté. For tragedy presupposes some appreciable object of contention, some dignus vindice nodus[47] ; and this fine coup was simply due to the petulance of a young donkey that had been over-indulged, and which would rather have been duly strapped and yoked. Mais ce n'était pas l'avis de votre père ; et pour finir, de concession en concession de la part de ce dernier, et d'un paroxysme à l'autre d'égoïsme sentimental chez votre oncle, ils en vinrent à conclure une espèce de marché, dont vous n'avez éprouvé que trop les fâcheux résultats. But this was not your father's opinion; and in the end, from concession to concession on his part, and from one paroxysm of sentimental selfishness to another in your uncle's, they came to a sort of bargain, the unfortunate results of which you have experienced only too well. L'un prit la dame, l'autre le titre. One took the lady, the other the title. Or, monsieur David, on parle beaucoup de charité et de générosité ; mais dans la triste condition humaine, je me dis souvent que tout va pour le mieux quand un gentleman consulte son homme d'affaires et use de tous les moyens que la loi lui offre. Now, Monsieur David, there's a lot of talk about charity and generosity; but in the sad human condition, I often think that all is for the best when a gentleman consults his businessman and uses all the means the law offers. En tout cas cette prouesse donquichottesque de votre père, injuste en soi, a engendré une infinie ribambelle d'injustices. In any case, your father's Donquichottesque feat, unjust in itself, has spawned an infinite string of injustices. Vos père et mère ont vécu et sont morts pauvres ; vous avez été pauvrement élevé ; et pendant ce temps-là, de quel bon temps ont joui les tenanciers sur le domaine de Shaws ! Your father and mother lived and died poor; you were poorly brought up; and all the while, what good times the tenants enjoyed on the Shaws estate! Et je pourrais ajouter (si cela m'importait en rien) quel bon temps pour M. Ebenezer ! And I might add (if it mattered to me at all) what a good time for Mr. Ebenezer! – Pourtant, le plus curieux de tout, dis-je, c'est que le caractère d'un homme puisse changer à ce point. - Yet the strangest thing of all," I said, "is that a man's character can change so much. – Exact, dit M. Rankeillor. - That's right," says Mr. Rankeillor. Et toutefois j'imagine que cela se fit assez naturellement. And yet I imagine that it came quite naturally. Il ne pouvait se figurer avoir joué un beau rôle. He couldn't imagine that he had played a beautiful role. Ceux qui étaient au courant lui battaient froid ; les autres, voyant un frère disparaître et l'autre succéder à son titre, firent courir des bruits d'assassinat ; et ainsi, de toutes parts il arriva qu'on le fuyait. Those in the know beat him cold; others, seeing one brother disappear and the other succeed to his title, spread rumors of assassination; and so, on all sides, he was shunned. L'argent était sa seule consolation. Money was his only consolation. Il se mit donc à chérir l'argent. So he began to cherish money. Il était égoïste durant sa jeunesse, il est toujours égoïste aujourd'hui qu'il est vieux ; et le résultat de toutes ces belles manières et de ces sentiments délicats, vous les avez éprouvés. He was selfish in his youth, he's still selfish now that he's old; and the result of all those fine manners and delicate sentiments, you've experienced. – C'est parfait, monsieur, dis-je, mais dans tout ceci, qu'est-ce que je deviens ? - That's fine, sir," I said, "but in all this, what happens to me? – Le domaine est à vous, sans conteste, répondit le notaire. - The estate is yours, without question," replied the notary. Peu importe ce que votre père a signé ; vous héritez du patrimoine[48]. It doesn't matter what your father signed; you inherit the estate[48]. Mais votre oncle est homme à défendre l'indéfendable ; et c'est, j'imagine, votre identité qu'il révoquerait en doute. But your uncle is a man who defends the indefensible; and it is, I imagine, your identity that he would question. Un procès est chose toujours coûteuse, et un procès de famille chose toujours scandaleuse ; en outre de quoi, si l'un ou l'autre de vos hauts faits avec votre ami M. Thomson venaient à être connus, nous pourrions bien nous brûler les doigts. A lawsuit is always costly, and a family lawsuit always scandalous; besides, if any of your exploits with your friend Mr Thomson were to become known, we could well burn our fingers. L'enlèvement, à coup sûr, serait un bel atout dans notre