Comment étaient équipés les guerriers Gaulois ? (2)
sangle en cuir, de courroies, comme sur certains boucliers médiévaux. Cette poignée au centre du
bouclier n'est pas anodine, elle permet au guerrier de tenir fermement le bouclier,
puisqu'elle se situe au niveau du centre de gravité de l'arme. La poignée est logée dans
un creux au centre de la planche et elle permet un temps de réponse réduit lors de l'utilisation du
bouclier. Cette poignée horizontale, eh bien, ça s'appelle un manipule et parfois il peut y
avoir une languette métallique, on appelle ça un « renfort de manipule », assez logiquement.
Vous le voyez, la main, elle, peut se loger à l'intérieur du bouclier, on a en fait un trou
qui est creusé dans le bois dans ce qu'on appelle la « spina ». La spina, c'est un demi-fuseau de
bois qui sert vraiment de fusible mécanique et qui va lui-même être protégé par une coque métallique
qu'on appelle un « umbo ». U.M.B.O, pas un « nain beau ». Tout ça participe vraiment au fait de
pouvoir protéger la main lors de la manipulation du bouclier. Cet umbo de fer, il y en a tout un
tas de formes différentes qui changent en fonction des époques ; ce qui forcément intéresse les
archéologues qui vont les classer par types et par époques. Ce qu'on remarque, quand on examine
un umbo, c'est qu'il est fixé au bouclier par au moins deux clous ou rivets. En mesurant un rivet,
on peut donc estimer approximativement l'épaisseur de la planche des boucliers. Parfois,
les pourtours, ou la tranche inférieure ou supérieure du bouclier, sont renforcés par
des bandelettes métalliques que l'on nomme des « orles ». Il arrive que ces orles permettent
de restituer la forme exacte du bouclier dans une sépulture, même si c'est un phénomène assez
peu répandu. En revanche, ces orles permettent en général d'apprécier l'épaisseur de la planche en
bois sur le pourtour du bouclier. Car si les quatre types d'éléments métalliques, l'umbo,
les clous-rivets, le renfort de manipule et les orles, sont assez bien connus par l'archéologie,
le reste, la planche, la spina, la poignée, sont en matériaux organiques qui pourrissent et ne sont
que très rarement conservés. Heureusement, quelques exemplaires nous sont parvenus et
viennent compléter les informations obtenues par l'iconographie ou de manière indirecte
comme ce que nous avons énoncé précédemment. Les quelques exemplaires de boucliers qui nous
sont parvenus complets, notamment sur le site de La Tène, révèlent une très grande qualité
du travail de menuiserie. Par exemple, sur l'un de ces boucliers en chêne qui est daté de 225
avant notre ère, on a retrouvé que le bouclier avait été façonné en deux planches qui forment
vraiment le plateau. Et ces planches ont été mûrement sélectionnées ; il y a vraiment un
choix en amont pour avoir quelque chose qui répond bien à des contraintes mécaniques. Pour accroître
la résistance de ce bouclier, il arrive qu'on le recouvre entièrement de cuir cru, donc c'est une
sorte de protection. Et puis on peut imaginer une autre forme de protection, c'est le fait
de décorer le bouclier avec ce qu'on appelle des « symboles apotropaïques », c'est-à-dire
des symboles qui sont destinés à faire peur à l'adversaire, qui est une manière aussi
dans la pensée celtique, en fait, de préserver l'intégrité de ce bouclier. Nous avons également
d'autres types de boucliers, des boucliers qui peuvent être façonnés donc avec de l'osier,
ou de l'écorce , parfois recouverte de cuir. Cette panoplie ternaire des guerriers gaulois
semble donc témoigner d' une grande maîtrise technique. Mais on peut légitimement se poser
plusieurs questions : cette tenue est-elle adaptée à la fois pour les fantassins et les
cavaliers ? Est-ce que l'équipement était le reflet d'un certain statut social ? En
d'autres termes, est-ce qu'un guerrier celtique est davantage un aristocrate ou un individu des
couches moins aisées de la population ? Aborder cette question des statuts est quelque chose
d'assez complexe, d'autant que le métier des armes semble, pour l'essentiel de la période laténienne,
époque de la guerre des Gaules mise à part, être la caractéristique d'une certaine aristocratie,
d'une élite de la société celtique, qui va parfois exporter son savoir-faire par
l'intermédiaire du mercenariat. Ce qu'il est possible de déduire, en revanche, c'est qu'il
est plus que vraisemblable qu'un guerrier doté d'une épée suspendue dans un fourreau, muni
également d'un bouclier et d'une lance, soit plus riche qu'un combattant doté d'un bouclier et d'une
lance. Un moyen relativement simple de déduire l'importance du statut d'un guerrier est donc
d'examiner sa tombe qui se fait le reflet dans l'au-delà du statut du guerrier de son vivant.
