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Le Comte de Monte-Cristo, Alexandre Dumas, Tome 2, 41. La présentation

41. La présentation

La présentation.

Quand Albert se trouva en tête-à-tête avec Monte-Cristo:

«Monsieur le comte, lui dit-il, permettez-moi de commencer avec vous mon métier de cicérone en vous donnant le spécimen d'un appartement de garçon. Habitué aux palais d'Italie, ce sera pour vous une étude à faire que de calculer dans combien de pieds carrés peut vivre un des jeunes gens de Paris qui ne passent pas pour être les plus mal logés. À mesure que nous passerons d'une chambre à l'autre, nous ouvrirons les fenêtres pour que vous respiriez.»

Monte-Cristo connaissait déjà la salle à manger et le salon du rez-de-chaussée. Albert le conduisit d'abord à son atelier; c'était, on se le rappelle, sa pièce de prédilection.

Monte-Cristo était un digne appréciateur de toutes les choses qu'Albert avait entassées dans cette pièce: vieux bahuts, porcelaines du Japon, étoffes d'Orient, verroteries de Venise, armes de tous les pays du monde, tout lui était familier, et, au premier coup d'œil, il reconnaissait le siècle, le pays et l'origine.

Morcerf avait cru être l'explicateur, et c'était lui au contraire qui faisait, sous la direction du comte, un cours d'archéologie, de minéralogie et d'histoire naturelle. On descendit au premier. Albert introduisit son hôte dans le salon. Ce salon était tapissé des œuvres des peintres modernes; il y avait des paysages de Dupré, aux longs roseaux, aux arbres élancés, aux vaches beuglantes et aux ciels merveilleux; il y avait des cavaliers arabes de Delacroix, aux longs burnous blancs, aux ceintures brillantes, aux armes damasquinées, dont les chevaux se mordaient avec rage, tandis que les hommes se déchiraient avec des masses de fer, des aquarelles de Boulanger, représentant tout Notre-Dame de Paris avec cette vigueur qui fait du peintre l'émule du poète; il y avait des toiles de Diaz, qui fait les fleurs plus belles que les fleurs, le soleil plus brillant que le soleil; des dessins de Decamps, aussi colorés que ceux de Salvator Rosa, mais plus poétiques; des pastels de Giraud et de Muller, représentant des enfants aux têtes d'ange, des femmes aux traits de vierge; des croquis arrachés à l'album du voyage d'Orient de Dauzats, qui avaient été crayonnés en quelques secondes sur la selle d'un chameau ou sous le dôme d'une mosquée; enfin tout ce que l'art moderne peut donner en échange et en dédommagement de l'art perdu et envolé avec les siècles précédents.

Albert s'attendait à montrer, cette fois du moins, quelque chose de nouveau à l'étrange voyageur; mais à son grand étonnement, celui-ci, sans avoir besoin de chercher les signatures, dont quelques-unes d'ailleurs n'étaient présentes que par des initiales, appliqua à l'instant même le nom de chaque auteur à son œuvre, de façon qu'il était facile de voir que non seulement chacun de ces noms lui était connu, mais encore que chacun de ces talents avait été apprécié et étudié par lui.

Du salon on passa dans la chambre à coucher. C'était à la fois un modèle d'élégance et de goût sévère: là un seul portrait, mais signé Léopold Robert, resplendissait dans son cadre d'or mat.

Ce portrait attira tout d'abord les regards du comte de Monte-Cristo, car il fit trois pas rapides dans la chambre et s'arrêta tout à coup devant lui.

C'était celui d'une jeune femme de vingt-cinq à vingt-six ans, au teint brun, au regard de feu, voilé sous une paupière languissante; elle portait le costume pittoresque des pêcheuses catalanes avec son corset rouge et noir et ses aiguilles d'or piquées dans les cheveux; elle regardait la mer, et sa silhouette élégante se détachait sur le double azur des flots et du ciel.

Il faisait sombre dans la chambre, sans quoi Albert eût pu voir la pâleur livide qui s'étendit sur les joues du comte, et surprendre le frisson nerveux qui effleura ses épaules et sa poitrine.

Il se fit un instant de silence, pendant lequel Monte-Cristo demeura l'œil obstinément fixé sur cette peinture.

«Vous avez là une belle maîtresse, vicomte, dit Monte-Cristo d'une voix parfaitement calme, et ce costume, costume de bal sans doute, lui sied vraiment à ravir.

—Ah! monsieur, dit Albert, voilà une méprise que je ne vous pardonnerais pas, si à côté de ce portrait vous en eussiez vu quelque autre. Vous ne connaissez pas ma mère, monsieur; c'est elle que vous voyez dans ce cadre; elle se fit peindre ainsi, il y a six ou huit ans. Ce costume est un costume de fantaisie, à ce qu'il paraît, et la ressemblance est si grande, que je crois encore voir ma mère telle qu'elle était en 1830. La comtesse fit faire ce portrait pendant une absence du comte. Sans doute elle croyait lui préparer pour son retour une gracieuse surprise; mais, chose bizarre, ce portrait déplut à mon père; et la valeur de la peinture, qui est, comme vous le voyez, une des belles toiles de Léopold Robert, ne put le faire passer sur l'antipathie dans laquelle il l'avait prise. Il est vrai de dire entre nous, mon cher comte, que M. de Morcerf est un des pairs les plus assidus au Luxembourg, un général renommé pour la théorie, mais un amateur d'art des plus médiocres; il n'en est pas de même de ma mère, qui peint d'une façon remarquable, et qui, estimant trop une pareille œuvre pour s'en séparer tout à fait, me l'a donnée pour que chez moi elle fût moins exposée à déplaire à M. de Morcerf, dont je vous ferai voir à son tour le portrait peint par Gros. Pardonnez-moi si je vous parle ainsi ménage et famille, mais, comme je vais avoir l'honneur de vous conduire chez le comte, je vous dis cela pour qu'il ne vous échappe pas de vanter ce portrait devant lui. Au reste, il a une funeste influence; car il est bien rare que ma mère vienne chez moi sans le regarder, et plus rare encore qu'elle le regarde sans pleurer. Le nuage qu'amena l'apparition de cette peinture dans l'hôtel est du reste le seul qui se soit élevé entre le comte et la comtesse, qui, quoique mariés depuis plus de vingt ans, sont encore unis comme au premier jour.»

Monte-Cristo jeta un regard rapide sur Albert, comme pour chercher une intention cachée à ses paroles; mais il était évident que le jeune homme les avait dites dans toute la simplicité de son âme.

«Maintenant, dit Albert, vous avez vu toutes mes richesses, monsieur le comte, permettez-moi de vous les offrir, si indignes qu'elles soient; regardez-vous comme étant ici chez vous, et, pour vous mettre plus à votre aise encore, veuillez m'accompagner jusque chez M. de Morcerf, à qui j'ai écrit de Rome le service que vous m'avez rendu, à qui j'ai annoncé la visite que vous m'aviez promise; et, je puis le dire, le comte et la comtesse attendaient avec impatience qu'il leur fût permis de vous remercier. Vous êtes un peu blasé sur toutes choses, je le sais, monsieur le comte, et les scènes de famille n'ont pas sur Simbad le marin beaucoup d'action: vous avez vu d'autres scènes! Cependant acceptez que je vous propose, comme initiation à la vie parisienne, la vie de politesses, de visites et de présentations.»

Monte-Cristo s'inclina pour répondre; il acceptait la proposition sans enthousiasme et sans regrets, comme une des convenances de société dont tout homme comme il faut se fait un devoir. Albert appela son valet de chambre, et lui ordonna d'aller prévenir M. et Mme de Morcerf de l'arrivée prochaine du comte de Monte-Cristo.

Albert le suivit avec le comte.

En arrivant dans l'antichambre du comte, on voyait au-dessus de la porte qui donnait dans le salon un écusson qui, par son entourage riche et son harmonie avec l'ornementation de la pièce, indiquait l'importance que le propriétaire de l'hôtel attachait à ce blason.

Monte-Cristo s'arrêta devant ce blason, qu'il examina avec attention.

«D'azur à sept merlettes d'or posées en bande. C'est sans doute l'écusson de votre famille, monsieur? demanda-t-il. À part la connaissance des pièces du blason qui me permet de le déchiffrer, je suis fort ignorant en matière héraldique, moi, comte de hasard, fabriqué par la Toscane à l'aide d'une commanderie de Saint-Étienne, et qui me fusse passé d'être grand seigneur si l'on ne m'eût répété que, lorsqu'on voyage beaucoup, c'est chose absolument nécessaire. Car enfin il faut bien, ne fût-ce que pour que les douaniers ne vous visitent pas, avoir quelque chose sur les panneaux de sa voiture. Excusez-moi donc si je vous fais une pareille question.

—Elle n'est aucunement indiscrète, monsieur, dit Morcerf avec la simplicité de la conviction, et vous aviez deviné juste: ce sont nos armes, c'est-à-dire celles du chef de mon père; mais elles sont, comme vous voyez, accolées à un écusson qui est de gueule à la tour d'argent, et qui est du chef de ma mère; par les femmes je suis Espagnol, mais la maison de Morcerf est française, et, à ce que j'ai entendu dire, même une des plus anciennes du Midi de la France.

—Oui, reprit Monte-Cristo, c'est ce qu'indiquent les merlettes. Presque tous les pèlerins armés qui tentèrent ou qui firent la conquête de la Terre Sainte prirent pour armes ou des croix, signe de la mission à la quelle ils s'étaient voués, ou des oiseaux voyageurs, symbole du long voyage qu'ils allaient entreprendre et qu'ils espéraient accomplir sur les ailes de la foi. Un de vos aïeux paternels aura été de quelqu'une de vos croisades, et, en supposant que ce ne soit que celle de saint Louis, cela nous fait déjà remonter au treizième siècle, ce qui est encore fort joli.

—C'est possible, dit Morcerf: il y a quelque part dans le cabinet de mon père un arbre généalogique qui nous dira cela, et sur lequel j'avais autrefois des commentaires qui eussent fort édifié d'Hozier et Jaucourt. À présent, je n'y pense plus; cependant je vous dirai, monsieur le comte, et ceci rentre dans mes attributions de cicérone, que l'on commence à s'occuper beaucoup de ces choses-là sous notre gouvernement populaire.

—Eh bien, alors, votre gouvernement aurait bien dû choisir dans son passé quelque chose de mieux que ces deux pancartes que j'ai remarquées sur vos monuments, et qui n'ont aucun sens héraldique. Quant à vous, vicomte, reprit Monte-Cristo en revenant à Morcerf, vous êtes plus heureux que votre gouvernement, car vos armes sont vraiment belles et parlent à l'imagination. Oui, c'est bien cela, vous êtes à la fois de Provence et d'Espagne; c'est ce qui explique, si le portrait que vous m'avez montré est ressemblant, cette belle couleur brune que j'admirais si fort sur le visage de la noble Catalane.»

Il eût fallu être Oedipe ou le Sphinx lui-même pour deviner l'ironie que mit le comte dans ces paroles, empreintes en apparence de la plus grande politesse; aussi Morcerf le remercia-t-il d'un sourire, et, passant le premier pour lui montrer le chemin, poussa-t-il la porte qui s'ouvrait au-dessous de ses armes, et qui, ainsi que nous l'avons dit, donnait dans le salon.

