Part (41)
» « Je vous promets », dit-il comme je lui donnais les papiers, « que je viendrai vous voir demain matin, aussi tôt que possible, pour vous voir, vous et votre mari, si j'en ai la possibilité. » « Jonathan sera là vers 11h30, venez-donc déjeuner avec nous; vous pourriez ensuite prendre le rapide de 15h34, qui vous déposera à Paddington avant huit heures. » Il se montra surpris de ma connaissance des horaires des trains, car il ignore que j'ai appris par cœur tous les horaires des trains en partance et en direction d'Exeter, afin de pouvoir aider Jonathan à organiser un éventuel voyage en toute hâte. Il prit donc les papiers avec lui et s'en alla, et je suis ici, assise, à réfléchir - à réfléchir à je ne sais quoi. Lettre (manuscrite) de Van Helsing à Mrs. Harker 25 septembre, 6h00 Chère Madame Mina, J'ai lu l'extraordinaire journal de votre époux. N'ayez aucun doute. Aussi étrange et monstrueux qu'il soit, tout est vrai ! J'en jurerais sur ma vie. Pour certaines personnes, c'est terrible, mais pour vous et lui, il n'y a rien à redouter. C'est un noble cœur, et laissez-moi vous dire, moi qui ai l'expérience des hommes, que celui qui a osé descendre ce mur pour aller vers cette chambre, oui, et y retourner une seconde fois – n'est pas un homme qui peut être affecté toute sa vie par le choc qu'il a reçu. Son cerveau et son cœur se portent bien, je puis vous le jurer, même avant de l'avoir vu, alors soyez tranquille. J'aurai à l'interroger à propos d'autres choses. Je me félicite d'être venu vous voir aujourd'hui : j'ai appris tant de choses que je suis perplexe, plus perplexe que jamais, et je dois encore réfléchir à tout cela. Votre très fidèle
Abraham Van Helsing. Lettre de Mrs Harker à Van Helsing 25 septembre, 18h30 Cher Docteur Van Helsing, Mille merci pour votre gentille lettre, qui a retiré un grand poids de mes épaules. Et pourtant, si cela est vrai, quelles choses terrifiantes existent dans ce monde, et quelle horreur si cet homme, ce monstre, se trouve vraiment à Londres ! J'ose à peine le concevoir. Je reçois à l'instant où je vous écris un câble de Jonathan, qui m'avertit qu'il part de Launceston ce soir à 18h25 et sera ici à 22h18, ainsi je n'aurai rien à redouter cette nuit. Pourriez-vous, de ce fait, plutôt que de venir déjeuner, venir partager notre petit déjeuner vers 8h, si cela ne fait pas trop tôt pour vous ? Si vous êtes pressé, ainsi, vous pourrez partir par le train de 10h30, qui vous amènera à Paddington à 14h35. Ne répondez pas à ce mot - je considérerai, si je n'ai pas de nouvelles, que vous venez pour le petit déjeuner. Soyez assuré de mon amitié sincère et reconnaissante, Mina Harker Journal de Jonathan Harker, 26 septembre Je pensais ne jamais écrire à nouveau dans ce journal, mais le temps est venu. Quand je suis rentré à la maison hier soir, Mina avait préparé le souper. Après le repas, elle me parla de la visite de Van Helsing, et me dit qu'elle lui avait remis une copie de son journal et du mien, et qu'elle avait été très inquiète à mon sujet. Elle me montra la lettre du docteur qui affirmait que tout ce que j'avais écrit était vrai. On dirait que cela a fait de moi un autre homme. C'étaient les doutes que j'éprouvais à propos de la réalité de tout ceci qui me minaient. Je me sentais impuissant, méfiant, perdu dans les ténèbres. Mais maintenant, je sais, je n'ai plus peur, même du Comte. Il a donc réussi, après tout, dans son projet de venir à Londres, et c'est bien lui que j'ai vu. Il a rajeuni, comment est-ce possible ? Van Helsing est l'homme qui pourra le démasquer et le chasser, s'il est tant soit peu l'homme que Mina m'a décrit. Nous restâmes longtemps assis à parler de tout cela. Mina s'habille, et je vais aller le chercher à son hôtel dans quelques minutes. Il était, je crois, surpris