Parasite de Bong Joon-ho et Gone Girl de David Fincher, l'analyse de M. Bobine (3)
notamment dans l'utilisation des verrières.
Dans Parasite, les verrières sont des sortes de miroirs paradoxaux.
Tout au long du film, des fusils de Tchekhov comme la pierre, la pêche ou l'odeur
contribuent à aider les spectateurs à accepter les ruptures de ton d'un genre à l'autre…
mais surtout à relier les deux familles,
à les mettre sur un pied d'égalité malgré leurs classes sociales.
Les verrières tendent alors à maintenir l'illusion
que les deux familles seraient le reflet l'une de l'autre.
Mais tout comme dans The Social Network, ce n'est qu'une illusion
et les Kim ne sont pas plus égaux aux Park
que Mark Zuckerberg ne l'est vis-à-vis de ses collaborateurs.
On peut alors remarquer que Parasite constitue une évolution importante pour Bong Joon-Ho.
Dans The Host, Snowpiercer et Okja,
les structures sociales étaient maintenues par l'action violente de soldats ou de miliciens.
Il restait alors un espoir de vaincre les agents du système et de s'échapper de son emprise.
C'était par exemple le cas de Park Gang-du,
le personnage de The Host déjà incarné par Song Kang-ho.
À l'instar de Ki-teak, c'était le père d'une famille pauvre et dysfonctionnelle
qui essayait d'intégrer les hautes sphères via un raccourci,
en l'occurrence les exploits sportifs de sa soeur.
Sauf que là où Gang-du finissait par connaître une évolution psychologique positive,
Ki-teak se retrouve encore plus aliéné qu'il ne l'était au début.
Gone Girl et Parasite ont donc cela en commun
qu'ils décrivent tous deux des structures aliénantes
non pas comme des systèmes purement oppressifs qui se perpétueraient
par une violence physique systématiquement exercée du haut vers le bas,
mais comme des systèmes basés sur une idéologie qui modèle
les aspirations et les désirs des individus et font de chacun d'eux,
y compris ceux qui appartiennent aux catégories défavorisées,
un agent potentiel du système.
En cela, Fincher et Joon-ho se rapprochent également beaucoup de Sidney Lumet,
et en particulier de son chef d'oeuvre Network.
Tout comme Lumet, les deux cinéastes ont recours
à une mise en scène architecturale, par moment imperceptible,
pour dépeindre le simulacre dans lequel vivent leurs personnages.
La télévision chez Lumet et les foyers idylliques chez Fincher et Joon-ho représentent ainsi
des visions codifiées du bonheur dans lesquelles les individus ont l'illusion d'être libre
et pensent même pouvoir faire preuve d'un semblant de révolte.
Comme les hauts cadres du réseau UBS chez Lumet,
les protagonistes de Gone Girl et Parasite sont persuadés
de la justesse de leur mode de vie
et c'est justement pour cela qu'ils se retrouvent à perpétuer ce modèle.
Mais à la différence de Network où l'animateur Howard Beale,
après s'être vu en messie révolutionnaire, finit par réaliser
qu'il est un agent du système comme un autre,
es protagonistes de Gone Girl et de Parasite restent prisonnier de leur idéologie
et ne peuvent donc se remettre en question.
En cela, Fincher et Joon-ho délivrent donc un propos encore plus désespéré
que celui de Sidney Lumet.
Car, au final, ce qui maintient les individus à l'intérieur du système,
ce n'est pas des barreaux de prison et des gardiens armés.
C'est le conformisme douillet d'un foyer-modèle,
quand bien même celui-ci serait basé sur un mensonge.
C'est le luxe d'une maison ajourée,
quand bien même elle est entourée d'un grand mur gris.
Limite, je me dis qu'on pourrait presque faire un film de science-fiction
sur cette idée très foucaldienne d'une humanité prisonnière
d'un système aussi confortable qu'omniprésent
et où n'importe qui peut soudainement se transformer en agent du système…
… mais qu'est-ce que je raconte, moi ?! Ça marcherait jamais, cette connerie !