Dans l'endroit le plus apparent de ce salon se voyait aussi un portrait; c'était celui d'un homme de trente-cinq à trente-huit ans, vêtu d'un uniforme d'officier général, portant cette double épaulette en torsade, signe des grades supérieurs, le ruban de la Légion d'honneur au cou, ce qui indiquait qu'il était commandeur, et sur la poitrine, à droite, la plaque de grand officier de l'ordre du Sauveur, et, à gauche, celle de grand-croix de Charles III, ce qui indiquait que la personne représentée par ce portrait avait dû faire les guerres de Grèce et d'Espagne, ou, ce qui revient absolument au même en matière de cordons, avoir rempli quelque mission diplomatique dans les deux pays.

Monte-Cristo était occupé à détailler ce portrait avec non moins de soin qu'il avait fait de l'autre, lorsqu'une porte latérale s'ouvrit, et qu'il se trouva en face du comte de Morcerf lui-même.

C'était un homme de quarante à quarante-cinq ans, mais qui en paraissait au moins cinquante, et dont la moustache et les sourcils noirs tranchaient étrangement avec des cheveux presque blancs coupés en brosse à la mode militaire; il était vêtu en bourgeois et portait à sa boutonnière un ruban dont les différents liserés rappelaient les différents ordres dont il était décoré. Cet homme entra d'un pas assez noble et avec une sorte d'empressement. Monte-Cristo le vit venir à lui sans faire un seul pas; on eût dit que ses pieds étaient cloués au parquet comme ses yeux sur le visage du comte de Morcerf.

«Mon père, dit le jeune homme, j'ai l'honneur de vous présenter monsieur le comte de Monte-Cristo, ce généreux ami que j'ai eu le bonheur de rencontrer dans les circonstances difficiles que vous savez.

—Monsieur est le bienvenu parmi nous, dit le comte de Morcerf en saluant Monte-Cristo avec un sourire, et il a rendu à notre maison, en lui conservant son unique héritier, un service qui sollicitera éternellement notre reconnaissance.»

Et en disant ces paroles le comte de Morcerf indiquait un fauteuil à Monte-Cristo, en même temps que lui-même s'asseyait en face de la fenêtre.

Quant à Monte-Cristo, tout en prenant le fauteuil désigné par le comte de Morcerf, il s'arrangea de manière à demeurer caché dans l'ombre des grands rideaux de velours, et à lire de là sur les traits empreints de fatigue et de soucis du comte toute une histoire de secrètes douleurs écrites dans chacune de ses rides venues avec le temps.

«Madame la comtesse, dit Morcerf, était à sa toilette lorsque le vicomte l'a fait prévenir de la visite qu'elle allait avoir le bonheur de recevoir; elle va descendre, et dans dix minutes elle sera au salon.

—C'est beaucoup d'honneur pour moi, dit Monte-Cristo, d'être ainsi, dès le jour de mon arrivée à Paris, mis en rapport avec un homme dont le mérite égale la réputation, et pour lequel la fortune, juste une fois, n'a pas fait d'erreur; mais n'a-t-elle pas encore, dans les plaines de la Mitidja ou dans les montagnes de l'Atlas, un bâton de maréchal à vous offrir?

—Oh! répliqua Morcerf en rougissant un peu, j'ai quitté le service, monsieur. Nommé pair sous la Restauration, j'étais de la première campagne, et je servais sous les ordres du maréchal de Bourmont; je pouvais donc prétendre à un commandement supérieur, et qui sait ce qui fût arrivé si la branche aînée fût restée sur le trône! Mais la révolution de Juillet était, à ce qu'il paraît, assez glorieuse pour se permettre d'être ingrate; elle le fut pour tout service qui ne datait pas de la période impériale; je donnai donc ma démission, car, lorsqu'on a gagné ses épaulettes sur le champ de bataille, on ne sait guère manœuvrer sur le terrain glissant des salons; j'ai quitté l'épée, je me suis jeté dans la politique, je me voue à l'industrie, j'étudie les arts utiles. Pendant les vingt années que j'étais resté au service, j'en avais bien eu le désir, mais je n'en avais pas eu le temps.

—Ce sont de pareilles choses qui entretiennent la supériorité de votre nation sur les autres pays, monsieur, répondit Monte-Cristo; gentilhomme issu de grande maison, possédant une belle fortune, vous avez d'abord consenti à gagner les premiers grades en soldat obscur, c'est fort rare; puis, devenu général, pair de France, commandeur de la Légion d'honneur, vous consentez à recommencer un second apprentissage, sans autre espoir, sans autre récompense que celle d'être un jour utile à vos semblables.... Ah! monsieur, voilà qui est vraiment beau; je dirai plus, voilà qui est sublime.»

Albert regardait et écoutait Monte-Cristo avec étonnement; il n'était pas habitué à le voir s'élever à de pareilles idées d'enthousiasme.

«Hélas! continua l'étranger, sans doute pour faire disparaître l'imperceptible nuage que ces paroles venaient de faire passer sur le front de Morcerf, nous ne faisons pas ainsi en Italie, nous croissons selon notre race et notre espèce, et nous gardons même feuillage, même taille, et souvent même inutilité toute notre vie.

—Mais, monsieur, répondit le comte de Morcerf, pour un homme de votre mérite, l'Italie n'est pas une patrie, et la France ne sera peut-être pas ingrate pour tout le monde; elle traite mal ses enfants, mais d'habitude elle accueille grandement les étrangers.

—Eh! mon père, dit Albert avec un sourire, on voit bien que vous ne connaissez pas M. le comte de Monte-Cristo. Ses satisfactions à lui sont en dehors de ce monde; il n'aspire point aux honneurs, et en prend seulement ce qui peut tenir sur un passeport.

—Voilà, à mon égard, l'expression la plus juste que j'aie jamais entendue, répondit l'étranger.

—Monsieur a été le maître de son avenir, dit le comte de Morcerf avec un soupir, et il a choisi le chemin de fleurs.

—Justement, monsieur, répliqua Monte-Cristo avec un de ces sourires qu'un peintre ne rendra jamais, et qu'un physiologiste désespéra toujours d'analyser.

—Si je n'eusse craint de fatiguer monsieur le comte, dit le général, évidemment charmé des manières de Monte-Cristo, je l'eusse emmené à la Chambre; il y a aujourd'hui séance curieuse pour quiconque ne connaît pas nos sénateurs modernes.

—Je vous serai fort reconnaissant, monsieur, si vous voulez bien me renouveler cette offre une autre fois; mais aujourd'hui l'on m'a flatté de l'espoir d'être présenté à Mme la comtesse, et j'attendrai.

—Ah! voici ma mère!» s'écria le vicomte.

En effet, Monte-Cristo, en se retournant vivement, vit Mme de Morcerf à l'entrée du salon, au seuil de la porte opposée à celle par laquelle était entré son mari: immobile et pâle, elle laissa, lorsque Monte-Cristo se retourna de son côté, tomber son bras qui, on ne sait pourquoi, s'était appuyé sur le chambranle doré, elle était là depuis quelques secondes, et avait entendu les dernières paroles prononcées par le visiteur ultramontain.

Celui-ci se leva et salua profondément la comtesse, qui s'inclina à son tour, muette et cérémonieuse.

«Eh, mon Dieu! madame, demanda le comte, qu'avez vous donc? serait-ce par hasard la chaleur de ce salon qui vous fait mal?

—Souffrez-vous, ma mère?» s'écria le vicomte en s'élançant au-devant de Mercédès.

Elle les remercia tous deux avec un sourire.

«Non, dit-elle, mais j'ai éprouvé quelque émotion en voyant pour la première fois celui sans l'intervention duquel nous serions en ce moment dans les larmes et dans le deuil. Monsieur, continua la comtesse en s'avançant avec la majesté d'une reine, je vous dois la vie de mon fils, et pour ce bienfait je vous bénis. Maintenant je vous rends grâce pour le plaisir que vous me faites en me procurant l'occasion de vous remercier comme je vous ai béni, c'est-à-dire du fond du cœur.»

Le comte s'inclina encore, mais plus profondément que la première fois; il était plus pâle encore que Mercédès.

«Madame, dit-il, M. le comte et vous me récompensez trop généreusement d'une action bien simple. Sauver un homme, épargner un tourment à un père, ménager la sensibilité d'une femme, ce n'est point faire une bonne œuvre, c'est faire acte d'humanité.»

À ces mots, prononcés avec une douceur et une politesse exquises, Mme de Morcerf répondit avec un accent profond:

«Il est bien heureux pour mon fils, monsieur, de vous avoir pour ami, et je remercie Dieu qui a fait les choses ainsi.»

Et Mercédès leva ses beaux yeux au ciel avec une gratitude si infinie, que le comte crut y voir trembler deux larmes.

M. de Morcerf s'approcha d'elle.

«Madame, dit-il, j'ai déjà fait mes excuses à M. le comte d'être obligé de le quitter, et vous les lui renouvellerez, je vous prie. La séance ouvre à deux heures, il en est trois, et je dois parler.

—Allez, monsieur, je tâcherai de faire oublier votre absence à notre hôte, dit la comtesse avec le même accent de sensibilité. Monsieur le comte, continua-t-elle en se retournant vers Monte-Cristo nous fera-t-il l'honneur de passer le reste de la journée avec nous?

—Merci, madame, et vous me voyez, croyez-le bien, on ne peut plus reconnaissant de votre offre; mais je suis descendu ce matin à votre porte, de ma voiture de voyage. Comment suis-je installé à Paris, je l'ignore; où le suis-je, je le sais à peine. C'est une inquiétude légère, je le sais, mais appréciable cependant.

—Nous aurons ce plaisir une autre fois, au moins vous nous le promettez?» demanda la comtesse.

Monte-Cristo s'inclina sans répondre, mais le geste pouvait passer pour un assentiment.

«Alors, je ne vous retiens pas, monsieur, dit la comtesse, car je ne veux pas que ma reconnaissance devienne ou une indiscrétion ou une importunité.

—Mon cher comte, dit Albert, si vous le voulez bien, je vais essayer de vous rendre à Paris votre gracieuse politesse de Rome, et mettre mon coupé à votre disposition jusqu'à ce que vous ayez eu le temps de monter vos équipages.

—Merci mille fois de votre obligeance, vicomte, dit Monte-Cristo, mais je présume que M. Bertuccio aura convenablement employé les quatre heures et demie que je viens de lui laisser, et que je trouverai à la porte une voiture quelconque tout attelée.»

Albert était habitué à ces façons de la part du comte: il savait qu'il était, comme Néron, à la recherche de l'impossible, et il ne s'étonnait plus de rien; seulement, il voulut juger par lui-même de quelle façon ses ordres avaient été exécutés, il l'accompagna donc jusqu'à la porte de l'hôtel.

Monte-Cristo ne s'était pas trompé: dès qu'il avait paru dans l'antichambre du comte de Morcerf, un valet de pied, le même qui à Rome était venu apporter la carte du comte aux deux jeunes gens et leur annoncer sa visite, s'était élancé hors du péristyle, de sorte qu'en arrivant au perron l'illustre voyageur trouva effectivement sa voiture qui l'attendait.

C'était un coupé sortant des ateliers de Keller, et un attelage dont Drake avait, à la connaissance de tous les lions de Paris, refusé la veille encore dix-huit mille francs.

«Monsieur, dit le comte à Albert, je ne vous propose pas de m'accompagner jusque chez moi, et je ne pourrais vous montrer qu'une maison improvisée, et j'ai, vous le savez, sous le rapport des improvisations, une réputation à ménager. Accordez-moi un jour et permettez-moi alors de vous inviter. Je serai plus sûr de ne pas manquer aux lois de l'hospitalité.