de me voir. Quand je pénétrai dans la pièce où il se trouvait, et me présentai, il me prit par l'épaule, tourna mon visage vers la lumière, et me dit, après un examen minutieux : « Mais Madame Mina m'avait dit que vous étiez souffrant, que vous aviez subi un choc. » C'était tellement drôle d'entendre cet aimable vieillard au visage dur appeler ma femme « Madame Mina ». Je souris, et lui répondis : « J'étais souffrant, j'avais subi un choc, mais voilà que vous m'avez déjà guéri. » « Et comment donc ? » « En écrivant à Mina hier soir. Je doutais, et tout me semblait irréel, je ne savais que croire, je doutais même de mes sens. Et ne sachant que croire, je ne savais que faire, et la seule chose que je pouvais faire était de poursuivre le travail qui avait été jusqu'ici le centre de ma vie. Mais cela ne me convenait plus, et je me trompais moi-même. Docteur, vous ne savez pas ce que c'est de douter de tout, même de soi. Non, vous ne savez pas, pas quand on a de pareils sourcils ! » Cela sembla l'amuser ; il répondit en riant : « Ainsi, vous êtes physionomiste ! A chaque heure qui passe, j'apprends du nouveau. Je suis tellement heureux d'aller prendre le petit déjeuner avec vous, et, oh, Sir, vous pardonnerez à un vieil homme de vous dire que vous avez de la chance d'avoir une femme telle que la vôtre ! » Je l'aurais écouté continuer à vanter les mérites de Mina pendant toute une journée ; aussi je me contentai de hocher la tête et de rester silencieux. « C'est l'une de ces créatures de Dieu, façonnées de sa propre main pour montrer au hommes et aux autres femmes qu'il existe un paradis auquel nous pouvons aspirer, et dont la lumière peut nous éclairer ici sur terre. Si franche, si douce, si noble, des qualités, laissez-moi vous le dire, si rares en ces temps de scepticisme et d'égoïsme. Quant à vous, Sir – j'ai lu toutes les lettres adressées à cette pauvre Lucy, et certaines parlent de vous, alors je vous connais depuis plusieurs jours à travers ceux qui vous connaissent ; mais la nuit dernière, j'ai appris qui vous étiez réellement. Donnez-moi la main, voulez-vous ? Et soyons amis pour la vie. » Nous nous serrâmes la main, et il était si sincère et si aimable que j'en fus bouleversé. « Et maintenant » dit-il, « Puis-je solliciter à nouveau votre aide ? J'ai une grande tâche à accomplir, et avant tout, il me faut savoir. C'est là que vous pouvez m'aider. Pouvez-vous me dire ce qui s'est passé avant votre départ pour la Transylvanie ? Plus tard, je vous demanderai de m'aider à nouveau, d'une façon différente, mais pour l'instant, cela suffira. » « Ecoutez, Sir » dis-je, « ce que vous avez à faire concerne donc le Comte ? » « Oui », répondit-il d'un ton solennel. « Alors, je suis avec vous de cœur et d'âme. Comme vous prenez le train de dix heures trente, vous n'aurez pas le temps de les lire avant de partir, mais je vais vous chercher les documents, et vous pourrez les lire dans le train. » Après le petit déjeuner, je le conduisis à la gare. Au moment de nous séparer, il me dit : « Peut-être viendrez-vous à Londres, si je vous le demande, et Madame Mina également ? » « Nous viendrons tous deux quand vous le désirerez » dis-je. Je lui avais acheté les journaux du matin, ainsi que les journaux de Londres de la veille au soir, et tandis qu'il me parlait à la fenêtre du wagon, attendant le départ du train, il les feuilletait. Ses yeux s'arrêtèrent soudain sur l'un d'entre eux, la « Gazette de Westminster » - je le reconnaissais à sa couleur – et il devint très pâle. Il lut avec attention, en murmurant : « Mein Gott ! Mein Gott ! Déjà, déjà ! ». Je crois qu'à ce moment il ne se souvenait plus de ma présence. Soudain le sifflet se fit entendre, et le train se mit en mouvement. Le Docteur se souvint alors de moi, et, se penchant à la fenêtre et agitant la main, il cria : « Mes sentiments les meilleurs à Madame Mina ; j'écrirai dès que je le pourrai. » Journal du Docteur Seward 26 septembre
