1ER MAI : JOUR DE COLÈRE
Hé ! Vous cherchez quoi là ? Un scoop ? Allez, barrez-vous ! Barrez-vous !
Arrête de taper !
Il y a une dose de gaz absolument délirante. Il y en a partout.
J'ai essayé de tenir aussi longtemps que je pouvais dans les lacrymos mais c'était trop dur là.
Retour de flammes ou bien baroud d'honneur ?
C'était la question que posait ce 1er mai
et 13e journée de mobilisation contre la réforme des retraites.
Selon le ministère de l'Intérieur, les manifestations ont rassemblé 782 000 personnes,
dont 112 000 à Paris.
Pour la CGT, c'était 2,3 millions au niveau national et 500 000 à Paris.
Quels que soient les chiffres, on est quand même assez loin d'un essoufflement.
Ça fait au moins 30 ans qu'il n'y a pas eu de 1er mai aussi fort dans le pays.
Et ce qui fait le caractère inédit de cette journée,
c'est qu'aujourd'hui, Paris est en quelque sorte la capitale mondiale du mouvement social
puisque à nos côtés, il y a une centaine de dirigeants syndicaux des cinq continents
qui sont venus pour nous soutenir.
Parce que notre mobilisation elle a un impact mondial.
La dérive sécuritaire du pouvoir, les régressions sociales en France,
elles inquiètent dans le monde entier,
puisque si on tire les droits des Françaises et des Français vers le bas,
c'est les droits de tous les travailleuses et travailleurs du monde qui sont rabaissés.
Le 1er mai, ce n'est pas que le muguet,
c'est aussi la fête internationale des travailleuses et travailleurs.
Des délégations syndicales du monde entier étaient venues battre le pavé parisien.
L'occasion de se rendre compte de l'exception culturelle du gouvernement français
au niveau du dialogue social.
Je suis venue ici apporter le soutien de 50 millions de travailleurs
et de leurs syndicats au peuple français.
Je pense que c'est une honte que le gouvernement français
ne négocie pas avec les syndicats
et que les réformes ne passent pas par le dialogue social.
En Europe, nous regardons la France
et nous attendons qu'elle soit un exemple de démocratie.
Et un des fondements de la démocratie,
c'est les syndicats.
Maintenant que la loi est promulguée, le camp social hésite.
Faut-il poursuivre le bras de fer ou commencer à regarder vers de nouveaux combats ?
Je le dis, je le répète, ça va coûter beaucoup plus cher.
C'est-à-dire qu'il faut que le gouvernement comprenne que l'exigence syndicale
sur les questions de salaire,
sur les questions de conditions de travail,
va être très très élevée et que pour calmer le ressentiment
et la colère, il y a d'abord un sujet retraite.
Il n'est pas trop tard pour être sage.
Je n'y crois pas beaucoup, à la sagesse du président de la République ou du gouvernement sur ce sujet.
Il n'est pas trop tard, mais surtout, il va falloir répondre sur la question salariale,
il va falloir répondre sur la question des conditions de travail, et pas de façon cosmétique.
Les services de renseignement avaient donné dans l'alarmisme.
Selon eux, ce 1er mai s'annonçait historique et vengeur.
Dans les faits, les heurts ont commencé sur le boulevard Voltaire dès le début de la manifestation.
Et l'averse de grêle n'a refroidi personne.
Pétards et engins incendiaires pleuvent sur les policiers.
L'un d'eux reste au sol.
A quelques mètres de là, un autre fonctionnaire sera touché par un cocktail Molotov
et brûlé au deuxième degré.
Les bonds sont offensifs et les matraquages aveugles.
Le cortège de tête est fort de plusieurs milliers de personnes
qui n'hésitent pas à aller au contact.
Au pas de charge, les premiers manifestants débouchent sur la place de la Nation,
qui se transforment rapidement en un champ de bataille noyé dans le gaz.
Un feu se déclare au pied de cet immeuble, où se trouve une cuve de mazout.
Un journaliste prévient les CRS.
Nourries par le fioul, les flammes progressent le long du trottoir.
Les policiers s'improvisent alors pompiers, avec leurs canons à eau.
La tension ne redescend pas.
Les blessés sont nombreux de part et d'autre.
La préfecture annonce 259 policiers blessés à Paris,
impossible de savoir combien du côté des manifestants.
On apprendra plus tard qu'un homme a perdu une main à Nantes.
Ce policier lance une grenade lacrymogène sur les streets médics,
en train de prendre en charge un blessé.
Y a des blessés, bande de cons !
Face au nombre et à la détermination des manifestants,
L'action de la police ressemble de moins en moins à du maintien de l'ordre,
et de plus en plus à de la bastonade en règle.
Et coup de pied au visage pour finir.
Personne n'essaie d'interpeller. On est dans la punition.
Les affrontements durent plusieurs heures.
305 personnes ont été arrêtées dans la capitale.
Une tentative de manifestation non déclarée dans le quartier de l'Opéra
sera vite avortée dans la soirée.
Ce que nous avons vécu hier à Paris avait tout d'un acte des Gilets jaunes.
Une rage immense et une violence déterminée.
Des manifestants ont été blessés,
des policiers ont été blessés
et des journalistes ont été blessés.
Était-ce le dernier soubresaut d'un mouvement social à qui on n'a donné aucun débouché politique
ou le début d'une nouvelle phase insurrectionnelle.
Impossible à dire, mais une chose est sûre.
Les graines de la colère plantées par le gouvernement
n'ont pas fini de germer dans les rues de France.