—Si vous me demandez un jour, monsieur le comte, je suis tranquille, ce ne sera plus une maison que vous me montrerez, ce sera un palais. Décidément, vous avez quelque génie à votre disposition.

—Ma foi, laissez-le croire, dit Monte-Cristo en mettant le pied sur les degrés garnis de velours de son splendide équipage, cela me fera quelque bien auprès des dames.»

Et il s'élança dans sa voiture, qui se referma derrière lui, et partit au galop, mais pas si rapidement que le comte n'aperçut le mouvement imperceptible qui fit trembler le rideau du salon où il avait laissé Mme de Morcerf.

Lorsque Albert rentra chez sa mère, il trouva la comtesse au boudoir, plongée dans un grand fauteuil de velours: toute la chambre, noyée d'ombre, ne laissait apercevoir que la paillette étincelante attachée çà et là au ventre de quelque potiche ou à l'angle de quelque cadre d'or.

Albert ne put voir le visage de la comtesse perdu dans un nuage de gaze qu'elle avait roulée autour de ses cheveux comme une auréole de vapeur; mais il lui sembla que sa voix était altérée: il distingua aussi, parmi les parfums des roses et des héliotropes de la jardinière, la trace âpre et mordante des sels de vinaigre; sur une des coupes ciselées de la cheminée en effet, le flacon de la comtesse, sorti de sa gaine de chagrin, attira l'attention inquiète du jeune homme.

«Souffrez-vous, ma mère? s'écria-t-il en entrant et vous seriez-vous trouvée mal pendant mon absence?

—Moi? non pas, Albert; mais, vous comprenez, ces roses, ces tubéreuses et ces fleurs d'oranger dégagent pendant ces premières chaleurs, auxquelles on n'est pas habitué, de si violents parfums.

—Alors, ma mère, dit Morcerf en portant la main à la sonnette, il faut les faire porter dans votre antichambre. Vous êtes vraiment indisposée; déjà tantôt, quand vous êtes entrée, vous étiez fort pâle.

—J'étais pâle, dites-vous, Albert?

—D'une pâleur qui vous sied à merveille, ma mère, mais qui ne nous a pas moins effrayés pour cela, mon père et moi.

—Votre père vous en a-t-il parlé? demanda vivement Mercédès.

—Non, madame, mais c'est à vous-même, souvenez-vous, qu'il a fait cette observation.

—Je ne me souviens pas», dit la comtesse.

Un valet entra: il venait au bruit de la sonnette tirée par Albert.

«Portez ces fleurs dans l'antichambre ou dans le cabinet de toilette, dit le vicomte; elles font mal à Mme la comtesse.

Le valet obéit.

Il y eut un assez long silence, et qui dura pendant tout le temps que se fit le déménagement.

«Qu'est-ce donc que ce nom de Monte-Cristo? demanda la comtesse quand le domestique fut sorti emportant le dernier vase de fleurs, est-ce un nom de famille, un nom de terre, un titre simple?

—C'est, je crois, un titre, ma mère, et voilà tout. Le comte a acheté une île dans l'archipel toscan, et a, d'après ce qu'il a dit lui-même ce matin, fondé une commanderie. Vous savez que cela se fait ainsi pour Saint-Étienne de Florence, pour Saint-Georges-Constantinien de Parme, et même pour l'ordre de Malte. Au reste, il n'a aucune prétention à la noblesse et s'appelle un comte de hasard, quoique l'opinion générale de Rome soit que le comte est un très grand seigneur.

—Ses manières sont excellentes, dit la comtesse, du moins d'après ce que j'ai pu en juger par les courts instants pendant lesquels il est resté ici.

—Oh! parfaites, ma mère, si parfaites même qu'elles surpassent de beaucoup tout ce que j'ai connu de plus aristocratique dans les trois noblesses les plus fières de l'Europe, c'est-à-dire dans la noblesse anglaise, dans la noblesse espagnole et dans la noblesse allemande.»

La comtesse réfléchit un instant, puis après cette courte hésitation elle reprit:

«Vous avez vu, mon cher Albert, c'est une question de mère que je vous adresse là, vous le comprenez, vous avez vu M. de Monte-Cristo dans son intérieur; vous avez de la perspicacité, vous avez l'habitude du monde, plus de tact qu'on n'en a d'ordinaire à votre âge; croyez-vous que le comte soit ce qu'il paraît réellement être?

—Et que paraît-il?

—Vous l'avez dit vous-même à l'instant, un grand seigneur.

—Je vous ai dit, ma mère, qu'on le tenait pour tel.

—Mais qu'en pensez-vous, vous, Albert?

—Je n'ai pas, je vous l'avouerai, d'opinion bien arrêtée sur lui; je le crois Maltais.

—Je ne vous interroge pas sur son origine; je vous interroge sur sa personne.

—Ah! sur sa personne, c'est autre chose; et j'ai vu tant de choses étranges de lui, que si vous voulez que je vous dise ce que je pense, je vous répondrai que je le regarderais volontiers comme un des hommes de Byron, que le malheur a marqué d'un sceau fatal; quelque Manfred, quelque Lara, quelque Werner; comme un de ces débris enfin de quelque vieille famille qui, déshérités de leur fortune paternelle, en ont trouvé une par la force de leur génie aventureux qui les a mis au-dessus des lois de la société.

—Vous dites?...

—Je dis que Monte-Cristo est une île au milieu de la Méditerranée, sans habitants, sans garnison, repaire de contrebandiers de toutes nations, de pirates de tous pays. Qui sait si ces dignes industriels ne payent pas à leur seigneur un droit d'asile?

—C'est possible, dit la comtesse rêveuse.

—Mais n'importe, reprit le jeune homme, contrebandier ou non, vous en conviendrez, ma mère, puisque vous l'avez vu, M. le comte de Monte-Cristo est un homme remarquable et qui aura les plus grands succès dans les salons de Paris. Et tenez, ce matin même, chez moi, il a commencé son entrée dans le monde en frappant de stupéfaction jusqu'à Château-Renaud.

—Et quel âge peut avoir le comte? demanda Mercédès, attachant visiblement une grande importance à cette question.

—Il a trente-cinq à trente-six ans, ma mère.

—Si jeune! c'est impossible, dit Mercédès répondant en même temps à ce que lui disait Albert et à ce que lui disait sa propre pensée.

—C'est la vérité, cependant. Trois ou quatre fois il m'a dit, et certes sans préméditation, à telle époque j'avais cinq ans, à telle autre j'avais dix ans, à telle autre douze; moi, que la curiosité tenait éveillé sur ces détails, je rapprochais les dates, et jamais je ne l'ai trouvé en défaut. L'âge de cet homme singulier, qui n'a pas d'âge, est donc, j'en suis sûr, de trente-cinq ans. Au surplus, rappelez-vous, ma mère, combien son œil est vif, combien ses cheveux sont noirs et combien son front, quoique pâle, est exempt de rides; c'est une nature non seulement vigoureuse, mais encore jeune.»

La comtesse baissa la tête comme sous un flot trop lourd d'amères pensées.

«Et cet homme s'est pris d'amitié pour vous, Albert? demanda-t-elle avec un frissonnement nerveux.

—Je le crois madame.

—Et vous... l'aimez-vous aussi?

—Il me plaît, madame, quoi qu'en dise Franz d'Épinay, qui voulait le faire passer à mes yeux pour un homme revenant de l'autre monde.»

La comtesse fit un mouvement de terreur.

«Albert, dit-elle d'une voix altérée, je vous ai toujours mis en garde contre les nouvelles connaissances. Maintenant vous êtes homme, et vous pourriez me donner des conseils à moi-même; cependant je vous répète: Soyez prudent, Albert.

—Encore faudrait-il, chère mère, pour que le conseil me fût profitable, que je susse d'avance de quoi me méfier. Le comte ne joue jamais, le comte ne boit que de l'eau dorée par une goutte de vin d'Espagne; le comte s'est annoncé si riche que, sans se faire rire au nez, il ne pourrait m'emprunter d'argent: que voulez-vous que je craigne de la part du comte?

—Vous avez raison, dit la comtesse, et mes terreurs sont folles, ayant pour objet surtout un homme qui vous a sauvé la vie. À propos, votre père l'a-t-il bien reçu, Albert? Il est important que nous soyons plus que convenables avec le comte. M. de Morcerf est parfois occupé, ses affaires le rendent soucieux, et il se pourrait que, sans le vouloir....

—Mon père a été parfait, madame, interrompit Albert; je dirai plus: il a paru infiniment flatté de deux ou trois compliments des plus adroits que le comte lui a glissés avec autant de bonheur que d'à-propos, comme s'il l'eût connu depuis trente ans. Chacune de ces petites flèches louangeuses a dû chatouiller mon père, ajouta Albert en riant, de sorte qu'ils se sont quittés les meilleurs amis du monde, que M. de Morcerf voulait même l'emmener à la Chambre pour lui faire entendre son discours.»

La comtesse ne répondit pas; elle était absorbée dans une rêverie si profonde que ses yeux s'étaient fermés peu à peu. Le jeune homme, debout devant elle, la regardait avec cet amour filial plus tendre et plus affectueux chez les enfants dont les mères sont jeunes et belles encore; puis, après avoir vu ses yeux se fermer, il l'écouta respirer un instant dans sa douce immobilité, et, la croyant assoupie, il s'éloigna sur la pointe du pied, poussant avec précaution la porte de la chambre où il laissait sa mère.

«Ce diable d'homme murmura-t-il en secouant la tête, je lui ai bien prédit là-bas qu'il ferait sensation dans le monde: je mesure son effet sur un thermomètre infaillible. Ma mère l'a remarqué, donc il faut qu'il soit bien remarquable.»

Et il descendit à ses écuries, non sans un dépit secret de ce que, sans y avoir même songé, le comte de Monte-Cristo avait mis la main sur un attelage qui renvoyait ses bais au numéro 2 dans l'esprit des connaisseurs.

«Décidément, dit-il, les hommes ne sont pas égaux; il faudra que je prie mon père de développer ce théorème à la Chambre haute.»

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41. La présentation 41. die Präsentation 41. The presentation 41. La presentación 41. A apresentação 41. 演讲

La présentation.

Quand Albert se trouva en tête-à-tête avec Monte-Cristo: When Albert found himself one-on-one with Monte Cristo:

«Monsieur le comte, lui dit-il, permettez-moi de commencer avec vous mon métier de cicérone en vous donnant le spécimen d’un appartement de garçon. ||||||||||||||||||||specimen|||| "Monsieur le comte," said he, "let me begin with you my profession of cicerone by giving you the specimen of a boy's apartment. Habitué aux palais d’Italie, ce sera pour vous une étude à faire que de calculer dans combien de pieds carrés peut vivre un des jeunes gens de Paris qui ne passent pas pour être les plus mal logés. Accustomed to the palaces of Italy, it will be for you a study to make that to calculate in how many square feet can live one of the young people of Paris who do not pass to be the most badly housed. À mesure que nous passerons d’une chambre à l’autre, nous ouvrirons les fenêtres pour que vous respiriez.» As we move from one room to another, we'll open the windows for you to breathe. "

Monte-Cristo connaissait déjà la salle à manger et le salon du rez-de-chaussée. Monte-Cristo was already familiar with the dining room and the living room on the ground floor. Albert le conduisit d’abord à son atelier; c’était, on se le rappelle, sa pièce de prédilection. Albert led him first to his studio; it was, it will be remembered, his favorite play.