Alors, Guillaume, une question qu'on peut quand même légitimement se poser quand on
voit un petit peu ces guerriers celtes, c'est l'utilisation des armes à distance. Parce que
c'est vrai que quand on regarde un peu la panoplie qu'on a présenté – épée, lance,
bouclier – on ne parle pas de l'utilisation des armes à distance. Est-ce qu'il y avait des arcs,
des frondes, je ne sais pas, des javelots ? En fait c'est un sujet qui est relativement
complexe . L'archerie, on a un certain nombre de sources et elle apparaît a priori comme un
privilège de l'aristocratie tout comme la guerre. On sait que la chasse est a priori quelque chose
qui permet la préparation du combattant au combat. Après, ça ne veut pas forcément dire que l'arc est
utilisé à la guerre. On sait que c'est très vraisemblablement le cas pour des
combattants de la période ancienne de la Tène. C'est très difficile à prouver pour
les IIIème et IIème siècles avant notre ère et, en revanche, sur la fin de la période gauloise,
on arrive à nouveau à un usage abondant de l'archerie dans le cadre militaire. On a
également quelques attestations de frondes, notamment par le biais de balles de frondes
que l'on retrouve sur les champs de batailles, également sur la fin de la période gauloise.
Alors les balles de fronde, c'est à dire qu'il y a des balles qui sont vraiment
forgées pour ? On n'utilisait pas des cailloux ? Là, ce sont plutôt effectivement des cailloux,
mais il faut vraiment imaginer que c'est quelque chose qui est mineur, pour l'essentiel de la
période celtique. Après, on a aussi tout ce qui relève de l'arme d'hast que l'on peut propulser
donc les armes de jet type « javelots » et « javelines ». Ces javelots et javelines,
c'est pareil en fait, on a un peu du mal à déterminer lesquelles sont réellement en usage et
si on s'en sert effectivement de cette façon-là. Il faut savoir que, en fonction de la morphologie
de ces fers comme on l'a vu tout à l'heure, ça va conditionner l'usage qu'on va en faire,
donc parfois c'est un peu délicat de déterminer si on est face à un fer de javelot ou face à un fer
de pique. Toujours est-il que a priori d'après les classifications qu'on peu établir à l'heure
actuelle, on sait que c'est un peu pareil que pour l'archerie : on fait usage abondant du javelot
au cours de la période de La Tène ancienne, notamment avec des guerriers qui sont juchés
sur un char de guerre à deux roues. On semble abandonner cette pratique là à l'articulation
des IIIème et IIème siècles avant notre ère, et ça revient vraiment sur le devant de la scène
à la fin de la période gauloise, notamment au cour du fameux épisode de la guerre des Gaules.