jeu, pourvu toutefois que nous fussions à même de le prouver. Kidnapping would certainly be a great asset in our game, provided we could prove it. Mais il peut être difficile à prouver ; et bref, mon avis est de passer un compromis avec votre oncle, peut-être même lui laissant Shaws où il s'est impatronisé depuis un quart de siècle, et de vous contenter, pour l'heure, d'une honnête provision. But it can be difficult to prove; and in short, my advice is to compromise with your uncle, perhaps even letting him have Shaws where he's been impatronizing himself for a quarter of a century, and be content, for the time being, with an honest retainer. Je lui répondis que je ne demandais pas mieux que d'être accommodant, et que je répugnais naturellement à laver en public le linge sale de la famille. I replied that I'd like nothing better than to be accommodating, and that I was naturally reluctant to wash the family's dirty laundry in public. Et alors (à part moi) je commençai à entrevoir les premiers linéaments du plan que nous devions mettre en œuvre par la suite. And then (apart from me) I began to glimpse the first lineaments of the plan we were to implement next. – Le principal, dis-je, est de lui faire peur avec l'enlèvement. - The main thing, I say, is to scare him with the kidnapping. – À coup sûr, dit M. Rankeillor, et si possible en dehors des tribunaux. - For sure," says Mr. Rankeillor, "and if possible out of court. Car, notez-le, monsieur David, nous trouverions bien des hommes du Covenant qui jureraient de votre séquestration ; mais une fois devant les juges, il nous serait impossible d'arrêter leur déposition, et ils lâcheraient certainement un mot ou deux de votre ami M. Thomson. For, mark you, Monsieur David, we'd find some men from the Covenant who'd swear to your confinement; but once before the judges, we'd find it impossible to stop their deposition, and they'd certainly drop a word or two about your friend Mr Thomson. Chose que (d'après ce que vous avez laissé entendre) je ne crois nullement désirable. Which (from what you've hinted at) I don't think is at all desirable. – Eh bien, monsieur, dis-je, voici mon idée. - Well, sir," I said, "here's my idea. Et je lui développai mon projet. And I developed my project. – Mais ceci impliquerait ma rencontre avec le Thomson, dit-il, quand j'eus fini. - But this would involve my meeting with the Thomson," he said, when I'd finished. – Je le crois, en effet, monsieur. - I believe so, sir. – Diable ! - Devil! diable ! devil! s'écria-t-il, en se frottant les sourcils. he exclaimed, rubbing his eyebrows. Non, monsieur David, j'ai bien peur que votre plan soit irréalisable. No, Mr. David, I'm afraid your plan is unworkable. Je n'ai rien à dire contre votre ami, M. Thomson : je ne sais rien contre lui et si je savais quelque chose, – notez-le, monsieur David, – il serait de mon devoir de le faire arrêter. I have nothing to say against your friend, Mr Thomson: I know nothing against him, and if I did know something, - make a note of this, Mr David - it would be my duty to have him arrested. Or, je m'en remets à vous : est-il sage que nous nous rencontrions ? But I leave it to you: is it wise for us to meet? Il peut avoir quelque chose à se reprocher. He may have something to reproach himself for. Il peut ne vous avoir pas tout dit. He may not have told you everything. Il ne s'appelle peut-être même pas Thomson ! Maybe his name isn't even Thomson! s'écria le notaire, avec un clignement ; car il y a de ces individus qui vous ramassent leur nom au bord des routes, comme d'autres grappillent des baies de houx. exclaimed the notary, with a wink; for there are those individuals who pick up their names from you by the roadside, like others gather holly berries. – C'est à vous de décider, monsieur, répliquai-je. - It's up to you, sir," I replied. Mais il était clair que mon plan le séduisait, car il demeura tout pensif jusqu'à ce qu'on nous appelât pour dîner en compagnie de Mme Rankeillor, et cette dame nous eut à peine laissés seuls devant une bouteille de vin, qu'il se remit à discuter ma proposition. But it was clear that my plan appealed to him, for he remained thoughtful until we were called to dine with Mrs. Rankeillor, and no sooner had the lady left us alone over a bottle of wine than he began discussing my proposal again. Quand et où devais-je retrouver mon ami M. Thomson ; étais-je assuré de sa discrétion ? When and where was I to meet my friend Mr Thomson; was I assured of his discretion? À supposer que nous venions à bout de piper le vieux