Décidément, rien n'est définitif en ce bas monde. Cela ne fait pas une semaine que j'ai prononcé le mot « FIN », et voici que je recommence à nouveau, ou plutôt que je continue, le même enregistrement. Jusqu'à cet après-midi je n'avais aucune raison de penser à ce qui était révolu. Renfield était devenu, à tous égards, aussi sain d'esprit qu'il peut l'être. Il avait repris ses affaires de mouches, et commençait à se préoccuper également d'araignées, ce qui ne me causait aucun tracas. J'avais eu une lettre d'Arthur, écrite dimanche, qui me laissait espérer qu'il supportait merveilleusement bien la situation. Quincey Morris est avec lui, et cela est d'une grande aide, car il est une source bouillonnante de joie de vivre. Quincey m'a écrit une ligne lui aussi, et par ses mots j'ai appris qu'Arthur a recouvré un peu de son dynamisme naturel; ainsi, en ce qui le concerne, mon esprit était tranquille. S'agissant de moi, je me mettais au travail avec mon enthousiasme coutumier, ainsi, j'aurais pu dire sans mentir que la blessure laissée par cette pauvre Lucy était en passe de se cicatriser. Cependant, tout s'est à présent rouvert, et Dieu seul connaît le dénouement de tout ceci. Je ne peux m'empêcher de penser que Van Helsing pense le connaître également, mais il lâchera les informations au compte-gouttes, juste assez pour attiser la curiosité. Il s'est rendu à Exeter hier, et y est resté toute la nuit. Aujourd'hui il est revenu, et il a presque bondi dans ma chambre vers 17h30, me fourrant dans la main l'exemplaire du soir de la Gazette de Westminster. « Que pensez-vous de cela ? » demanda-t-il en reculant et en croisant les bras. Je jetai un oeil au journal, car je ne savais pas du tout de quoi il voulait parler; mais il me le prit des mains et désigna un paragraphe à propos d'enfants enlevés du côté d'Hampstead. Je ne trouvai pas l'article très intéressant, jusqu'à ce que j'arrive au passage où l'on décrit les petites blessures percées sur leurs gorges. Il me vint une idée, et je levai les yeux. « Alors ? » demanda-t-il. « Cela ressemble à celles de la pauvre Lucy. » « Et qu'est-ce que vous faites de cette constatation ? » « Simplement qu'il doit y avoir une cause commune. Quoi que cela soit, ce qui l'a blessée, elle, a aussi blessé les enfants. » Je ne compris pas très bien sa réponse : « C'est vrai indirectement, mais pas directement. » « Que voulez-vous dire, Professeur ? » demandai-je. J'étais quelque peu enclin à prendre sa gravité à la légère - car, après tout, quatre jours de repos et de liberté, après une angoisse brûlante et pénible, m'avaient grandement amélioré l'humeur - mais quand je vis son visage, cela me dégrisa. Jamais, même au plus noir de notre désespoir au chevet de la pauvre Lucy, il n'avait paru plus grave. « Dites-moi », dis-je. « Je ne puis hasarder aucune opinion. Je ne sais que penser, et je n'ai aucune donnée sur laquelle je puisse fonder une hypothèse. » « Etes-vous en train de me dire, ami John, que vous n'avez aucune espèce d'idée de la cause de la mort de Lucy; pas après tous les indices que vous ont apportés non seulement les événements, mais moi-même ? » « Elle est morte d'une prostration nerveuse faisant suite à une grande perte de sang. » « Et comment le sang a-t-il été perdu? » Je secouai la tête. Il s'approcha et s'assit devant moi, pour poursuivre : « Vous êtes un homme intelligent, ami John; vous raisonnez correctement, et votre esprit est clair; mais vous êtes plein de préjugés. Vous ne laissez pas vos yeux voir, ni vos oreilles entendre, et tout ce qui s'éloigne un tant soit peu de votre vie quotidienne, vous ne le prenez pas en compte.