GRÈVE DU ZÈLE 2010-09-21
Un avis de grève du zèle a été communiqué en France par plusieurs associations de magistrats, et cela pour lutter contre l'insuffisance de moyens et de personnels mis au service de la justice : elle ne peut travailler correctement disent ces fonctionnaires, et elle est sans cesse obliger de jongler avec les horaires, les lieux, les gens, les audiences. Pour alerter l'opinion, mais aussi ne pas tout accepter, pour tenter enfin que les pouvoirs publics fournissent les crédits nécessaires au fonctionnement harmonieux de la justice, une grève du zèle est envisagée. Drôle d'expression que celle-là : grève du zèle . Et que souvent on interprète mal, faute de la connaître bien. Spontanément, on aurait tendance à croire que la grève du zèle consiste à ne pas trop en faire : le service minimum autrement dit, juste ce qu'il faut pour être en règle, mais surtout rien de plus ; travailler pour être quitte, mais pas pour que le travail soit bien fait. Et bizarrement, le sens de l'expression est presque opposé ! Il ne s'agit pas d'en faire moins, mais plutôt d'en faire plus : la grève du zèle consiste, en effet, à respecter à la lettre toutes les consignes, tous les règlements. Mais de façon si obsessionnelle, tatillonne, maniaque, que tout le temps et toute l'énergie vont passer en détails insignifiants, et que le service tout entier sera paralysé par cet excès de zèle apparent. Il s'agit donc bien d'une grève : le travail ne peut plus se faire. Mais au lieu que cette impossibilité soit le résultat d'une inaction, elle est le résultat de mille actions presque inutiles. Quand même, étonnant mot que celui de zèle ! Assez peu employé, et le plus souvent de façon ironique. Alors que le mot désigne au départ une ardeur très active à faire ce qu'on doit, il est toujours employé à contre-emploi ! On le trouve ainsi utilisé dans sa signification ordinaire, mais à la négative : « On ne peut pas dire que Jojo montre un zèle excessif dans son travail ! » Façon plaisante de dire qu'il ne fait pas grand-chose, et même qu'il en fait le moins possible. Ou alors on l'emploie pour critiquer l'activité en question : on parle ainsi d'un courtisan zélé : il met tous ses efforts à flatter celui qu'il sert. L'ironie fonctionne alors en sens contraire : on reconnait son zèle réel, toute l'activité déployée, mais c'est pour mieux la mépriser : ce zèle ne sert qu'à se mettre dans les bonnes grâces de son maître, à le chatouiller agréablement, et hypocritement pour s'attirer ses faveurs. Coproduction du Centre national de Documentation Pédagogique. http://www.cndp.fr/ Venez découvrir le livre Les Mots de l'Actualité d'Yvan Amar.