Monte-Cristo était un digne appréciateur de toutes les choses qu’Albert avait entassées dans cette pièce: vieux bahuts, porcelaines du Japon, étoffes d’Orient, verroteries de Venise, armes de tous les pays du monde, tout lui était familier, et, au premier coup d’œil, il reconnaissait le siècle, le pays et l’origine. |||||||||||| piled||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Monte Cristo was a worthy appreciator of all the things that Albert had piled up in this room: old chests, porcelains of Japan, stuffs of the Orient, glass beads of Venice, arms of all the countries of the world, everything was familiar to him, and at first glance, he recognized the age, the country, and the origin.

Morcerf avait cru être l’explicateur, et c’était lui au contraire qui faisait, sous la direction du comte, un cours d’archéologie, de minéralogie et d’histoire naturelle. ||||the explainer|||||contrary||||||||||||mineralogy||| Morcerf had believed to be the explicator, and it was he, on the contrary, who, under the direction of the count, gave a course in archeology, mineralogy and natural history. On descendit au premier. We went down to the first. Albert introduisit son hôte dans le salon. Ce salon était tapissé des œuvres des peintres modernes; il y avait des paysages de Dupré, aux longs roseaux, aux arbres élancés, aux vaches beuglantes et aux ciels merveilleux; il y avait des cavaliers arabes de Delacroix, aux longs burnous blancs, aux ceintures brillantes, aux armes damasquinées, dont les chevaux se mordaient avec rage, tandis que les hommes se déchiraient avec des masses de fer, des aquarelles de Boulanger, représentant tout  Notre-Dame de Paris  avec cette vigueur qui fait du peintre l’émule du poète; il y avait des toiles de Diaz, qui fait les fleurs plus belles que les fleurs, le soleil plus brillant que le soleil; des dessins de Decamps, aussi colorés que ceux de Salvator Rosa, mais plus poétiques; des pastels de Giraud et de Muller, représentant des enfants aux têtes d’ange, des femmes aux traits de vierge; des croquis arrachés à l’album du voyage d’Orient de Dauzats, qui avaient été crayonnés en quelques secondes sur la selle d’un chameau ou sous le dôme d’une mosquée; enfin tout ce que l’art moderne peut donner en échange et en dédommagement de l’art perdu et envolé avec les siècles précédents. ||||||||||||||||||reeds||||||mooing||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||the rival|||||||||||||||||||||||||||||Decamps||||||||||||||||||||||||||||||||pulled|||||||Dauzats||||sketched||||||||||||||||||||||||||||||||soared|||| This salon was lined with the works of modern painters; there were landscapes by Dupré, with long reeds, slender trees, bellowing cows and marvelous skies; there were Delacroix's Arab horsemen, in long white burnouses, with shining belts, with damascened arms, whose horses bit each other with rage, while the men tore each other with masses of iron, watercolors by Boulanger, representing all of Our -Lady of Paris with that vigor which makes the painter the emulator of the poet; there were paintings by Diaz, who makes flowers more beautiful than flowers, the sun brighter than the sun; drawings by Decamps, as colorful as those of Salvator Rosa, but more poetic; pastels by Giraud and Muller, representing children with the heads of angels, women with the features of virgins; sketches torn from Dauzats' album of the voyage to the Orient, which had been penciled in a few seconds on the saddle of a camel or under the dome of a mosque; finally all that modern art can give in exchange and in compensation for the art lost and flown away with the preceding centuries.

Albert s’attendait à montrer, cette fois du moins, quelque chose de nouveau à l’étrange voyageur; mais à son grand étonnement, celui-ci, sans avoir besoin de chercher les signatures, dont quelques-unes d’ailleurs n’étaient présentes que par des initiales, appliqua à l’instant même le nom de chaque auteur à son œuvre, de façon qu’il était facile de voir que non seulement chacun de ces noms lui était connu, mais encore que chacun de ces talents avait été apprécié et étudié par lui. Albert expected to show, this time at least, something new to the strange traveler; but to his astonishment, the latter, without having to search for the signatures, some of which were present only by initials, immediately applied the name of each author to his work, It was easy to see that not only was each of these names known to him, but that each of these talents had been appreciated and studied by him.

Du salon on passa dans la chambre à coucher. From the living room we went into the bedroom. C’était à la fois un modèle d’élégance et de goût sévère: là un seul portrait, mais signé Léopold Robert, resplendissait dans son cadre d’or mat. It was both a model of elegance and severe taste: there only one portrait, but signed Leopold Robert, resplendent in its matte gold frame.

Ce portrait attira tout d’abord les regards du comte de Monte-Cristo, car il fit trois pas rapides dans la chambre et s’arrêta tout à coup devant lui. This portrait first attracted the attention of Count Monte Cristo, for he took three rapid steps in the chamber and suddenly stopped in front of him.

C’était celui d’une jeune femme de vingt-cinq à vingt-six ans, au teint brun, au regard de feu, voilé sous une paupière languissante; elle portait le costume pittoresque des pêcheuses catalanes avec son corset rouge et noir et ses aiguilles d’or piquées dans les cheveux; elle regardait la mer, et sa silhouette élégante se détachait sur le double azur des flots et du ciel. |||||||||||||||||||veiled||||languishing|||||||fisherwomen||||||||||||||||||||||||||||||||||sky It was that of a young woman of twenty-five to twenty-six, with a brown complexion and a fiery look, veiled under a languid eyelid; she wore the picturesque costume of the Catalan fishermen with her red and black corset and her golden needles stitched into her hair; she looked at the sea, and her elegant figure stood out against the double azure of the waves and the sky.

Il faisait sombre dans la chambre, sans quoi Albert eût pu voir la pâleur livide qui s’étendit sur les joues du comte, et surprendre le frisson nerveux qui effleura ses épaules et sa poitrine. ||||||||||||||||||||||||||||brushed||||| It was dark in the room, otherwise Albert could see the livid pallor that lay on the cheeks of the count, and surprise the nervous shiver that touched his shoulders and chest.

Il se fit un instant de silence, pendant lequel Monte-Cristo demeura l’œil obstinément fixé sur cette peinture. |||||||||||remained||obstinately|||| There was a moment of silence, during which Monte Cristo remained stubbornly fixed on this painting.

«Vous avez là une belle maîtresse, vicomte, dit Monte-Cristo d’une voix parfaitement calme, et ce costume, costume de bal sans doute, lui sied vraiment à ravir. "There you have a handsome mistress, viscount," said Monte Cristo in a perfectly calm voice, "and this costume, no doubt a ballroom suit, befits him very well.

—Ah! monsieur, dit Albert, voilà une méprise que je ne vous pardonnerais pas, si à côté de ce portrait vous en eussiez vu quelque autre. ||||||||||wouldn't forgive||||||||||||| sir, "said Albert," this is a mistake that I would not forgive you, if by the side of this portrait you had seen any other. Vous ne connaissez pas ma mère, monsieur; c’est elle que vous voyez dans ce cadre; elle se fit peindre ainsi, il y a six ou huit ans. You do not know my mother, sir; it is she whom you see in this frame; she had herself painted that way six or eight years ago. Ce costume est un costume de fantaisie, à ce qu’il paraît, et la ressemblance est si grande, que je crois encore voir ma mère telle qu’elle était en 1830. This costume is a fancy costume, so it seems, and the resemblance is so great, that I still think I see my mother as she was in 1830. La comtesse fit faire ce portrait pendant une absence du comte. The countess had this portrait made during an absence of the count. Sans doute elle croyait lui préparer pour son retour une gracieuse surprise; mais, chose bizarre, ce portrait déplut à mon père; et la valeur de la peinture, qui est, comme vous le voyez, une des belles toiles de Léopold Robert, ne put le faire passer sur l’antipathie dans laquelle il l’avait prise. ||||||||||graceful|||||||displeased|||||||||||||||||||||||||||||the antipathy||||| No doubt she thought to prepare for her return a gracious surprise; but, oddly enough, this portrait displeased my father; and the value of the painting, which is, as you see, one of Leopold Robert's fine canvases, could not make him pass on the antipathy in which he had taken it. Il est vrai de dire entre nous, mon cher comte, que M. de Morcerf est un des pairs les plus assidus au Luxembourg, un général renommé pour la théorie, mais un amateur d’art des plus médiocres; il n’en est pas de même de ma mère, qui peint d’une façon remarquable, et qui, estimant trop une pareille œuvre pour s’en séparer tout à fait, me l’a donnée pour que chez moi elle fût moins exposée à déplaire à M. de Morcerf, dont je vous ferai voir à son tour le portrait peint par Gros. ||||||||||||||||||||assiduous|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| It is true to say among ourselves, my dear Count, that M. de Morcerf is one of the most assiduous peers in Luxembourg, a general renowned for theory, but a most mediocre art lover; it is not the same with my mother, who paints in a remarkable way, and who, estimating too much such a work to separate completely, gave it to me so that at home she was less exposed to displease M. de Morcerf, whose portrait painted by Gros I will show you in his turn. Pardonnez-moi si je vous parle ainsi ménage et famille, mais, comme je vais avoir l’honneur de vous conduire chez le comte, je vous dis cela pour qu’il ne vous échappe pas de vanter ce portrait devant lui. |||||||house|||||||||||||||||||||||||||||| Forgive me if I speak to you in this way with your household and your family, but as I am going to have the honor of taking you to the count, I tell you this so that he may not escape you from boasting this portrait before him. Au reste, il a une funeste influence; car il est bien rare que ma mère vienne chez moi sans le regarder, et plus rare encore qu’elle le regarde sans pleurer. |||||fatal|||||||||||||||||||||||| Besides, he has a fatal influence; for it is very rare for my mother to come to my house without looking at him, and even more rarely to look at him without crying. Le nuage qu’amena l’apparition de cette peinture dans l’hôtel est du reste le seul qui se soit élevé entre le comte et la comtesse, qui, quoique mariés depuis plus de vingt ans, sont encore unis comme au premier jour.» ||that brought||||||||||||||||||||||||married|||||||||||| The cloud that brought about the appearance of this painting in the hotel is, moreover, the only one that has risen between the count and the countess, who, although married for more than twenty years, are still united as in the first day. "

Monte-Cristo jeta un regard rapide sur Albert, comme pour chercher une intention cachée à ses paroles; mais il était évident que le jeune homme les avait dites dans toute la simplicité de son âme. Monte Cristo cast a quick glance at Albert, as if to seek a hidden intention for his words; but it was evident that the young man had spoken them in all the simplicity of his soul.

«Maintenant, dit Albert, vous avez vu toutes mes richesses, monsieur le comte, permettez-moi de vous les offrir, si indignes qu’elles soient; regardez-vous comme étant ici chez vous, et, pour vous mettre plus à votre aise encore, veuillez m’accompagner jusque chez M. de Morcerf, à qui j’ai écrit de Rome le service que vous m’avez rendu, à qui j’ai annoncé la visite que vous m’aviez promise; et, je puis le dire, le comte et la comtesse attendaient avec impatience qu’il leur fût permis de vous remercier. "Now," said Albert, "you have seen all my riches, monsieur le comte, permit me to offer them to you, however unworthy they may be; Look at yourself as being here at home, and, to make yourself more at ease, please accompany me to M. de Morcerf's, to whom I have written from Rome the service you rendered me, to whom I announced the visit you promised me; and, I may say, the count and the countess waited impatiently for them to be permitted to thank you. Vous êtes un peu blasé sur toutes choses, je le sais, monsieur le comte, et les scènes de famille n’ont pas sur Simbad le marin beaucoup d’action: vous avez vu d’autres scènes! ||||blasé||||||||||||||||||||||||||| You are a little jaded on all things, I know it, Monsieur le Comte, and the family scenes do not have on Simbad the sailor a lot of action: you have seen other scenes! Cependant acceptez que je vous propose, comme initiation à la vie parisienne, la vie de politesses, de visites et de présentations.» |||||||||||||||politeness||||| However accept that I propose to you, as an initiation to Parisian life, the life of courtesies, visits and presentations.