renard, consentirais-je à ceci et cela ? Supposing we managed to trap the old fox, would I agree to this and that? – telles furent les questions, et d'autres du même genre, qu'il me posait à de longs intervalles, tout en dégustant son vin, tout pensif. - these were the questions, and others like them, he would ask me at long intervals, as he thoughtfully sipped his wine. Quand j'eus résolu ses doutes, à son apparente satisfaction, il tomba dans une méditation plus profonde, en oubliant même son bordeaux. When I had resolved his doubts, to his apparent satisfaction, he fell into deeper meditation, forgetting even his claret. Il prit ensuite un crayon et une feuille de papier, et se mit à écrire en pesant chaque mot ; enfin, il appuya sur un timbre, et son clerc parut. He then took a pencil and a sheet of paper, and began to write, weighing each word; finally, he pressed a stamp, and his clerk appeared. – Torrance, dit-il, vous me rédigerez ceci dans les formes, pour ce soir ; et quand vous aurez fini, vous aurez l'obligeance de vous tenir prêt avec votre chapeau à nous accompagner, ce monsieur et moi, car on aura sans doute besoin de vous comme témoin. - Torrance," he said, "you will draw this up in the proper form, for this evening; and when you have finished, you will kindly stand by with your hat to accompany this gentleman and me, for you will doubtless be needed as a witness. – Hé quoi ! - Hey! monsieur, dis-je sitôt le clerc sorti, vous risquez la chose ? Sir," I said as soon as the clerk came out, "are you risking the thing? – Ma foi, on le dirait, me répondit-il en remplissant mon verre. - Well, it looks like it," he replied, filling my glass. Mais assez parlé affaires. But enough business talk. D'avoir vu Torrance me rappelle une joyeuse petite aventure d'il y a quelques années, un jour où j'étais allé procéder avec ce brave nigaud à la Croix d'Édimbourg. Seeing Torrance reminds me of a happy little adventure I had a few years ago, one day when I went to proceed with this brave ninny to the Edinburgh Cross. Nous avions été chacun de notre côté, et lorsque arrivèrent les quatre heures, Torrance avait bu un coup de trop, et il ne reconnaissait plus son maître ; et moi, qui avais oublié mes lunettes, j'y voyais si peu sans elles, que, je vous en donne ma parole, je ne reconnaissais pas mon clerc. We'd gone our separate ways, and by four o'clock Torrance had had one too many, and didn't recognize his master; and I, who'd forgotten my glasses, could see so little without them that, I give you my word, I didn't recognize my clerk. Et il se mit à rire de tout son cœur. And he laughed heartily. Je lui avouai que la rencontre était bizarre, et souris par complaisance ; mais ce qui m'étonna beaucoup, tout au long de l'après-midi, il ne cessa de revenir et d'appuyer sur son anecdote, qu'il ressassait avec des détails et des rires toujours nouveaux ; si bien que je ne savais plus, à la longue, que croire, et rougissais de la niaiserie de mon ami. I admitted to him that the encounter was bizarre, and smiled out of complacency; but what surprised me greatly was that, throughout the afternoon, he kept coming back and reiterating his anecdote, which he rehashed with ever new details and laughter; so much so that, in the long run, I didn't know what to believe, and blushed at my friend's nonsense. Environ l'heure que j'avais fixée à Alan, nous quittâmes la maison, M. Rankeillor et moi, bras dessus bras dessous, suivis par Torrance qui portait l'acte dans sa poche et à la main un panier fermé. About the time I'd set for Alan, we left the house, Mr. Rankeillor and I, arm in arm, followed by Torrance, who carried the deed in his pocket and a closed basket in his hand. Dans la traversée de la ville, le notaire distribua des saluts à droite et à gauche, et fut arrêté vingt fois par des gentlemen qui l'entretenaient des intérêts publics ou de leurs affaires privées ; et je vis à quel point il était populaire dans le comté. As he passed through the town, the notary distributed salutes right and left, and was stopped twenty times by gentlemen who talked to him about public interests or their private affairs; and I saw how popular he was in the county. Enfin, les maisons dépassées, nous nous dirigeâmes le long des quais vers l'auberge Hawes et l'embarcadère du bac, théâtre de mon infortune. Finally, past the houses, we made our way along the quayside towards Hawes Inn and the ferry pier, the scene of my misfortune. Je ne pus voir l'endroit sans émotion, me rappelant combien de ceux qui s'y étaient trouvés avec moi