Oui, il y a un autre truc qui m'interroge aussi, c'est-à-dire que là, il y avait
cette interrogation là sur les armes à distance, mais on parle de cette panoplie
ternaire « épée-lance-bouclier ». Alors quand on perd la lance, on prend l'épée,
mais si on perd l'épée, en fait, il se passe quoi ? Est-ce qu'il y a des haches,
des petits couteaux, je sais pas moi des... ? Quand on a sa vie en jeu, généralement,
on va trouver les astuces pour essayer de résoudre son problème immédiat. Donc,
effectivement, on a souvent dans les tombes des couteaux qui sont associés aux panoplies
strictement militaires. Ça ne veut pas pour autant dire que le couteau est pensé comme
une arme en amont. C'est-à-dire que c'est plus un outil, quelque chose qu'on va utiliser ; ça peut
être pour couper son saucisson, par exemple, lors du repas du guerrier, mais évidemment,
si on est en place, si on l'utilise à ce moment-là on peut tout à fait l'exhiber,
s'en servir au combat. La hache c'est un peu la même chose. On va en retrouver dans certains
contextes, dans des tombes, mais sans que pour autant ce soit quelque chose de systématique,
et là, pour le coup, a priori, on peut exclure l'usage militaire, puisqu'on ne se trimbale pas
sur le champ de bataille avec une hache. Oui, ça reste quand on a un bouclier,
si on commence à s'amuser quoi. C'est un peu ça.
Une autre partie de l'équipement que nous n'avons pas encore abordée, et qui est
pourtant fondamentale, c'est l'équipement du corps : l'équipement défensif. Et pour ça les
guerriers celtes ont également fait preuve d'un certain talent. L'équipement le plus emblématique
qui a été utilisé jusque dans les tranchées de la première guerre mondiale est la cotte
de maille. Une invention celtique de la fin du IVème siècle avant notre ère, puis reprise par
de nombreux peuples antiques. Elle est composée de milliers d'anneaux de fer, aboutés ou rivetés.
C'est une protection corporelle, généralement renforcée aux épaules, qui n'empêche pas la
fluidité des mouvements. Un atout de poids dans un combat, donc, qui nous offre un avantage non
négligeable face à un autre guerrier qui n'en aurait pas. Cependant cette cotte de mailles
serait le privilège d'une élite martiale ou économique. Et on peu très bien comprendre
pourquoi. La complexité de la réalisation d'un tel équipement nécessite forcément un coût élevé. On
pourrait en effet penser que l'assemblage long et fastidieux de la cotte de maille justifie le
coût d'une telle fabrication, mais ça serait vite oublier l'activité chronophage de la réalisation
du fil. Cette cotte de mailles se porte sur un « submarmalis », une sorte de broigne ou de gambison
en cuir souple, en peau, en feutre ou en tissu. Différentes sources à notre disposition permettent
même de supposer qu'il y avait des cuirasses organiques, c'est-à-dire à base de matières qui
périment. Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que le cinéma et certaines reconstitutions fantasmées
nous ont habitués à imaginer la cuirasse comme une protection de cuir d'un seul tenant,
d'un seul bloc. Pour le coup, on ne peut pas exclure qu'il y en ait eu, mais l'archéologie
n'a pas encore permis d'en révéler à ce jour dans le contexte du Second âge du Fer. Cette cuirasse,
il faut l'envisager différemment. Plus vraisemblablement, il s'agirait de protections
corporelles faites de couches superposées de tissus de lin encollées. Ces protections sont
particulièrement résistantes et constituent de véritables ancêtres du gilet par balle. Un
bon moyen de se protéger pour se faire péter la panse avant et après le combat, et pas pendant.
Pour la tête, le guerrier est parfois, ça dépend des périodes et des secteurs géographiques,
protégé par un casque dont la forme varie. Certains types de casques gaulois ont inspiré
des casques romains. Le principe est généralement celui d'une calotte métallique en fer ou en bronze
avec bouton rapporté. Les joues sont souvent protégées de « paragnathides », c'est-à-dire
de couvre-joues protégeant la mâchoire. Un couvre-nuque se situe à l'arrière de la calotte,
pour protéger, comme son nom l'indique, le crâne et la nuque. Pour la protection des membres,
c'est autre chose. Ce que l'ont sait du monde celtique révèle quelques rarissimes
exemplaires de protection des membres inférieurs comme des jambières. Clairement,
ça n'est pas la norme. De même, rien ne permet vraiment d'argumenter en faveur de brassards
ou autres canons d'avant-bras organiques, en tout cas sur le plan archéologique. Les vêtements, tel
que ceux que l'on peut voir sur nos deux compères, viennent sans doute jouer une partie de ce rôle.