Monte-Cristo s’inclina pour répondre; il acceptait la proposition sans enthousiasme et sans regrets, comme une des convenances de société dont tout homme comme il faut se fait un devoir. |||||||||||||||||conventions|||||||||||| Monte-Cristo bowed to answer; he accepted the proposal without enthusiasm and without regrets, as one of the social conveniences of which every good man makes it his duty. Albert appela son valet de chambre, et lui ordonna d’aller prévenir M. et Mme de Morcerf de l’arrivée prochaine du comte de Monte-Cristo. Albert called his valet de chambre, and ordered him to go and inform M. and Mme de Morcerf of the imminent arrival of the Comte de Monte-Cristo.

Albert le suivit avec le comte. Albert followed him with the count.

En arrivant dans l’antichambre du comte, on voyait au-dessus de la porte qui donnait dans le salon un écusson qui, par son entourage riche et son harmonie avec l’ornementation de la pièce, indiquait l’importance que le propriétaire de l’hôtel attachait à ce blason. On arriving in the count's antechamber, we saw above the door which gave in the salon an escutcheon which, by its rich entourage and its harmony with the ornamentation of the room, indicated the importance which the owner of the room the hotel attached to this coat of arms.

Monte-Cristo s’arrêta devant ce blason, qu’il examina avec attention. Monte Cristo paused before this coat of arms, which he examined with attention.

«D’azur à sept merlettes d’or posées en bande. "Azure seven golden martlets laid in band. C’est sans doute l’écusson de votre famille, monsieur? |||the shield|||| This is probably the badge of your family, sir? demanda-t-il. he asked. À part la connaissance des pièces du blason qui me permet de le déchiffrer, je suis fort ignorant en matière héraldique, moi, comte de hasard, fabriqué par la Toscane à l’aide d’une commanderie de Saint-Étienne, et qui me fusse passé d’être grand seigneur si l’on ne m’eût répété que, lorsqu’on voyage beaucoup, c’est chose absolument nécessaire. Apart from the knowledge of the pieces of the coat of arms that allow me to decipher it, I am very ignorant in heraldic material, I, count of chance, made by Tuscany with the help of a commandery of Saint-Etienne, and who I was I would have been a great lord if I had not been told that when you travel a lot, it is absolutely necessary. Car enfin il faut bien, ne fût-ce que pour que les douaniers ne vous visitent pas, avoir quelque chose sur les panneaux de sa voiture. For it must be, if only for the customs officers do not visit you, to have something on the panels of his car. Excusez-moi donc si je vous fais une pareille question. Excuse me if I ask you such a question.

—Elle n’est aucunement indiscrète, monsieur, dit Morcerf avec la simplicité de la conviction, et vous aviez deviné juste: ce sont nos armes, c’est-à-dire celles du chef de mon père; mais elles sont, comme vous voyez, accolées à un écusson qui est de gueule à la tour d’argent, et qui est du chef de ma mère; par les femmes je suis Espagnol, mais la maison de Morcerf est française, et, à ce que j’ai entendu dire, même une des plus anciennes du Midi de la France. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||joined|||shield||||mouth|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| "She is not at all indiscreet, sir," said Morcerf, with the simplicity of conviction, "and you had guessed right: these are our arms, that is to say, those of my father's chief; but they are, as you see, contiguous to an escutcheon, which has a mouth on the silver tower, and is the head of my mother; by women I am Spanish, but the house of Morcerf is French, and, as I have heard, even one of the oldest in the South of France.

—Oui, reprit Monte-Cristo, c’est ce qu’indiquent les merlettes. "Yes," said Monte Cristo, "that is what the merlettes say. Presque tous les pèlerins armés qui tentèrent ou qui firent la conquête de la Terre Sainte prirent pour armes ou des croix, signe de la mission à la quelle ils s’étaient voués, ou des oiseaux voyageurs, symbole du long voyage qu’ils allaient entreprendre et qu’ils espéraient accomplir sur les ailes de la foi. |||pilgrims||||||||||||||||||||||||||||devoted|||||||||||undertake|||||||||| Almost all the armed pilgrims who attempted or conquered the Holy Land took arms or crosses, a sign of the mission they had dedicated themselves to, or bird-travelers, a symbol of the long journey they would undertake. and that they hoped to accomplish on the wings of faith. Un de vos aïeux paternels aura été de quelqu’une de vos croisades, et, en supposant que ce ne soit que celle de saint Louis, cela nous fait déjà remonter au treizième siècle, ce qui est encore fort joli. One of your paternal ancestors will have been of one of your crusades, and, supposing that it is only that of St. Louis, it makes us go back to the thirteenth century, which is still very pretty.

—C’est possible, dit Morcerf: il y a quelque part dans le cabinet de mon père un arbre généalogique qui nous dira cela, et sur lequel j’avais autrefois des commentaires qui eussent fort édifié d’Hozier et Jaucourt. |||||||||||||||||||||||||||||||||of Hozier||Jaucourt "It is possible," said Morcerf, "there is somewhere in my father's closet a genealogical tree which will tell us that, and on which I formerly had comments which would have greatly edified Hozier and Jaucourt. À présent, je n’y pense plus; cependant je vous dirai, monsieur le comte, et ceci rentre dans mes attributions de cicérone, que l’on commence à s’occuper beaucoup de ces choses-là sous notre gouvernement populaire. ||||||||||||||||||attributions|||||||||||||||| Now I do not think about it anymore; but I will tell you, Count, and this falls into my attributions of cicerone, that we begin to deal a great deal with these things under our popular government.

—Eh bien, alors, votre gouvernement aurait bien dû choisir dans son passé quelque chose de mieux que ces deux pancartes que j’ai remarquées sur vos monuments, et qui n’ont aucun sens héraldique. |||||||||||||||||||signs|||noted|||||||||heraldic "Well, then, your government ought to have chosen in its past something better than these two placards which I have noticed on your monuments, and which have no heraldic meaning. Quant à vous, vicomte, reprit Monte-Cristo en revenant à Morcerf, vous êtes plus heureux que votre gouvernement, car vos armes sont vraiment belles et parlent à l’imagination. As for you, Viscount, "returned Monte Cristo, returning to Morcerf," you are happier than your government, for your arms are really beautiful and speak to the imagination. Oui, c’est bien cela, vous êtes à la fois de Provence et d’Espagne; c’est ce qui explique, si le portrait que vous m’avez montré est ressemblant, cette belle couleur brune que j’admirais si fort sur le visage de la noble Catalane.» Yes, that's it, you are both from Provence and Spain; this is what explains, if the portrait you showed me is similar, this beautiful brown color that I admired so strongly on the face of the noble Catalan. "

Il eût fallu être Oedipe ou le Sphinx lui-même pour deviner l’ironie que mit le comte dans ces paroles, empreintes en apparence de la plus grande politesse; aussi Morcerf le remercia-t-il d’un sourire, et, passant le premier pour lui montrer le chemin, poussa-t-il la porte qui s’ouvrait au-dessous de ses armes, et qui, ainsi que nous l’avons dit, donnait dans le salon. It would have been necessary to be Oedipus or the Sphinx himself to guess the irony which the count put in these words, impressed in appearance with the greatest politeness; so Morcerf thanked him with a smile, and passing first to show him the way, he uttered the door which opened below his arms, and which, as we we said, gave in the living room.

Dans l’endroit le plus apparent de ce salon se voyait aussi un portrait; c’était celui d’un homme de trente-cinq à trente-huit ans, vêtu d’un uniforme d’officier général, portant cette double épaulette en torsade, signe des grades supérieurs, le ruban de la Légion d’honneur au cou, ce qui indiquait qu’il était commandeur, et sur la poitrine, à droite, la plaque de grand officier de l’ordre du Sauveur, et, à gauche, celle de grand-croix de Charles III, ce qui indiquait que la personne représentée par ce portrait avait dû faire les guerres de Grèce et d’Espagne, ou, ce qui revient absolument au même en matière de cordons, avoir rempli quelque mission diplomatique dans les deux pays. ||||apparent||||||||||||||||||||||||||||epaulette||twisted cord|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||cords||||||||| In the most conspicuous place of this salon was also a portrait; it was that of a man of thirty-five to thirty-eight years, dressed in a uniform of general officer, wearing this double epaulette twisted, sign of the higher ranks, the ribbon of the Legion of Honor on the neck which indicated that he was a commander, and on his chest, on the right, the plate of Grand Officer of the Order of the Savior, and on the left, that of Grand Cross of Charles III, which indicated that the person represented by this portrait had had to make the wars of Greece and Spain, or, which is absolutely the same in terms of cords, to have fulfilled some diplomatic mission in the two countries.

Monte-Cristo était occupé à détailler ce portrait avec non moins de soin qu’il avait fait de l’autre, lorsqu’une porte latérale s’ouvrit, et qu’il se trouva en face du comte de Morcerf lui-même. Monte Cristo was busy detailing this portrait with no less care than he had done with the other, when a side door opened, and he found himself in front of the Comte de Morcerf himself.

C’était un homme de quarante à quarante-cinq ans, mais qui en paraissait au moins cinquante, et dont la moustache et les sourcils noirs tranchaient étrangement avec des cheveux presque blancs coupés en brosse à la mode militaire; il était vêtu en bourgeois et portait à sa boutonnière un ruban dont les différents liserés rappelaient les différents ordres dont il était décoré. ||||||||||||||||||||||||contrasted|||||||||brush||||||||||||||||||||borders|||||||| He was a man of forty to forty-five, but who looked at least fifty, and whose black mustache and eyebrows stood out strangely, with almost white hair cut in military style; he was dressed as a bourgeois and wore a ribbon in his buttonhole, the different borders of which recalled the different orders with which he was decorated. Cet homme entra d’un pas assez noble et avec une sorte d’empressement. |||||||||||of eagerness This man entered with a noble step and with a kind of eagerness. Monte-Cristo le vit venir à lui sans faire un seul pas; on eût dit que ses pieds étaient cloués au parquet comme ses yeux sur le visage du comte de Morcerf. Monte Cristo saw him come to him without taking a single step; it seemed as though his feet were nailed to the floor like his eyes on the face of the Comte de Morcerf.

«Mon père, dit le jeune homme, j’ai l’honneur de vous présenter monsieur le comte de Monte-Cristo, ce généreux ami que j’ai eu le bonheur de rencontrer dans les circonstances difficiles que vous savez. "My father," said the young man, "I have the honor to present to you Monsieur le Comte de Monte-Cristo, this generous friend whom I had the good fortune to meet in the difficult circumstances that you know.