ce jour-là avaient disparu depuis : Ransome, préservé ainsi, j'aimais à le croire, du mal à venir ; Shuan, parti où je n'oserais le suivre ; et les pauvres âmes que le brick avait entraînées avec lui lors de son suprême plongeon. I could not see the place without emotion, remembering how many of those who had been there with me that day had since disappeared: Ransome, thus preserved, I liked to believe, from the evil to come; Shuan, gone where I would not dare follow him; and the poor souls the brig had taken with her on her supreme plunge. À tous ceux-là, j'avais survécu ; et j'avais traversé indemne toutes ces épreuves et ces mortels dangers. I'd survived them all, and come through all those trials and mortal dangers unscathed. Mon seul sentiment eût dû être la gratitude ; et pourtant, il me fut impossible de considérer ces lieux sans compassion pour autrui et sans un frisson d'horreur rétrospective. My only feeling should have been gratitude; and yet it was impossible for me to consider these places without compassion for others and a shiver of retrospective horror. J'en étais là, lorsque soudain M. Rankeillor, poussant un cri, porta sa main à sa poche, et se mit à rire. I'd reached this point, when suddenly Mr. Rankeillor let out a scream, reached into his pocket and laughed. – Eh bien, dit-il, si ce n'est pas grotesque. - Well," he says, "if it isn't grotesque. Après tout ce que j'ai dit, voilà que j'ai oublié mes besicles ! After all I've said, now I've forgotten my beads! Là-dessus, naturellement, je pénétrai le sens de son anecdote, et vis que s'il avait laissé chez lui ses lunettes, c'était à dessein, de façon à se donner l'avantage de l'aide d'Alan, sans l'inconvénient de le reconnaître. Then, naturally, I understood the meaning of his anecdote, and saw that if he had left his glasses at home, it was on purpose, so as to give himself the advantage of Alan's help, without the inconvenience of recognizing him. Et de fait, c'était bien imaginé ; car (à supposer que les choses vinssent à tourner mal) comment Rankeillor eût-il pu jurer de l'identité de mon ami, et comment eût-on pu le forcer à porter un témoignage contre moi ? And indeed, it was well imagined; for (supposing things did go wrong) how could Rankeillor have sworn to my friend's identity, and how could he have been forced to testify against me? Malgré tout, il avait mis du temps à s'apercevoir de cet oubli, et il avait entretenu et reconnu assez de gens au cours de notre traversée de la ville ; et je ne doutais pas qu'il n'y vît très convenablement. Even so, he'd been slow to notice this oversight, and he'd interviewed and recognized quite a few people as we passed through town; and I had no doubt that he saw very well. Dès que nous eûmes dépassé le Hawes (où je reconnus le patron qui fumait sa pipe sur le seuil, et m'étonnai de ne pas le trouver plus vieilli), M. Rankeillor changea l'ordre de marche, passa derrière Torrance et m'envoya en éclaireur. As soon as we had passed the Hawes (where I recognized the owner smoking his pipe on the threshold, and was surprised not to find him more aged), Mr. Rankeillor changed the order of march, passed behind Torrance and sent me as a scout. Je gravis la pente, sifflant de temps à autre mon air gaélique ; et à la fin j'eus la joie d'obtenir une réponse et de voir Alan se lever de derrière un buisson.Il était un peu démoralisé d'avoir passé tout un long jour à rôder par le comté, et fait un triste repas dans une auberge proche de Dundas. I climbed the slope, whistling my Gaelic tune from time to time; and in the end I had the joy of getting an answer and seeing Alan rise from behind a bush.He was a little demoralized from having spent a whole long day prowling through the county, and made a sad meal at an inn near Dundas. Mais au seul aspect de mes vêtements, son visage se rasséréna ; et lorsque je lui eus fait part de la prospérité de mes affaires, et du rôle que j'entendais lui faire jouer pour le reste, il devint tout à coup un nouvel homme. But at the mere sight of my clothes, his face softened; and when I told him of the prosperity of my business, and the part I intended him to play in the rest, he suddenly became a new man. – Vous avez eu une excellente idée, dit-il, et je dois ajouter que vous n'auriez pu mettre la main sur quelqu'un de plus propre à tout arranger qu'Alan Breck. - You've had an excellent idea," he says, "and I must add that you couldn't have got your hands on anyone better suited to arranging everything than Alan Breck. Ce n'est pas une chose (notez-le) que