—Monsieur est le bienvenu parmi nous, dit le comte de Morcerf en saluant Monte-Cristo avec un sourire, et il a rendu à notre maison, en lui conservant son unique héritier, un service qui sollicitera éternellement notre reconnaissance.» |||||||||||||||||||||rendered|||||||||||||||| "Monsieur is welcome among us," said the Count de Morcerf, bowing to Monte Cristo with a smile, "and he has restored to our house, by preserving his only heir, a service which will eternally solicit our gratitude."

Et en disant ces paroles le comte de Morcerf indiquait un fauteuil à Monte-Cristo, en même temps que lui-même s’asseyait en face de la fenêtre. And as he said these words, the Comte de Morcerf indicated to Monte Cristo an armchair, at the same time as he himself was sitting down opposite the window.

Quant à Monte-Cristo, tout en prenant le fauteuil désigné par le comte de Morcerf, il s’arrangea de manière à demeurer caché dans l’ombre des grands rideaux de velours, et à lire de là sur les traits empreints de fatigue et de soucis du comte toute une histoire de secrètes douleurs écrites dans chacune de ses rides venues avec le temps. Count|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| As for Monte Cristo, while taking the chair designated by the Comte de Morcerf, he managed to remain hidden in the shadow of the great velvet curtains, and to read from there on the lines marked with fatigue and Count's worries a whole history of secret pains written in each of his wrinkles come with time.

«Madame la comtesse, dit Morcerf, était à sa toilette lorsque le vicomte l’a fait prévenir de la visite qu’elle allait avoir le bonheur de recevoir; elle va descendre, et dans dix minutes elle sera au salon. "Madame la Comtesse," said Morcerf, "was at his toilet when the Viscount informed him of the visit which she was about to have the pleasure of receiving; she will come down, and in ten minutes she will be in the salon.

—C’est beaucoup d’honneur pour moi, dit Monte-Cristo, d’être ainsi, dès le jour de mon arrivée à Paris, mis en rapport avec un homme dont le mérite égale la réputation, et pour lequel la fortune, juste une fois, n’a pas fait d’erreur; mais n’a-t-elle pas encore, dans les plaines de la Mitidja ou dans les montagnes de l’Atlas, un bâton de maréchal à vous offrir? |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||Mitidja||||||||||||| "It is a great honor for me," said Monte Cristo, "to be so, from the day of my arrival in Paris, put in touch with a man whose merit equals reputation, and for whom fortune, just once did not make a mistake; but has it not yet, in the plains of Mitidja or in the Atlas Mountains, a marshal's staff to offer you?

—Oh! -Oh! répliqua Morcerf en rougissant un peu, j’ai quitté le service, monsieur. replied Morcerf, blushing a little, I have left the service, sir. Nommé pair sous la Restauration, j’étais de la première campagne, et je servais sous les ordres du maréchal de Bourmont; je pouvais donc prétendre à un commandement supérieur, et qui sait ce qui fût arrivé si la branche aînée fût restée sur le trône! Named|pair|||||||||||served|||||||Bourmont||||||||||||||||||branch|||||| Appointed peer under the Restoration, I was of the first campaign, and served under the orders of Marshal de Bourmont; I could therefore pretend to a superior command, and who knows what had happened if the elder branch had remained on the throne! Mais la révolution de Juillet était, à ce qu’il paraît, assez glorieuse pour se permettre d’être ingrate; elle le fut pour tout service qui ne datait pas de la période impériale; je donnai donc ma démission, car, lorsqu’on a gagné ses épaulettes sur le champ de bataille, on ne sait guère manœuvrer sur le terrain glissant des salons; j’ai quitté l’épée, je me suis jeté dans la politique, je me voue à l’industrie, j’étudie les arts utiles. ||||||||||||||||ingrate|||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| But the revolution of July was, it seems, quite glorious to allow itself to be ungrateful; it was so for any service which did not date from the imperial period; I resigned, for when one has won one's epaulets on the field of battle one hardly knows how to maneuver on the slippery ground of the salons; I left the sword, I threw myself into politics, I devoted myself to industry, I studied the useful arts. Pendant les vingt années que j’étais resté au service, j’en avais bien eu le désir, mais je n’en avais pas eu le temps. During the twenty years that I had been in the service, I had wanted to, but I had not had the time.

—Ce sont de pareilles choses qui entretiennent la supériorité de votre nation sur les autres pays, monsieur, répondit Monte-Cristo; gentilhomme issu de grande maison, possédant une belle fortune, vous avez d’abord consenti à gagner les premiers grades en soldat obscur, c’est fort rare; puis, devenu général, pair de France, commandeur de la Légion d’honneur, vous consentez à recommencer un second apprentissage, sans autre espoir, sans autre récompense que celle d’être un jour utile à vos semblables.... Ah! "It is such things which maintain the superiority of your nation over other countries, sir," replied Monte Cristo; gentleman from a large household, possessing a fine fortune, you first agreed to gain the first ranks as an obscure soldier, it is very rare; then, having become a general, peer of France, commander of the Legion of Honor, you agree to start a second apprenticeship, with no other hope, no other reward than that of being useful to your fellow men one day. Ah! monsieur, voilà qui est vraiment beau; je dirai plus, voilà qui est sublime.» sir, that is really beautiful; I will say more, that is sublime. ”

Albert regardait et écoutait Monte-Cristo avec étonnement; il n’était pas habitué à le voir s’élever à de pareilles idées d’enthousiasme. Albert looked and listened to Monte Cristo with astonishment; he was not used to seeing him rise to such ideas of enthusiasm.

«Hélas! "Alas! continua l’étranger, sans doute pour faire disparaître l’imperceptible nuage que ces paroles venaient de faire passer sur le front de Morcerf, nous ne faisons pas ainsi en Italie, nous croissons selon notre race et notre espèce, et nous gardons même feuillage, même taille, et souvent même inutilité toute notre vie. |||||||the imperceptible||||||||||||||||||||||grow|||||||||||||||||uselessness||| continued the stranger, no doubt to remove the imperceptible cloud that these words had just passed on Morcerf's forehead, we do not do so in Italy, we grow according to our race and our species, and we keep even foliage, same size, and often even uselessness all our life.

—Mais, monsieur, répondit le comte de Morcerf, pour un homme de votre mérite, l’Italie n’est pas une patrie, et la France ne sera peut-être pas ingrate pour tout le monde; elle traite mal ses enfants, mais d’habitude elle accueille grandement les étrangers. ||||||||||||||||||||||||||ingrate|||||||||||||||| "But, sir," replied the Count de Morcerf, "for a man of your merit, Italy is not a country, and France will perhaps not be ungrateful for everybody; she treats her children badly, but she usually welcomes strangers.

—Eh! mon père, dit Albert avec un sourire, on voit bien que vous ne connaissez pas M. le comte de Monte-Cristo. Ses satisfactions à lui sont en dehors de ce monde; il n’aspire point aux honneurs, et en prend seulement ce qui peut tenir sur un passeport. |satisfactions|||||||||||||||||||||||| His satisfactions are outside of this world; he does not aspire to honors, and only takes what can fit on a passport.

—Voilà, à mon égard, l’expression la plus juste que j’aie jamais entendue, répondit l’étranger. "That is the most accurate expression I have ever heard of me," replied the stranger.

—Monsieur a été le maître de son avenir, dit le comte de Morcerf avec un soupir, et il a choisi le chemin de fleurs. "Monsieur has been the master of his future," said the Comte de Morcerf with a sigh, "and he has chosen the path of flowers.

—Justement, monsieur, répliqua Monte-Cristo avec un de ces sourires qu’un peintre ne rendra jamais, et qu’un physiologiste désespéra toujours d’analyser. |||||||||||||||||physiologist||| "Right, sir," replied Monte Cristo with one of those smiles that a painter will never render, and which a physiologist always despaired of analyzing.

—Si je n’eusse craint de fatiguer monsieur le comte, dit le général, évidemment charmé des manières de Monte-Cristo, je l’eusse emmené à la Chambre; il y a aujourd’hui séance curieuse pour quiconque ne connaît pas nos sénateurs modernes. "If I had not feared to tire Monsieur le Comte," said the General, evidently charmed by the manners of Monte Cristo, "I would have taken him to the Chamber; There is a curious meeting today for anyone who does not know our modern senators.

—Je vous serai fort reconnaissant, monsieur, si vous voulez bien me renouveler cette offre une autre fois; mais aujourd’hui l’on m’a flatté de l’espoir d’être présenté à Mme la comtesse, et j’attendrai. “I will be very grateful to you, sir, if you will renew this offer to me another time; but today I have been flattered with the hope of being introduced to Madame la Comtesse, and I will wait.

—Ah! voici ma mère!» s’écria le vicomte.

En effet, Monte-Cristo, en se retournant vivement, vit Mme de Morcerf à l’entrée du salon, au seuil de la porte opposée à celle par laquelle était entré son mari: immobile et pâle, elle laissa, lorsque Monte-Cristo se retourna de son côté, tomber son bras qui, on ne sait pourquoi, s’était appuyé sur le chambranle doré, elle était là depuis quelques secondes, et avait entendu les dernières paroles prononcées par le visiteur ultramontain. |||||||quickly||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||door frame||||||||||||||||||ultramontane In fact, Monte Cristo, turning round quickly, saw Madame de Morcerf at the entrance to the drawing-room, on the threshold of the door opposite to that by which her husband had entered: motionless and pale, she left, when Monte Cristo returned to her side, to drop her arm, which, for some reason, had been leaning on the golden jamb, she had been there for a few seconds, and had heard the last words uttered by the ultramontane visitor.

Celui-ci se leva et salua profondément la comtesse, qui s’inclina à son tour, muette et cérémonieuse. ||||||||||||||||ceremonial The latter rose and bowed deeply to the countess, who bowed in turn, mute and ceremonious.

«Eh, mon Dieu! madame, demanda le comte, qu’avez vous donc? madame, asked the count, what is the matter with you? serait-ce par hasard la chaleur de ce salon qui vous fait mal? Is it by chance the heat of this salon that hurts you?

—Souffrez-vous, ma mère?» s’écria le vicomte en s’élançant au-devant de Mercédès. "Are you in pain, mother?" cried the viscount, rushing to meet Mercedes.

Elle les remercia tous deux avec un sourire. She thanked them both with a smile.

«Non, dit-elle, mais j’ai éprouvé quelque émotion en voyant pour la première fois celui sans l’intervention duquel nous serions en ce moment dans les larmes et dans le deuil. |||||experienced|||||||||||||||||||||||| "No," said she, "but I felt some emotion at seeing for the first time that without the intervention of which we would be at this moment in tears and in mourning. Monsieur, continua la comtesse en s’avançant avec la majesté d’une reine, je vous dois la vie de mon fils, et pour ce bienfait je vous bénis. Sir, "continued the countess, advancing with the majesty of a queen," I owe you the life of my son, and for this blessing I bless you. Maintenant je vous rends grâce pour le plaisir que vous me faites en me procurant l’occasion de vous remercier comme je vous ai béni, c’est-à-dire du fond du cœur.» ||||||||||||||providing|||||||||||||||| Now I give you thanks for the pleasure you give me by giving me the opportunity to thank you as I have blessed you, that is, from the bottom of my heart. "

Le comte s’inclina encore, mais plus profondément que la première fois; il était plus pâle encore que Mercédès. The Count bowed again, but more deeply than the first time; he was even paler than Mercedes.

«Madame, dit-il, M. le comte et vous me récompensez trop généreusement d’une action bien simple. |||||||||reward|||||| Sauver un homme, épargner un tourment à un père, ménager la sensibilité d’une femme, ce n’est point faire une bonne œuvre, c’est faire acte d’humanité.» Save|||||torment||||spare|||||||||||||||

À ces mots, prononcés avec une douceur et une politesse exquises, Mme de Morcerf répondit avec un accent profond:

«Il est bien heureux pour mon fils, monsieur, de vous avoir pour ami, et je remercie Dieu qui a fait les choses ainsi.»

Et Mercédès leva ses beaux yeux au ciel avec une gratitude si infinie, que le comte crut y voir trembler deux larmes. And Mercedes raised her beautiful eyes to heaven with such infinite gratitude that the count thought he saw two tears tremble there.

M. de Morcerf s’approcha d’elle. M. de Morcerf approached her.

«Madame, dit-il, j’ai déjà fait mes excuses à M. le comte d’être obligé de le quitter, et vous les lui renouvellerez, je vous prie. |||||||||||||||||||||renew||| "Madame," said he, "I have already apologized to the Count for being obliged to leave him, and you will renew them to him, I beg you." La séance ouvre à deux heures, il en est trois, et je dois parler. The meeting opens at two o'clock, there are three, and I must speak.

—Allez, monsieur, je tâcherai de faire oublier votre absence à notre hôte, dit la comtesse avec le même accent de sensibilité. |||will||||||||||||||||| "Go, sir, I will try to make your guest forget your absence," said the countess, with the same accent of sensibility. Monsieur le comte, continua-t-elle en se retournant vers Monte-Cristo nous fera-t-il l’honneur de passer le reste de la journée avec nous? Count, "she continued, turning to Monte Cristo," will he do us the honor of spending the rest of the day with us?

—Merci, madame, et vous me voyez, croyez-le bien, on ne peut plus reconnaissant de votre offre; mais je suis descendu ce matin à votre porte, de ma voiture de voyage. "Thanks, madame, and you see me, believe it, you can not be more grateful for your offer; but I went down this morning to your door, from my traveling car. Comment suis-je installé à Paris, je l’ignore; où le suis-je, je le sais à peine. |||||||ignore|||||||||barely How am I settled in Paris, I do not know; where am I, I hardly know it. C’est une inquiétude légère, je le sais, mais appréciable cependant. It's a slight worry, I know, but a significant one nonetheless.

—Nous aurons ce plaisir une autre fois, au moins vous nous le promettez?» demanda la comtesse. "We'll have that fun another time, at least you promise us?" asked the countess.

Monte-Cristo s’inclina sans répondre, mais le geste pouvait passer pour un assentiment. |||||||||||| assent Monte-Cristo bowed without answering, but the gesture could pass for assent.

«Alors, je ne vous retiens pas, monsieur, dit la comtesse, car je ne veux pas que ma reconnaissance devienne ou une indiscrétion ou une importunité. |||||||||||||||||||||indiscretion|||importunity "So I am not holding you back, sir," said the countess, "for I do not want my gratitude to become either an indiscretion or an importunity.

—Mon cher comte, dit Albert, si vous le voulez bien, je vais essayer de vous rendre à Paris votre gracieuse politesse de Rome, et mettre mon coupé à votre disposition jusqu’à ce que vous ayez eu le temps de monter vos équipages. "My dear count," said Albert, "if you please, I will try to return to Paris your gracious politeness of Rome, and put my coupe at your disposal until you have had time to assemble your equipages."

—Merci mille fois de votre obligeance, vicomte, dit Monte-Cristo, mais je présume que M. Bertuccio aura convenablement employé les quatre heures et demie que je viens de lui laisser, et que je trouverai à la porte une voiture quelconque tout attelée.» "Thank you a thousand times for your kindness, viscount," said Monte Cristo, "but I presume that M. Bertuccio will have made good use of the four and a half hours that I have just left him, and that I will find some carriage at the door. »

Albert était habitué à ces façons de la part du comte: il savait qu’il était, comme Néron, à la recherche de l’impossible, et il ne s’étonnait plus de rien; seulement, il voulut juger par lui-même de quelle façon ses ordres avaient été exécutés, il l’accompagna donc jusqu’à la porte de l’hôtel. Albert was accustomed to these ways on the part of the count: he knew that he was, like Nero, in search of the impossible, and he was no longer astonished at anything; only, he wanted to judge for himself how his orders had been executed, so he accompanied him to the door of the hotel.

Monte-Cristo ne s’était pas trompé: dès qu’il avait paru dans l’antichambre du comte de Morcerf, un valet de pied, le même qui à Rome était venu apporter la carte du comte aux deux jeunes gens et leur annoncer sa visite, s’était élancé hors du péristyle, de sorte qu’en arrivant au perron l’illustre voyageur trouva effectivement sa voiture qui l’attendait. |||||||||||||||||||||||||||||card||||||||||||||||peristyle|||||||||||||| Monte Cristo had not been mistaken: as soon as he had appeared in the Comte de Morcerf's antechamber, a footman, the same one who in Rome had come to bring the Comte's card to the two young people and announce his visit, had rushed out of the peristyle, so that on arriving at the steps the illustrious traveler actually found his carriage waiting for him. Монте-Кристо не ошибся: как только он появился в предместье графа де Морсера, лакей, тот, кто в Риме пришел, чтобы принести карточку графа двум молодым людям и объявить им его Посещение произошло за пределами перистиля, так что, достигнув шагов, прославленный путешественник действительно нашел, что его экипаж ждет его.

C’était un coupé sortant des ateliers de Keller, et un attelage dont Drake avait, à la connaissance de tous les lions de Paris, refusé la veille encore dix-huit mille francs. ||coupe||||||||harness|||||||||||||||||||| It was a coupe coming out of Keller's workshops, and a carriage of which Drake had, to the knowledge of all the lions of Paris, refused the day before still eighteen thousand francs.

«Monsieur, dit le comte à Albert, je ne vous propose pas de m’accompagner jusque chez moi, et je ne pourrais vous montrer qu’une maison improvisée, et j’ai, vous le savez, sous le rapport des improvisations, une réputation à ménager. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||house "Sir," said the count to Albert, "I do not propose to accompany you to my house, and I can only show you an improvised house, and I know, as you know, that improvisations reputation to spare. Accordez-moi un jour et permettez-moi alors de vous inviter. Give me a day and then let me invite you. Je serai plus sûr de ne pas manquer aux lois de l’hospitalité. |||||||||laws|| I will be more sure not to miss the laws of hospitality.

—Si vous me demandez un jour, monsieur le comte, je suis tranquille, ce ne sera plus une maison que vous me montrerez, ce sera un palais. Décidément, vous avez quelque génie à votre disposition.

—Ma foi, laissez-le croire, dit Monte-Cristo en mettant le pied sur les degrés garnis de velours de son splendide équipage, cela me fera quelque bien auprès des dames.» "Faith, let him believe it," said Monte Cristo, putting his foot on the velvet steps of his splendid crew, "it will do me some good with the ladies."

Et il s’élança dans sa voiture, qui se referma derrière lui, et partit au galop, mais pas si rapidement que le comte n’aperçut le mouvement imperceptible qui fit trembler le rideau du salon où il avait laissé Mme de Morcerf. And he rushed into his carriage, which closed behind him, and set off at a gallop, but not so quickly that the count perceived the imperceptible movement which made the curtain of the salon in which he had left Madame de Morcerf tremble.

Lorsque Albert rentra chez sa mère, il trouva la comtesse au boudoir, plongée dans un grand fauteuil de velours: toute la chambre, noyée d’ombre, ne laissait apercevoir que la paillette étincelante attachée çà et là au ventre de quelque potiche ou à l’angle de quelque cadre d’or. ||||||||||||||||||||||drowned|||||||spark||||||||||pot||||||| When Albert returned to his mother's house, he found the Countess in the boudoir, immersed in a large velvet armchair: the whole room, drowned in shadow, showed only the sparkling glitter attached here and there to the belly of some vase or to the angle of some golden frame.

Albert ne put voir le visage de la comtesse perdu dans un nuage de gaze qu’elle avait roulée autour de ses cheveux comme une auréole de vapeur; mais il lui sembla que sa voix était altérée: il distingua aussi, parmi les parfums des roses et des héliotropes de la jardinière, la trace âpre et mordante des sels de vinaigre; sur une des coupes ciselées de la cheminée en effet, le flacon de la comtesse, sorti de sa gaine de chagrin, attira l’attention inquiète du jeune homme. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||heliotropes|||planter|||||biting|||||||||||||||||||||||gown|||||||| Albert could not see the face of the Countess lost in a cloud of gauze which she had rolled around her hair like a halo of vapor; but it seemed to him that his voice was altered; he also distinguished, among the perfumes of the roses and heliotropes of the gardener, the harsh and biting trace of the salts of vinegar; on one of the chiseled cups of the fireplace, in fact, the Countess's bottle, drawn out of her sheath of sorrow, attracted the young man's worried attention.

«Souffrez-vous, ma mère? "Do you suffer, mother? s’écria-t-il en entrant et vous seriez-vous trouvée mal pendant mon absence? he cried as he entered, and would you have been ill while I was gone?

—Moi? non pas, Albert; mais, vous comprenez, ces roses, ces tubéreuses et ces fleurs d’oranger dégagent pendant ces premières chaleurs, auxquelles on n’est pas habitué, de si violents parfums. |||||||||tuberoses||||||||||||||||||

—Alors, ma mère, dit Morcerf en portant la main à la sonnette, il faut les faire porter dans votre antichambre. "Then, mother," said Morcerf, raising his hand to the bell, "they must be carried to your antechamber. Vous êtes vraiment indisposée; déjà tantôt, quand vous êtes entrée, vous étiez fort pâle. You are really indisposed; already before, when you came in, you were very pale.

—J’étais pâle, dites-vous, Albert?

—D’une pâleur qui vous sied à merveille, ma mère, mais qui ne nous a pas moins effrayés pour cela, mon père et moi. ||||||||||||||||scared|||||| "A pallor which suits you perfectly, my mother, but which has not frightened us for that, my father and myself.

—Votre père vous en a-t-il parlé? "Did your father tell you about it?" demanda vivement Mercédès.

—Non, madame, mais c’est à vous-même, souvenez-vous, qu’il a fait cette observation. "No, madame, but it is to you, remember, that he made this observation."

—Je ne me souviens pas», dit la comtesse. "I don't remember," said the countess.

Un valet entra: il venait au bruit de la sonnette tirée par Albert. A valet entered: he came at the sound of the bell pulled by Albert.

«Portez ces fleurs dans l’antichambre ou dans le cabinet de toilette, dit le vicomte; elles font mal à Mme la comtesse. "Carry these flowers into the antechamber or into the dressing room," said the viscount; they hurt Madame la Comtesse.

Le valet obéit.

Il y eut un assez long silence, et qui dura pendant tout le temps que se fit le déménagement. ||||||||||||||||||moving

«Qu’est-ce donc que ce nom de Monte-Cristo? "What is this name of Monte Cristo? demanda la comtesse quand le domestique fut sorti emportant le dernier vase de fleurs, est-ce un nom de famille, un nom de terre, un titre simple? asked the countess, when the servant went out carrying the last vase of flowers, is it a family name, a name of land, a simple title?