n'importe qui pourrait faire, il y faut un gentleman de sens. This is not something (note) that just anyone could do, it takes a gentleman of sense. Mais j'ai idée que votre notaire languit de me voir. But I have an idea that your notary is longing to see me. Donc, je hélai à grands gestes M. Rankeillor, qui arriva seul et que je présentai à M. Thomson. So I gestured to Mr. Rankeillor, who arrived alone and whom I introduced to Mr. Thomson. – Monsieur Thomson, enchanté de faire votre connaissance, dit-il. - Mr Thomson, a pleasure to meet you," he says. Mais j'ai oublié mes besicles ; et notre ami, M. David que voici (il me frappa sur l'épaule) vous dira que je suis quasi aveugle et que vous ne devrez pas être surpris si je vous croise demain sans vous reconnaître. But I've forgotten my glasses, and our friend Mr David here (he tapped me on the shoulder) will tell you that I'm almost blind, and you shouldn't be surprised if I pass you tomorrow and don't recognize you. Il croyait, par ce discours, faire plaisir à Alan ; mais la fatuité du Highlander était prête à s'insurger devant moins que cela. He thought this speech would please Alan, but the Highlander's fatuity was ready to take offense at anything less. – Eh bien, monsieur, dit-il d'un ton rogue, je dirai que la chose importe d'autant moins que nous nous rencontrons ici pour une fin particulière, qui est de faire rendre justice à M. Balfour : et à ce que je puis augurer, il est peu vraisemblable que nous ayons jamais, vous et moi, d'autres relations. - Well, sir," he said roguishly, "I'd say the thing matters all the less as we're meeting here for a particular purpose, which is to get justice for Mr. Balfour: and from what I can augur, it's unlikely that you and I will ever have any further dealings. Mais j'accepte votre excuse, qui était fort opportune. But I accept your excuse, which was very timely. – Je n'en attendais pas moins de vous, monsieur Thomson, dit Rankeillor cordialement. - I'd expect nothing less from you, Mr Thomson," says Rankeillor cordially. Et maintenant, comme vous et moi sommes les principaux acteurs dans cette entreprise, il est nécessaire que nous soyons bien d'accord : à quelle fin je vous prierai de me donner le bras, car, tant à cause de l'obscurité que par le défaut de mes besicles, je n'y vois guère à me conduire. And now, as you and I are the main players in this venture, it is necessary for us to be in good agreement: to which end I would beg you to give me your arm, for, both because of the darkness and the defect of my besicles, I can hardly see to lead myself. Quant à vous, monsieur David, vous trouverez en Torrance un agréable conteur. As for you, Mr. David, you'll find Torrance a delightful storyteller. Je dois néanmoins vous rappeler qu'il est tout à fait superflu qu'il en sache plus, tant sur vos aventures que sur celles de M… hum ! I must remind you, however, that it's quite superfluous for him to know any more, both about your adventures and those of Mr... um! de M. Thomson. by Mr Thomson. En conséquence, tous deux nous précédèrent, enfoncés bientôt dans leur conversation, et Torrance et moi leur fîmes escorte. Accordingly, both of them preceded us, soon deep in conversation, and Torrance and I escorted them. La nuit était tout à fait tombée quand nous arrivâmes en vue du château de Shaws. Night had fallen by the time we came within sight of Shaws Castle. Dix heures devaient être sonnées ; il faisait doux et obscur, avec un agréable zéphyr du sud-ouest dont le bruit dans les feuilles couvrait celui de nos pas ; et en approchant, nous n'aperçûmes aucune trace de lumière sur toute la façade. Ten o'clock must have struck; it was mild and dark, with a pleasant south-westerly zephyr whose sound in the leaves drowned out that of our footsteps; and as we approached, we saw no trace of light on the whole front. Sans doute, mon oncle était-il déjà au lit, ce qui convenait mieux pour notre plan. No doubt my uncle was already in bed, which suited our plan better. À une cinquantaine de yards de la porte, nous chuchotâmes nos dernières dispositions ; puis le notaire, Torrance et moi, nous avançâmes en silence et nous dissimulâmes derrière l'angle de la maison. About fifty yards from the door, we whispered our final arrangements; then the notary, Torrance and I moved forward in silence and concealed ourselves behind the corner of the house. Dès que nous fûmes en place, Alan marcha vers la porte sans se cacher et se mit à frapper. As soon as we were in place, Alan walked unhurriedly to the door and started knocking.