—C’est, je crois, un titre, ma mère, et voilà tout. Le comte a acheté une île dans l’archipel toscan, et a, d’après ce qu’il a dit lui-même ce matin, fondé une commanderie. ||||||||||||||||||||||commandery The Count has bought an island in the Tuscan archipelago, and has, according to what he himself said this morning, founded a commandery. Vous savez que cela se fait ainsi pour Saint-Étienne de Florence, pour Saint-Georges-Constantinien de Parme, et même pour l’ordre de Malte. Au reste, il n’a aucune prétention à la noblesse et s’appelle un comte de hasard, quoique l’opinion générale de Rome soit que le comte est un très grand seigneur. Besides, he has no pretensions to the nobility, and is called a count of chance, although the general opinion of Rome is that the count is a very great lord.

—Ses manières sont excellentes, dit la comtesse, du moins d’après ce que j’ai pu en juger par les courts instants pendant lesquels il est resté ici. "His manners are excellent," said the countess, "at least from what I have been able to judge by the short moments during which he remained here.

—Oh! parfaites, ma mère, si parfaites même qu’elles surpassent de beaucoup tout ce que j’ai connu de plus aristocratique dans les trois noblesses les plus fières de l’Europe, c’est-à-dire dans la noblesse anglaise, dans la noblesse espagnole et dans la noblesse allemande.» |||||||||||||||||||||nobility|||||||||||||||||||||

La comtesse réfléchit un instant, puis après cette courte hésitation elle reprit:

«Vous avez vu, mon cher Albert, c’est une question de mère que je vous adresse là, vous le comprenez, vous avez vu M. de Monte-Cristo dans son intérieur; vous avez de la perspicacité, vous avez l’habitude du monde, plus de tact qu’on n’en a d’ordinaire à votre âge; croyez-vous que le comte soit ce qu’il paraît réellement être? "You have seen, my dear Albert, it is a mother's question that I am addressing to you there, you understand it, you have seen M. de Monte-Cristo in his home; you have perspicacity, you are used to the world, more tact than usual at your age; do you think the count is what he really appears to be?

—Et que paraît-il? -And what does it seem?

—Vous l’avez dit vous-même à l’instant, un grand seigneur. “You said it yourself a moment ago, a great lord.

—Je vous ai dit, ma mère, qu’on le tenait pour tel. “I told you, mother, that he was taken for granted.

—Mais qu’en pensez-vous, vous, Albert?

—Je n’ai pas, je vous l’avouerai, d’opinion bien arrêtée sur lui; je le crois Maltais. |||||admit it||||||||| "I do not have, I will confess, a firm opinion of him; I believe it Maltese.

—Je ne vous interroge pas sur son origine; je vous interroge sur sa personne.

—Ah! sur sa personne, c’est autre chose; et j’ai vu tant de choses étranges de lui, que si vous voulez que je vous dise ce que je pense, je vous répondrai que je le regarderais volontiers comme un des hommes de Byron, que le malheur a marqué d’un sceau fatal; quelque Manfred, quelque Lara, quelque Werner; comme un de ces débris enfin de quelque vieille famille qui, déshérités de leur fortune paternelle, en ont trouvé une par la force de leur génie aventureux qui les a mis au-dessus des lois de la société. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||debris||||||||||||||||||||||||||||||||| about his person is something else; and I have seen so many strange things about him, that if you want me to tell you what I think, I will answer you that I would gladly regard him as one of Byron's men, whom misfortune has marked with a fatal seal ; some Manfred, some Lara, some Werner; like one of those remnants of some old family who, deprived of their paternal fortune, found one by the force of their adventurous genius which put them above the laws of society.

—Vous dites?...

—Je dis que Monte-Cristo est une île au milieu de la Méditerranée, sans habitants, sans garnison, repaire de contrebandiers de toutes nations, de pirates de tous pays. ||||||||||||||||garrison||||||||||| —I say that Monte-Cristo is an island in the middle of the Mediterranean, without inhabitants, without garrison, lair of smugglers of all nations, of pirates of all countries. Qui sait si ces dignes industriels ne payent pas à leur seigneur un droit d’asile? Who knows if these worthy manufacturers do not pay their lord a right of asylum?

—C’est possible, dit la comtesse rêveuse. |||||dreamy "It is possible," said the countess dreamily.

—Mais n’importe, reprit le jeune homme, contrebandier ou non, vous en conviendrez, ma mère, puisque vous l’avez vu, M. le comte de Monte-Cristo est un homme remarquable et qui aura les plus grands succès dans les salons de Paris. Et tenez, ce matin même, chez moi, il a commencé son entrée dans le monde en frappant de stupéfaction jusqu’à Château-Renaud. And look, this very morning, at my place, he began his entry into the world by striking with amazement as far as Château-Renaud.

—Et quel âge peut avoir le comte? demanda Mercédès, attachant visiblement une grande importance à cette question. Mercedes asked, obviously attaching great importance to this question.

—Il a trente-cinq à trente-six ans, ma mère.

—Si jeune! c’est impossible, dit Mercédès répondant en même temps à ce que lui disait Albert et à ce que lui disait sa propre pensée. it is impossible, "said Mercedes, replying at the same time to what Albert said to him and to what his own thoughts told him.

—C’est la vérité, cependant. “It's the truth, however. Trois ou quatre fois il m’a dit, et certes sans préméditation, à telle époque j’avais cinq ans, à telle autre j’avais dix ans, à telle autre douze; moi, que la curiosité tenait éveillé sur ces détails, je rapprochais les dates, et jamais je ne l’ai trouvé en défaut. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||was comparing|||||||||| Three or four times he told me, and certainly without premeditation, at that time I was five, at another I was ten, at that other twelve; I, whom curiosity kept awake on these details, brought the dates closer together, and I never found it in default. L’âge de cet homme singulier, qui n’a pas d’âge, est donc, j’en suis sûr, de trente-cinq ans. The age of this singular man, who has no age, is therefore, I am sure, thirty-five years. Au surplus, rappelez-vous, ma mère, combien son œil est vif, combien ses cheveux sont noirs et combien son front, quoique pâle, est exempt de rides; c’est une nature non seulement vigoureuse, mais encore jeune.» |surplus||||||||||||||||||||||||||||||||| In addition, remember, my mother, how bright is her eye, how black her hair is, and how pale, her brow is free of wrinkles; it is a nature not only vigorous, but still young. "

La comtesse baissa la tête comme sous un flot trop lourd d’amères pensées. |||||||||||bitter| The countess lowered her head as if under a flood of bitter thoughts.

«Et cet homme s’est pris d’amitié pour vous, Albert? "And did this man become friends with you, Albert? demanda-t-elle avec un frissonnement nerveux.

—Je le crois madame.

—Et vous... l’aimez-vous aussi? -And you ... do you like it too?

—Il me plaît, madame, quoi qu’en dise Franz d’Épinay, qui voulait le faire passer à mes yeux pour un homme revenant de l’autre monde.» ||||||||||||||||||||returning||| "I like it, madame, whatever Franz d'Epinay says, who wanted to make it pass to my eyes for a man coming back from the other world."

La comtesse fit un mouvement de terreur. The countess made a movement of terror.

«Albert, dit-elle d’une voix altérée, je vous ai toujours mis en garde contre les nouvelles connaissances. "Albert," she said, in an altered voice, "I have always warned you against new acquaintances. Maintenant vous êtes homme, et vous pourriez me donner des conseils à moi-même; cependant je vous répète: Soyez prudent, Albert. Now you are a man, and you could give me some advice; however, I repeat to you: Be careful, Albert.

—Encore faudrait-il, chère mère, pour que le conseil me fût profitable, que je susse d’avance de quoi me méfier. ||||||||||||||knew|||||beware "It would still be necessary, dear mother, for the council to be profitable to me, that I must know in advance what to beware of. Le comte ne joue jamais, le comte ne boit que de l’eau dorée par une goutte de vin d’Espagne; le comte s’est annoncé si riche que, sans se faire rire au nez, il ne pourrait m’emprunter d’argent: que voulez-vous que je craigne de la part du comte? |||||||||||||||||||||||||||||||||||borrow|||||||||||| The count never plays, the count drinks only water gilded by a drop of Spanish wine; the count has announced himself so rich that, without being laughed at in the face, he could not borrow money from me: what do you expect me to fear from the count?

—Vous avez raison, dit la comtesse, et mes terreurs sont folles, ayant pour objet surtout un homme qui vous a sauvé la vie. “You are right,” said the countess, “and my terrors are mad, having for object above all a man who saved your life. À propos, votre père l’a-t-il bien reçu, Albert? By the way, did your father receive it, Albert? Il est important que nous soyons plus que convenables avec le comte. It is important that we are more than adequate with the count. M. de Morcerf est parfois occupé, ses affaires le rendent soucieux, et il se pourrait que, sans le vouloir.... M. de Morcerf is sometimes busy, his business makes him anxious, and it could be that, unwillingly ....

—Mon père a été parfait, madame, interrompit Albert; je dirai plus: il a paru infiniment flatté de deux ou trois compliments des plus adroits que le comte lui a glissés avec autant de bonheur que d’à-propos, comme s’il l’eût connu depuis trente ans. Chacune de ces petites flèches louangeuses a dû chatouiller mon père, ajouta Albert en riant, de sorte qu’ils se sont quittés les meilleurs amis du monde, que M. de Morcerf voulait même l’emmener à la Chambre pour lui faire entendre son discours.» |||||praising|||tickle||||||||||||||||||||||||||||to||||| Each of these little arrogant arrows must have tickled my father, "added Albert, laughing," so that they have parted the best friends in the world, that Monsieur de Morcerf even wanted to take him to the Chamber to make his speech heard. . "

La comtesse ne répondit pas; elle était absorbée dans une rêverie si profonde que ses yeux s’étaient fermés peu à peu. The countess did not answer; she was absorbed in a reverie so profound that her eyes had closed little by little. Le jeune homme, debout devant elle, la regardait avec cet amour filial plus tendre et plus affectueux chez les enfants dont les mères sont jeunes et belles encore; puis, après avoir vu ses yeux se fermer, il l’écouta respirer un instant dans sa douce immobilité, et, la croyant assoupie, il s’éloigna sur la pointe du pied, poussant avec précaution la porte de la chambre où il laissait sa mère. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||asleep|||||||||||||||||||| The young man, standing in front of her, looked at her with that filial love more tender and affectionate in children whose mothers are still young and beautiful; then, after seeing her eyes close, he listened to her breathe for a moment in her soft stillness, and, believing her asleep, he tiptoed away, cautiously pushing open the door of the room where he left his mother.

«Ce diable d’homme murmura-t-il en secouant la tête, je lui ai bien prédit là-bas qu’il ferait sensation dans le monde: je mesure son effet sur un thermomètre infaillible. "This devil of a man," he murmured, shaking his head, "I predicted to him there that he would make a sensation in the world; I measure his effect on an infallible thermometer. Ma mère l’a remarqué, donc il faut qu’il soit bien remarquable.» My mother noticed it, so it must be remarkable. "

Et il descendit à ses écuries, non sans un dépit secret de ce que, sans y avoir même songé, le comte de Monte-Cristo avait mis la main sur un attelage qui renvoyait ses bais au numéro 2 dans l’esprit des connaisseurs. ||||||||||||||||||thought|||||||||||||||||||||| And he went down to his stables, not without a secret spite of the fact that, without having even thought of it, the Count of Monte Cristo had put his hand on a carriage which returned his kisses to number 2 in the minds of connoisseurs.

«Décidément, dit-il, les hommes ne sont pas égaux; il faudra que je prie mon père de développer ce théorème à la Chambre haute.» |||||||||||||||||||theorem|||| "Decidedly," he says, "men are not equal; I will have to ask my father to develop this theorem in the Upper House. "